Le 3 avril dernier, une manifestation nationale contre les mesures d’austérité avait lieu à Montréal, rassemblant plusieurs milliers de d’étudiant-e-s, de travailleurs et travailleuses et de militant-e-s de toutes tendances. Le même jour, coïncidence, une étude du Canadian Centre for Policy Alternatives nous apprenait que les 86 personnes et familles les plus riches du Canada possèdent autant de richesse que les 11,4 millions de Canadien-ne-s les plus pauvres.
Toujours selon le rapport, il s’agit d’une augmentation par rapport à 1999, alors que ces 86 plus riches – seulement 0,002% de la population du pays – possédaient autant que les 10,1 millions de personnes les plus pauvres. De plus, des chiffres de Statistiques Canada montrent que les 40% les plus riches possèdent 88,9% de la richesse, tandis que le 60% restant doit se contenter de 11,1% de la tarte. Aussi, les chiffres mettent en lumière le fait que les familles faisant partie du 20% le plus pauvre ont plus de dettes que d’actifs. L’analyse du CCPA souligne que les gens qui atteignent le sommet de la pyramide ont tendance à y demeurer par la suite.
Concrètement, qu’est-ce que cela nous dit ? Premièrement, le message est plutôt clair : la richesse existe au Canada. Ces chiffres montrent que le capitalisme a permis le développement d’une société où la richesse abonde et serait suffisante pour permettre à tous et à toutes de vivre dignement, de permettre à chacun-e de ne plus avoir à lutter pour sa survie. Cependant, ces chiffres témoignent également de la profondeur de la crise dans laquelle le capitalisme se trouve. Le système ayant préparé le terrain pour le développement d’une société d’abondance est lui-même devenu un immense frein à ce développement.
Cette monstrueuse concentration de richesses n’est que l’aboutissement logique de ce système fondé sur la recherche de profit et la concurrence. En système capitaliste, la compétition entre les entreprises force celles-ci à faire de plus en plus de profits, sur le dos des travailleurs et travailleuses. Combinée au développement de la technique, cette compétition va conduire les entreprises à réduire le nombre de travailleurs et travailleuses à son service, et à baisser les salaires de ceux et celles qui resteront. Les entreprises seront ainsi à même d’augmenter la production. Mais qui va consommer le nombre grandissant de marchandises produites ? Ce sont les travailleurs et travailleuses, les mêmes qui sont victimes des réductions de salaire et des licenciements ! Les capitalistes s’attaquent donc à leur propre marché, et c’est ce qui est à l’origine de la crise dans laquelle nous nous trouvons présentement. Une crise de surproduction, comme le disait Marx.
Nonobstant cette analyse, les capitalistes et les réformistes de tout acabit tenteront d’amener leurs solutions respectives à la crise économique. Présentement, chez les capitalistes, la réponse à la crise est la mise en place de mesures d’austérité, qui comprennent sous différentes formes des congés fiscaux pour les grandes entreprises, la réduction des services publics, l’augmentation des frais de scolarité, etc. Cependant, ces mesures ne peuvent pas venir à bout de la crise, car elles contribuent à appauvrir encore plus la classe ouvrière et ainsi faire en sorte qu’elle ait encore plus de difficultés à consommer les biens issus de la production. De plus, les expériences d’austérité récentes ont montré qu’elle n’avait pas permis d’augmenter les investissements productifs des entreprises.
Chez les réformistes, un slogan particulièrement prisé par les temps qui courent est « taxons les riches! » D’ailleurs, l’un des individus derrière l’étude du CCPA, David MacDonald, affirme que des hausses d’impôt au haut de la pyramide ainsi que des taxes plus élevées sur le capital pourraient permettre de stopper cette hausse des inégalités de richesses entre la poignée de personnes aussi riche que le tiers de la population canadienne.
Si taxer et imposer les riches ne sont pas de mauvaises choses en soi, ces mesures ne sont certainement pas une panacée qui permettra de rétablir la situation. Effectivement, elles n’auront qu’un effet minime sur cette richesse accumulée au sommet, précisément car dans bien des cas, celle-ci a été héritée, et non gagnée. D’un autre côté, ces mesures pourraient entraîner une fuite de capitaux qui serait nocive pour l’économie canadienne. En effet, dans le contexte de crise économique profonde dans lequel nous nous trouvons, les capitalistes sont très peu enclins à accepter des hausses d’impôts – cette question est traitée plus en détails ici. C’est une situation que les capitalistes comprennent, du moins en partie, et qui justifie l’ordre du jour austère qu’ils imposent aux Canadiens-ne-s. Quoi qu’il en soit, tant les capitalistes que les réformistes aboutissent à un cul-de-sac.
Ainsi, tant au niveau fédéral avec Stephen Harper qu’au niveau provincial québécois avec Philippe Couillard, l’austérité demeure à l’ordre du jour, plus que jamais. Par ailleurs, Couillard a annoncé le 24 avril dernier que des coupes s’élevant à 3,7 milliards de dollars auraient lieu cette année, tandis que son ministre des Finances, Carlos Leitao, a affirmé que d’autres programmes sociaux pourraient être éliminés. Voilà la seule réponse que peuvent fournir les capitalistes à la crise de leur système. Cela ne peut en rien faire diminuer la proportion de richesse entre les mains de ces 86 personnes et familles les plus riches du pays. Les années d’austérité à venir viendront à bout des illusions réformistes.
Ce n’est certes pas la première fois que des chiffres tels ceux du CCPA sont montrés, et ce n’est sans doute pas la dernière. Depuis des années, nous sommes bombardé-e-s d’études démontrant la concentration des richesses dans un nombre de mains de moins en moins important. Quoi qu’il en soit, ces chiffres nous rappellent à chaque fois l’acuité de l’analyse marxiste ainsi que la nécessité de lutter pour le socialisme.
Car effectivement, la tâche du moment demeure de lutter pour qu’un réel programme socialiste soit mis de l’avant. La seule solution à la crise du capitalisme est le contrôle démocratique par les travailleurs et travailleuses de la richesse nationale, ainsi que la nationalisation des principaux secteurs de l’économie.
Ce sera là le premier pas permettant d’envoyer le système capitaliste là où il devrait être, soit dans la poubelle de l’Histoire.