« Comme partout au tiers monde, les femmes pakistanaises, et en particulier celles qui travaillent, souffrent d’une pauvreté extrême. Plus que quiconque, elles ont besoin d’une révolution socialiste. C’est la seule voie vers la liberté ! » -Anam Rab

Une des soirées du congrès mondial de la Tendance marxiste internationale, tenu en juillet dernier, a été consacrée à la situation des femmes au Pakistan. La discussion s’est tenue suite à la demande de nombreux camarades intéressés par l’activité politique des femmes dans un pays avec de graves problèmes. Anam Rab s’est exprimée pendant une demi-heure et a répondu à de nombreuses questions sur l’engagement d’une femme marxiste au Pakistan.

Elle a ainsi expliqué comment les conditions économiques et religieuses déterminent la situation du Pakistan. Les statistiques sont sans équivoque : selon les chiffres du gouvernement (déjà beaucoup trop optimistes), seuls 26% de la population féminine savent lire et écrire. Des sources plus fiables parlent, elles, de seulement 12%. Anam Rab a dressé le tableau d’une situation désastreuse : manque d’eau courante, d’électricité, chômage très élevé… On aurait tendance à rattacher ces conditions de vie et de travail à une histoire lointaine, mais elles sont la réalité du Pakistan d’aujourd’hui.

La grande majorité de la population vit sous un régime religieux qui maintient des normes morales vieilles de 1500 ans, voire plus. Anam Rab a souligné à plusieurs reprises que la situation des femmes pakistanaises doit être appréhendée dans ce contexte. Il est très important de souligner que cette même oppression historique se poursuit :  les traditions féodales qui persistent sont aujourd’hui encore plus utiles pour le capitalisme.

Si la situation des femmes au Pakistan est très différente de celle des femmes européennes, il existe également deux types de femmes pakistanaises : les femmes pauvres des classes inférieures et un très petit groupe de femmes riches. Bien que le régime religieux soit le même, les femmes bourgeoises ont accès à des conditions d’éducation et de vie totalement différentes, qui les placent dans une tout autre réalité. Par exemple, les femmes de la bourgeoisie ont leurs propres esclaves.

Selon Anam Rab, la femme pakistanaise est une femme qui vit dans un monde qui ne lui permet pas de trouver une quelconque forme de bonheur. Elle ne peut développer aucune forme d’affection avec son conjoint, ses enfants, frères ou sœurs. Quand un garçon naît au Pakistan, une grande fête est organisée. Pour les filles, il n’y a de place que pour la tristesse, parce que la dot est un lourd fardeau pour la famille. Les filles sont donc mariées à un très jeune âge afin que la famille puisse se débarrasser de ces coûts. Certaines n’ont seulement que 5 ou 6 ans …

Il en résulte qu’une fille grandit sous une répression brutale. Dans ces circonstances, il lui est quasiment impossible de se développer d’une manière saine, autant sur le plan physique que psychologique.

Les femmes sont condamnées à vivre au sein des murs de la maison familiale. Toute l’éducation qu’elles reçoivent n’est qu’une préparation à leur mariage. Une fois mariées, elles sont traitées comme des objets, responsables du ménage, destinées à subir les passions sexuelles et la violence de leur conjoint. Elles ne sont pas en mesure de choisir leur propre avenir. Si une femme tombe amoureuse du mauvais homme – celui qui n’a pas été choisi par la famille – elle est sévèrement punie, souvent par la mort. Chaque année, plus d’un millier de femmes sont ainsi assassinées pour des questions d’honneur. Les femmes accusées d’adultère sont communément battues en public ou brûlées vivantes. Leurs parents deviennent souvent complices afin d’éviter les conséquences sociales du déshonneur.

L’une des questions posées à Anam Rab aborde l’origine de son engagement marxiste. Elle a expliqué avoir eu la chance de grandir dans une famille avec une tradition marxiste : elle a donc été gagnée à la lutte révolutionnaire par les siens. Cela prouve qu’il est encore possible, en dépit de circonstances difficiles, de développer une conscience politique et de s’engager à changer la société. Elle a indiqué ne pas être la seule dans ce cas : surtout parmi celles qui travaillent à l’extérieur, certaines femmes réussissent à participer à la lutte politique et syndicale. Les syndicats ont ainsi une base militante féminine, notamment chez les infirmières et les travailleuses de l’éducation, qui a mené des mouvements de grève au cours de l’année passée.

Un nombre plus important de femmes pakistanaises a aujourd’hui accès au marché du travail. Cela est dû à la nécessité pour le capitalisme de réduire le coût du travail : à tâche égale, une femme gagne entre 30 et 70% de moins qu’un homme. Malgré tout, pour ces femmes qui travaillent en dehors de leur maison, la situation change profondément. Elles peuvent construire leur propre vie, parler à d’autres personnes et prendre conscience du monde qui les entoure.

Anam Rab a expliqué que notre organisation fait de grands efforts pour gagner les femmes à la lutte. En général, ce n’est pas leur condition de femme qui les incite à s’engager politiquement, mais plutôt la pauvreté extrême qu’elles et leurs enfants subissent. Après un premier contact, il est possible d’engager un dialogue sur le rôle que jouent les femmes dans la société et la nécessité de changer cette situation. Et une fois gagnée à la lutte, ces femmes vont jusqu’au bout puisque elles n’ont rien à perdre.

Alors qu’un festival avec des musiciennes avait été menacé par des fondamentalistes, Anam Rab nous a expliqué avec un calme sourire que les militantes se sont approprié la phrase : « Notre musique suffit à tuer les fondamentalistes. » Elle souligne ainsi la nécessité d’avoir une perspective qui vise la transformation de la société entière. La session a été clôturée sur le constant suivant : si la révolution socialiste est fondamentale pour le reste du monde, au Pakistan, elle est une question de survie immédiate.