Les ravages des changements climatiques ne sont plus une menace lointaine, mais une réalité immédiate. Au cours de l’année écoulée, d’énormes parties de la Colombie-Britannique ont été détruites par le feu et sont maintenant englouties par les inondations. Taïwan, la Californie et le Brésil ont connu des sécheresses record. La forêt amazonienne émet désormais plus de dioxyde de carbone qu’elle n’en absorbe. La famine menace Madagascar en raison de mauvaises récoltes généralisées. Tout cela n’est que le début. La Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26) de l’ONU a réuni 30 000 délégués de 200 pays pour prétendument s’attaquer à la crise climatique. Tout le monde parle de la nécessité de mesures drastiques, et pourtant, la COP2 n’a pu aboutir qu’à des demi-mesures après deux semaines de « blabla », comme l’a dit Greta Thunberg.
Le principal slogan de la conférence de Glasgow était « Garder la cible de +1,5 °C en vie » (« Keep 1.5°C alive »), et elle a échoué même sur ce front. Même si les engagements pris lors de la COP26 étaient respectés, on atteindrait tout de même un réchauffement de 2,5°C à 2,7°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici la fin du siècle, ce qui rendrait les vagues de chaleur, les incendies de forêt, les sécheresses, les inondations et les phénomènes météorologiques extrêmes endémiques.
Selon les modèles climatiques, pour avoir 83% de chances de rester à 1,5°C de réchauffement, nous ne pouvons émettre que 300 gigatonnes de CO2 supplémentaires à partir de maintenant. Les engagements pris lors du sommet de Glasgow nous amèneront à épuiser ce qui reste de notre budget carbone d’ici le début des années 2030.
Les accords conclus lors de la COP26 se répartissent en deux catégories : soit les gouvernements ont signé des engagements qui n’auront aucune incidence sur eux, soit ils ont signé des engagements sans prévoir comment les réaliser dans les faits, compte tenu des coûts qu’ils occasionnent.
Les plus gros pollueurs refusent de signer des engagements qui réduiraient leurs marges bénéficiaires. Nous nous retrouvons donc avec un écoblanchiment du statu quo, les nations ayant signé des engagements audacieux qui n’aboutiront à rien. Par exemple, seuls huit gouvernements – qui ne représentent que 0,1% de l’approvisionnement en pétrole et en gaz naturel – ont signé l’engagement de Beyond Oil and Gas Alliance de ne plus « délivrer de nouveaux permis d’exploration et de production de pétrole et de gaz ». Les pays qui se sont engagés à rendre toutes les nouvelles voitures non polluantes d’ici 2040 ne représentent que 20% du marché automobile mondial. La Chine, l’Inde et la Russie – les trois principaux émetteurs de méthane – ont refusé de signer un engagement non contraignant visant à réduire les émissions de méthane de 30% d’ici à 2030. Les cinq plus grands consommateurs de charbon n’ont pas voulu signer l’engagement visant à accélérer la « réduction progressive » du charbon, et encore moins à l’éliminer complètement.
La classe dirigeante n’a aucune intention de renoncer aux combustibles fossiles ou de réduire radicalement les émissions. Nous avons plus de combustibles sales que nous ne pouvons en brûler tout en restant dans la limite de 1,5°C de réchauffement, et pourtant la classe dirigeante continue de subventionner de nouveaux pipelines. La plus grande réussite dont la COP26 peut se targuer à cet égard est sans doute d’avoir accouché du premier texte du sommet des Nations unies sur le climat depuis le protocole de Kyoto en 1997 à mentionner les « combustibles fossiles »!
