Le mouvement FightFor15, qui milite pour la hausse du salaire minimum à 15$ l’heure pour les travailleurs américains, s’est désormais propagé au Québec. La FTQ lançait au cours de cette année sa campagne #MINIMUM15, qui sera suivie par les autres grandes centrales syndicales québécoises, la CSN et la CSQ, ainsi que par Québec solidaire. Les syndicats et les différents groupes sociaux ont affirmé aujourd’hui vouloir remettre cette revendication à l’agenda, à un an des élections provinciales. En réponse au mouvement, des intellectuels libéraux et idéologues de la classe dirigeante ont prédit une catastrophe si une telle hausse de salaire avait lieu. Qu’en est-il vraiment?
La pauvreté au Québec
Le rapport de recherche de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) sur les effets réels d’une hausse marquée du salaire minimum, sorti en octobre 2016, fournit des données empiriques très intéressantes pour éclairer la situation actuelle.
Les chercheurs nous informent que : « À 10,75$ l’heure en 2016, le salaire minimum au Québec est, à toute fin pratique, identique au salaire minimum de 1979 en tenant compte de l’inflation, et ce, malgré le fait que la productivité québécoise réelle par heure travaillée ait grimpé de plus de 35% au cours de cette même période. »
Par conséquent, l’augmentation du salaire minimum à 15$ l’heure ne constituerait qu’un rattrapage de l’échelle salariale par rapport au développement économique, un « ajustement venant compenser la stagnation salariale des dernières décennies ». Cette réforme aurait néanmoins un impact positif majeur sur les travailleurs québécois, dans la mesure où « la hausse du salaire minimum à 15$ l’heure implique une augmentation du pouvoir d’achat d’environ 35% pour les personnes salariées pleinement touchées par la mesure ».
Actuellement, au Québec, 733 700 salariés occupent des emplois à bas salaire qui ne leur permettent pas de subvenir à leurs besoins; on parle ici de salaires non viables. « Celles et ceux qui gagnent actuellement moins de 15$ l’heure au Québec sont 26% des salarié-es; 59% ont plus de 25 ans et la majorité sont des femmes ».
Bien que l’augmentation du salaire minimum à 15$ l’heure viendrait pallier cette réalité, elle ne constitue aucunement une panacée. En effet, « l’IRIS a estimé à 15,10$ en moyenne un salaire horaire viable pour le Québec » : « viable » n’implique évidemment pas que ce soit assez pour avoir un niveau de vie décent.
Les luttes pour le 15$ l’heure
Au Québec, la lutte pour le 15$ l’heure a débuté avec celle des travailleurs du Vieux-Port de Montréal. Konrad Lamour, le président du Syndicat des employé-es du Vieux Port de Montréal (SEVPM, affilié à l’Alliance de la Fonction publique du Canada [AFPC]), annonçait pendant l’été : « C’est le mouvement d’augmenter le salaire minimum à 15$ de l’heure à l’échelle de la province, on est très actifs sur cette campagne ». Notons qu’environ 38% des employés du Vieux-Port sont payés en dessous de 15$ de l’heure, selon la Société du Vieux-Port de Montréal.
Malgré cette belle lancée, après que les travailleurs aient rejeté l’offre de leur employeur et aient poursuivi leur grève, le mouvement s’est soldé par un échec. Le président syndical Konrad Lamour explique : « Après 100 jours de grève, les 300 employés fédéraux du Vieux-Port de Montréal n’ont pas réussi à obtenir une augmentation de salaire et le paiement de jours de congé de maladie ». L’obstacle majeur a été « une injonction interdi[sant] d’approcher le terrain de l’employeur et [le fait que] que celui-ci peut recourir à des briseurs de grève », explique la vice-présidente exécutive régionale de l’AFPC-Québec, Magali Picard. Les travailleurs ont accepté la nouvelle convention collective faisant passer le salaire minimum au Vieux-Port de Montréal de 10,67$ à 12,38$. Mme Picard semble convaincue que le leadership syndical poursuivra la lutte : « Je salue les cinq mois de sacrifices que les membres ont consacrés à l’amélioration de leurs conditions de travail. Le SEVPM et l’AFPC-Québec poursuivront la lutte pour l’obtention d’une loi anti-briseurs de grève au fédéral et pour un salaire minimum à 15$. » Cependant, lorsque la nouvelle convention collective sera échue le 31 mars 2021, une campagne pour le 15$ l’heure ne sera déjà plus suffisante pour donner aux travailleurs et travailleuses un salaire viable.
