Crédit : Txetxu, Flickr

Cet article est une retranscription de la présentation donnée par Vincent R. Beaudoin à l’École marxiste d’hiver 2021 de La Riposte socialiste.


Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée en 1991, Francis Fukuyama nous disait qu’on avait maintenant la preuve de l’échec de l’économie planifiée et du succès de l’économie de marché capitaliste, et que c’était maintenant la fin de l’histoire. En octobre 2018, il a cependant changé d’avis. Il a reconnu que la période néolibérale, ayant commencé avec Reagan et Thatcher, où l’on faisait la promotion des bénéfices d’un marché non-dirigé, avait eu des effets désastreux. Il a également reconnu que Marx avait raison lorsqu’il affirmait que le capitalisme entraîne des crises de surproduction qui appauvrissent les travailleurs et propulsent une classe d’oligarques au pouvoir, lesquels vont tout faire pour faire payer la crise aux travailleurs. C’est Fukuyama qui a dit tout ça!

Bien que cela fait 200 ans que le capitalisme entre en crise environ tous les 10 ans et appauvrit les travailleurs, il a fallu que Fukuyama voie les effets de la crise mondiale de 2008 pour comprendre la pertinence de l’analyse marxiste. En 2008, le marché bancaire s’est effondré à la suite d’une crise de surproduction. La « main invisible du marché » n’a pas sauvé les capitalistes. Ce sont les États qui ont sauvé les banques en leur versant des milliards de dollars, qui ont été payés par les travailleurs sous forme d’austérité dans la décennie suivante.

La pandémie actuelle de COVID-19 montre également les limites du marché capitaliste. Les propriétaires d’entreprises ont fait pression sur les gouvernements pour qu’ils laissent les entreprises non-essentielles ouvertes. Les travailleurs ont ainsi été forcés de travailler dans des conditions sanitaires dangereuses, pour que les patrons continuent de faire du profit. Et du profit, les grands patrons en ont fait à la pelleté.

Depuis le début de la pandémie, les milliardaires canadiens se sont enrichis de près de 40 milliards de dollars, et les milliardaires américains de 637 milliards, alors que 40 millions de travailleurs américains demandaient du chômage. Entre mars et septembre 2020, l’ancien PDG d’Amazon, Jeff Bezos, s’est enrichi de 74 milliards de dollars, et accumule maintenant une fortune de 200 milliards. Bezos fait maintenant plus d’argent à la seconde qu’un travailleur américain moyen en fait en une semaine. Ce qu’un travailleur américain gagnera au cours de toute sa vie ‒ environ 2,2 millions de dollars ‒ Bezos l’empoche en 15 minutes. Depuis le début de la pandémie, les travailleurs à travers le monde ont perdu 3700 milliards de dollars et les milliardaires se sont enrichis de 3900 milliards de dollars.

Pendant la pandémie, il y a une contradiction entre les besoins de l’économie de marché et les besoins de la santé publique. Les patrons ne peuvent pas fermer les entreprises non-essentielles et continuer de verser des salaires aux travailleurs. S’ils l’avaient fait, ils auraient fait faillite. C’est l’État qui a sauvé ces compagnies, par l’intermédiaire des subventions salariales notamment, tout en fournissant un revenu de subsistance aux travailleurs, à travers des prestations d’urgence comme la Prestation canadienne d’urgence. L’État canadien a versé des centaines de milliards de dollars pour sauver les profits des entreprises, une immense somme d’argent qui devra être remboursée par les travailleurs sous forme d’impôt, d’inflation et d’austérité.

À l’inverse, si nous vivions dans une économie planifiée socialiste, où les entreprises sont nationalisées sous le contrôle démocratique des travailleurs, nous aurions rapidement fermé toutes les entreprises non-essentielles et continué à fournir un plein salaire aux travailleurs. Aucune entreprise n’aurait fait faillite. Le virus aurait été contenu dès le début, et en ce moment la pandémie serait probablement chose du passé.

Le problème du calcul économique

Ludwig von Mises et Friedrich A. Hayek / Domaine public

La question centrale du présent article est de savoir quel est le meilleur système économique pour distribuer efficacement les biens et services : une économie de marché capitaliste ou une économie planifiée socialiste?

Ce débat a été formulé notamment à travers les écrits de l’économiste Ludwig von Mises au début des années 20, puis fut développé par l’économiste Friedrich Hayek. On réfère à ce débat comme à celui du « problème du calcul économique » ou du « débat du calcul socialiste ».

La thèse de Mises est que, dans une économie à grande échelle, un conseil de planification socialiste serait incapable d’obtenir et de calculer toute l’information nécessaire pour savoir quels produits produire et en quelle quantité, et comment les distribuer. La planification socialiste créerait donc des décalages entre l’offre et la demande et entraînerait pénuries, famines, chaos, etc. Pour Mises, la solution est simple : il faut une économie de marché, dans laquelle les entreprises privées compétitionnent entre elles. À travers la compétition s’exerce la loi de l’offre et de la demande, qui permet selon lui de fixer les prix des marchandises.

On retrouve finalement chez Mises la même vieille idée d’Adam Smith de la « main invisible » du marché. Selon Adam Smith, les individus prennent des décisions de vendre ou d’acheter dans leur intérêt personnel. Ils sont ainsi dirigés par une « main invisible » qui permet d’atteindre une fin qui n’était pas voulu par eux, soit le bien-être de la société tout entière, grâce au système du marché.

