Partout au Québec, la date prévue des élections municipales est le 3 novembre 2013. Les dernières années ont été une montagne russe de scandales et de corruption pour les politiciens municipaux de la province. Gérald Tremblay, maire de Montréal depuis 2002, a quitté son poste le 5 novembre 2012 après des allégations de corruption et de liens avec la mafia. Son successeur, le maire par intérim Micheal Applebaum, n’a même pas duré jusqu’aux élections où il était censé se présenter. Le 17 juin dernier, il a été arrêté lors d’un raid prévu d’avance par la police, et fait maintenant face à 14 chefs d’accusation incluant fraude, conspiration, abus de confiance et corruption dans les affaires municipales. Comme nous l’avons dit dans de précédents articles, les partis bourgeois de Montréal sont en crise, et Projet Montréal peut capitaliser sur cela, mais seulement s’il présentent un programme radical qui pourra rompre avec le statu quo et s’adresser aux aspirations des jeunes et des travailleurs d’aujourd’hui. Alors que les partis du patronat augmentent les frais et criminalisent les manifestations dans cette ville,  ils prélèvent des milliards de dollars pour ce qu’ils appellent les «demandes» des grandes entreprises. Projet Montréal ne peut combattre la corruption des patrons sans se battre pour les intérêts des travailleurs et de la jeunesse.

Durant les dernières élections municipales, Richard Bergeron, de Projet Montréal, s’est taillé une place dans le système à deux partis. Projet Montréal s’est assuré 25% du vote et est arrivé troisième derrière Union Montréal, de Gérald Tremblay, et Vision Montréal, de Louise Harel. Le dégoût pour les deux autres partis, dont les liens avec la mafia ont été exposés lors de la campagne, était la raison principale pour laquelle Projet Montréal a été catapulté près du pouvoir, malgré l’unique siège qu’il occupait précédemment. Le programme offert par le parti, bien que limité, contenait tout de même des mesures d’expansion des services dans les secteurs ouvriers et une réduction des tarifs, ce qui a été assez pour attirer l’attention, en contraste avec la mixture de vol et d’augmentation des tarifs que les deux autres partis proposaient.

Le parti anti-corruption?

L’attention que les médias portent ces jours-ci à Projet Montréal s’attarde autour de leur financement. Le parti collecte de petits montants auprès d’individus, et publie la liste de tous les dons de plus de 100 $ sur son site internet. Cela signifie beaucoup, car tous peuvent voir à qui le parti doit son existence, ce qui contraste avec les enveloppes brunes des autres partis. Il est important qu’il y ait un parti qui ne soit pas endetté envers les chefs corrompus de la mafia. Cette année, Bergeron mettra encore plus d’emphase sur cela et sur le combat contre la corruption.

Mais est-ce que dire «Nous ne sommes pas corrompus» pourra convaincre les travailleurs lors d’une élection municipale? Souvenons-nous qu’Applebaum aussi proclamait qu’il «nettoierait l’hôtel de ville,» peu avant d’être arrêté pour corruption. Louise Harel a aussi tenté d’approcher les gens sous cet angle avant qu’il soit prouvé que des membres de son parti acceptaient des pots-de-vin. La classe ouvrière a entendu ce discours auparavant, et le cynisme à propos des élections municipales est la norme pour une bonne raison; tous les partis qui ont été portés au pouvoir ont saisi l’occasion de s’en mettre plein les poches. Plus Bergeron tentera de jouer sur ce terrain, plus le cynisme sera un facteur déterminant de l’élection. La question n’est pas : Qu’est-ce que le prochain maire promet de ne pas faire? Mais bien, pour quoi se bat-il? Que promet-il faire?

Un parti qui ne promet que de gérer la ville adéquatement sans voler ne peut pas être assez inspirant pour que les travailleurs et la jeunesse aillent voter, encore moins pour qu’ils donnent du temps comme bénévoles afin d’assurer la victoire du parti.

Le règlement municipal P-6

L’an dernier, Montréal était enflammée par les mouvements de masse entraînés par le combat des étudiants contre la hausse des frais de scolarité. C’est durant cette période que le droit de manifester fut suspendu par le gouvernement Charest par une loi spéciale. La loi demandait que la police soit avertie à l’avance de tout rassemblement de plus de 50 personnes et qu’un itinéraire soit fourni pour toute manifestation. La police aurait de plus, le droit de modifier l’heure, l’endroit et la trajectoire de toute manifestation. Ne pas se soumettre à la loi pouvait entraîner des amendes pouvant atteindre 5 000 $ et de 125 000 $ pour les associations étudiantes fautives. Le maire Tremblay a décidé qu’il serait nécessaire de renforcer cette loi provinciale par un règlement municipal aux mesures similaires, mais dont l’amende maximale était de 637 $. P-6 était né, et reste en place même si la loi provinciale a été révoquée.

Les effets continuent de se faire sentir : des centaines de personnes ont été arrêtées, détenues pendant des heures, soumises à des amendes et relâchées. On peut donner un bon exemple de l’absurdité de ce règlement; le 2 mai, un groupe de parents d’une école primaire a traversé une rue à plusieurs reprises, respectant les feux de circulation, pour protester contre la dangerosité de cette intersection. Mais comme ils n’avaient pas soumis d’itinéraire à la police, leur manifestation a été arrêtée. On a ensuite prétendu que cela n’avait rien à voir avec P-6, et qu’on avait demandé leur itinéraire à ces gens au préalable, ce qui est faux et ridicule. La police a toujours demandé plusieurs choses, mais ne pouvait auparavant stopper de manifestation sous menaces d’arrestations et d’amendes. Les menaces de la police sur la scène prouvent qu’ils ont reçu l’ordre de le faire, et le SPVM n’a tenté que de contrôler l’indignation en prétendant que le règlement P-6 n’était pas en cause.

