La Grande Récession de 2008-2009 représente un tournant historique. Dans les dix années qui ont suivi, le capitalisme a été incapable de développer les forces productives et d’en arriver à une reprise substantielle. Dans ce contexte, une couche importante de travailleurs et de jeunes cherche des solutions, et le socialisme, le marxisme et l’idée d’une révolution gagnent des appuis dans un pays après l’autre. Au Canada et au Québec, les révolutionnaires de La Riposte socialiste et de la Tendance marxiste internationale mènent la charge et offrent un point de vue marxiste sur l’actualité. De plus en plus de jeunes et de travailleurs adoptent une analyse marxiste de la crise du capitalisme. C’est dans le but de contribuer à cette analyse que nous présentons ce document de travail intitulé Perspectives politiques 2018 – La nécessité d’un mouvement ouvrier combatif. Celui-ci a pour but de lier la théorie révolutionnaire avec le mouvement réel des travailleurs, de la jeunesse et des opprimés.

Le marxisme authentique rejette tout autant le verbiage universitaire abstrait et sans application pratique que le militantisme irréfléchi et la politique des petits gestes divorcés de la lutte idéologique plus large. La pratique doit être liée à la théorie et, inversement, la théorie doit être enrichie par la pratique. Nous espérons que ce document, qui présente par thème les principaux processus qui traversent la politique au pays, va susciter des discussions dans le mouvement. Nous vous encourageons à nous faire part de votre opinion, de vos commentaires ou même de vos critiques, afin que nous puissions construire un mouvement révolutionnaire véritablement pancanadien, uni aux marxistes du monde entier. Pour la première fois depuis des générations, le pendule politique va vers la gauche, et notre but est de construire le socialisme de notre vivant. Ce document de travail présente notre point de vue sur les possibilités d’y arriver. Nous attendons vos commentaires avec impatience.

 


L’absence d’un mouvement ouvrier combatif est le fait qui conditionne tous les développements au Canada et au Québec. Cette absence n’est pas due à la satisfaction matérielle de la population. La tendance générale depuis les années 70 a été la stagnation ou le déclin des conditions de vie. Elle n’est pas due à la prépondérance des idées de droite. Les sondages révèlent couramment la prépondérance de sentiments de gauche au sein de la population. Elle n’est pas due non plus à un refus de se battre de la part de la classe ouvrière. Des votes de grève de 80 %, 90 % ou même 100 %  sont monnaie courante et les syndiqués de la base participent activement aux conflits de travail qui surviennent. La responsabilité pour l’absence d’une riposte généralisée incombe à la direction des organisations ouvrières.

Selon Statistiques Canada, le salaire horaire moyen a pratiquement stagné de 1977 à 2014. D’après un représentant de l’organisme, « bien que le Canada ait subi d’importants changements économiques, sociaux et technologiques depuis les années 70, le salaire minimum et le salaire horaire moyen demeurent essentiellement inchangés. » Pourtant, la productivité du travail a grandement augmenté au cours de cette période au Canada. De 1981 à 2016, elle a connu une hausse de près de 60 % pour atteindre environ 50 dollars de valeur ajoutée par heure travaillée. Les patrons se sont approprié la richesse accrue générée par le travail de la classe ouvrière, tandis que les travailleurs luttent pour garder leur tête hors de l’eau.

Le Centre canadien de politiques alternatives a rendu publics des chiffres comparant la rémunération des PDG à celle des gens ordinaires. Le salaire annuel moyen en 2016 était de 49 738 dollars (une diminution en salaire réel comparé à 2015), tandis que les PDG ont amassé 209 fois cette somme. Les PDG empochent en moyenne 10,4 millions de dollars par année et ont déjà surpassé la paye annuelle d’une personne ordinaire dès 11 h lors du premier jour de travail de l’année. De telles disparités augmentent d’année en année et engendrent une véritable colère au sein de la population. En 2009, les PDG ont empoché « seulement » 155 fois la paye moyenne. Et pourtant, depuis lors nous avons vécu une stagnation générale. Les « capitaines d’industrie » ont lamentablement échoué à faire avancer la société, mais ce sont tout de même eux qui profitent massivement de leurs performances désastreuses.

L’inégalité des revenus mène à une énorme inégalité de richesses. Le 10 % le plus riche contrôle environ 50 % de la richesse au Canada, tandis que le 60 % le plus pauvre en contrôle moins de 10 %. En d’autres mots, les deux hommes les plus riches contrôlent autant de richesse que les 11 millions de Canadiens les plus pauvres. Entre 2005 et 2015, le 10 % du bas de l’échelle s’est appauvri de 10,5 %.

Les salaires bas et les inégalités scandaleuses ont récemment été mis en lumière par les actions misérables des patrons de Tim Hortons. Afin de s’assurer qu’aucun travailleur ne profite de l’augmentation du salaire minimum en Ontario, ils ont coupé dans les pauses payées et les avantages sociaux des travailleurs, et ont même pigé dans les pourboires! Cette attitude mesquine et rancunière a enragé l’opinion publique et a montré que la contre-révolution dans les lieux de travail atteint ses limites. Contrairement à ce qu’en disent les dirigeants syndicaux, qui aiment justifier leur inaction par les sentiments réactionnaires qu’ils attribuent à la population, celle-ci s’oppose de plus en plus aux diktats des entreprises.

Il est significatif qu’un nombre grandissant de personnes se considèrent maintenant comme faisant partie de la classe ouvrière. D’un point de vue marxiste, ceux qui sont exploités et vendent leur force de travail pour survivre sont objectivement dans la classe ouvrière. Cependant, d’immenses barrières idéologiques empêchent les membres de la classe ouvrière de se considérer comme tels et d’acquérir une conscience de classe. Les médias, le système d’éducation, les politiciens de tous les grands partis, et même les dirigeants syndicaux utilisent le terme nébuleux, atomisant et non scientifique de  « classe moyenne », qui englobe à peu près tout le monde sauf les sans-abri et les gens vivant dans des palais. Marx expliquait que les travailleurs commencent comme classe « en soi », c’est-à-dire comme matière brute facile à exploiter, suite à quoi la réalité de leur existence et leurs intérêts communs les mènent à devenir une classe « pour soi », consciente et organisée.

En 2002, près de 70 % des Canadiens se considéraient comme faisant partie de la « classe moyenne ». Et pourtant, malgré l’offensive idéologique de droite et l’absence totale d’éducation politique de la part des dirigeants des organisations ouvrières, aujourd’hui seuls 43 % des Canadiens se définissent ainsi. Présentement, environ 50 % de la population déclare faire partie de la  « classe ouvrière » ou se dit « pauvre », une augmentation de plus de 20 %. Il y a eu une augmentation sans précédent de la conscience de classe lors de la période récente, ce qui est presque entièrement dû à la crise continue du capitalisme. Aucune personnalité ou organisation majeure au pays n’a fait la promotion de la conscience de classe au cours de cette période. On peut donc se demander comment réagiraient les masses si une telle direction émergeait. On peut aussi se demander pourquoi les dirigeants du NPD et des syndicats continuent à utiliser le terme « classe moyenne », quand celui-ci n’est même plus utile à des fins électoralistes.

Reflétant la montée de la conscience de classe, il y a une montée des idées de gauche dans la population. Un vaste sondage mené par Angus Reid a révélé que 64 % des Canadiens sont en faveur de l’éducation gratuite, 61 % en faveur de garderies abordables, 62 % appuient le salaire minimum à 15 dollars l’heure, et 77 % pensent que les riches devraient payer davantage pour financer les programmes sociaux. Les conditions sont propices pour l’émergence d’un mouvement de masse axé sur ces questions. Tout ce qui manque, c’est une direction pour le mener.

Crise dans le mouvement ouvrier

Au moment d’écrire ces lignes, le Congrès du travail du Canada se déchire à la suite du départ d’Unifor, qui s’est mis à faire du maraudage. La crise est le résultat inévitable d’une période prolongée de recul et de concessions acceptées par tous les syndicats, et pas seulement Unifor. Les données de Statistiques Canada sur les conventions collectives montrent qu’il n’y a eu aucun avantage économique à faire partie d’un syndicat depuis la Grande Récession. Les accords salariaux négociés pendant la période 2009-2017 ont représenté en moyenne 1,56 % d’augmentation annuelle de salaire. Cependant, l’inflation annuelle de 1,57 % pendant cette même période signifie que ces maigres avancées ont été annulées par l’augmentation du coût de la vie. Cela contraste avec la période 2000-2008 où les travailleurs syndiqués ont obtenu des augmentations annuelles moyennes de 2,81%, tandis que l’inflation était de 2,23 %.

Les données sur la stagnation des salaires depuis 2009 sous-estiment probablement le déclin global. Des faits anecdotiques semblent indiquer qu’il y a eu une guerre contre les avantages sociaux, les retraites et les autres points de négociation collective. Les quotes-parts et la franchise payées par les travailleurs dans leurs régimes d’assurance-maladie complémentaires ont augmenté. Des employeurs ont réduit leurs cotisations au régime de retraite et d’autres sont passés d’un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées (dans lequel les travailleurs assument les risques liés à un mauvais rendement du marché boursier). Le développement le plus pernicieux reste la tendance aux clauses de disparité de traitement qui sacrifient la prochaine génération de travailleurs. D’un strict point de vue de « syndicalisme d’affaires », pour lequel les cotisations représentent un investissement visant à obtenir meilleures conditions de travail en retour, les dirigeants syndicaux n’ont aucunement démontré leur raison d’être en ce qui a trait à la position économique de leurs membres. Ce fondement économique explique la crise dans la superstructure syndicale.

