Le 13 janvier dernier, les membres de l’Association des étudiants et des étudiantes de la Faculté des sciences de l’éducation (ADEESE) de l’UQAM ont voté en faveur d’une grève d’un jour le 16 février prochain avec « comme revendication principale la rémunération de tous les stages, toute discipline et ordre d’enseignement confondu ». Cette décision a été imitée par l’Association étudiante du module de l’éducation de l’UQO. La journée de grève doit coïncider avec l’ouverture du Rendez-vous de la main d’œuvre, une initiative du gouvernement libéral où il sera notamment question de l’arrimage entre les programmes universitaires et collégiaux et les besoins des entreprises québécoises. Une manifestation aura lieu le même jour à Québec pour protester contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard. La Riposte socialiste appuie sans réserve les étudiant-es dans leur lutte pour de meilleures conditions d’études et de travail.
La lutte contre les stages non rémunérés
Cette journée de grève survient dans le cadre d’une nouvelle tentative de mobilisation contre les stages non rémunérés, un enjeu qui commence à trouver une place dans le mouvement étudiant depuis plusieurs années. En effet, en 2008, la Fédération étudiante universitaire du Québec avait demandé que les futurs enseignant-es soient rémunérés pour leur stage puisque des milliers d’étudiant-es « hypothèquent leur qualité de vie chaque année » durant leur stage. Pendant l’été 2014, la Campagne de revendications et d’actions interuniversitaires des étudiants et des étudiantes en stage (CRAIES) était créée pour « que les stagiaires en éducation reçoivent une compensation financière égale à 330$, indexée au coût de la vie, par semaine ». Il y a eu quelques activités de la CRAIES dans les depuis lors, comme en 2015, où les étudiant-es de la faculté d’éducation au premier cycle de l’université de Sherbrooke ont réclamé d’être payés pour leurs stages, particulièrement le tout dernier, où les étudiant-es doivent passer 256 heures impayées dans la préparation et l’enseignement de leur cours.
En 2016, il y eut la création du Comité unitaire sur le travail étudiant (CUTE) au Cégep Marie-Victorin. Un appel fut lancé pour que d’autres campus emboîtent le pas. Puis, l’automne dernier, ce fut au tour des 250 internes et 450 stagiaires doctorants en psychologie d’entamer un boycottage des internats et des stages. Ce mouvement s’est soldé par une entente avec le gouvernement du Québec qui prévoit la mise en place d’un programme de bourses de 6,2 millions de dollars pour les internats et les stages des doctorants en psychologie. Cependant, ce montant fut promis à condition de l’augmentation de 150 heures de travail dans l’internat ou la promesse de travailler deux ans dans le secteur public.
La crise capitaliste et l’exploitation des étudiant-es
Les stages étudiants non-rémunérés sont l’une des facettes de l’exploitation accrue de la jeunesse sous le capitalisme en crise, dont nous avons récemment traité. Ainsi, selon le Globe and Mail, il y aurait 300 000 stagiaires qui ne seraient pas payés au Canada à l’heure actuelle. La crise de 2008 a eu pour effet d’accentuer l’exploitation de tous les travailleur-euses, particulièrement les jeunes. Selon Sean Geobey, un chercheur associé au Centre canadien de politiques alternatives, auteur d’un rapport intitulé The Young and the Jobless, le nombre de stagiaires non rémunérés a bondi depuis 2008. Mais ce marché du travail de plus en plus hostile, ce qui est d’ailleurs une tendance observable à l’échelle mondiale, n’est qu’un des aspects du problème. L’exploitation accrue des étudiant-es est aussi accompagnée de conditions de travail de plus en plus pénibles.
