« Rocket-Man » (homme-fusée), « vieux fou » : les insultes fusent entre Donald Trump et Kim Jong-un. Le 8 août dernier, au lendemain du 72e anniversaire des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki, Donald Trump a promis à la Corée du Nord « le feu et la fureur tels que le monde n’en avait jamais vus » en cas de « nouvelle menace » contre les États-Unis. Pyongyang lui a répondu le 29 août, puis le 15 septembre, par le lancement de deux missiles de très longue portée, capables de toucher la Californie. Entre temps, le 3 septembre, le régime a réalisé son sixième et plus puissant essai nucléaire. Trump a alors menacé de détruire totalement la Corée du Nord. Le 23 septembre, des bombardiers américains ont longé la côte orientale au nord du pays, du jamais vu depuis la Guerre de Corée. Sommes-nous au bord d’un conflit nucléaire ? Rien n’est moins sûr.

La Corée, point de friction des impérialismes

Malgré toutes ses gesticulations, Trump n’a en réalité aucune alternative militaire crédible en Corée du Nord. La négociation avec le régime est la seule option réaliste. C’est ce qu’illustre la déclaration du Secrétaire d’État américain Rex Tillerson, le 30 septembre dernier : « Nous avons des lignes de communication avec Pyongyang, nous ne sommes pas dans le noir complet (…) Nous pouvons leur parler, nous leur parlons. » Les États-Unis n’ont plus les moyens de s’engager dans des conflits majeurs. Les guerres en Afghanistan, en Irak et en Syrie ont démontré les limites de leur superpuissance. Selon certaines estimations, ces interventions leur ont coûté plus de 2000 milliards de dollars depuis 2001. C’est deux fois et demie ce que leur avait coûté la guerre du Vietnam. La population américaine est lasse de ces guerres inutiles, alors que l’économie américaine ne sort pas de la crise. Une guerre contre la Corée du Nord — mieux armée que l’Irak et dotée de l’arme nucléaire — aggraverait la crise économique et sociale aux États-Unis, et aurait de lourdes conséquences politiques, ce que redoute la bourgeoisie américaine. En revanche, une hausse des tensions sur la péninsule coréenne est un excellent prétexte pour justifier le renforcement de la présence militaire de l’impérialisme américain dans la région afin de contenir les puissances rivales russe et surtout chinoise. 80 000 GI’s sont déjà présents au Japon et en Corée du Sud. La Russie et surtout la Chine redoutent cette présence militaire américaine croissante. Si le régime nord-coréen s’effondre, l’armée américaine se retrouverait directement à leurs frontières. C’est pour cela que ces deux puissances soutiennent le régime de Kim Jong-un. L’option militaire est définitivement exclue. Seules des sanctions économiques peuvent ébranler le régime de Pyongyang. Mais la Chine, premier partenaire économique de la Corée du Nord, ne prendra pas de sanctions radicales contre son précieux allié.

Un régime stalinien

La Corée du Nord n’a jamais été un authentique régime « socialiste ». Depuis sa création en 1948, il s’agit d’un État ouvrier bureaucratiquement déformé : les moyens de production ont été nationalisés, mais l’État et l’économie échappent complètement au contrôle des travailleurs et des paysans. Tout le pouvoir est concentré dans les mains d’une bureaucratie totalitaire et privilégiée. La planification économique a permis, au début, un développement exceptionnel des forces productives. Jusqu’aux années 1970, les taux de croissance de la Corée du Nord étaient proches de 30 %, bien supérieurs à ceux de la Corée du Sud, régie alors par une dictature militaire capitaliste. Mais le poids de la bureaucratie et l’absence de gestion démocratique ont sabordé l’économie. L’effondrement du bloc de l’Est, en 1991, a aggravé la situation. Le pays a connu une terrible famine à la fin des années 1990. Depuis une dizaine d’années, l’économie nord-coréenne a retrouvé une légère croissance grâce à l’aide chinoise et à un début d’ouverture au capitalisme. La bureaucratie nord-coréenne a su profiter des rivalités entre puissances pour se maintenir au pouvoir. En développant l’arme nucléaire, elle veut se protéger d’une invasion militaire, comme celles qui ont frappé l’Irak ou la Libye.  

Internationalisme

Les interventions impérialistes n’ont jamais apporté la démocratie ou les droits de l’homme, mais uniquement plus d’oppressions et de destructions. Pour libérer et réunir les deux Corées, les travailleurs de la péninsule doivent renverser la bourgeoisie, au Sud, et la bureaucratie stalinienne, au Nord, et mettre en place une économie planifiée démocratiquement, sous leur contrôle. La lutte contre l’impérialisme est internationale. En luttant contre leur bourgeoisie, les travailleurs américains luttent contre l’impérialisme américain. Une révolution socialiste aux États-Unis serait une étape décisive pour mettre un terme une fois pour toutes à la plus grande menace pesant sur l’humanité : le capitalisme.