Tremblay et Applebaum ont laissé à la ville non seulement un héritage de plusieurs milliards en corruption, mais aussi une force de police hors de contrôle avec des pouvoirs anti-démocratiques. Projet Montréal avait adopté la ligne correcte et s’était objecté à ce règlement et travaillait à son abrogation, mais cette position est absente de leur plate-forme électorale, annoncée cette semaine.

Transports publics gratuits

À la dernière élection, sur le Plateau Mont-Royal, la campagne locale allait plus loin encore que la campagne centrale ne le souhaitait. Des rumeurs circulaient disant que des activistes s’étaient fait enjoindre par le bureau-chef de Projet Montréal de ne pas parler de la demande pour des transports publics gratuits comprise dans le programme du parti. Sur le Plateau, la campagne s’est centrée malgré tout sur cette demande, on y distribuait même des tracts ayant la forme de tickets de métro qui en faisaient la publicité à toutes les maisons du quartier. Le résultat est une preuve indéniable qu’un programme radical est efficace : tous les sièges au conseil de l’arrondissement et la mairie du plateau, ont été remportés par Projet Montréal, un parti qui n’avait auparavant qu’un seul siège, celui de Bergeron, sur toute l’île de Montréal. La majeure partie des gains du parti proviennent du Plateau Mont-Royal et de la plate-forme de transports publics gratuits.

Il s’agit d’une demande qui galvaniserait les supporters partout dans la ville, mais assez étrangement, elle est aussi absente de la nouvelle plate-forme électorale du parti. C’est une erreur qui amoindrira les chances du parti de faire de nouveaux gains. Au lieu de mettre l’accent sur l’investissement massif dans le transport public pour l’étendre et le rendre gratuit pour tous, le parti veut punir l’usage de l’automobile. La plate-forme demande à ce que trois des quatres lignes du métro soient allongées, en utilisant l’argent provenant de péages sur les ponts. Elle propose aussi de réduire l’espace de stationnement au centre-ville. Bien que nous sympathisions avec cette vision de remplacer les voitures par un transport public accru, nous ne croyons pas que ça soit la bonne façon d’y arriver.

Cette approche endommagera les appuis du parti car elle punit les travailleurs qui sont forcés de prendre leur voiture pour entrer et sortir de l’île pour travailler. La solution n’est pas de taxer les travailleurs, mais un programme radical pour bâtir un réseau de transport de masse efficace et gratuit. Nous n’avons pas besoin non plus de restreindre l’espace de stationnement. Ces mesures risquent de frustrer et de nous aliéner des gens qui devraient être de notre côté. Nous pouvons trouver l’argent dans les poches des riches qui ont tiré les ficelles de l’hôtel de ville bien trop longtemps! Si chaque travailleur de Montréal et de la banlieue pouvait aller au travail gratuitement et sans embûches, il n’y aurait pas besoin de péages pour décourager les gens de conduire!

Montréal a besoin d’un parti des travailleurs

La corruption est associée à la politique, et pas seulement à la politique municipale. Mais elle ne commence pas avec la politique. La source de cette maladie est dans la relation entre les politiciens et les entreprises. La corruption est une relation d’affaires, rien de plus. La politique est corrompue parce que les affaires le sont. Dans la course au profit, on doit tirer parti de tous les avantages, et la différence entre des agissements «corrects» et mafieux n’est plus qu’hypocrisie. SNC-Lavalin n’est pas une entreprise mafieuse mais une compagnie valant plusieurs milliards, active partout dans le monde. Elle a pourtant été impliquée dans la corruption reliée au dossier du contrat du super-hôpital de Montréal, ce qui représente des pots-de-vin de 22 millions de dollars. Ce n’est que le coût des affaires.

Les politiciens ne sont que les délégués de la classe capitaliste. On ne peut représenter une bande de voleurs sans être soi-même un voleur. La question est, encore une fois, que veut faire Projet Montréal?

S’ils ne veulent que prendre le pouvoir et «mieux gérer la ville» ils feront face à la question : «La gérer pour qui?» Les voleurs ne sont pas qu’à l’hôtel de ville, ils sont dans chaque compagnie de Montréal, et viendront demander des audiences, des contrats, qu’on réponde à leurs besoins. Il y a des milliards de dollars en jeu. Peut-on croire réalistement qu’un parti puisse se défendre de cette influence?

Il n’y a qu’une façon de se défaire de la corruption, et c’est d’avoir un programme radical, un plan pour obtenir un gain immense dans la qualité de vie des travailleurs de Montréal. Pour résister à l’influence de la classe capitaliste et de leurs politiciens véreux, Projet Montréal devra se baser sur les travailleurs et la jeunesse qui ont fait vibrer cette cité avec leurs casseroles l’an dernier. Cette classe énergique et créative peut fournir à un parti de gauche le support de masse dont il a besoin, dans chaque quartier, école et lieu de travail, pour combattre les patrons et gagner. Les associations étudiantes, les syndicats, et même Québec Solidaire et le NPD devraient s’engager avec Projet Montréal sur un front commun afin de se battre pour la transformation de la ville. Et ce, derrière un programme audacieux : la fin du règlement P-6, le transport public de masse, l’expansion massive du logement social et l’expropriation de la propriété publique privatisée sous la corruption.

En bref, un programme qui combat la classe capitaliste : un programme socialiste.