Dans le secteur de l’éducation, le Syndicat des employé-es occasionnel-le-s de l’Université McGill a déclenché une grève de cinq jours l’an passé entre le 29 octobre et le 2 novembre, suite à un mandat de grève de 82%. Le 15 octobre dernier, plus d’un millier de travailleurs et d’étudiants manifestaient dans les rues de Montréal pour le 15$ l’heure. La lutte dans le secteur de l’éducation a porté ses fruits. Depuis avril dernier, les 4 000 personnes salariées étudiantes de l’Université de Montréal ont accès à un salaire minimum de 15$ l’heure. Le 15$ l’heure a également été atteint le 1er janvier dernier par les auxiliaires de recherche de l’École nationale d’administration publique. Les aides techniques du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine ont quant à eux atteint en décembre un salaire minimum de 16$.
D’autres secteurs de la classe ouvrière ont emboîté le pas de la lutte pour le 15$ l’heure. Trois groupes de métallos ont gagné le 15$ l’heure. Aussi, plus de 3 000 travailleurs et travailleuses employés par 42 maisons de retraite et maisons de soins infirmiers ont entamé une grève à durée indéterminée le 21 juin, suite à une grève rotative de trois jours. Ce mouvement a été une belle réussite : la grève se terminait dans une maison de retraite après l’autre après avoir obtenu le salaire minimum de 15$ l’heure.
Richard Belhumeur, président de la section locale 298 du SQEES-FTQ, fait le portrait de la lutte dans les maisons de retraite : « Cette campagne dans les résidences privées s’est étalée sur près de quatre ans. Nous devions faire finir les conventions à peu près en même temps. Mais nous y sommes parvenus. Nous sommes heureux d’être parmi les précurseurs de la lutte vers un salaire de 15$ l’heure au Québec. Nous ne pouvons que nous réjouir que le Congrès de la FTQ endosse cette cause qui va au-delà de nos membres et qui touchent toutes celles et tous ceux qui peinent à arriver et qui travaillent ».
Belhumeur explique la réussite de cette grève par le fait que les négociations et la grève ont été coordonnées à travers les différentes résidences : « On a augmenté le rapport de forces ». Il tire selon nous les bonnes conclusions : les grèves des travailleurs sont plus propices d’amener des victoires lorsqu’elles impliquent beaucoup de milieux de travail. Le fait que les travailleurs aient mené une grève à durée illimitée ou indéterminée a forcé éventuellement l’employeur à céder aux demandes des travailleurs. Les autres sections de la classe ouvrière luttant pour le 15$ l’heure devraient apprendre de ces leçons : plus les syndicats mobilisent de larges couches des travailleurs, et plus la grève est combative, plus les travailleurs créent les conditions pour assurer leur victoire.
La contre-attaque libérale
Devant la montée des mouvements de lutte pour le salaire minimum de 15$ l’heure, des économistes et politiciens libéraux se sont faits les défenseurs du statu quo. Le ministre des Finances M. Leitão affirmait il y a un an que le salaire minimum au Québec (10,75$ à l’époque) était suffisant.
Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante affirme que « ce n’est pas une bonne idée. Ce serait catastrophique pour les petites entreprises ». Elle continue : « avec une marge de profit d’à peine 3% par exemple, le propriétaire d’une auberge en région, du resto du coin ou d’une petite boulangerie devrait soit couper des heures de travail, voire des emplois, ou encore augmenter ses prix de façon significative pour assurer la survie de son entreprise ».