Par exemple, une jeune étudiante de médecine dévoilait récemment les conditions d’exploitation vécues par les stagiaires en médecine. « Ça va jusqu’à des menaces de ne pas avoir l’emploi. Les résidents ont de la pression pour faire le maximum d’heures. On empiète sur le sommeil, on ne dort plus. Ce qu’on fait, c’est travailler et étudier. » Selon le Journal de Québec, 40 % des médecins résidents disent être victimes d’intimidation de la part des médecins ou des infirmières. Également, selon un sondage mené en 2012 par la Fédération médicale étudiante du Québec, un étudiant en médecine sur cinq a songé au suicide. Deux suicides d’étudiantes de médecine en l’espace de six mois en 2014 et 2015 avaient mis en lumière les conséquences dramatiques de la pression croissante sur les épaules de ce groupe d’étudiant-es en particulier.
Alors que l’exploitation s’accroît, il est normal qu’elle soit accompagnée par une recrudescence des maladies mentales et de la détresse psychologique. Tandis que la crise du capitalisme s’approfondit, l’avenir semble de plus en plus sombre pour les jeunes étudiant-es du pays.
Les étudiant-es doivent riposter!
Le gouvernement libéral provincial a montré depuis les trois dernières années sa détermination à saper les gains de la classe ouvrière tout en protégeant les intérêts du 1 %. Ainsi, non seulement les étudiant-es sont victimes des mesures d’austérité du gouvernement, mais les travailleur-euses, les bénéficiaires du bien-être social, les ainé-es et autres groupes le sont également.
Tel que mentionné précédemment, nous appuyons de tout cœur la lutte des étudiant-es en éducation de l’UQAM et de l’UQO, et celle des autres groupes étudiants luttant contre les stages non rémunérés. Mais la lutte ne peut être confinée à une seule faculté ou à quelques campus; la seule manière de freiner le déclin des conditions d’études et de travail est d’élargir la lutte à d’autres groupes étudiants.
Cette tâche incombe d’abord et avant tout aux syndicats étudiants nationaux. Nous nous devons toutefois de constater que depuis l’échec du printemps 2015, le mouvement étudiant est entré dans un creux de vague. L’ASSÉ a même perdu deux de ses associations les plus combatives, soit le Cégep St-Laurent et Marie-Victorin. Cependant, des initiatives récentes comme le CUTE témoignent d’une volonté renouvelée de lutter. La lutte contre les stages non rémunérés a le potentiel de faire sortir de l’apathie le mouvement étudiant, et l’ASSÉ en particulier. Les syndicats étudiants disposent de ressources et d’une capacité d’organisation qui a fait ses preuves, et qui pourront permettre d’élargir le mouvement et de préparer la victoire. Doter ces organisations qui englobent des dizaines de milliers d’étudiant-es d’un programme de lutte non seulement contre les stages non rémunérés, mais aussi contre l’austérité et le capitalisme, telle doit être la tâche du mouvement étudiant. Il importe d’ajouter que les luttes du passé nous ont montré que les étudiant-es seuls ne peuvent défaire l’austérité : le mouvement se doit d’entraîner les travailleur-euses dans la lutte!
Ces luttes passées du mouvement étudiant (et ouvrier) nous ont également appris que toute victoire demeure temporaire tant que nous restons sous l’emprise du système capitaliste et des gouvernements bourgeois qui implantent l’austérité. C’est ce que la victoire étudiante de 2012 a montré, lorsque quelques mois après l’annulation de la hausse des frais de scolarité, le Parti québécois mettait en place une nouvelle hausse.
Tandis que les étudiant-es se démènent dans des stages impayés et y sacrifient leurs conditions de vie, leur santé mentale et leur vie sociale, la richesse s’accumule au sommet de la société. Ainsi, nous apprenions récemment que deux Canadiens possèdent maintenant plus de richesses que le tiers de la population du pays. Une telle aberration est le résultat inévitable du système capitaliste. La seule façon de sécuriser les gains de la classe ouvrière et des jeunes est de lutter contre le système même qui crée les inégalités et entraîne la diminution de nos conditions de vie. Aujourd’hui plus que jamais, les étudiant-es et les travailleur-euses doivent non seulement lutter contre les attaques des capitalistes et de leurs politiciens, mais également pour un programme de transformation de la société, pour un programme socialiste!