Article publié le 25 janvier dernier sur notre site web anglophone, Fightback (www.marxist.ca).


De concert avec l’administration Trump, le gouvernement canadien a été à l’avant-plan de la récente tentative d’installer artificiellement le président de l’Assemblée nationale du Venezuela, Juan Guaidó, comme président. Justin Trudeau a l’audace de traiter Maduro de dictateur pendant qu’il vend pour 15 milliards de dollars d’armes à l’Arabie Saoudite. Par l’entremise des médias de masse, le gouvernement canadien tente de nous vendre un énième coup d’État de droite en Amérique latine. Mais les gens voient de plus en plus à travers le tissu de mensonges et d’hypocrisie.

Depuis maintenant vingt ans, l’impérialisme américain fait tout en son pouvoir pour organiser un coup d’État à l’encontre des désirs de la population vénézuélienne. L’objectif est de mettre fin au processus révolutionnaire entamé avec l’élection d’Hugo Chavez en 1998. Au cours de ce processus, la richesse générée par l’exploitation du pétrole a été dirigée vers les programmes sociaux, la santé et l’éducation au profit des plus démunis plutôt que de servir les entreprises pétrolières américaines et l’oligarchie locale. En 2002, un coup d’État appuyé par les États-Unis a été vaincu par un mouvement de masse. Un lockout des barons du pétrole s’en est suivi, puis un référendum révocatoire et un sabotage économique continu. Toutes ces attaques ont été repoussées. Le coup d’État qui se trame en ce moment n’est que la continuation de cette lutte qui se poursuit depuis des décennies pour que les impérialistes reprennent le contrôle du pétrole vénézuélien. Il n’a rien à voir avec des préoccupations « humanitaires » ou démocratiques de la part des gouvernements du Canada et des États-Unis.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a qualifié Maduro de dictateur lors d’une conférence. Ironiquement, il y avait à ce moment, à ses côtés, le démagogue d’extrême droite brésilien Jair Bolsonaro. Les menteurs ont souvent tendance à accuser leurs adversaires de leurs propres crimes. Les porte-parole de l’establishment ainsi que les journalistes de CBC ont accusé le gouvernement du Venezuela d’avoir banni l’opposition de droite des élections du mois de mai 2018, ce qui est complètement faux. Cependant, il est indéniable que Bolsonaro n’a pu remporter l’élection présidentielle brésilienne qu’après avoir banni illégitimement du scrutin le candidat le plus populaire, Lula da Silva. En effet, ce dernier a été emprisonné sous de fausses accusations et on lui a interdit de commenter les élections. Tout cela n’a pas empêché le régime canadien de féliciter Bolsonaro pour sa victoire et CBC d’expliquer comment les entreprises canadiennes pourraient profiter de l’avènement de ce nouveau régime autocratique au Brésil!

L’opposition au Venezuela, dont Guaidó est la nouvelle figure de proue, est loin d’être pacifique et démocratique. En 2017, elle a organisé une série de manifestations violentes tout en exigeant de nouvelles élections présidentielles. Lors de ces manifestations, ses militants ont assassiné le chaviste noir, Orlanda Figuera, en l’immolant par le feu. Maria Corina Machado, une représentante importante de l’opposition, a récemment adressé des menaces de mort envers le président Maduro en déclarant qu’il devait quitter ses fonctions immédiatement s’il voulait avoir la vie sauve. La base politique de l’opposition a d’ailleurs dévoilé sa vraie nature lorsqu’elle a présenté un plan de transition qui comprend des privatisations massives, « l’ouverture » de l’industrie pétrolière aux multinationales et des attaques envers les droits des travailleurs.