L’économiste Pierre Fortin, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), nous dit que le salaire minimum à 15$ ferait l’effet d’« une bombe atomique », que la hausse immédiate pourrait entraîner la perte de 100 000 emplois au Québec. L’économiste Pierre Emmanuel Paradis, de la firme AppEco analyse stratégique, nous prévient : « Si on l’augmente tout d’un coup, cela aura immédiatement un impact sur le niveau d’activités. […] C’est intéressant, mais économiquement pas viable. »
Philippe Duval, PDG d’Uniprix, nous explique que : « si on augmente nos frais d’exploitation, cela aura une répercussion sur les prix des produits ». Maxime Damours, gérant du restaurant Mo-Nik, ajoute : « si elles [les petites entreprises] passent tous les salaires à 15$ l’heure, à qui va être refilée la facture? C’est le client, le consommateur ».
La supposée corrélation entre hausse du salaire minimum et hausse des prix des marchandises semble tellement évidente que les cinémas Cineplex en ont fait leur explication centrale pour justifier l’augmentation des prix des billets, en octobre 2015, suite à une augmentation du salaire minimum. Cineplex déclarait pourtant, en 2015, 1,4 milliard de dollars en revenus et près de 135 millions de dollars en profit, selon le rapport annuel de l’entreprise.
Salaires, prix et profits[1]
L’argument de la hausse des prix engendrée par la hausse des salaires se réduit essentiellement à cette thèse : « les prix des marchandises sont déterminés ou réglés par les salaires » (MARX, Karl (1865). Salaire, prix et profit.). Les économistes libéraux confondent deux quantités complètement différentes. La valeur qu’on attribue à une marchandise, valeur à partir de laquelle le prix fluctuera, se réduit essentiellement à la quantité de travail moyen incorporé dans la marchandise, incluant les coûts liés à l’achat et l’entretien des machines, outils et lieu de travail.
Par exemple, dans un café, un travailleur peut produire quotidiennement une valeur de 400$ en cafés, et il sera payé une centaine de dollars pour sa journée de travail. Dans une manufacture, un ouvrier peut produire quotidiennement des pièces usinées d’une valeur totale de 8 000$; il sera également payé 100$ pour la journée. Il ne sera pas payé dix fois le salaire du travailleur du café, même s’il produit dix fois plus de valeur. La valeur de ce qu’on produit ne détermine pas notre salaire.
Réciproquement, si un travailleur d’une manufacture semblable, avec des conditions de production similaires, était payé 300$ pour sa journée de travail, au lieu de 100$, il ne produirait pas trois fois plus de pièces usinées de même valeur. Le salaire ne détermine pas la valeur de ce qu’on produit. Somme toute, l’argument libéral de la hausse des prix engendrée par la hausse des salaires est non fondé.
Pourtant, serait-il possible que des travailleurs reçoivent en salaire l’équivalent de ce qu’ils ont produit? Notre travailleur du café produit quotidiennement une valeur de 400$. Il faut soustraire à ce montant les coûts de production liés à la machinerie, à la location du local et à l’entretien, disons 200$. Si le travailleur était payé pour la valeur qu’il a ajouté dans la production (ce qui exclut les frais des moyens de production), le travailleur serait payé 200$ par jour. Donc, le patron ne réalisait aucun profit. Pourquoi alors le patron se serait-il lancé en affaires?
En effet, l’objectif principal du propriétaire d’une entreprise est justement de faire du profit, ne serait-ce que pour permettre un réinvestissement minimal permettant de rester compétitif sur le marché. Ainsi, les capitalistes ne peuvent se permettre de rémunérer les travailleurs en fonction des valeurs qu’ils produisent. Les travailleurs sont plutôt rémunérés en fonction de la somme d’argent, et donc de marchandises, dont ils ont besoin de consommer pour pouvoir revenir travailler le lendemain. Cela inclut un loyer pour se loger, quelques vêtements, au moins quelques repas à bon marché, peut-être des études à rembourser et des enfants à nourrir. Ces dépenses moyennes constituent les barèmes à partir desquels les salaires moyens des travailleurs sont calculés. Dans notre exemple fictif du travailleur du café, la masse de marchandises, calculée en argent, qu’on juge nécessaire pour qu’il soit apte à revenir travailler le lendemain est fixée à 100$ par jour.