Le réformisme sans réforme est un non-sens, et la direction syndicale a accepté le point de vue du capitalisme. Le dirigeant du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, Smokey Thomas, a même été jusqu’à dire qu’il ne « pouvait pas reprocher » à la première ministre Kathleen Wynne d’avoir eu recours à une loi spéciale de retour au travail contre les travailleurs des collèges, et que « [s’il avait été] le premier ministre et qu’[il] avait été dans la même situation, [il] aurait fait la même chose ». Une fois qu’on accepte le système capitaliste, on doit accepter tout ce qui en découle. Se restreindre à ce qui est « raisonnable » en période de crise signifie devoir gérer l’érosion des conditions de travail. C’est ce qui a mené les dirigeants du mouvement ouvrier à recommander aux travailleurs de « garder un profil bas » après le krach de 2008 et d’accepter des salaires bas et une réduction de leurs avantages sociaux afin de supposément protéger leurs emplois. Tout a été fait par la tête du mouvement pour faire dérailler les grèves. Des votes de grève vigoureux ont fréquemment mené à des conventions contenant des reculs. Ce cancer mine le mouvement syndical de l’intérieur.

L’étroitesse de vue des dirigeants du mouvement ouvrier est stupéfiante. Léon Trotsky a déjà dit que les bureaucrates ne voient que l’arrière-train de l’histoire. Ils pensent qu’ils évitent les problèmes en acceptant des clauses de disparité de traitement, alors qu’ils ne font que remettre à plus tard des problèmes encore plus grands. Ils semblent inconscients du fait qu’un jour les nouveaux employés formeront la majorité de la main-d’oeuvre. Les gestionnaires pourront s’appuyer sur ces jeunes travailleurs, furieux contre les employés plus vieux qui les auront trahis, pour s’attaquer aux conditions de travail de la couche profitant de droits acquis. Cela démontre bien que les capitalistes possèdent une conscience de classe beaucoup plus élevée que les soi-disant dirigeants du mouvement ouvrier.

Unifor est actuellement le principal représentant du mouvement de maraudage, mais ses actions ne sont que la conséquence logique d’un syndicalisme qui refuse de lutter. La densité syndicale continue de diminuer, et cette tendance ne sera pas renversée tant que les syndicats ne vont pas se battre réellement pour améliorer les conditions de leurs membres. Pourquoi les travailleurs payeraient-ils des cotisations syndicales, si ce n’est que pour voir leurs conditions de travail reculer? Bien sûr, l’appartenance à un syndicat a bien plus à offrir que de simples avantages économiques, mais le manque de militantisme syndical s’accompagne de politiques réformistes modérées. Certains syndicats, comme Unifor, ne sont même pas réformistes dans leurs politiques et prônent un vote « stratégique » pour le Parti libéral bourgeois.

Une bureaucratie syndicale qui a abandonné l’idée d’organiser de nouvelles couches de travailleurs, de faire des gains pour les syndiqués actuels et de lutter pour la victoire d’un parti ouvrier fondé sur des politiques socialistes n’a pas d’autre moyen pour assurer sa survie que d’aller voler des membres aux autres syndicats. La direction d’Unifor est simplement la première à le réaliser. Trotsky expliquait que la trahison est inhérente au réformisme, et le maraudage qui sévit n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des conséquences que peut avoir l’absence d’orientation socialiste sur le mouvement ouvrier. Cette situation est particulièrement tragique considérant le passé militant et révolutionnaire des syndicats locaux qui forment Unifor. Il convient donc de rappeler cette histoire.

Une petite histoire du mouvement ouvrier

Le mouvement ouvrier moderne en Amérique du Nord a été forgé par les luttes des années 30 et 40. Le Congrès des organisations industrielles (CIO) avait organisé les travailleurs des États-Unis et du Canada selon le modèle industriel. Le syndicalisme industriel, aussi appelé syndicalisme « mur à mur », organise tous les travailleurs d’un lieu de travail, du concierge jusqu’à l’ingénieur le plus qualifié. Ce type de syndicalisme s’oppose au syndicalisme de métier qui se contente d’organiser les travailleurs qualifiés. Les patrons canadiens ont tout fait en leur pouvoir pour empêcher le CIO « américain » et « communiste » de s’implanter ici, mais n’ont pas pu résister à la vague de combativité ouvrière qui frappait des deux côtés de la frontière.

La première victoire du syndicalisme industriel au Canada a été la reconnaissance des Travailleurs unis de l’automobile (UAW) dans l’usine de General Motors à Oshawa en 1937. Cette grève s’était inspirée de la grève d’occupation de Flint au Michigan en 1936, et avait été organisée avec l’aide d’organisateurs américains. En 1945, les syndiqués UAW de l’usine de Ford à Windsor ont mené une grève de 99 jours, pendant laquelle leur barrage routier de 2000 voitures a permis de repousser un assaut violent de la Police provinciale de l’Ontario et de la GRC. Cette grève victorieuse a mené à l’adoption de la « formule Rand », qui fait que tous les travailleurs couverts par la convention collective doivent payer des cotisations. Ces luttes ainsi que d’autres luttes semblables ont finalement permis de gagner le droit à la reconnaissance syndicale après un vote des travailleurs. Nous pouvons voir ici que la montée du mouvement ouvrier organisé et les améliorations pour la classe ouvrière canadienne lors de la période d’après-guerre ont été bâties grâce à la solidarité et au soutien mutuel entre travailleurs canadiens et américains.

Avant la Seconde Guerre mondiale, on pourrait affirmer que les États-Unis étaient la source principale de la combativité de la classe ouvrière et du mouvement socialiste, par opposition à l’arriération économique et politique relative du Canada. Il ne faut pas oublier que le Canada était la terre d’accueil des « loyalistes » contre-révolutionnaires de la Révolution américaine. Cependant, dans la période d’après-guerre, le mouvement ouvrier canadien a pris de l’avance sur les États-Unis. Le maccarthysme de la Guerre froide a mené à des purges massives contre les communistes se trouvant à la tête des syndicats américains. Le Canada n’a pas été à l’abri de cette purge de droite, mais elle y a été plus courte et plus limitée. La fondation du Nouveau Parti démocratique en 1961, un parti ouvrier lié organiquement au Congrès du travail du Canada, a donné aux travailleurs canadiens un véhicule politique que les travailleurs américains n’ont jamais eu.

En réponse à l’impérialisme américain et à la faiblesse apparente du mouvement ouvrier américain, une tendance vers le nationalisme de gauche canadien a émergé à la fin des années 60. La Confédération des syndicats canadiens a été fondée en 1969 à partir de syndicats indépendants et d’autres s’étant séparé de syndicats internationaux. La tendance « Waffle », une formation nationaliste de gauche semi-révolutionnaire, a fait son apparition dans le NPD. Elle appelait à la nationalisation de toutes les entreprises américaines au Canada. Le Manifeste pour un Canada socialiste indépendant du Waffle a obtenu un large appui au sein du NPD, et son candidat a obtenu 37 % du vote lors de la course à la chefferie du NPD fédéral en 1971.

Les conflits entre le quartier général américain des syndicats internationaux et les sections locales canadiennes se sont poursuivis pendant les années 70 et 80, et le conflit le plus important s’est développé au sein des UAW. L’aile canadienne des UAW était plus combative que l’aile américaine du syndicat. Le recours à la négociation type a mené à des pressions sur l’aile canadienne pour qu’elle limite ses revendications, « afin de préserver la santé de l’entreprise ». On disait aux travailleurs qu’ils devaient se modérer afin d’assurer la production canadienne, et on brandissait la menace de délocalisation lorsque les travailleurs ne rentraient pas dans le rang. Mais ceux-ci ont ignoré la menace, et les syndicats locaux canadiens ont fait la grève et remporté des gains pour lesquels la bureaucratie syndicale américaine ne se battait même plus. Les leaders syndicaux américains en sont ressortis profondément humiliés, car cela a révélé leur capitulation aux yeux de leurs membres.

La direction canadienne a alors entamé un processus qui l’a mené à scissionner et à former les Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA). En surface, cette scission était compréhensible, et les travailleurs du syndicat appuyaient massivement l’idée de construire une aile indépendante plus combative, mais les marxistes se sont opposés à la scission à l’époque. Tout en défendant leur droit démocratique à l’autodétermination, les marxistes expliquaient que l’unité internationale était une conquête importante pour des travailleurs faisant face au même patron des deux côtés de la frontière.

Il est vrai que les UAW du Canada étaient plus à gauche et plus combatifs que le pan américain du syndicat, mais il n’y avait aucune garantie que cela allait durer. Malgré les menaces, la bureaucratie centrale n’a pas pu empêcher les syndicats locaux canadiens de faire la grève, et leur victoire subséquente avait permis de démasquer les bureaucrates aux yeux de la base aux États-Unis. Une campagne soutenue aurait pu gagner l’ensemble du syndicat international à une approche plus combative, mais malheureusement la scission des TCA a fait que les militants américains se sont retrouvés sans l’appui de leurs camarades canadiens. Cette situation a renforcé les tendances « États-Unis d’abord » chez les UAW, qui ont ensuite connu leur pendant chez les TCA avec le mot d’ordre « Canada d’abord », ce qui a permis aux patrons de diviser pour mieux régner.

En 2013, les TCA ont fusionné avec le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier pour fonder Unifor. Comme on le prévoyait, les TCA et puis Unifor sont allés vers la droite. Pendant les années 90, le dirigeant des TCA, Buzz Hargrove, était à l’avant-garde de l’opposition de gauche aux trahisons du gouvernement néo-démocrate ontarien de Bob Rae. Mais après être entré en conflit avec la bureaucratie du NPD à partir de la gauche, Hargrove a effectué un virage complet et proposé un vote « stratégique » pour les libéraux. Il s’est rendu célèbre pour avoir fait l’accolade au premier ministre libéral Paul Martin et pour lui avoir donné un manteau des TCA lors de l’élection fédérale de 2006. Ironiquement, c’est en 2006 que l’ennemi juré de Hargrove, Bob Rae, a également rejoint les libéraux fédéraux!

