Deux jours après l’intervention télévisée du chef de l’Etat, dont l’un des objectifs était de balayer les soupçons de corruption qui pèsent sur Woerth et Sarkozy lui-même, leCanard Enchaîné révèle qu’Eric Woerth – encore lui – aurait autorisé la vente à « prix d’ami » d’une parcelle de la forêt de Compiègne au président de la Société des courses de Compiègne. Ce dernier est également l’un des dirigeants de l’association France Galop, qui compte parmi ses membres Florence Woerth – encore elle.

Le gouvernement répond que cette transaction est « parfaitement légale ». Mais cela ne convaincra pas les millions de jeunes, de travailleurs et de retraités dont les conditions de vie et de travail se dégradent sans cesse, en toute « légalité », pendant que les sommets de l’Etat mènent grand train aux frais du contribuable. Après tout, n’est-ce pas très légalement que Sarkozy a triplé son salaire, juste après son élection ? Et n’est-ce pas en toute légalité que Mme Bettencourt, riche d’au moins 17 milliards, a reçu du fisc un chèque de 30 millions d’euros, grâce au bouclier fiscal ? La légalité capitaliste autorise les riches à s’enrichir davantage au détriment de la grande majorité : telle est la conclusion à laquelle de plus en plus de gens parviennent. Et elle a des implications révolutionnaires.

Les enquêtes ouvertes sur les affaires en cours ont leur importance, bien sûr. Leurs conclusions peuvent achever le gouvernement. Mais elles ne pourront pas le « blanchir ». Même si la justice concluait à l’entière innocence de Woerth et Sarkozy, la masse de la population ne cesserait pas de les juger coupables. Ici, l’instinct de classe ne tient pas compte de toutes les péripéties judiciaires. Il ne s’embarrasse pas, non plus, de la présomption d’innocence. Les gens jettent un coup d’œil sur le tas de fumier qui grossit au fil des révélations – et, sans attendre les conclusions des enquêtes, ils tranchent : « c’est tout à fait le genre de ces voyous ». C’est exact. Toutes les accusations qui pèsent sur Woerth et Sarkozy sont parfaitement dans le genre de ces voyous dont la politique sert les seuls intérêts matériels d’une petite poignée de grands capitalistes.

La décomposition du gouvernement Sarkozy est irréversible. Les affaires ne font qu’accélérer son pourrissement, dont les causes fondamentales sont la crise du capitalisme et son cortège de chômage, de misère et de régression sociale. Lorsque Nicolas Sarkozy, en 2007, partait en vacances sur le yacht du milliardaire Bolloré, beaucoup de gens se disaient : « qu’il fasse ce qu’il veut de ses vacances, du moment qu’il règle nos problèmes ». Mais il n’a rien réglé. Au contraire, il a aggravé les problèmes et la souffrance de la grande majorité de la population. Dès lors, les privilèges et passe-droits qui alimentent la chronique, au sommet de l’Etat, deviennent insupportables. Et les choses ne vont pas s’arranger. Dans les deux années qui viennent, le chômage ne baissera pas sérieusement. Il est même probable qu’il continuera d’augmenter. La misère s’aggravera. De nouvelles coupes sociales et contre-réformes – dont celle visant nos retraites – sont à l’ordre du jour. Tout ceci ne peut qu’accroître et intensifier l’impopularité du gouvernement.

En septembre, la mobilisation contre la casse des retraites doit franchir un nouveau cap. Nous avons déjà souligné, dans nos articles, les limites de la stratégie des « journées d’action ». Il y a désormais un autre élément de la stratégie syndicale qui doit être discuté. Le refus des dirigeants syndicaux de « politiser » le mouvement sur les retraites serait une erreur. Les conditions peuvent être réunies pour, dans le même temps, repousser l’attaque contre les retraites et faire tomber le gouvernement Sarkozy. Les deux sont directement liés, d’ailleurs, car le gouvernement ne résisterait probablement pas à une défaite sur ce dossier. Aussi le mouvement syndical – à commencer par la CGT – doit-il mobiliser les travailleurs sur l’objectif de chasser la droite du pouvoir. Les partis de gauche et les organisations syndicales doivent réclamer des élections présidentielles et législatives anticipées. Ce mot d’ordre aurait un puissant écho parmi des millions de jeunes et de travailleurs exaspérés par la politique du gouvernement. Il renforcerait le mouvement contre la réforme des retraites et la politique de l’UMP en général. Le gouvernement est gravement affaibli. Il faut et on peut l’abattre.