Toujours dans cet exemple, le travailleur du café, qui reçoit un salaire quotidien de 100$, produit chaque jour une valeur de 400$ en cafés. Au bout de quatre heures, il a produit une quantité de cafés d’une valeur de 200$. Cette valeur de 200$ se divise en deux : 100$ qui correspondent à la valeur des matières premières et des machines qui s’est transmise dans les marchandises, et 100$ de nouvelle valeur qui a été ajoutée par le travailleur. Au bout de ces quatre heures de travail, le capitaliste a déjà couvert les frais du salaire du travailleur (100$). Or pendant les quatre heures suivantes de sa journée, le travailleur produira encore une quantité de cafés d’une valeur de 200$, dont 100$ correspondent à la valeur des matières premières et des machines transmise dans les marchandises. Cependant, comme l’ouvrier a déjà couvert les frais de son salaire, la nouvelle valeur de 100$, que l’ouvrier a ajouté par son travail, deviendra pour le propriétaire du café son profit. Cette valeur supplémentaire de 100$, le profit, a été produite gratuitement par le travailleur, car ce dernier n’a reçu aucun salaire supplémentaire pour cette production excédentaire à son propre salaire. Cette valeur constitue du travail qui ne lui est pas payé, qui lui est volé.
Ainsi, l’augmentation du salaire ne vient que gruger dans la portion de la valeur des marchandises qui revient au capitaliste sous la forme de profit. L’augmentation des salaires n’entraîne aucune modification dans la valeur des marchandises, mais modifie seulement la répartition de la valeur entre les mains du travailleur (salaire) et les mains du patron (profit).
Les patrons ne peuvent pas gonfler les prix à leur guise pour compenser les hausses salariales. La compétition sur le marché entre les différents capitalistes tend constamment à ramener les prix des marchandises au montant de leur valeur. Les capitalistes qui gonflent leurs prix au-dessus de la valeur (qui correspond au prix moyen du marché) vont tout simplement être moins concurrentiels que leurs compétiteurs et échouer à écouler leur stock. En dernière analyse, le montant des salaires fluctue en raison inverse du profit. Toutes choses égales par ailleurs (même production, même productivité, même machinerie), quand les salaires augmentent, le profit diminue, et inversement. Par conséquent, la lutte entre le profit et les salaires se reflète dans la lutte des classes entre les travailleurs et les patrons.
Le salaire minimum, quant à lui, constitue une norme juridique statuant sur la rémunération minimale jugée suffisante pour que les travailleurs puissent retourner travailler le lendemain – qui bien souvent, est en réalité nettement insuffisante pour pleinement satisfaire les besoins des travailleurs. Cette norme n’est rien d’autre que le reflet, plus ou moins juste, de l’état de la lutte des classes.
Les patrons, dont l’intérêt principal sous le capitalisme est d’augmenter sans cesse leur taux de profit, ne peuvent qu’être viscéralement opposés à cette réforme du salaire minimum, puisqu’elle s’oppose diamétralement à leurs intérêts. Les travailleurs ont tout à gagner d’une augmentation du salaire minimum; les patrons ont tout à y perdre.
Malheureusement, l’argumentaire libéral a même commencé à ramollir le discours de nos chefs syndicaux déjà très mous. Daniel Boyer, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) s’explique : « Nous sommes conscients qu’il faut procéder de manière graduelle pour que les entreprises aient le temps nécessaire pour s’adapter. C’est pourquoi nous proposons d’étendre la hausse sur une période de 5 ou 6 ans. À titre d’exemple, une hausse de 0,70 $ par année à partir de 2017 permettrait d’atteindre un salaire minimum de 14,95 $ en 2022 ».