Après la récession de 2008, les TCA puis Unifor ont signé une série de conventions collectives contenant des concessions, notamment des clauses de disparité de traitement et d’autres reculs. Lors de la dernière ronde de négociations, Unifor a fait des concessions en échange de supposées garanties de production. Dans les années 80, les TCA disaient ouvertement que de telles garanties ne valaient pas grand-chose. Ironiquement, lorsque le syndicat local de Ford à Oakville s’est opposé à cette capitulation, il a été accusé de briser la solidarité et de mettre en danger la production, ce qui est exactement la même accusation que la bureaucratie des UAW avait lancé à l’endroit des travailleurs canadiens il y a 30 ans! Et maintenant, c’est Unifor qui se sépare du Congrès du travail du Canada afin de faire du maraudage dans les autres syndicats. Les héros sont tombés bien bas!

Avec le recul, nous voyons qu’il aurait été mieux pour les sections locales canadiennes de tenter de radicaliser leurs camarades américains plutôt que de faire scission. Cela fait écho à ce que Lénine recommandait dans La maladie infantile du communisme quand il conseillait de ne pas séparer la minorité de gauche du reste des travailleurs, et de plutôt rester afin de lutter pour gagner la majorité. Un syndicat luttant contre les patrons des deux côtés de la frontière aurait été plus fort, particulièrement si les UAW avaient été gagnés à des politiques plus radicales, ce qui restait possible. Bien que la victoire n’aurait pas été garantie, la situation aurait difficilement pu être pire celle qui règne aujourd’hui, où prévalent les scissions, le maraudage, la faiblesse et la division.

Base économique et superstructure politique

Le rapport de forces politiques qui règne actuellement au Canada est grandement déterminé par les récents développements économiques. Le Canada n’a pas été frappé par la récession de 2008-2009 aussi durement que les autres nations impérialistes. Par exemple, le PIB américain s’est contracté de 5,1 %, alors qu’au Canada la contraction a été de 3,3 %. Le Canada n’avait pas la même bulle immobilière que les États-Unis, les grandes banques canadiennes ont été plus lentes à entrer sur le marché des prêts hypothécaires à risque, et la croissance de la Chine a fait augmenter les prix du pétrole et des minéraux, ce qui a avantagé le secteur canadien des ressources naturelles. Ces facteurs n’ont rien à voir avec une quelconque clairvoyance de la part de la classe dirigeante canadienne, qui a pris tout autant de risques que ses homologues américains. Le Canada a été chanceux en 2008, mais comme nous allons l’expliquer plus loin, il est probable que cette chance ne soit pas au rendez-vous lors de la prochaine récession globale.

La réaction générale à l’échelle mondiale à la Grande Récession a été de sauver les capitalistes à coup de milliards de dollars, puis d’appliquer l’austérité pour faire payer les travailleurs pour cette aide sociale aux entreprises parasites. En conséquence, nous avons vu l’opinion politique se polariser et se radicaliser dans un pays après l’autre. Syriza, Podemos, la situation en Catalogne, Mélenchon et Le Pen, Corbyn et le Brexit, Sanders et Trump, tous sont des exemples d’expression de ce phénomène. Cependant, bien que le gouvernement canadien a donné 14 milliards de dollars à GM et Chrysler et 114 milliards aux banques sans qu’elles en aient besoin, ces mesures n’ont pas été suivies par l’austérité à grande échelle que nous avons vue dans d’autres pays. Les travailleurs canadiens n’ont pas vécu de boom, mais il n’ont pas subi les attaques majeures que nous avons vues ailleurs. À l’exception des jeunes, à qui l’avenir a peu à offrir, la majorité de la classe ouvrière a été en mesure de garder la tête hors de l’eau lors de la dernière décennie. C’est ce qui explique pourquoi le Canada n’a pas encore vécu la crise politique et la polarisation que nous avons vues dans les autres pays de l’OCDE, et pourquoi le « centre » libéral profite d’une certaine stabilité pour le moment.

Les libéraux fédéraux de Justin Trudeau ont gagné les élections de 2015 en volant l’image du NPD et en faisant campagne avec un message anti-austérité. Les réformistes de droite dogmatiques autour de Thomas Mulcair à la tête du NPD ont été trop stupides pour reconnaître le sentiment anti-austérité qui régnait dans la population. Le NPD a donc fait campagne en faisant la promotion de budgets équilibrés, ce qui a permis aux libéraux d’avoir l’air plus à gauche en paroles, en promettant des investissements financés par le déficit. Maintenant au pouvoir, les libéraux essaient de plaire à tout le monde. Ils accumulent les déficits budgétaires tout en faisant de petits cadeaux à l’électorat. Trudeau a profité d’une longue lune de miel, mais celle-ci est terminée et les gens commencent à en avoir assez de ses bouffonneries, de ses promesses brisées et de son hypocrisie. Mais malgré tout, les libéraux tendent toujours à arriver en première place des sondages. Il n’y a pas eu d’austérité généralisée à l’échelle fédérale et cela, combiné à l’absence d’une véritable direction pour le mouvement ouvrier, a eu pour résultat d’atténuer la lutte des classes.

Cependant, certains signes indiquent que le calme apparent pourrait tirer à sa fin. Il se pourrait même qu’une amélioration de l’économie soit l’élément déclencheur de luttes économiques. Trotsky expliquait que ce ne sont pas les récessions qui causent les luttes entre les classes, ni les booms qui causent la paix entre les classes, mais la transition entre les deux et les répercussions de la période précédente. Après la défaite de la révolution russe de 1905, le ralentissement économique avait démoralisé les travailleurs russes, qui craignaient trop de perdre leur emploi pour se battre. Trotsky avait justement prédit qu’il faudrait une reprise économique pour que les travailleurs reprennent confiance, et c’est ce qui s’est passé dans la période de 1910-1914.

L’économie canadienne est en train d’atteindre l’apogée de son cycle expansion-récession, qui s’accompagne souvent d’une croissance un peu plus élevée et un chômage plus bas. Habituellement, ce cycle dure entre huit et dix ans au Canada, et huit ans sont passés depuis le point le plus bas de la dernière récession. Les travailleurs en ont assez après une décennie de stagnation des salaires et de reculs. Si l’économie semble bien se porter, il est possible que les travailleurs se lancent dans des luttes offensives pour tenter de reprendre ce qu’ils ont perdu. Nous l’avons vu lors de la grève des collèges de l’Ontario à l’automne 2017, qui représentait essentiellement une tentative de faire des gains et de faire reculer l’employeur. Les marxistes ne devraient pas être catastrophistes et souhaiter une crise pour susciter la lutte des classes. Dans le contexte actuel, quelques années de croissance modeste auraient pour effet de radicaliser les travailleurs.

Cependant, comme l’a dit Chaucer, toute bonne chose a une fin. Déjà, le marché boursier commence à connaître des turbulences, dont une correction des cours importante à l’échelle mondiale en février dernier. Tôt ou tard, une nouvelle récession canadienne et mondiale est inévitable. Mais cette fois, le Canada ne sera pas en aussi bonne position. Les prix du pétrole brut oscillaient entre 80 et 120 dollars US entre 2006 et 2014, et les autres marchandises suivaient ces fluctuations. Cependant, depuis lors, le pétrole brut est descendu à 30 dollars le baril, et a remonté pour atteindre 60 dollars seulement. Une nouvelle récession ferait baisser les prix à nouveau, ce qui nuirait particulièrement au pétrole canadien en raison de la nature bitumineuse du pétrole albertain et de l’incapacité des producteurs pétroliers canadiens à construire de nouveaux pipelines. Cela veut dire que le secteur des ressources naturelles des provinces de l’ouest ne pourra pas sauver l’économie canadienne comme il l’a fait après 2008.

Alors qu’il n’y avait pas vraiment de bulle immobilière au Canada en 2008, il y en a maintenant une gigantesque. Le crédit à faible intérêt a encouragé l’achat de maisons et la spéculation, et Toronto a maintenant la plus grosse bulle immobilière au monde, tandis que Vancouver arrive en quatrième place. En plus de l’effet sur les avoirs nets et les taux de faillite qu’aurait une réduction drastique des prix, le secteur de la construction passerait d’un moteur de la croissance à un frein sur celle-ci. Le gouvernement a commencé à resserrer les règles en matière d’hypothèque et à imposer des taxes aux acheteurs étrangers, mais cela n’a eu pour seul effet que d’arrêter temporairement les achats effrénés avant qu’ils ne reprennent de plus belle. Cette bulle rend le Canada particulièrement vulnérable à une récession mondiale.

Les taux d’intérêt bas qui ont alimenté la bulle immobilière ont également mené à une augmentation énorme de l’endettement personnel. La dette des ménages dépasse maintenant 170 % du revenu annuel des ménages. Ce niveau d’endettement sans précédent n’est soutenable que si les taux d’intérêt et le chômage restent bas. Une augmentation de 1 % seulement des taux hypothécaires ferait augmenter le coût des maisons de 10 %, à un moment où 47 % des Canadiens vivent d’un chèque de paye à l’autre. Il suffit d’un seul choc extérieur pour que l’économie canadienne tombe en vrille et perturbe le fragile consensus en faveur des libéraux. Malheureusement pour Justin Trudeau, il y a une source d’instabilité de l’autre côté de la frontière, et pas n’importe laquelle.

