Chrystia Freeland, le numéro deux du gouvernement Trudeau, a démissionné de son poste. Cette démission exacerbe la crise du gouvernement à un moment où l’économie est au bord de la récession et où la menace de Donald Trump se profile à l’horizon.
Avant sa démission, des rumeurs ont circulé selon lesquelles Freeland et Trudeau s’étaient disputés au sujet du congé de la TPS et du chèque gouvernemental de 250 dollars. Dans sa lettre de démission, Freeland a critiqué les « astuces politiques coûteuses » de Trudeau, soutenant que le gouvernement canadien devait plutôt garder sa « capacité fiscale » face au « nationalisme économique agressif » de Trump.
La stratégie de Trudeau consistant à essayer d’amadouer Trump semble avoir produit l’effet inverse, puisque Trump a réitéré sa menace d’imposer des droits de douane de 25% sur tous les produits canadiens entrant aux États-Unis. Il s’est même moqué du Canada, menaçant à la blague d’en faire le « 51e État » des États-Unis.
Les choses vont de mal en pis pour le gouvernement Trudeau, et la menace de Trump ne fait rien pour améliorer les choses.
La crise s’accélère
Suite à la démission de Freeland, les appels à la démission de Trudeau se sont multipliés, un député libéral affirmant qu’un tiers des 153 députés libéraux souhaitent désormais le départ de Trudeau. Même le très libéral Toronto Star, le journal le plus lu au Canada, demande sa démission.
Aujourd’hui, les conservateurs et le Bloc québécois demandent à Trudeau de dissoudre le parlement et de convoquer des élections anticipées. Mais selon les sondages, si les élections avaient lieu maintenant, les libéraux perdraient plus de 100 députés. Présageant de leur sort aux prochaines élections, les libéraux ont été battus lors d’une élection partielle en Colombie-Britannique le jour même de la démission de Freeland, perdant le siège au profit des conservateurs, qui ont remporté 66% des voix. Devant la menace qui pèse sur eux, les libéraux résistent de toutes leurs forces à une élection générale.
Au-dessus de la tête des libéraux plane la menace imminente d’un vote de défiance à l’égard du gouvernement, qui ne manquera pas de se produire à la première occasion.
La seule chose qui maintient les libéraux au pouvoir est le soutien continu du NPD. Mais les néodémocrates se couvrent de ridicule en s’accrochant désespérément aux libéraux et en paient le prix dans les sondages.
Cependant, Jagmeet Singh semble incapable de comprendre la logique de la situation. En réponse à la démission de Freeland, le chef du NPD, a refusé de préciser s’il soutiendrait ou non le gouvernement, répétant de manière robotique : « Tous les outils, toutes les options sont sur la table. »
Un journaliste, visiblement ébahi, a dû expliquer à Singh la réalité de la situation : « Monsieur, la pièce derrière vous est un parlement. Le gouvernement continue à gouverner tant que les députés continuent à lui faire confiance. Il ne vous appartient pas de décider qui est le chef du Parti libéral. Soutiendrez-vous le gouvernement ou retirez-vous votre soutien au gouvernement?
Impassible, Singh a répété sa cassette : « À ce sujet, j’ai dit que toutes les options étaient sur la table. »
Des nuages sombres
Lorsque Trudeau est arrivé au pouvoir en 2015, il a promis des « voies ensoleillées ». Mais neuf ans plus tard, le soleil est caché par des nuages sombres. L’élection de Donald Trump accélère massivement les développements qui bouleversent toute la dynamique politique qui a gouverné le pays ces neuf dernières années.
Ce qui est clair, c’est que Trudeau est fini et que ce gouvernement tombera, d’une manière ou d’une autre. Le NPD ne peut pas soutenir le gouvernement indéfiniment et plus il le fait, plus il est discrédité. Tout comme il a été contraint de mettre fin à l’accord de soutien et de confiance, il sera tôt ou tard contraint de faire tomber le gouvernement.
Il apparaît presque inévitable que les conservateurs remportent facilement une majorité aux prochaines élections. Toutefois, cela ne veut pas dire que ce sera un gouvernement stable. Au contraire
Pierre Poilievre sera immédiatement aux prises à une crise massive sur tous les plans : une économie qui prend l’eau, une dette publique énorme et une guerre commerciale avec les États-Unis.
À cela, il faut ajouter une classe ouvrière rouge de colère après des années de trahisons et de déclin du niveau de vie sous les libéraux de Trudeau.
Des millions de gens s’imaginent que Poilievre va améliorer leur vie. Mais celui-ci leur a promis la lune, et il ne sera pas capable de remplir sa promesse.
Poilievre s’est engagé à faire face à Trump en « combattant le feu par le feu ». Toutefois, il s’agit encore de mots vides, puisqu’il n’a pas proposé de répliquer aux droits douaniers de Trump par des droits compensatoires. Le capitalisme canadien est un nabot face au mastodonte américain, et ne peut sérieusement s’imaginer rivaliser contre lui. Cela explique l’approche timorée de Trudeau à l’égard de Trump cette fois, et pourquoi tous les leaders politiques à droite comme à gauche se plient en quatre pour satisfaire les demandes de Trump de surveillance accrue à la frontière.
Bien que Trump n’ait pas créé la présente crise, il a certainement massivement accéléré les événements et précipite la situation. Les politiciens canadiens ne peuvent plus se dérober face à la crise.
Dans sa lettre de démission, Freeland affirme que le gouvernement canadien devrait « lutter pour le capital et les investissements ». Comme l’économie canadienne a progressivement perdu du terrain au profit des États-Unis, la pression a aussi augmenté pour une réduction des obstacles aux investissements. Poilievre propose de « couper les taxes et de libérer l’entreprise privée ». Mais étant donné l’énorme dette fédérale, la seule façon d’y arriver serait d’entreprendre un programme brutal de coupes dans le filet social, de licenciements dans le secteur public et d’attaques sur les syndicats.
Cela signifie qu’à long terme, le modèle social-démocrate canadien ne sera plus soutenable et que le gouvernement sera sous une pression toujours plus grande pour attaquer les conquêtes obtenues par la classe ouvrière pendant l’après-guerre.
Toutefois, cela sera plus facile à dire qu’à faire. Poilievre ne fait pas campagne sur un programme d’attaques sur les syndicats et de coupes dans les services et dans la fonction publique. S’il prenait ce chemin, des millions de gens se sentiraient immédiatement trahis.
Loin de se présenter comme antisyndicaliste, Poilievre a promis de ne pas adopter de loi antisyndicale s’il était élu. Les syndicats sont déjà à vif après des années de violations du droit de grève par le gouvernement Trudeau, et si Poilievre attaquait les syndicats, tous ses appuis chez les travailleurs syndiqués se transformeraient en hostilité.
Quoiqu’il arrive, le Canada fonce vers la crise, l’instabilité et la lutte des classes. C’est inévitable. Il faut nous y préparer.
C’est exactement ce que fait le Parti communiste révolutionnaire nouvellement fondé.