Cependant, une augmentation de 0,70 $ par année ne pourra pas rejoindre le taux d’inflation. Si le mouvement de lutte accepte de suivre le rythme extrêmement lent proposé par les chefs syndicaux, le pouvoir d’achat des travailleurs ne pourra jamais rattraper son retard sur l’inflation. Ce n’est pas dans six ans ni dans 20 ans que les travailleurs ont besoin de voir leur salaire minimum augmenter, c’est maintenant!
Le 15$ l’heure et la lutte pour le socialisme
Le salaire minimum au Québec est, à toute fin pratique, identique au salaire minimum de 1979, en tenant compte de l’inflation, et ce, malgré le fait que la productivité québécoise réelle par heure travaillée ait grimpé de plus de 35 % au cours de cette même période. Cette seule statistique suffit pour démontrer l’exploitation accrue des travailleurs au cours des dernières décennies. Nous avons donc toutes les raisons de lutter pour une augmentation immédiate de nos salaires!
La lutte des 3 000 travailleurs et travailleuses employés des maisons de retraite et de soins infirmiers, qui avaient lancé une grève à durée indéterminée, représente un exemple du pouvoir de la classe ouvrière. Une victoire pour l’ensemble du mouvement pour le 15$ de l’heure donnerait confiance aux travailleurs et montrerait en pratique leur capacité à faire des gains en luttant collectivement, ce qui renforcerait les mouvements de lutte sociale. Ce processus représente un danger important pour la classe des capitalistes, et c’est pourquoi ils vont lutter fermement contre ce mouvement.
Toutefois, une mise en garde s’impose : il y a aussi possibilité que le mouvement soit récupéré par les partis bourgeois, dans l’optique de satisfaire leur propre agenda politique. C’est notamment ce qu’on constate en Ontario. Alors que les libéraux au pouvoir sont en chute libre, suite à leurs détestées mesures d’austérité, ils promettent maintenant l’application du salaire minimum à 15$/h en 2019 afin de se donner une apparence « progressiste » en vue des élections de 2018. Bien que toute amélioration aux conditions de vie des travailleurs soit la bienvenue, il est important de souligner que nous ne pouvons accorder aucune confiance aux partis bourgeois. Ceux-ci n’ont aucune intention de véritablement satisfaire les demandes des travailleurs, et ne cèdent qu’en dernier recours, ou lorsque cela les avantage.
Il faut aussi souligner que l’approche gradualiste de la direction syndicale fait qu’en réalité les salaires ne rattraperaient pas l’inflation. Cette approche rendrait la lutte pour le 15$ franchement vide. Plus le temps avance, et plus l’inflation continue à augmenter, plus il devient facile pour la bourgeoisie d’accepter le 15$, à mesure que cette réforme devient « abordable » pour elle.
Pour ces raisons, nous croyons que nous devons lutter pour un salaire viable minimum, ce qui correspondrait aux 2/3 du salaire moyen. Le salaire horaire moyen au Québec était de 30,64$ en 2014, dans les entreprises de 200 employés et plus (dans le secteur privé, le salaire horaire moyen a atteint 27,62$, et dans le secteur public il a atteint 34,15$). À l’heure actuelle, le salaire viable au Québec, sur la base du 2/3 du salaire moyen, se situe autour de 20$. Or même si le mouvement réussissait à implanter le 20$ l’heure maintenant, ce salaire ne serait plus suffisant dans cinq ans. Il faut donc lutter pour que le salaire minimum soit indexé au coût de la vie. Il faut revendiquer une échelle mobile des salaires qui prenne en compte l’inflation, afin de conserver le pouvoir d’achat des travailleurs au fil des années.