Les manifestations violentes organisées par l’opposition en 2017 ont échoué et ont finalement eu pour effet de discréditer cette dernière auprès de la population. Après avoir exigé des élections présidentielles anticipées, elle a finalement décidé de les boycotter après avoir pris conscience qu’elle n’avait aucune chance de gagner. Elle n’a donc pas été bannie et n’importe quel représentant des médias qui affirme le contraire ment. En fait, trois représentants de l’opposition se sont présentés contre Maduro, dont l’une de ses figures emblématiques, Henri Falcon, qui a obtenu 21 % des voix. Cela allait à l’encontre des recommandations des gouvernements canadien et américain qui proposaient une tactique sur le long terme dans le but d’orchestrer un coup d’État lorsque les conditions seraient plus favorables. Ils ont tenu la presse étrangère à l’écart afin d’éviter que leurs mensonges sur le « caractère frauduleux » des élections ne soient révélés. Cependant, les observateurs extérieurs tels que Zapatero, l’ancien président espagnol, n’ont rapporté aucune irrégularité majeure. Malgré le haut taux d’abstention, Maduro a obtenu l’appui de 31 % de l’électorat, ce qui est bien plus que Trump (moins de 25 %) ou Trudeau (26 %). Ces élections ont été organisées par la même commission électorale et avec les mêmes méthodes qui avaient donné la majorité à l’opposition lors des élections de l’Assemblée nationale en 2015. Nous assistons à une version moderne du test par la noyade imposé aux sorcières lors du Moyen-âge. Si les Bolivariens coulent, les élections étaient légitimes, mais s’ils flottent c’est qu’il y a eu fraude!

Aucun gauchiste ou même démocrate ne devrait appuyer ce coup d’État orchestré avec l’aide du Canada et des États-Unis. Cette hâte indécente avec laquelle le gouvernement Trudeau et l’administration Trump lui ont donné leur soutien nous montre que tout avait été planifié à l’avance. Il a d’ailleurs été révélé que Freeland s’était entretenue avec Guaidó deux semaines avant qu’il ne se déclare président de manière illégitime. Mais l’administration Trump éprouve de sérieuses difficultés au niveau des relations publiques et est largement méprisée à l’échelle internationale. Le visage plus agréable du Canada sert donc à défendre la prétendue légitimité de cette odieuse tentative de prise du pouvoir. Certains disent que le Canada n’est que la marionnette de l’impérialisme américain. En réalité, le Canada est l’un des plus importants investisseurs étrangers en Amérique latine, autant dans l’extraction de pétrole et de minéraux que dans le secteur bancaire. Par exemple, la Banque Scotia, une institution financière canadienne, est un acteur majeur dans la majorité des pays d’Amérique du Sud. Le Canada est donc tout à fait disposé à agir dans le but de défendre ses propres intérêts impérialistes et n’a pas besoin de l’impulsion des États-Unis.

Lorsqu’il s’est fait demander comment il est possible d’attaquer Maduro d’un côté et d’appuyer Bolsonaro de l’autre, le premier ministre canadien Justin Trudeau a détourné la question en disant que le gouvernement de Maduro était responsable pour « une crise humanitaire d’une ampleur que l’Amérique du Sud n’a pas connue depuis longtemps, ayant mené à un exode massif et un nombre important de réfugiés fuyant partout en Amérique du Sud. » Trudeau a hypocritement passé sous silence la caravane de réfugiés partis du Honduras qui tentent d’échapper aux répercussions du coup d’État de 2009 appuyé par le Canada et les États-Unis et de l’élection truquée de 2017. D’ailleurs, le Honduras fait partie de la pléthore de pays qui appuient la tentative de coup d’État au Venezuela. Ces politiciens se foutent de la démocratie. Ils ne sont intéressés que par les profits qu’ils peuvent tirer avec l’aide des régimes de droite.   

Ceux qui s’opposent au coup d’État sont immédiatement accusés de défendre le gouvernement Maduro et la crise économique qui secoue le pays. En réalité, nous ne sommes pas forcés de d’appuyer Maduro pour s’opposer à ce coup pro-impérialiste, pro-privatisation et  anti-travailleurs qui va assurément empirer la situation. Nous n’avons qu’à demander ce qu’en pensent les Honduriens et Haïtiens qui ont récemment souffert de coups d’État. Mais il y a de sérieux problèmes au Venezuela. Il y a des pénuries alimentaires et une situation d’hyperinflation. Les sanctions économiques du Canada et des États-Unis sont l’une des principales causes de la crise actuelle, en plus du sabotage économique par l’oligarchie (liée à l’opposition) qui contrôle encore l’économie. Le bas prix du pétrole sur le marché mondial a exacerbé toutes les contradictions au Venezuela.

