Article publié par une camarade américaine le 29 mai dernier sur les événements entourant le meurtre de George Floyd aux mains de la police.

Le système capitaliste raciste a encore une fois produit la même tragédie, jusqu’aux dernières paroles de George Floyd qui étaient les mêmes qu’Eric Garner de Staten Island, tué par la police en 2014. Le meurtre de Floyd aux mains de la police a déclenché certaines des plus grandes manifestations jamais vues dans la région de Minneapolis, et des actions similaires se sont déjà étendues à d’autres villes comme Los Angeles et Memphis.

Lundi le 25 mai à 20 heures, la police a été appelée à l’épicerie Cup Foods, dans le sud de Minneapolis, pour enquêter sur un cas présumé de contrefaçon. Quelques heures plus tard, une déclaration de routine a été publiée par la police avec le titre inoffensif : « En homme meurt après un incident médical lors d’une intervention policière ».

Du jour au lendemain, cependant, le récit officiel s’est dévoilé alors qu’une vidéo de deux officiers se tenant au-dessus du corps d’un homme noir est devenue virale. Dans la séquence filmée par un spectateur, on voit un des officiers agenouillé sur le cou de l’homme alors qu’il supplie : « Je ne peux pas respirer! S’il-vous-plaît, je ne peux pas respirer! Je vais mourir! » Alors qu’il continue à haleter désespérément pendant plusieurs minutes, l’un des officiers lui demande d’un ton exaspéré : « Que voulez-vous? » Quelques heures plus tard, George Floyd est déclaré mort.

La première déclaration de la police affirmait avoir trouvé un homme soupçonné d’être en état d’ébriété. Elle informait le public que la police avait appelé une ambulance pour une personne « souffrant de détresse médicale » – sans mentionner comment un officier agenouillé sur son cou avait pu provoquer cette détresse.

Au cours de la matinée de mardi, d’autres photos et vidéos ont été diffusées sur les médias sociaux. Une image montre quatre policiers au total, dont trois sont debout, tandis que leur collègue s’agenouille sur le cou de George.

Une manifestation a été organisée à la hâte sur Facebook par Black Lives Matter Minnesota, le lendemain à 17 heures. À 15 heures, les quatre policiers impliqués – Derek Chauvin, Thomas Lane, Tou Thao et J. Alexander Kueng – avaient été licenciés. Mais les gens avaient déjà commencé à se rassembler devant Cup Foods.

En plein milieu de la pandémie de coronavirus, on ne savait pas quel type de réponse l’appel à l’action allait recevoir. Mais après un long hiver, au milieu de la pire crise économique de l’histoire des États-Unis, et avec des millions de personnes rendues amères par les résultats des primaires présidentielles, la colère qui mijotait dans la société était prête à éclater à la surface. C’est le 49e meurtre d’un Noir par la police dans la seule ville de Minneapolis depuis 2000, et il est clair qu’assez c’est assez – pandémie ou non.

Pas de justice! Pas de paix!

Les organisateurs de la manifestation ont distribué des masques de protection, du désinfectant pour les mains et des bouteilles d’eau à tous ceux qui en avaient besoin, et la distanciation sociale a été encouragée. Au plus fort de la manifestation, des centaines de personnes ont défilé pacifiquement en portant des pancartes telles que « Black Lives Matter » (« La vie des noirs compte ») et « Je ne peux pas respirer! » et en scandant « Fuck Trump! » et « Pas de justice, pas de paix! ».

La rage incontrôlée et le sentiment d’impuissance de certains individus se sont exprimés à travers quelques vitres brisées de véhicules de police alors que la marche approchait du poste de police au coin de la rue Lake et de l’avenue Minnehaha. En représailles, la police a envoyé des gaz lacrymogènes et des balles non-létales dans la foule, qui comprenait des enfants, des parents et des grands-parents. Mercredi matin, le maire de Minneapolis, Jacob Frey, a publié une déclaration demandant l’arrestation du policier qui a tué George Floyd.

Spontanément, une petite foule s’est rassemblée à l’extérieur du poste de police dans la soirée. Sans doute, l’ampleur de ces manifestations aurait été encore plus grande sans la COVID-19. Des milliers de téléspectateurs ont regardé les images en direct et se sont massivement rangés du côté des manifestants.