Trump et le protectionnisme

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis représente un virage vers une politique isolationniste qui représente un important courant de pensée de l’histoire de la République américaine. Lorsque Trump appelle à  « rendre à l’Amérique sa grandeur » (« Make America great again »), ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il entend le faire aux dépens du reste du monde. On aurait pu croire au début que le protectionnisme de Trump visait essentiellement le Mexique, mais aujourd’hui ces espoirs se sont évaporés. Les représentants des États-Unis dans la renégociation de l’ALENA la jouent dure. Cela a forcé la délégation canadienne à admettre qu’il existe un risque réel que les Américains se retirent de l’ALENA.

Alors que les négociations ne sont pas encore finies, des conflits émergent déjà. Les États-Unis ont à nouveau imposé des taxes sur le bois d’oeuvre canadien. Ils ont dans leur mire la gestion de l’offre en cours sur le marché intérieur de l’industrie laitière canadienne. Boeing a aussi tenté d’obtenir de l’administration américaine qu’elle taxe la vente d’appareils Bombardier à Delta airlines à hauteur de 300 %.

Toutefois, les États-Unis n’ont pas besoin de se retirer de l’ALENA pour tirer des avantages de la situation. L’incertitude entourant les négociations mène les investisseurs à reporter leur décision d’investir dans de nouveaux projets à l’extérieur des États-Unis, et pourrait en pousser certains à conclure que le risque de se retrouver du mauvais côté d’une barrière tarifaire n’en vaut pas la chandelle. Certains estiment que le PIB canadien connaît déjà des contrecoups réels de cet effet dissuasif.

 

La fin de l’ALENA aurait des répercussions sur 500 000 emplois canadiens dans les secteurs dépendants du commerce. Le secteur automobile est particulièrement dépendant de l’ALENA, avec la production de pièces et de voitures « en flux tendus » qui traversent la frontière. Mais la menace la plus grave est que cela serait la première escarmouche qui déclencherait une guerre commerciale mondiale. Le Canada a un ratio du commerce extérieur au PIB plus élevé que la plupart des économies, et la majorité de ce commerce a lieu avec les États-Unis, ce qui signifie que le pays a beaucoup plus à perdre que les autres du mouvement vers le protectionnisme.

La gauche est plutôt confuse face à la position anti-libre-échange de Trump. Les nationalistes de gauche canadiens et les syndicats ont historiquement été opposés aux accords de libre-échange, ce qui est juste. Mais leur incapacité à penser au-delà du capitalisme les place dans le même camp protectionniste que Trump. Un des principaux points de friction de l’ALENA est le chapitre 11 concernant le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Ce mécanisme permet à une entreprise de poursuivre une administration fédérale, provinciale, municipale ou d’État pour toute mesure ou règlement qu’elle considère nuire à ses droits en tant qu’investisseur. Cette disposition a été utilisée pour renverser des règlements environnementaux et contre le caractère public de certaines entreprises. Les nationalistes de gauche l’ont attaquée en disant qu’elle constitue une menace à la « souveraineté », ce qui manque son objectif puisque cette disposition est tout à fait capable de défendre la souveraineté des entreprises canadiennes souhaitant faire des profits sur le dos des travailleurs des trois pays. Les dispositions de règlement des différends opposant un investisseur et un État sont la pierre d’assise du pouvoir des entreprises au sein des accords de libre-échange, et c’est pour cela qu’on doit s’y opposer.

Malgré le fait que les entreprises américaines sont plus nombreuses à poursuivre les administrations canadiennes en vertu du chapitre 11, Trump tente d’abroger cette disposition alors que Trudeau considère qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne pas franchir. Pour les marxistes, la solution n’est ni le libre-échange capitaliste ni le protectionnisme capitaliste. Les accords de libre-échange ont été utilisés pour détruire de bons emplois syndiqués et les délocaliser vers des territoires où les emplois sont mal payés et non syndiqués. Mais le protectionnisme menacerait aussi des emplois, particulièrement dans le secteur automobile, puisque les barrières tarifaires freinent la production. Quelle réponse les marxistes doivent-ils donner aux travailleurs dont les emplois sont menacés?

Les dirigeants du mouvement syndical canadien adoptent une posture nationaliste de collaboration de classe depuis des décennies. Leur appel à protéger les emplois « canadiens » ne sert qu’à diviser les travailleurs. Ils demandent généralement des mesures protectionnistes et de l’aide sociale aux entreprises, et se sont alliés aux patrons dans l’espoir vain de mettre fin aux fermetures d’usine. Cette vision à court terme n’a mené qu’à des concessions, sans que cela n’arrête les fermetures et les pertes d’emplois. Le résultat a été de renforcer les divisions nationales entre les travailleurs et d’affaiblir la lutte commune. Le président d’Unifor, Jerry Dias, a été ajouté à l’équipe de négociation de l’ALENA par Trudeau, où il fait beaucoup de bruit et se montre sympathique aux libéraux. Il a prôné une augmentation des tarifs sur les importations mexicaines et américaines, tout en réclamant que le gouvernement soutienne les fabricants canadiens tels que Bombardier. Les marxistes se dissocient ouvertement de ces politiques nationalistes et réformistes des dirigeants syndicaux. Nous nous opposons à la fois au libre-échange et au protectionnisme, qui sont tous deux des politiques des capitalistes, et nous proposons plutôt la nationalisation sous le contrôle des travailleurs, la nécessité d’un plan de production socialiste, et en appelons à l’unité des travailleurs au-delà des frontières. Avec Trump qui pousse agressivement pour davantage de tarifs douaniers, la bureaucratie syndicale du Canada pourrait voir son souhait réalisé, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour la classe ouvrière et le mouvement syndical.

Le protectionnisme représente une tentative d’exporter le chômage. Le problème est qu’il entraîne des représailles et une réduction de l’efficacité de la production à l’échelle mondiale. Plutôt que d’acheter une marchandise étrangère produite plus efficacement et donc moins cher, les mesures protectionnistes forcent à acheter une marchandise locale produite moins efficacement et donc plus dispendieuse. Appliquées à l’ensemble de l’économie, ces mesures mènent à une réduction générale de la productivité, une augmentation des prix, une diminution du PIB et une augmentation du chômage. On reçoit moins de richesse pour plus de travail. C’est ce qui s’est produit dans les années 30. À l’époque, les différentes puissances avaient eu recours aux barrières tarifaires et à la dévaluation concurrentielle afin de protéger leurs marchés. Cela a eu pour effet d’étendre la crise provoquée par le krach de 1929 pendant toute une décennie, et c’est finalement la Deuxième Guerre mondiale qui a fait tomber les entraves à la production. Les capitalistes savent ces faits, et font tout en leur pouvoir pour empêcher le protectionnisme de s’installer. Mais il suffit d’un seul mauvais joueur pour ruiner le fragile équilibre. Une fois que l’une des puissances mondiales tente de profiter des autres, celles-ci seront forcées de réagir. Trump joue un jeu dangereux pour le capitalisme mondial, et quoi que soit l’issue définitive, il est peu probable que ce soit le Canada et le Mexique qui en sortent gagnants.

La position des marxistes sur ces questions est qu’un travailleur est un travailleur. Nous sommes internationalistes et ne favorisons pas les travailleurs canadiens au détriment des travailleurs américains, ou les travailleurs américains au détriment des travailleurs mexicains. Nous avons l’intention de lutter sur des lignes de classe pour unir les travailleurs de toutes les nations contre nos exploiteurs communs. Dans un cas où des travailleurs mexicains seraient menacés par la fermeture de leur usine à cause du protectionnisme, nous soutiendrions leur lutte contre les pertes d’emplois et pour l’occupation de leur usine. Nous menons une lutte unifiée pour que les travailleurs mexicains des maquiladoras obtiennent des droits syndicaux et des salaires décents. Nous disons que chaque fermeture d’usine doit se transformer en occupation d’usine. Aucune délocalisation d’emplois syndiqués vers des régions à faibles salaires. Par exemple, dans l’industrie canadienne du bois, nous disons non à l’exportation de grumes brutes pour leur transformation dans des régions à faible salaire. Si une population fait face à des problèmes environnementaux dus à l’extraction des ressources, les gens devraient être indemnisés et obtenir l’avantage économique d’emplois syndiqués locaux de transformation des ressources. En cas de fermeture d’usine due au protectionnisme ou à la délocalisation, l’industrie devrait être nationalisée sous contrôle ouvrier pour protéger les emplois, et modernisée si nécessaire afin de satisfaire les besoins de la population. Ces méthodes révolutionnaires et internationalistes permettent au mouvement de dépasser les frontières et de s’attaquer aux capitalistes de toutes les nations. Ces méthodes pavent la voie à une lutte commune pour une fédération socialiste des Amériques où les ressources, l’expertise et la créativité des gens seront mises en commun afin d’en arriver au plein emploi et à de bonnes conditions de travail pour tous et toutes. Il ne peut y avoir d’unité avec les patrons de notre nation; l’ennemi est dans notre pays. La solidarité ouvrière internationale est le chemin vers la victoire.

La lutte de classe contre l’oppression

Comme les organisations ouvrières de masse ne jouent actuellement aucun rôle de direction, la colère accumulée dans la société s’exprime à travers d’autres canaux. Depuis quelque temps, nous assistons à une montée des luttes contre l’oppression. En cette période de malaise capitaliste, les injustices et les insultes de longue date deviennent de plus en plus intolérables. Ces mouvements touchent la jeunesse en particulier.

