Les cinq plus grandes banques canadiennes font face à la critique alors qu’ils ont donné des objectifs de vente irréalistes à leurs employé-es. Afin d’atteindre ces objectifs, les travailleur-euses de première ligne se retrouvent forcés de tromper leurs clients en les amenant à acheter des produits financiers sans qu’ils en connaissent tous les détails. Dans beaucoup de cas, on a fait pression sur les employé-es pour qu’ils enfreignent la loi afin d’augmenter leurs ventes. Trois employé-es du Groupe financier Banque TD ont révélé cette histoire à l’émission « Go Public » de la CBC en mars dernier. Depuis lors, des centaines d’employé-es actuels et anciens des cinq principales banques canadiennes sont sortis de l’ombre en portant des accusations similaires.

Cela survient au moment où les banques canadiennes ont engrangé des profits records. Malgré cela, la pression sur les employé-es et les consommateurs n’a fait qu’augmenter. Au cours des dernières années, les frais de services facturés aux client-es ont augmenté, tandis que les objectifs de vente pour les employé-es ont triplé. Plusieurs caissiers et caissières, moi y compris, se font dire qu’ils devraient se demander s’ils sont « la bonne personne pour le poste » lorsqu’ils n’atteignent pas les objectifs. Des programmes incitatifs et des bonis à la performance incitent les caissiers et caissières à utiliser des tactiques de manipulation pour dépasser leurs objectifs. Les gérants avancent que l’accent devrait être mis sur l’atteinte des objectifs par la vente de produits qui permettent d’y arriver. Ce sont habituellement des produits qui n’aident personne et ne font pas épargner de l’argent : une méthode répandue est d’augmenter la limite de crédit des gens afin qu’ils s’endettent davantage. Les personnes âgées et les immigrant-es sont parmi les plus vulnérables.

Ce ne sont pas les travailleur-euses de première ligne qui doivent en porter le blâme. Les caissiers n’essaient pas nécessairement de flouer leurs client-es, mais ils sont forcés de le faire car leur emploi en dépend. Le secteur bancaire est souvent vu comme une industrie qui offre des emplois de col blanc stables avec de bons salaires, mais plusieurs employé-es qui ne font pas partie du personnel de gestion, ce qui inclut les caissiers, caissières et les employé-es des centres d’appels, font face aux mêmes problèmes que les travailleur-euses non-syndiqués du secteur privé dont la précarité, des salaires bas et un environnement de travail stressant.

Plusieurs travailleur-euses dans les succursales sont des étudiant-es, de récents diplômé-es et, de manière générale, des jeunes travailleur-euses qui peinent à trouver un emploi. Ces travailleur-euses ont besoin de conserver un emploi qui leur offre un salaire décent, alors que leurs autres options n’offrent que le salaire minimum. La manipulation des client-es est propre au capitalisme, où la seule façon de survivre est de profiter des autres. Ce qui importe le plus, ce sont les profits des banques. En tant que travailleur-euses de première ligne, nous faisons face à un choix éprouvant : manger ou être mangé. Si nous refusions, nous serions simplement remplacés par quelqu’un d’autre.

Les seules personnes qui profitent de cet état des choses sont les exécutifs des banques et les riches actionnaires. En 2016, les cinq plus riches PDG de banque ont encaissé des indemnisations de 52 millions de dollars, dont 46 millions en bonis. Les travailleur-euses de première ligne ont été récompensés par des licenciements par milliers au cours des dernières années. Le PDG de la banque TD, Bharat Masrani, affirme que d’avoir à se serrer la ceinture est « simplement la réalité d’aujourd’hui dans un monde de faible croissance ». Si c’était vrai, pourquoi est-ce que les indemnisations des exécutifs ne sont-elles pas elles aussi soumises à l’austérité?

Par le passé, les banques canadiennes étaient acclamées comme étant plus « responsables » et plus « étroitement réglementées » que les banques américaines. Contrairement à leurs homologues américains, les banquiers canadiens étaient présentés comme étant des entrepreneurs respectables et éthiques. Leur seul service, disait-on, était pour leurs client-es et leurs employé-es. Cela s’est avéré faux. Comme tous les capitalistes, leur seule fidélité va au tout-puissant dollar. Le capitalisme, qu’il soit canadien ou américain, demeure le capitalisme.

Que faire?

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) est l’organisme gouvernemental en charge de faire respecter par les entités financières fédérales les lois, règlements et engagements industriels sur la protection des consommateurs. Dans la foulée de ce scandale, elle a décidé de lancer un examen des pratiques d’affaires dans le secteur financier. Les gens ont toutes les raisons d’être sceptiques face à ces efforts.

Nous devrions nous demander: comment se fait-il que l’ACFC, avec toutes les ressources à sa disposition, n’était pas au courant de la manipulation des client-es avec laquelle n’importe quel travailleur-euse de première ligne est familier? Pourquoi est-ce la CBC qui a dévoilé l’affaire, et non l’ACFC? Il s’agit soit d’une négligence sérieuse, ou d’une dissimulation intentionnelle de la vérité.

Mais cela ne devrait surprendre personne. Sous le capitalisme, l’État n’est que le représentant de la grande entreprise. Il est utopique de croire qu’un gouvernement au service des banques puisse prioriser les intérêts des travailleur-euses au détriment de ceux des banquiers. Ces organisations prétendument responsables de prévenir les pratiques d’entreprises douteuses, comme l’ACFC ou l’Ombudsman, sont incapables d’accomplir ces tâches ou n’y sont pas intéressées. Les véritables changements surviennent lorsque les travailleur-euses se tiennent debout face à leurs patrons pour renverser le statu quo. Cela est démontré, d’une certaine manière, par le fait que ce sont les travailleur-euses des banques qui ont exposé les actions honteuses de leurs employeurs.

En dernière analyse, nous devons défier le système capitaliste afin d’apporter un réel changement sur nos lieux de travail. En particulier, nous devons abolir la propriété privée des banques canadiennes du « Big Five », qui permet à une clique dominante et parasitaire d’engranger des profits en exploitant le travail de leurs employé-es de niveau inférieur et en trompant leurs client-es. Les employé-es de banque sont capables de faire fonctionner leur lieu de travail sans la pression de faire des ventes et d’augmenter les profits nets par leur direction. Les banques ont réduit la réglementation de la vie économique sous le capitalisme à de simples mesures comptables et d’enregistrements qui peuvent être accomplies par n’importe quel individu lettré. Cette idée fondamentale est encore plus vraie aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque où Lénine la soulignait dans son livre sur L’Impérialisme, il y a plus de 100 ans.

Seul le fait d’exproprier les banques et de les placer sous contrôle ouvrier permettra de supprimer le voile de mysticisme qui enveloppe ces tâches élémentaires de la société. Les travailleur-euses de la base sont plus que capables de faire fonctionner démocratiquement ces institutions qui devraient servir à satisfaire les besoins de la société le plus efficacement possible. C’est seulement de cette façon que nous pourrons mettre fin à ce système pourri qui exploite les travailleur-euses et manipule les personnes les plus vulnérables de notre société.