Bien que les manifestants se soient tenus immobiles, les bras levés dans la rue, en scandant « Je ne peux pas respirer » et « Les mains en l’air, ne tirez pas », la police a encore une fois gazé la foule. Certains des manifestants ont retiré les couvercles de grandes poubelles pour les utiliser comme boucliers contre les balles tirées par la police, et toute personne tentant de jeter des objets aux policiers depuis l’arrière des barricades de fortune s’est fait dire par d’autres manifestants d’arrêter immédiatement.

Il y a quelques semaines à peine, les policiers sont demeurés bien calmes devant le capitole à Saint Paul, alors que des manifestants armés demandaient au gouverneur de rouvrir l’économie. La composition raciale et de classe de cette manifestation était décidément différente – blanche et petite bourgeoise. Mais puisque la police est un outil utilisé pour protéger la propriété privée et les profits des capitalistes, les manifestations pour la réouverture de l’économie étaient sous leur protection. Mais les manifestations pour la justice devant l’assassinat de George Floyd – qui sont au fond des manifestations contre un système qui repose sur le racisme pour exploiter et diviser la classe ouvrière – ne sont pas permises selon ces mêmes policiers.

Jusqu’à présent, les manifestations ont été largement spontanées, le produit de la colère accumulée étant libéré tel un gaz sous pression qui trouve finalement une faille par où sortir. Comme le mouvement de Ferguson qui a éclaté de manière très similaire, la colère justifiée de la communauté a été accueillie par la violence et la répression policières. En réponse, d’autres manifestations sont prévues pour le 28 et le 30 mai. Mais le mouvement est sans dirigeants et donc, en fin de compte, ne va dans aucune direction déterminée.

Certains syndicats ont publié des déclarations condamnant le département de police de Minneapolis et appelant le gouvernement de la ville à « agir ». Mais les syndicats doivent en faire bien davantage! Ils devraient se lier directement aux manifestations et mobiliser leurs membres pour envahir les rues. Avec 364 000 syndiqués dans tout l’État, les rues de la ville pourraient être immobilisées si les dirigeants syndicaux agissaient. C’est la classe ouvrière qui a le pouvoir de « fermer la ville » par la grève! Une grève générale dans toute la ville – sur le modèle de la grève des Teamsters de 1934 – attirerait certainement l’attention des autorités! Elle poserait aussi la question suivante : qui devrait diriger la société?

Néanmoins, des éléments d’organisation ont été observés de manière embryonnaire dans les 48 premières heures de ce mouvement, comme la distribution de masques, de désinfectant pour les mains et d’autres dons à ceux qui en ont besoin. Nous voyons également la preuve que de grandes foules de manifestants sont parfaitement capables de « maintenir l’ordre » elles-mêmes. Par exemple, des individus ont essayé de jeter des déchets à la police dans une colère effrénée, mais ont été arrêtés par le reste de la foule afin de ne pas donner aux policiers une excuse pour déclencher encore plus de violence. Bien que certains profitent du chaos et de la désorganisation qui découlent d’un mouvement spontané et sans dirigeants pour piller des magasins et même brûler des bâtiments, ces actions ne sont pas une fonction des protestations mais un produit du système que la police défend. Le capitalisme crée un monde d’abondance dans lequel des armées de gens affamés n’ont pas les moyens d’acheter les produits se trouvant dans les magasins de détail et que des appartements de luxe restent vacants en pleine crise du logement. Ces contradictions ont été exacerbées par la catastrophe économique qui s’est abattue sur les travailleurs et les pauvres. Dans l’ensemble des États-Unis, 41 millions de travailleurs ont perdu leur emploi depuis mars, dont 39% sont des travailleurs à bas salaire gagnant moins de 49 000 dollars par année. 35% des ménages avec enfants sont désormais en situation d’insécurité alimentaire. Cette situation a engendré un climat explosif de colère qui cherche désespérément à s’exprimer.

Pour faire avancer les choses, les syndicats devraient se joindre activement aux manifestants dans cette lutte commune des travailleurs contre le système capitaliste raciste. Avec les ressources et la force du nombre des syndicats, le mouvement prendrait un tout autre caractère. La police serait moins susceptible de lancer des gaz lacrymogènes sur des milliers de pompiers, de sidérurgistes et de métallos! Mais si elle le faisait contre l’ensemble de la classe ouvrière, cela pourrait déclencher une crise bien plus grave pour le gouvernement qui ne se limiterait pas aux villes jumelles Minneapolis et Saint Paul.