La lutte pour un salaire viable minimum est une lutte très importante, qui sortirait des millions de travailleurs de la pauvreté. Les syndicats québécois sont parmi les plus puissants au Canada et en Amérique du Nord, eux qui englobent plus de 40 % de la classe ouvrière. Malheureusement, les dirigeants syndicaux défendent la plupart du temps un syndicalisme corporatiste, c’est-à-dire luttant uniquement pour les intérêts restreints de leurs membres, et la plupart des syndiqués gagnent déjà plus de 15$ l’heure. Si les dirigeants syndicaux étaient vraiment engagés à aider la classe des travailleurs salariés, ils mettraient les ressources et le temps pour mobiliser, non seulement leurs membres, mais également les couches non organisées et non syndiquées, lesquelles la plupart du temps les premières à vivre (ou plutôt survivre) avec de bas salaires. De plus, il faut se battre, non seulement pour 15$ l’heure, mais pour un salaire minimum réellement viable pour tous les travailleurs. Nous croyons qu’il faut lutter pour rétablir les traditions authentiques du syndicalisme militant révolutionnaire des années 1960-70, grâce auxquelles les travailleurs gagnaient réellement des réformes, comme le salaire minimum hebdomadaire de 100$ (en argent de 1972), remporté par le Front commun de 1972.
Dans l’époque de crise dans laquelle nous vivons, les réformes sont difficiles à obtenir et sont extrêmement précaires. Nos gouvernements pro-capitalistes cherchent constamment à retirer aux travailleurs les réformes qui ont été gagnées par le passé. La revendication du 20$ l’heure, avec échelle mobile des salaires, sera vivement combattue par la classe capitaliste, car elle entre en contradiction avec les besoins actuels du capitalisme en crise. Elle dira que ces revendications sont « irréalistes » ou « trop radicales ». C’est déjà ce qu’ils disent pour le 15$. Si ces demandes sont irréalistes sous le capitalisme, alors il serait temps de se débarrasser du capitalisme!
Ultimement, tant que l’économie sera organisée sur la base du marché et de la production pour le profit privé, les conditions de vie des travailleurs seront toujours en danger et les réformes, de plus en plus rares, seront constamment menacées. La seule manière d’améliorer significativement les conditions de vie des travailleurs, c’est de mettre un terme au système économique qui permet aux capitalistes d’extraire leur profit privé sur le dos des travailleurs exploités.
La lutte pour des salaires décents se doit d’être liée à la lutte plus large pour une société socialiste. C’est en nationalisant les 150 plus grandes entreprises et banques canadiennes, sous contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes, que nous pourrons mettre la richesse produite dans la société au service de la société dans son ensemble, et non au service d’une minorité de parasites. Toute cette vaste richesse nous permettrait facilement d’adopter ce salaire viable minimum, et de l’augmenter progressivement, en concordance avec le développement de la productivité et de la technologie, et surtout, des besoins de la population.
L’un des arguments préférés des opposants au salaire à 15$ est la question de la survie des petites et moyennes entreprises, qui seraient supposément menacées par l’augmentation du salaire minimum. Mais par la nationalisation des banques, il serait possible de leur offrir du crédit accessible. Si cela ne suffit pas, et que ces entreprises démontraient à leurs employés que des augmentations des salaires les ruineraient, il n’y aurait pas de raison nous empêchant de leur offrir des allègements fiscaux. Un gouvernement socialiste ne serait pas l’ennemi des petites entreprises. Nous pensons que celles-ci devraient être volontairement intégrées à l’économie socialisée.
Quoi qu’il en soit, les travailleurs ne devraient pas avoir à payer pour les problèmes financiers de leurs patrons. Sous le capitalisme, les grandes entreprises écrasent les petites, puis les défenseurs du système nous expliquent que c’est aux travailleurs d’accepter de maigres salaires et des conditions de travail abjectes pour compenser. Voilà tout ce que le capitalisme a à nous offrir. Il est temps de lutter consciemment pour la transformation socialiste de la société!
Pour un salaire minimum viable de 20$ l’heure au Québec, avec échelle mobile des salaires!
Pour un mouvement de lutte syndical combatif et unifiant l’ensemble des travailleurs et des travailleuses
Pour que la lutte pour le salaire minimum viable soit le premier pas dans la lutte plus large contre le système capitaliste!
[1] Cette section est un condensé des idées amenées dans cet article détaillé : « Salaire minimum et exploitation capitaliste – Introduction à « Salaire, prix et profit » de Karl Marx ».