Toutefois, le gouvernement Maduro s’est avéré incapable de résoudre la crise économique profonde qui secoue le pays. Ses politiques de compromis et ses concessions envers l’oligarchie et les impérialistes ont échoué. Plutôt que d’exproprier les saboteurs et de mettre le contrôle de l’économie dans les mains de la classe ouvrière, Maduro a continué à inviter les oligarques à investir. Cette faiblesse invite à l’agression et n’aide en rien à résoudre les problèmes au Venezuela. Il n’y a pas de socialisme au Venezuela puisque les principaux leviers de l’économie sont dans des mains privées et les travailleurs ne contrôlent pas la production. Cependant, comme les réformes gagnées par les travailleurs durant les années Chavez sont intolérables pour l’oligarchie et les impérialistes, il n’y a pas non plus d’économie capitaliste fonctionnelle. Cette position mitoyenne est le pire des deux mondes.

Les marxistes vénézuéliens de Lucha de Clases n’appuient pas les politiques du gouvernement Maduro et n’ont pas voté pour lui lors des élections présidentielles. Mais ils s’opposent également fermement à l’actuelle tentative de coup d’État. Ils expliquent que ce coup ne peut être combattu efficacement que par des moyens révolutionnaires et en canalisant l’enthousiasme des travailleurs, paysans et pauvres. Les marxistes vénézuéliens disent : « La seule manière de combattre ce coup d’État réactionnaire est de s’appuyer sur l’énergie révolutionnaire de la classe ouvrière et des paysans pauvres. Des milices doivent être établies dans chaque quartier, communauté et usine. Les usines doivent être saisies et placées sous contrôle ouvrier. Les latifundia (vastes propriétés agricoles) doivent être occupés et défendus grâce à des brigades de défense populaire, qui existent déjà dans plusieurs états du pays. » Il est crucial de combattre ce coup qui détruirait tous les gains du passé et ferait payer durement les travailleurs vénézuéliens pour avoir osé défier le pouvoir de l’oligarchie.

Il est tout à fait ridicule d’imaginer que Donald Trump soit d’une quelconque manière un champion de la démocratie. La suppression de votes et le trucage sont fréquents dans le système électoral américain. Le Sénat américain n’est aucunement représentatif alors que les États peu populeux ont le même nombre de sénateurs que les États où des millions de personnes vivent, la Californie par exemple. Les règles électorales créent des barrières contre les candidats de tiers partis. La politique est un jeu où l’équipe qui a le plus de milliardaires gagne. À cela s’ajoute le fait que Donald Trump n’a même pas gagné la majorité des votes dans une élection où la moitié des électeurs n’a pas voté. La légitimité démocratique du régime américain est inexistante. Trump a même excusé le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

Le Canada n’est pas mieux, mais est beaucoup plus hypocrite. Le gouvernement « progressiste » de Trudeau aime montrer un visage démocratique pro-travailleur et s’excuse pour l’oppression subie par les communautés autochtones par le passé. Malgré cela, il a rompu sa promesse d’une réforme démocratique. Le gouvernement libéral a brisé sa promesse de respecter la négociation collective et a retiré de manière répétée le droit démocratique de faire la grève, notamment aux postiers cet automne. Il a aussi renié sa promesse de respecter les autochtones et a violé à répétition la souveraineté autochtone pour des projets d’oléoducs et de gazoducs. Le Canada a toujours un monarque d’hérédité féodale comme chef d’État, et la représentante de Sa Majesté la Reine a même mis fin aux travaux de la Chambre des communes en 2008 afin d’éviter au gouvernement un vote de confiance! À cela nous pouvons ajouter l’appui du Canada à des régimes autocratiques à l’étranger. Nous n’avons absolument rien à apprendre de la soi-disant « démocratie » canadienne ou américaine.

Tous les socialistes, et tous les démocrates par ailleurs, doivent s’opposer au coup d’État impérialiste au Venezuela. En luttant contre les oppresseurs du peuple vénézuélien, nous combattons aussi nos oppresseurs à la maison. Nous disons : « Pas touche au Venezuela! Pour l’internationalisme et la démocratie ouvrière! »