En janvier 2018, l’Institut Vanier de la famille a publié des données fondées sur le recensement de 2015 qui décrivent les inégalités au Canada :
Segment démographique       Revenu médian

Jeunes âgés de 15 à 24 ans            11 600 $
Adultes âgés de 25 à 64 ans          42 500 $
Hommes                                           40 800 $
Femmes                                            28 900 $
Autochtones                                     25 500 $
Non autochtones                             34 600 $
Immigrants                                       29 800 $
Nés au Canada                                 36 300 $
Minorités visibles                            25 500 $
Minorités non visibles                    36 500 $
Personnes handicapées                  32 600 $
Personnes non handicapées          48 300 $

Nous voyons clairement ici les résultats de l’oppression systémique perpétrée contre certains groupes sociaux. L’oppression n’est évidemment pas seulement économique, mais les répercussions économiques sont évidentes. Beaucoup de ces mouvements ont pris une ampleur internationale et n’ont pas débuté au Canada. Cela témoigne du fait que la culture se diffuse aujourd’hui à une échelle mondiale incroyable, ce qui pourrait avoir des conséquences révolutionnaires. Le mouvement Black Lives Matter a commencé aux États-Unis par une révolte des Noirs contre les meurtres et les attaques qu’ils subissent de la part de la police, mais s’est ensuite répandu à travers le monde. Le mouvement #Metoo a commencé par s’attaquer au harcèlement sexuel et à l’exploitation dans l’industrie du divertissement, mais s’est répandu pour inclure toutes les femmes travailleuses.

Au Canada, l’oppression des peuples autochtones est revenue à l’avant-plan. Le mouvement Idle No More a mené la charge, et il a atteint un nouveau degré de colère avec l’acquittement des accusés lors des procès pour le meurtre de Colten Boushie et de Tina Fontaine. Alors que les Autochtones subissent des taux d’incarcération disproportionnés par rapport à leur poids démographique, ils ne peuvent obtenir justice pour les crimes commis à leur endroit. Colten Boushie a reçu une balle en pleine tête alors qu’il était inconscient, et son assassin a été déclaré non coupable par un jury entièrement composé de personnes non autochtones. Le meurtre de Tina Fontaine est un autre parmi les milliers de cas de femmes autochtones disparues et assassinées qui ne sont pas traités avec sérieux ou dont l’enquête policière est bâclée. La désinvolture accordée aux disparitions de femmes autochtones n’est pas sans rappeler le peu d’efforts mis dans l’enquête policière pour trouver le tueur en série qui rodait dans le village gai de Toronto. Des rumeurs circulaient depuis des années sur la présence d’un tueur, mais elles étaient minimisées par la police qui présentait les victimes comme des « itinérants ».

Les mouvements contre l’oppression sont tout à fait progressistes et ont même un potentiel révolutionnaire. Ils révèlent la nature de l’État bourgeois, qui existe pour « protéger et servir » les riches et les puissants. Mais ce qui brille par son absence dans ces luttes, c’est le mouvement ouvrier organisé. La classe ouvrière a un rôle clé à jouer pour unir les opprimés contre la source commune de l’oppression afin de la renverser.

L’absence d’une direction venant des syndicats ou des partis ouvriers dans les mouvements contre l’oppression a mené à la prédominance des politiques identitaires et de l’intersectionnalité défendues par les libéraux et réformistes de la classe moyenne. Il s’agit d’une tragédie, puisque ces idées individualistes tirant leurs origines des universités ne peuvent pas mener à la victoire ni mettre fin à l’oppression. Elles jouent sur les vétilles linguistiques, les actes symboliques, les futilités et les « microagressions » tout en divisant les gens en groupes toujours plus petits. Elles laissent ainsi les opprimés impuissants dans leur lutte contre la véritable source de l’oppression et de l’exploitation. Le fait que le langage utilisé par ce courant de pensée et les mesures qu’il propose peuvent facilement être acceptés par des politiciens ouvertement bourgeois comme Hillary Clinton, Justin Trudeau et Kathleen Wynne montre que ces idées ne sont pas une menace pour le statu quo. Nous proposons une authentique lutte de masse contre toutes les oppressions, à l’aide de méthodes de lutte de classe, qui permettent véritablement de gagner, c’est-à-dire : des manifestations de masse, des actions directes, des grèves et des occupations, autrement dit des actions qui peuvent unir tous les secteurs de la classe ouvrière. Nous luttons pour gagner le mouvement à ces idées et ces méthodes combatives, et dénonçons l’inaction des dirigeants du mouvement ouvrier parce que les gens ne peuvent plus attendre, ne peuvent plus tolérer le système capitaliste et les injustices qu’il nourrit.

La crise de la direction politique

La crise de la direction au sein du mouvement syndical trouve son reflet dans la crise de la direction politique de la classe ouvrière. Depuis sa défaite lors des élections fédérales de 2015, le NPD est dans un profond marasme. Le parti a perdu toutes les élections partielles des deux dernières années et sa popularité fluctue entre 10 et 15 %, soit moins de la moitié du 30 % qu’il a atteint en 2011.

Dans ce qui fut une révolte sans précédent, les membres du parti ont éjecté Tom Mulcair de la chefferie avec un vote de défiance de 52 % lors du Congrès de 2016. Mais la course à la chefferie qui a suivi n’a pas mené à un mouvement de masse analogue à ceux autour de Corbyn au Royaume-Uni et Sanders aux États-Unis. Niki Ashton, la candidate la plus proche des politiques de Corbyn et Sanders, a récolté 17,4 % des voix et a fini en 3e place, tandis que le candidat favori de l’establishment, Jagmeet Singh, l’a emporté au premier tour avec 53,8 % des voix. Que s’est-il passé?

Si l’on met les qualités personnelles de côté, notamment le fait que la campagne de Singh était beaucoup mieux organisée que celle des autres candidats, il est important de regarder la situation politique plus large au pays. Comme nous l’avons expliqué plus haut, le Canada n’a pas souffert autant de la récession, ni eu à imposer l’austérité comme dans d’autres pays. Par exemple, lorsque les conservateurs britanniques ont remporté une victoire surprise lors des élections de 2015, des manifestations spontanées menées par les jeunes ont éclaté partout dans le pays. Il y avait une énorme pression de la base au Royaume-Uni et aux États-Unis qui n’avait pas encore été exprimée, et elle fut canalisée à travers Corbyn et Sanders lorsque l’occasion s’est présentée. Cependant, au Canada et au Québec, les jeunes ont massivement voté pour le « féministe progressiste » Trudeau. Les promesses brisées des libéraux font baisser leurs appuis, mais ce n’est rien comparé à la colère qui règne chez les masses dans d’autres pays. Le seul afflux notable de nouveaux membres est provenu du travail de mobilisation bien organisé auprès des communautés immigrantes de la part de la campagne à la chefferie de Singh.

Par ailleurs, les autres candidats de la bureaucratie avaient tiré des leçons des récents développements internationaux. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, le choix était entre des socialistes autoproclamés d’un côté, et des partisans ouverts de l’impérialisme et de l’austérité de l’autre. Lors de la course à la chefferie du NPD, tous les candidats se plaçaient à la gauche de la vieille direction Mulcair. Répondant au vent de changement venu de l’étranger et à la pression de la campagne d’Ashton, ils ont tous tourné à gauche. Bien que Singh fasse partie de l’establishment du parti, ses propos et sa plateforme de taxation des revenus distributive font de lui le chef du NPD le plus à gauche depuis une génération. Ainsi, les différences entre les candidats n’étaient pas frappantes et la division gauche-droite n’était pas évidente. La bureaucratie a mené une réforme par le haut afin d’éviter une révolution venue d’en bas.

Le Congrès du NPD de février 2018 a poursuivi dans la même veine. Quelques politiques de gauche ont été adoptées, et Singh a donné un discours « à la Sanders » qui s’attaquait au système truqué à l’avantage des ultra-riches. La bureaucratie a tout juste réussi sa manoeuvre pour retirer de l’ordre du jour une résolution de solidarité envers la lutte des Palestiniens, mais n’a pas pu empêcher les militants de la base de faire adopter des résolutions en faveur de l’éducation gratuite et de l’annulation des dettes étudiantes.

Si le message et les politiques du Congrès de 2018 avaient été adoptés dans la période 2011-2015, alors que les gens suivaient le NPD de près, la politique canadienne pourrait avoir suivi un cours très différent. Au lieu de cela, Mulcair a retiré les références au socialisme et à la propriété sociale de la constitution du parti, et a parlé de budgets équilibrés. Cette trahison, à laquelle se sont ajoutés les campagnes rébarbatives du NPD ontarien, l’austérité dans le secteur public et la collaboration de classe du NPD albertain, et le manquement du NPD de la Colombie-Britannique à ses promesses, fait que personne n’écoute actuellement le NPD fédéral. De plus, rien ne garantit que les politiques adoptées au dernier congrès feront partie du programme électoral du NPD en 2019. Singh est déjà en train de s’éloigner de ces engagements, affirmant que les résolutions prises au congrès sont des « principes directeurs » qui devront être étudiés. Les libéraux de Trudeau font également tout leur possible pour voler des appuis au NPD, et ils prévoient visiblement faire campagne à gauche lors des élections de 2019. Dans ce contexte, les perspectives pour un afflux au sein du NPD ne semblent pas très bonnes dans l’avenir immédiat.

La lutte contre les libéraux ontariens

Après un règne libéral de 15 ans, l’Ontario tiendra des élections le 7 juin 2018. À ce sujet, la question n’est pas tant de savoir qui l’emportera, mais plutôt qui perdra le moins. Aucun parti ne suscite l’enthousiasme, étant tous plus ou moins en crise. Les libéraux de Kathleen Wynne, minés par les scandales, ont atteint des taux d’insatisfaction de plus de 80 %, alors que les conservateurs ont été forcés de remplacer leur chef quelques mois avant l’élection en raison d’allégations d’agression sexuelle pesant contre Patrick Brown. Quant à la cheffe néo-démocrate Andrea Horwath, certains se sont demandé ouvertement si elle est cachée par un programme de protection des témoins tellement elle est invisible auprès des électeurs.