À bas le système capitaliste raciste

Malgré sa façade « Minnesota nice », le Minnesota est l’un des États les plus inégalitaires du pays sur le plan racial, et la colère et la frustration de la classe sociale sont palpables. Avant la COVID-19, seuls 7% des blancs au Minnesota vivaient sous le seuil de pauvreté officiel, contre 32 % des résidents noirs. Le taux de chômage officiel des Noirs était près de trois fois plus élevé que celui des Blancs. Pendant des décennies, les familles noires se sont vu interdire l’achat de propriétés dans des « quartiers blancs » désignés par des « pactes raciaux » inscrits dans des lois écrites entre 1910 et 1950. Ce racisme institutionnalisé, pur et simple, est intrinsèque au capitalisme américain.

En règle générale, les policiers ne patrouillent pas dans leurs propres quartiers. Ils sont souvent recrutés dans les couches les plus réactionnaires de la société et se déchaînent sur les quartiers pauvres et ouvriers pour terroriser des populations qu’ils méprisent. C’est pourquoi les appels à un « contrôle communautaire » de la police et pour que les patrouilleurs travaillent dans les quartiers d’où ils viennent occupe l’esprit de beaucoup de gens chaque fois qu’un policier blanc tue un Noir dans la rue.

Mais il est impossible d’établir un contrôle communautaire sur nos propres quartiers, et de garantir notre sécurité alors qu’il existe une inégalité fondamentale dans tous les autres aspects de la vie. Le droit à « l’égalité des chances » ne peut être réalisé qu’en abolissant le capitalisme et en remplaçant l’État capitaliste par un État dirigé démocratiquement par les travailleurs. La police fait partie de l’appareil d’État capitaliste utilisé pour défendre la minuscule minorité qui possède les moyens de production. Aucune mesure de contrôle ou « conseil de révision communautaire » ne changera la nature répressive de ces organes.

Les travailleurs ne peuvent pas compter sur la police capitaliste pour les protéger. La Fédération régionale du travail de Minneapolis devrait organiser des comités de défense de quartier pour unir les travailleurs syndiqués et non syndiqués et les chômeurs afin de se mobiliser pour répondre à la violence policière dans les quartiers ouvriers – c’est ainsi que nous pouvons nous défendre collectivement!

De même, les récentes demandes d’ «  action » et de «  justice » ne sont pas suffisamment concrètes. Quelles actions? Quelle justice? À quoi ressemble la justice lorsque l’ensemble du système est coupable?

Comparé à de nombreux autres cas similaires, le maire Frey a pris des mesures plus agressives pour demander des comptes à ces policiers en particulier – parce qu’il sait qu’il est assis sur un volcan. Mais nous ne devons pas faire confiance à ce pantin du Parti démocrate et des capitalistes de la ville. Nous ne devons pas non plus croire que le FBI, qui a été appelé à enquêter, peut apporter la « justice » sous quelque forme que ce soit.

L’institution policière dans son ensemble est pleine de racisme et d’abus de pouvoir, reflétant le système qu’elle protège. Retirer quelques « pommes pourries » ne change fondamentalement rien aux rapports de classe qui sont à l’origine de telles tragédies. Même si la police se comporte « à son meilleur » pendant un certain temps, un autre meurtre extrajudiciaire commis par un autre policier « hors de contrôle » finira par se produire.

Afin de maintenir un système dans lequel une petite clique dirigeante peut réprimer la grande majorité de la société, ils doivent nous diviser sur la base de la couleur de peau, la nationalité, la religion, la sexualité, le sexe, et tout ce qu’ils peuvent trouver d’autre. Lorsqu’une partie de la classe ouvrière reproche à une autre d’avoir une plus grosse part du gâteau, la classe capitaliste dort paisiblement en sachant qu’elle est propriétaire de la boulangerie. Une révolution socialiste n’effacerait pas immédiatement tous les préjugés de la société capitaliste, mais elle détruirait le fondement même sur lequel repose le racisme, afin que nous puissions le démanteler de haut en bas.

Avant qu’il ne soit lui aussi assassiné par la police à Chicago, Fred Hampton disait :

« Nous allons combattre le racisme, non pas avec le racisme, mais avec la solidarité. Nous disons que nous n’allons pas combattre le capitalisme avec le capitalisme noir, mais que nous allons le combattre avec le socialisme. […] Nous allons combattre [la réaction] en se rassemblant tous ensemble pour une révolution prolétarienne internationale. »

Et comme nous l’expliquons dans notre programme : « Les réparations pour des siècles d’exploitation, de racisme et d’oppression ne peuvent être obtenues qu’en mettant fin au capitalisme et en construisant le socialisme. »

Rejoignez la TMI et la lutte afin d’y arriver!