La fin de semaine dernière a eu lieu à Toronto le 15e congrès annuel de La Riposte/Fightback. S’y sont réunis plus de 50 militants provenants de divers lieux au pays : Toronto et les environs, bien entendu, mais aussi de Vancouver et Montréal. C’était le troisième congrès bilingue étant donné la forte présence de camarades francophones dans l’audience. Cet événement fut aussi l’occasion de rendre hommage à Camilo Cahis, ancien éditeur du journal Fightback, tragiquement décédé très récemment. Des militants d’à travers le monde avaient pour l’occasion envoyé leurs voeux au congrès afin de souligner l’apport irremplaçable de Camilo à la lutte. Ces émouvants messages de support en provenance d’Argentine, du Mexique, de Belgique, de France, de Nouvelle-Zélande et du Salvador, pour ne nommer que ceux-là, encourageaient les militants canadiens et québécois à poursuivre leur bon travail et à continuer la lutte avec autant, sinon plus, d’enthousiasme et d’acharnement.
Le congrès a eu le plaisir d’accueillir parmi ses visiteurs Fred Weston, éditeur du site In defense of Marxism. C’est d’ailleurs Fred qui a brisé la glace en donnant la première présentation du congrès qui portait sur les perspectives mondiales. Fred a expliqué que la crise mondiale du capitalisme a créé une situation d’instabilité de plus en plus tangible. Cela s’exprime à travers les mouvements de masse, les révoltes et les guerres qui éclatent partout autour du globe. Aucun pays de la planète n’est à l’abris de gouvernements qui implantent de sévères mesures d’austérité. Tout gouvernement qui ne romp pas avec le capitalisme est forcé d’adopter un programme de coupes et d’attaques sur les travailleurs. Les premiers à subir les effets de la crise sont encore les travailleurs et les jeunes. Les phénomènes tels que l’élection de Syriza en Grèce, la popularité monstre de Podemos en Espagne et la grande popularité du SNP et de l’indépendance en Écosse montrent la soif de changement chez les masses à travers le monde. Ces événements sont des opportunités incontournables pour les marxistes.
Suite à ces réflections, le camarade Alex Grant a enchaîné avec une présentation sur les perspectives canadiennes. Évidemment, il était inévitable pour lui d’aborder l’élection du NPD en Alberta il y a quelques semaines. La victoire spectaculaire de ce parti social-démocrate au sein du « Texas du Canada » démontre avec brio la justesse de l’analyse marxiste, qui rappelle que la conscience de classe des masses n’est pas figée, mais connait des changements brusques sous le coup des évènements. L’économie canadienne, qui jusqu’à récemment pouvait se «vanter» de s’être mieux tirée de la crise de 2008 que les États-Unis, est aujourd’hui sérieusement menacée par la chute du prix du pétrole et la baisse de valeur du dollar canadien. L’Alberta, de loin la province qui créait le plus de nouveau emplois au pays dans les dernières années, a depuis la crise pétrolière amorcé une série de mises à pieds qui va laisser des milliers de ménages sans revenus. Bien que le secteur manufacturier, surtout en Ontario et au Québec, soit dans une période de croissance, l’économie des provinces de l’Est du Canada n’est pas à l’abris de la crise mondiale de surproduction et du déclin du marché albertain. Cela, sans compter l’éclatement de la bulle immobilière qui se prépare. Effectivement, à Toronto, le ménage moyen dépense 56% de son revenu mensuel avant taxe sur le logement alors qu’à Vancouver, cela a atteint 84%! Dans une telle situation économique, on peut donc s’attendre à ce que la vague de mesures d’austérité qui a débuté il y a quelques années ne puisse que continuer de plus belle.
La présentation du camarade Alex Grant sur l’histoire de La Riposte/Fightback a été l’occasion de revenir sur nos débuts difficiles et sur les péripéties qui se posent sur le chemin de la création d’un journal et d’une organisation révolutionnaires. Son témoignage fut riche d’enseignements sur les erreurs et les bons coups que peuvent faire les révolutionnaires. Il est normal de faire des erreurs, mais il faut savoir en tirer des leçons et corriger son tir. Cela nous rappelle pourquoi, en tant que marxistes, nous insistons autant pour étudier l’histoire des luttes passées.
Bien que le 15e congrès canadien regroupât à peu près autant de membres que l’année précédente, il fût souligné à plusieurs reprises qu’on pouvait y observer une sérieuse différence qualitative. Les discussions suivant les présentations ont démontré un sérieux et une compréhension plus élevées que les dernières années de la part des participants. Bien que le décès du camarade Camilo ait porté un coup dur à la section, tous et chacun veulent honorer notre défunt camarade en redoublant d’efforts et de sérieux dans la lutte. Comme l’a si bien écrit le camarade Erik Demeester depuis la Belgique, un marteau brise le verre, mais forge l’acier, et nous ne sommes pas constitués de verre. Le succès de cette fin de semaine a d’ailleurs été dû en grande partie à un effort collectif exemplaire, ce qui est un bon signe pour la poursuite de la lutte.