Lors des élections ontariennes de 2014, les libéraux l’ont emporté grâce à un message à la gauche du NPD, préfigurant la campagne électorale fédérale de 2015. La campagne néo-démocrate de Horwath en 2014 comportait des coupures de 600 millions de dollars et elle promettait un salaire minimum de seulement 12 dollars. Depuis, les néo-démocrates ont fait un pas vers la gauche, comme en témoigne leur promesse de renationaliser Hydro-One et d’instaurer un régime d’assurance-médicaments. Toutefois, l’impact de ces promesses a été atténué par des propositions similaires faites par les libéraux ontariens. Par exemple, le régime d’assurance-médicaments proposé par le NPD ne couvre qu’une minorité de médicaments pour tous les Ontariens, alors que le régime proposé par les libéraux couvre la majorité des médicaments pour les Ontariens âgés de moins de 25 ans. Les deux régimes ont un coût similaire, et nul ne peut dire lequel est le meilleur.  

Après être descendu en troisième place et sous les 20 % d’appuis dans les sondages, les libéraux ont décidé de faire un pas désespéré vers la gauche pour tenter de sauver leur peau. La nature caméléonesque du « parti naturel de gouvernement » au Canada est stupéfiante. Un jour il coupe dans les impôts et privatise; le jour suivant il augmente le salaire minimum et dénonce la cupidité des patrons de Tim Hortons; et le jour d’après il retire le droit de grève à des travailleurs en conflit de travail. C’est à en avoir le vertige. En réalité, les libéraux sont les pires opportunistes, faisant ce qui est nécessaire pour survivre tout en gouvernant toujours pour le profit des grands bourgeois de Bay Street. Un virage à gauche réussi mènera inévitablement à un virage à droite encore plus marqué lorsque leurs maîtres sortiront le fouet.

Suivant l’élan donné par le mouvement aux États-Unis, un certain nombre de militants ontariens se sont lancés dans la lutte pour le salaire minimum à 15 dollars l’heure. Il s’agit d’une bonne initiative que nous appuyons. Toutefois, suite au tournant à gauche des libéraux et de la trahison de certains dirigeants syndicaux ayant appelé au vote stratégique, la campagne a été désorientée sur le front politique. La lutte politique est tout aussi importante que la lutte économique; les marxistes ont d’ailleurs démontré qu’il est possible d’organiser un grand nombre de gens autour de revendications politiques.

Les libéraux ont concédé des réformes comme l’augmentation du salaire minimum pour tenter d’échapper à une défaite électorale et non en raison d’un mouvement de masse provenant de la base. Si ce tournant s’avère une réussite et qu’ils gagnent la prochaine élection, il n’y aura rien pour les empêcher de reprendre ces concessions d’une autre manière. Nos propos ne visent pas ici à dénigrer les efforts de ceux qui font un bon travail sur le terrain. Il s’agit simplement d’une évaluation réaliste de l’équilibre des forces entre les classes. Il n’y a pas eu de grève pour forcer le gouvernement à céder à ces revendications, et les manifestations concernant ces enjeux ont été assez banales sur le plan de la taille et de l’impact. Le mouvement ouvrier est actuellement faible et divisé à cause de la scission d’Unifor et n’a pas été capable de tirer avantage de la réaction contre les patrons de Tim Hortons.

Pour être victorieuse, la lutte pour des revendications économiques, qui est essentielle, doit être accompagnée d’un refus affirmé de soutenir les libéraux. Les libéraux ne concèdent des réformes que parce qu’ils sont bas dans les sondages. Ainsi, pour gagner plus de concessions, il est nécessaire de les maintenir à un bas niveau d’appui. Il est bien de s’opposer vigoureusement aux attaques de la droite contre la hausse du salaire minimum, mais si un article demeure silencieux concernant les libéraux, ce sera perçu comme un appui passif au parti. C’est d’autant plus important lorsqu’on considère la position pro-libérale de certains dirigeants syndicaux.

Ce débat nous rappelle celui entre la tendance de l’Iskra de Lénine et la faction des « économistes » dans les débuts du mouvement marxiste russe. Lénine a écrit son ouvrage devenu classique Que faire? en guise de réplique aux économistes qui disaient que les travailleurs ne pouvaient s’organiser qu’autour de revendications économiques. En dernière analyse, les économistes étaient opposés à la construction d’une organisation politique révolutionnaire. C’est dans cet ouvrage que Lénine affirme que « sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire », et souligne l’importance d’une organisation de cadres marxistes.

Il est probablement juste de dire que l’économisme et le mouvementisme sont les tendances dominantes au sein de la gauche du mouvement ouvrier de nos jours. Tout doit être sacrifié au nom de tel ou tel mouvement pour une réforme économique. Cependant, comme Lénine le faisait remarquer, malgré l’ouvriérisme crasse auquel s’adonnent les économistes, il s’agit en fait d’une conception élitiste qui dénigre la conscience politique des travailleurs. Ces derniers sont parfaitement en mesure de comprendre la théorie politique et de s’y intéresser. Même les succès modestes qu’a connus la TMI au Canada l’ont démontré, avec plus de 120 participants à notre événement marquant le centenaire de la révolution d’octobre à Toronto, et près de 230 participants à l’École marxiste de Montréal.

Si on abandonne la lutte ardue pour construire une organisation révolutionnaire afin de prioriser la « construction du mouvement », on finit par être impuissant lorsqu’une occasion réelle se présente. L’expérience a démontré que les petits groupes de révolutionnaires ne créent pas les mouvements de masse. C’est la crise du capitalisme qui provoque ce genre d’éruption. Les mouvements vont et viennent, mais ils ont tendance à échouer en raison de la trahison ou du manque d’expérience de leurs dirigeants. Une organisation révolutionnaire permet de conserver les meilleurs éléments parmi les individus politisés par chaque mouvement et des les préparer pour l’étape suivante de la lutte. Au fur et à mesure que grossit l’organisation, ses idées et les critiques qu’elle émet aident les mouvements à remporter des victoires. Mais les mouvements ne seront jamais victorieux si nous y liquidons notre organisation. Ce travail difficile est la seule voie à suivre pour remplacer les dirigeants corrompus des organisations ouvrières et finalement s’attaquer au système capitaliste lui-même. Les marxistes authentiques ne peuvent agir autrement.

Au moment d’écrire ces lignes, les conservateurs ontariens sont fortement en avance dans les intentions de vote, et ce malgré le scandale entourant Patrick Brown. Brown a su habilement pousser les conservateurs vers la gauche pour qu’ils ne puissent pas être la cible des attaques des libéraux de Wynne. Il est possible que certains conservateurs frustrés de ce changement de cap aient participé à la divulgation des informations qui ont mené au scandale en question. Maintenant que Doug Ford a pris la tête des conservateurs, le parti s’est tourné vers le populisme de droite. Comme nous l’avons vu lors des élections américaines ainsi que lors de l’élection du frère de Ford à la mairie de Toronto, les politiques de droite qui s’attaquent à l’establishment ne peuvent être battues par un message pro-establishment. Pour ces raisons, il est encore plus nécessaire de rejeter les libéraux. Si les conservateurs gagnent les élections, il est fortement possible que l’Ontario soit ramené au temps de Mike Harris. Cependant, si le mouvement syndical ne rejette pas les libéraux comme option, il se verra fortement affaibli quand viendra le temps de résister aux attaques qui suivront.

Polarisation au Québec

Après une période de lutte des classes exacerbée, le mouvement au Québec cherche des réponses. Entre 2012 et 2015, les grèves et manifestations de masse étaient monnaie courante. Lors de la grève étudiante de 2012, des centaines de milliers d’étudiants se sont mobilisés, auxquels s’étaient rajoutées des milliers d’autres personnes lors des manifestations de casseroles, ce qui a mené au renversement du gouvernement libéral de Jean Charest. En 2015, 400 000 travailleurs de la fonction publique unis dans le Front commun ont fait la grève. Malheureusement, d’un côté le mouvement étudiant s’est épuisé lors du printemps 2015 en se lançant dans une lutte prématurée et aventuriste, et de l’autre il a été plus facile pour les dirigeants syndicaux de capituler sans l’influence positive de la jeunesse radicalisée.

L’ASSÉ, le syndicat étudiant combatif qui avait mené le mouvement de 2012, navigue aujourd’hui d’une crise à l’autre. Cela s’explique par l’influence des méthodes anarchistes d’organisation. Avec la reconnaissance internationale dont a joui la grève de 2012, beaucoup de gens à gauche tendaient à vénérer les structures organisationnelles de l’ASSÉ. Mais au cours des deux dernières années, le syndicat étudiant a été rongé par les désaffiliations et les expulsions et ressemble actuellement à un zombi, oscillant entre la vie et la mort. Il est assez ironique que l’anarchisme, qui met prétendument l’accent sur la spontanéité et l’anti-autoritarisme, tende à fétichiser autant les structures et les règles et à chercher à les rendre parfaites. Toutes ses règles si parfaites n’ont pas permis de sauver ce qui a déjà été un excellent outil de lutte.

Une fois que le mouvement de masse s’est calmé, l’obsession constitutionnelle a paralysé l’organisation. Il serait tragique que cet outil de lutte soit détruit par la quête du Saint-Graal de la perfection constitutionnelle anarchiste. Avec la perspective d’un gouvernement de la CAQ, il est essentiel de préparer et de mobiliser le mouvement étudiant pour les attaques qui s’en viennent. Les marxistes croient que plutôt que d’être obsédés par les règles et les structures, nous devons nous concentrer sur le contenu de la lutte. La forme doit simplement faciliter l’application d’un programme et de méthodes de lutte appropriés.

