Le congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui s’est tenu fin octobre à Pékin, a été marqué par le renforcement du pouvoir de son secrétaire général, Xi Jinping, mais aussi de l’emprise du parti sur la société chinoise. L’appel à la création d’un plus grand nombre de cellules du PCC dans les entreprises en est un exemple. Des commentateurs bourgeois y ont vu le signe d’un retour au maoïsme. C’est tout le contraire : l’objectif de Xi Jinping est de protéger le capitalisme chinois.
La bourgeoisie et le PCC
C’est sous la direction de la bureaucratie maoïste du PCC que le capitalisme a été graduellement restauré, à partir des années 1980. La classe capitaliste chinoise est donc née sous la tutelle du parti unique. Faute d’un autre cadre politique, elle a utilisé ce parti pour défendre ses intérêts, en modifiant au passage sa composition sociale – jusqu’à en faire un parti bourgeois. En 2005, déjà, 34 % des entrepreneurs privés étaient membres du PCC (contre 5,5 % de l’ensemble de la population). Les capitalistes sont la classe la mieux représentée dans le parti. En conséquence, les luttes internes au PCC reflètent, pour une bonne part, les pressions de la bourgeoisie chinoise – ou de ses différentes couches – sur l’appareil d’État et la bureaucratie dirigeante.
Alors que les congrès du PCC sont habituellement le théâtre de marchandages entre fractions bureaucratiques, le dernier a vu Xi Jinping renforcer son contrôle sur l’appareil. Il a exclu presque tous ses opposants des organes dirigeants. Le « Comité permanent » de sept membres qui dirige le parti compte désormais cinq partisans de Xi (plus Xi lui-même, bien sûr). Le renforcement du pouvoir de Xi, qui s’était manifesté ces dernières années par des campagnes « anti-corruption » visant des bureaucrates rivaux ou trop ouvertement corrompus, s’accompagne aussi du renforcement de la présence du parti dans l’économie privée, avec la multiplication des « cellules d’entreprises ». Cela permettra d’assujettir certains entrepreneurs au PCC, mais aussi de renforcer le contrôle du parti sur les travailleurs, la loi obligeant les syndicats d’une entreprise à se placer sous l’autorité des cellules du parti qui y existent.
Tout ceci ne vise absolument pas à revenir à une forme de planification de l’économie, mais plutôt à défendre et renforcer le capitalisme chinois. C’est ce que montrent aussi les mesures économiques adoptées lors du congrès, notamment la simplification drastique des procédures permettant aux entreprises étrangères de s’implanter en Chine – ou encore la promesse que l’État n’aura plus son mot à dire sur la façon dont les entreprises étrangères y investissent.
Crise et lutte des classes
Ces dernières années, l’impérialisme chinois a joué un rôle de plus en plus offensif sur la scène mondiale, en rupture avec son attitude « réservée » des années 2000. Le projet des « Nouvelles routes de la soie » ou le récent coup d’État militaire au Zimbabwe (soutenu par Pékin) en sont des manifestations évidentes. Cette politique étrangère expansive est, pour partie, une tentative de repousser la crise de surproduction qui menace l’économie chinoise.
En 2008-2009, la Chine a « sauvé » le capitalisme mondial grâce à une politique massive d’investissement public. Si le « moteur » chinois s’était éteint, à l’époque, la récession mondiale aurait pu sombrer dans une profonde dépression. Mais le problème a seulement été repoussé, en l’aggravant. La dette chinoise (publique et privée) a quadruplé depuis 2008 – sans que, pour autant, de nouveaux débouchés économiques n’apparaissent. En conséquence, le ralentissement de l’économie chinoise se poursuit : la croissance (6,7 % en 2016) y est à son plus bas niveau depuis 26 ans. C’est insuffisant pour absorber les millions de paysans qui, chaque année, émigrent dans les villes.
Sur fond de crise du capitalisme et de croissance du chômage, la lutte des classes s’intensifie. Depuis 2014, le nombre de grèves double chaque année. D’où le besoin des dirigeants du PCC de renforcer leur autorité et leur contrôle sur la société. La faiblesse politique de la bourgeoisie chinoise a permis à la bureaucratie, et particulièrement à ses sommets, de s’assurer une relative indépendance. Ce type de situation, dans laquelle l’appareil d’État acquiert un certain degré d’autonomie vis-à-vis de la classe dirigeante, est désignée par les marxistes sous le nom de « bonapartisme ». La bourgeoisie perd en partie le pouvoir politique direct, mais les moyens de répression de l’État demeurent à son service dans la lutte contre les travailleurs. En ce sens, le bonapartisme est une tentative de sauver le capitalisme… des capitalistes eux-mêmes.
Le renforcement actuel des pouvoirs du PCC, loin d’être un signe de force, est le symptôme de l’aggravation des contradictions du capitalisme chinois. Ces contradictions ne pourront être résolues que par le mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière chinoise – la plus nombreuse au monde.