Dans les rares cas où des pays ont signé des engagements qui, s’ils étaient pris au sérieux, auraient un impact réel sur leur propre économie, ils n’ont prévu aucune mesure et n’ont pas l’intention de payer la facture. Par exemple, 100 pays ont signé une promesse de mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Ces pays représentent 85% des forêts de la planète. Mais en 2014, nombre de ces mêmes pays se sont engagés à réduire la déforestation de 50% d’ici à 2020, et la déforestation n’a cessé d’augmenter. Plus flagrant encore, plus de 130 pays ont promis la carboneutralité d’ici 2050 sans prendre aucune mesure pour réduire leurs émissions à court terme. Austin Whitman de Climate Neutral l’a bien dit : « Il y a une réalité : si vous faites une promesse pour 2050, vous n’avez pas vraiment besoin de changer quoi que ce soit aujourd’hui. »
Dans ses commentaires sur la COP26, Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, a écrit : « Je n’ai jamais vu autant d’élan ou de volonté de vaincre le changement climatique [qu’à la COP26]. Les secteurs public et privé accélèrent leurs actions, le Canada est à l’avant-garde et les pays s’efforcent de maintenir le seuil de 1,5°C à portée de main. Nous pouvons et nous allons léguer à nos enfants et petits-enfants une planète en meilleur état que celui dans lequel nous l’avons trouvée. »
La prétention de M. Guilbeault selon laquelle nous léguerons une meilleure planète à nos petits-enfants semble très peu probable étant donné l’inaction de la COP26. Mais le ministre a raison de dire que le Canada est à l’avant-garde. Le gouvernement Trudeau est à l’avant-garde en matière de discours creux sur le climat et les émissions de carbone par habitant. Le Canada est le deuxième plus gros émetteur du G20. Le Canada est à l’avant-garde de l’hypocrisie tout en perpétuant la crise climatique.
L’incapacité de la classe dirigeante à faire face à la crise climatique entraînera des souffrances inimaginables aussi longtemps qu’elle ne sera pas renversée. Les nations les plus pauvres – qui portent le moins de responsabilité – ont été les plus vulnérables aux ravages de la crise climatique, avec moins de ressources pour s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les États-Unis, l’Australie et l’Union européenne ont bloqué les efforts de ces pays pour mettre en place un fonds d’indemnisation destiné à compenser les dommages qu’ils ont subis et qu’ils continueront de subir. Tout ce que la COP26 a pu promettre, c’est de renforcer le dialogue, ce qui est bien loin des 290 à 580 milliards de dollars dont les pays en développement disent avoir besoin d’ici 2030. Les paroles ne valent pas grand-chose, et les criminels qui ont pollué notre air, empoisonné notre eau et brûlé les forêts du monde entier à des fins lucratives préfèrent voir des millions d’autres personnes déplacées plutôt que de couvrir les coûts.
La COP26 a brisé toutes les illusions selon lesquelles les capitalistes sont capables de faire face à la crise climatique. La classe dirigeante n’a même pas confiance en elle-même. Mure Dickie du Financial Times a écrit : « Une action internationale unifiée est essentielle pour limiter le réchauffement à des niveaux permettant d’éviter une catastrophe. Pour cela, le processus de la COP, avec tous ses échecs, n’est pas seulement notre meilleur espoir. C’est notre seul espoir. » En tant que stratège du capital, il a raison de dire que c’est leur seul espoir. Quel petit espoir c’est. Le capitalisme est un système sans avenir, qui menace la société et l’existence humaine. Une action internationale coordonnée est impossible sous le capitalisme, puisque la classe dirigeante de chaque pays cherche constamment à prendre le dessus sur ses rivaux.
La COP26 doit être le dernier clou dans le cercueil de l’idée que le capitalisme peut prévenir la catastrophe environnementale. La réalité est que, pour sauver la planète, nous avons besoin d’une révolution. Les travailleurs et les jeunes doivent exproprier la terre, les principales industries, notamment le pétrole, les mines, l’exploitation forestière, l’énergie et les transports, et les intégrer dans un plan de production socialiste. L’histoire montre qu’aucune classe dirigeante ne renoncera volontairement à son pouvoir et à ses privilèges. Toute solution sérieuse à la crise climatique doit commencer par une révolution pour renverser le capitalisme et mettre fin à l’exploitation de la terre et de ses habitants.