Plus de 40 ans après le premier gouvernement du Parti québécois, le mouvement nationaliste est en crise. Le Bloc québécois est dans un état lamentable, alors que sept de ses dix députés viennent de quitter le bateau, et le PQ a également vu beaucoup de ses têtes d’affiche annoncer qu’ils ne se représenteront pas aux prochaines élections. Au gouvernement, le PQ a montré qu’il n’était pas fondamentalement différent des libéraux, ayant appliqué l’austérité et attaqué la classe ouvrière. Cette crise du nationalisme a mené à des scissions à gauche et à droite, avec la formation de Québec solidaire et de la CAQ. Ce n’est pas un hasard si lors de cette période, nous avons assisté à un déclin de l’appui à un nouveau référendum sur l’indépendance. Le chef du PQ, Jean-François Lisée, a même promis qu’un gouvernement du PQ ne ferait pas de référendum lors d’un premier mandat. Cherchant sa raison d’être, le PQ s’est tourné vers le nationalisme identitaire raciste et islamophobe, s’attaquant à mots voilés aux musulmans sous couvert de défendre la laïcité de l’État. L’exemple le plus clair de ce fait est la proposition de Charte des valeurs québécoises en 2013.

Les libéraux et le PQ, les deux piliers du pouvoir des capitalistes dans la province, obtiennent à eux deux moins de 50 % des intentions de vote dans les sondages présentement, alors qu’ils se partageaient autrefois entre 80 et 90 % des voix. La CAQ, parti populiste de droite, a affirmé que pour lui, la question de l’indépendance n’est plus à l’ordre du jour, et le parti est maintenant en première place des sondages à l’approche des élections d’octobre. La CAQ a été en mesure de capter une partie de l’humeur anti-establishment dans la province en lançant des critiques populistes de droite à l’égard du gouvernement et en disant que « la CAQ sera le gouvernement des familles ».

Malheureusement, il semble que Québec solidaire ait perdu une grosse partie des appuis gagnés l’an dernier. Après que le leader étudiant de 2012, Gabriel Nadeau-Dubois, eût rejoint le parti, et après que QS eût rejeté les alliances avec le PQ, le parti a presque doublé ses intentions de vote, atteignant un sommet de 18-19 %, ce qui le plaçait à égalité statistique avec le PQ. Mais dans les mois suivants, la direction du parti a mis l’accent sur la fusion avec Option nationale, un petit parti nationaliste. L’accent mis constamment sur la question de l’indépendance afin d’attirer les électeurs nationalistes a échoué. L’incapacité de QS à dénoncer le projet de loi 62 comme raciste et islamophobe a empêché le parti de profiter d’une occasion en or de saper les appuis des libéraux sur l’île de Montréal.

La direction de QS a eu tendance à modérer son discours, ce qui, dans certains cas, donne l’impression que le parti n’est pas vraiment différent du PQ. Généralement, quand QS aborde des enjeux de classe, il gagne en popularité, alors qu’il est simplement associé au PQ lorsqu’il commence à parler d’indépendance. Cela signifie qu’au cours des dernières décennies marquées par la turbulence des mouvements de masse et des grèves de travailleurs et d’étudiants, le seul parti de gauche n’a pas été en mesure d’obtenir des gains significatifs. Aussi, les dirigeants syndicaux affirment encore qu’ils donneront leur appui à n’importe quel parti « progressiste », ce qui n’est qu’une façon détournée de soutenir le PQ. Ce parti est désormais perçu par la grande majorité de la population comme un parti de l’establishment, et il est impossible de tenir tête à la CAQ et son discours anti-establishment avec des politiques qui en font l’apologie. Avec les élections approchant à grands pas, il est plus important que jamais que QS et les syndicats joignent leurs forces et commencent à mobiliser les travailleurs et la jeunesse du Québec afin de canaliser leur colère.

QS a récemment organisé une manifestation de travailleurs et travailleuses du secteur de la santé pour protester contre la détérioration des services et pour demander la démission du ministre de la Santé, le libéral Gaétan Barrette. Le parti a également annoncé une proposition en faveur d’un régime de soins dentaires universel. Si le parti continue dans cette voie, il pourrait toucher une corde sensible. Mais afin de canaliser le sentiment anti-establishment présent dans la société et de susciter l’enthousiasme des travailleurs et de la jeunesse, le parti doit mobiliser les travailleurs sur des enjeux de classe et présenter une solution de rechange socialiste audacieuse à ce que nous offre l’establishment capitaliste. C’est seulement ainsi que QS peut réellement couper court au discours nationaliste raciste, unir les travailleurs et la jeunesse de tous les milieux contre le capitalisme, et stopper l’élan de la CAQ.

Les turbulences politiques et sociales dans la province au cours de la dernière période sont dues au lent déclin de l’économie québécoise, qui s’est accéléré depuis la crise de 2008. Le « modèle québécois », avec ses programmes sociaux considérables, ses syndicats influents et une certaine protection accordée aux travailleurs, n’est pas compatible avec le capitalisme en déclin. Les capitalistes cherchent désespérément à mettre en oeuvre un programme brutal de coupes et de privatisations, et la CAQ est leur nouveau véhicule pour tenter d’y arriver. Mais ils feront face à une résistance féroce. La bourgeoisie n’a pas été capable de mater et d’écraser les travailleurs et les étudiants, qui sont présentement en train de redécouvrir leurs traditions révolutionnaires. C’est notre travail de les aider à le faire. Le rôle des marxistes dans cette situation est de lutter pour les idées marxistes dans les syndicats ouvriers et étudiants, dans Québec solidaire, et dans le mouvement dans son ensemble.

Alberta et Colombie-Britannique – La social-démocratie en guerre

La victoire du NPD albertain en 2015 et l’effondrement de la dynastie de l’Association conservatrice-progressiste, au pouvoir pendant 43 ans, représentent un bouleversement qui ne devrait pas être sous-estimé. La chute soudaine des cours du pétrole a poussé toutes les contradictions qui s’agitaient sous la surface à y remonter. L’économie albertaine repose entièrement sur le pétrole et le gaz naturel. Cette élection représente la première tentative par les masses de défier la dictature des barons du pétrole. Le NPD albertain est passé de la quatrième place aux élections de 2012, avec seulement cinq sièges, à la prise du pouvoir, avec une majorité de 54 sièges sur 87 aux élections de 2015.

Cependant, la victoire du NPD n’était que le commencement d’un processus et non sa conclusion. Après trois années au pouvoir, la direction du parti a fait tout ce qu’on peut attendre de la part de sociaux-démocrates modérés gérant une économie en crise. Le NPD avait fait campagne en promettant d’augmenter les redevances sur le pétrole et le gaz naturel afin d’assurer aux Albertains leur « juste part » des recettes de l’exploitation des ressources naturelles. En réaction à cela, tout l’establishment s’est réuni autour d’une campagne hystérique de peur rouge au cours de laquelle les barons du pétrole ont menacé de quitter la province si le NPD s’avisait de mettre la main sur leur part du gâteau. L’alternative présentée était brutale : prendre parti pour les travailleurs et refiler la facture aux patrons, ou faire exactement l’inverse. Il n’y a pas de compromis possible quand le capitalisme est en crise.

Comme il fallait s’y attendre, la pression du capital a fini par prendre le dessus. Le NPD a capitulé, allant même jusqu’à offrir des incitatifs fiscaux et d’autres cadeaux à l’industrie pétrolière. En mars 2018, le gouvernement albertain annonçait son intention d’offrir aux sociétés pétrolières jusqu’à un milliard de dollars, étalés sur huit ans, comprenant 800 millions en prêts garantis et 200 millions en subventions afin d’aider à construire de nouvelles installations de valorisation du bitume. Cela a été suivi d’une autre déclaration annonçant un investissement d’un milliard de dollars pour aider l’industrie pétrochimique à se « diversifier ». Le NPD albertain se présente désormais comme le plus grand partisan des sociétés pétrolières et de gaz naturel. Le parti l’a démontré en faisant la promotion enthousiaste de projets d’oléoducs afin d’acheminer le bitume albertain vers les côtes.

Une guerre commerciale a récemment été déclenchée avec le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique, autour de la question de l’oléoduc Trans Mountain. Ce projet, qui s’élève à 7,9 milliards de dollars d’investissement, permettrait de tripler la quantité de pétrole brut transportée d’Alberta vers le port de Burnaby. En fait, cela témoigne de la soumission du NPD de l’Alberta face aux barons du pétrole. Cette guerre commerciale est sans précédent dans l’histoire canadienne et le fait qu’elle soit menée par deux gouvernements néo-démocrates rend tout cela encore plus exaspérant. Le gouvernement albertain a imposé un boycottage des importations de vin de Colombie-Britannique afin de faire pression sur son gouvernement. L’an passé, l’Alberta a importé pour environ 70 millions de dollars de vin de Colombie-Britannique. Les premiers ministres des deux provinces se sont échangés des propos sévères et des menaces de poursuite, mais Horgan a clairement expliqué qu’il n’avait aucune intention de laisser tomber. Lors de son discours du trône, cependant, Notley a doublé la mise en menaçant de couper le robinet et de bloquer complètement le flot de pétrole vers l’ouest.

Il est déjà incroyable qu’une guerre commerciale entre deux provinces soit même possible au XXIe siècle. Le but premier des révolutions bourgeoises contre le féodalisme était l’établissement du libre-échange à l’échelle de la nation! Une telle situation pose un grand danger pour la classe dirigeante d’un pays capitaliste avancé comme le Canada. Le gouvernement fédéral est paralysé et a été pratiquement silencieux sur la question. La réalité est qu’il y a peu de chances que ces oléoducs soient construits un jour. Même si les tribunaux confèrent à  l’Alberta le pouvoir d’ignorer la réglementation de la Colombie-Britannique en matière d’environnement, chaque provocation de la part de l’Alberta ne fait qu’y renforcer l’opinion publique. Les Premières nations et les communautés côtières ne sont pas pressées de faire face à de nouveaux risques environnementaux et de voir les pêcheries menacées pour le profit de l’Alberta. Chaque kilomètre d’oléoduc devra être gardé par des détachements des forces armées afin de stopper les manifestations de masse. Ce n’est pas réalisable autant sur le plan politique qu’économique.

Avec les élections qui se tiendront l’an prochain, le NPD de l’Alberta a fait tout en son pouvoir pour gagner la sympathie des barons du pétrole. Mais les patrons ne feront jamais entièrement confiance au NPD et il est clair qu’ils donneront leur appui au Parti conservateur uni. Le NPD a instauré de modestes réformes en matière de législation sociale et du travail au moment de son arrivée au pouvoir, notamment le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, mais n’est pas en mesure de résoudre la crise de l’emploi qui sévit en Alberta. Tout en donnant des cadeaux aux sociétés privées, Notley a demandé aux travailleurs de faire preuve de « compassion » et de se serrer la ceinture. Elle a réussi à « convaincre » les syndicats d’enseignants et d’infirmières d’accepter des gels de salaire et fait pression sur le Syndicat des travailleurs de la fonction publique albertaine de faire de même afin de « préserver les emplois ». Sans surprise, cette trahison a démoralisé l’électorat ouvrier qui avait permis au NPD d’accéder au pouvoir. De plus, le NPD n’a plus la chance d’avoir face à lui une opposition divisée. Les derniers sondages indiquent que le Parti conservateur uni sortira probablement vainqueur des prochaines élections.

Même s’il s’oppose au NPD de l’Alberta dans l’affaire Trans Mountain, le NPD de la Colombie-Britannique partage les mêmes politiques réformistes molles que son pendant albertain. Il a à peine été en mesure de renverser le Parti libéral, pourtant détesté, lors des élections de 2017. En fait, les libéraux ont remporté plus de votes et obtenu plus de sièges, forçant les néo-démocrates à entrer en coalition avec le Parti vert afin de former un gouvernement minoritaire. Quiconque entretient encore des illusions par rapport au « radicalisme » des verts doit savoir qu’ils ont sérieusement envisagé de se joindre aux libéraux, qui sont pourtant à droite, et que, depuis ce temps, ils ont tenté de bloquer ou de diluer les réformes en matière de droit du travail et de salaire minimum.

Le NPD avait une plateforme de réformes mineures étalées sur une période de quatre ans. Elles comprenaient une augmentation du salaire minimum s’étalant jusqu’à 15 dollars de l’heure en 2021, un plan de construction de logements à loyer modique et l’élimination de nombreux péages et frais. La plateforme proposait aussi des services de garde à 10 dollars, mais peu après les élections, cette promesse a été brisée et remplacée par des subventions dans ce secteur. Beaucoup de travailleurs considèrent l’augmentation prévue du salaire minimum comme étant trop peu, trop tard. De plus, le plan de logement n’est trop vague pour pouvoir avoir des répercussions réelles sur la population. Le projet, qui prévoit de construire « 114 000 logements à loyer modique, sans but lucratif et en coopérative », apparaît ambitieux et le plan pour y arriver reste extrêmement flou.

 

Le conflit autour des oléoducs de Kinder Morgan a, dans une certaine mesure, fait augmenter la cote de popularité du premier ministre John Horgan. Le différend survient à un moment fortuit pour Horgan, quelques mois après avoir approuvé le projet hydroélectrique  très controversé du site C, auquel s’opposent fermement les militants environnementaux et certaines Premières nations.

Le climat politique demeure instable alors que le gouvernement néo-démocrate de Colombie-Britannique dépend du soutien des verts s’il veut se maintenir au pouvoir. Même si le gouvernement minoritaire tombait, ni les libéraux ni le NPD ne bénéficient actuellement d’une avance par rapport à leur adversaire. Un effondrement de l’économie mondiale provoquerait probablement l’éclatement de la bulle immobilière dans les grandes villes de Colombie-Britannique, ce qui modifierait fondamentalement le rapport de forces.

La jeunesse à l’avant-garde

La jeunesse est à l’avant-garde du mouvement mondial contre le statu quo. Tous les sondages montrent que la jeunesse rejette le capitalisme et a une opinion favorable du socialisme, du communisme et même de la révolution. Il y a un sentiment général que le système ne fonctionne pas et que le capitalisme n’offre aucun avenir aux jeunes. Un sondage auprès des Canadiens a récemment montré que 56 % d’entre-eux pensent que la qualité de vie de la prochaine génération sera pire qu’elle l’est aujourd’hui, contre 13 % qui pensent qu’elle sera meilleure.

Le chômage des jeunes au Canada est constamment deux fois plus haut que le chômage moyen, mais ce qui est encore plus révélateur est l’impact du sous-emploi et de l’incapacité de trouver du travail à la hauteur des qualifications des individus. Plus d’un quart des jeunes Canadiens sont sous-employés, un chiffre encore plus haut pour les travailleurs qualifiés. Par exemple, la Société ontarienne des ingénieurs professionnels estime que 33 % des diplômés en génie en Ontario sont sous-employés.

Il n’y a jamais eu de génération à la fois si qualifiée et si sous-utilisée. La dette étudiante moyenne est de 26 000 dollars, mais ce chiffre est beaucoup plus élevé dans les programmes professionnels. L’incapacité du capitalisme à utiliser de manière productive des personnes aussi compétentes est la preuve de sa banqueroute. Le ministre des Finances fédéral, Bill Morneau, a dit aux jeunes qu’ils « doivent accepter » l’économie des petits boulots et s’y habituer, mais ces remarques d’un banquier millionnaire de Bay Street n’ont fait que susciter la colère. Les jeunes cherchent désespérément une sortie de crise.

Bien que les choses vont mal, elles pourraient être pires. Le chômage des jeunes Canadiens est présentement à 11 %, tandis que ce chiffre dépasse les 30 % en Espagne et en Italie, et atteint 40 % en Grèce. La dernière récession a été particulièrement ressentie par les jeunes travailleurs. Une nouvelle récession mondiale qui se répercuterait sur un Canada affaibli rendrait la situation des jeunes encore plus précaire. La table est mise pour des explosions révolutionnaires.

Les jeunes n’ont pas de souvenir conscient d’un capitalisme offrant des réformes, mais n’ont pas non plus de souvenir conscient d’un mouvement ouvrier engagé dans une lutte véritable. Pour cette raison, l’idée que la classe ouvrière est centrale dans la lutte pour changer la société peut sembler abstraite. Il est essentiel que les jeunes n’abandonnent pas l’analyse de classe révolutionnaire et ne se laissent pas attirer par les idées à la mode de la classe moyenne comme les politiques identitaires. Ils s’en trouveraient isolés, et cela les empêcherait de s’unir aux forces qui peuvent véritablement menacer le capitalisme et l’oppression qui l’accompagne.

Nous voyons de premières couches de la jeunesse se politiser. À l’exception de la grève étudiante de 2012 au Québec, ce phénomène n’a pas encore pris une ampleur de masse. Mais même la croissance rapide de la TMI au Canada est symptomatique du fait qu’une couche de jeunes cherche des solutions révolutionnaires. Les perspectives d’avenir sombres pour la jeunesse, combinées à des événements et des mouvements d’ampleur mondiale, donnent une impulsion au développement de cette conscience révolutionnaire.

On dit souvent que les jeunes sont un baromètre de la crise au sein d’une société. Ils sont moins sous l’emprise des vieilles habitudes et de la routine que leurs aînés, et ils n’ont pas toutes les obligations qui rendent les travailleurs plus prudents à l’idée d’entrer en lutte. Mais en dernière analyse, c’est la classe ouvrière qui a le pouvoir de stopper le capitalisme et d’unir tous les opprimés contre le système. Le pouvoir de la jeunesse, c’est celui d’être l’étincelle qui déclenche l’entrée des travailleurs dans la lutte.

Ce qui manque dans la situation actuelle, c’est une direction. La direction des organisations ouvrières n’a jamais été aussi misérable. Nous devons militer pour construire une nouvelle direction formée des meilleurs nouveaux éléments qui commencent actuellement à entrer dans la lutte. Un élément essentiel de cette lutte est la construction d’une organisation marxiste révolutionnaire qui peut être vue comme une option aux yeux des travailleurs, des jeunes et des opprimés. Nous n’allons pas nous contenter de petites réformes qui peuvent être reprises aussi facilement qu’elles sont octroyées. Toute l’histoire nous montre qu’aucune réforme n’est durable si le capitalisme en entier n’est pas menacé. Afin de renverser le capitalisme, les travailleurs ont besoin d’une organisation révolutionnaire. Le capitalisme ne va pas s’effondrer de lui-même, et l’organisation révolutionnaire ne sera pas construite spontanément.

C’est dès maintenant qu’il faut mener le dur labeur nécessaire pour se préparer aux luttes qui surviendront inévitablement. D’ici la prochaine récession, des occasions de mener des luttes économiques offensives se présenteront. Après la récession, des millions de gens verront leurs dernières illusions dans le capitalisme anéanties. Une organisation révolutionnaire peut offrir les idées qui aideront ces mouvements à l’emporter, et faire ressortir les leçons qui s’imposent afin que les masses comprennent la crise. La Tendance marxiste internationale a connu des avancées impressionnantes au cours des dernières années, et est bien placée pour unir les meilleurs éléments révolutionnaires sous sa bannière. Déjà, des groupes viennent vers nous et rejoignent notre mouvement. Nous devons comprendre l’urgence de construire et d’entraîner de nouveaux organisateurs marxistes participant à la lutte réelle. Nous refusons de continuer à vivre sous ce statu quo de guerres impérialistes, d’oppression, de destruction environnementale et d’exploitation capitaliste. Joignez-vous à nous dans la lutte pour le socialisme.