Selon Mises, les prix des marchandises permettent de calculer spontanément toute l’information provenant de tous les aspects de la production et de la distribution, des coûts de production aux changements dans les besoins des consommateurs. Selon lui, le marché décentralise la grande quantité d’information qu’un seul planificateur ne pourrait compiler et calculer.

On entend souvent l’idée que le socialisme fonctionne en théorie, qu’il fonctionne seulement sur papier, mais pas en pratique. Mises voulait montrer que le socialisme ne fonctionnait même pas en théorie. Il y a néanmoins quelque chose qui cloche avec son idée, et c’est peut-être seulement récemment qu’on peut le démontrer : la planification économique est un pilier fondamental de la production pour les grandes entreprises. Dans leur livre The People’s Republic of Walmart, Leigh Phillips et Michal Rozworski expliquent comment le cas de Walmart démontre que la planification économique fonctionne en pratique et permet d’entrevoir de quelle manière une économie socialiste dépasserait le capitalisme en efficacité.

Walmart : une économie planifiée intérieure

Source: Mike Mozart, Flickr

Walmart est devenue la plus grande compagnie au monde. Elle opère 11 000 magasins dans 27 pays, et emploie plus de gens que n’importe quelle compagnie privée. Si on prend en compte les entreprises d’État dans le calcul, Walmart est le troisième plus gros employeur au monde, après le département de la Défense des États-Unis et l’Armée populaire de libération chinoise. Si Walmart était un pays, son économie serait environ de la taille de la Suède ou de la Suisse.

Bien que Walmart opère sur le marché, il n’y a aucun marché à l’intérieur de la compagnie : tout est planifié. Les différents départements, magasins, fournisseurs, etc., ne sont pas en compétition entre eux sur un marché; ils sont tous coordonnés ensemble. Walmart n’est pas seulement une économie planifiée, mais une économie planifiée de la taille de l’URSS pendant le milieu de la guerre froide. En 1970, le PIB de l’URSS était de 433,5 milliards de dollars en argent actuel, alors la deuxième plus grande économie au monde, tandis que Walmart avait un revenu de 485 milliards en 2017, donc bien plus gros.

Si Mises avait raison, alors Walmart n’existerait pas, car elle aurait frappé le mur du « trop de calculs à faire ». De plus, il y a des centaines de compagnies multinationales similaires à Walmart, qui sont à l’interne des économies planifiées.

Je précise cependant d’entrée de jeu que ces compagnies, Walmart inclus, ne représentent pas pour les socialistes des modèles d’entreprise socialiste. Ces entreprises opèrent uniquement pour faire du profit, et les patrons imposent des conditions dégueulasses à leurs employés. Les employés subissent la dictature des patrons et sont réduits à l’état de simples extensions des machines. Mais il faut reconnaître que Walmart a accompli des avancées assez révolutionnaires concernant la manière d’intégrer ses chaînes d’approvisionnement dans un réseau plus ou moins harmonieux, complètement planifié. Permettez-moi d’expliquer cette idée.

L’effet coup de fouet

Prenons par exemple un petit détaillant ou magasin qui n’a rien à voir avec Walmart. Le détaillant fait en général affaire avec des distributeurs pour obtenir ses marchandises, et les distributeurs s’approvisionnent auprès de producteurs. Ils forment ensemble une chaîne d’approvisionnement.

Les entreprises dans la chaîne sont toutes autonomes, et nouent ensemble des relations commerciales. Elles sont donc ultimement en compétition et s’assurent de maintenir leurs propres profits. Dans cette chaîne d’approvisionnement, c’est le détaillant qui doit se coordonner avec les modifications dans la demande des consommateurs, puis il ajuste en conséquence ses commandes auprès des distributeurs, et ceux-ci commandent auprès des producteurs.

En 1961, on a observé un effet économique qui survient dans ce genre de situation : l’effet coup de fouet (« bullwhip effect »). Si par exemple la demande varie de 5%, c’est-à-dire que les clients du magasin augmentent ou diminuent leurs achats pour des produits spécifiques dans une variation de 5%, le magasin doit ajuster ses commandes aux distributeurs avec un changement de 5%. Mais au niveau du distributeur, qui peut fournir plusieurs magasins, les changements s’accumulent et peuvent entraîner une variation de 10% ou 20% dans son inventaire. Pour les producteurs qui approvisionnent les distributeurs, la variation de la demande fait encore plus varier leur inventaire. Dans les chaînes d’approvisionnement relativement complexes, un simple changement de 5% dans la demande au début peut entraîner une variation de 40% dans l’inventaire à l’autre bout de la chaîne.

Une telle variation est suffisante pour générer une grosse production excédentaire qui se trouve gaspillée, ou pour provoquer des pénuries. Cela peut littéralement ruiner des entreprises. L’effet coup de fouet se manifeste donc dans le fait qu’une petite vague au début de la chaîne d’approvisionnement s’amplifie jusqu’à pouvoir déstabiliser l’ensemble de la chaîne. L’effet coup de fouet est une démonstration des problèmes inhérents au marché et à la compétition, et montre le besoin d’une planification économique.

La solution qu’a trouvé Walmart pour contrer l’effet coup de fouet est d’intégrer les différentes entreprises dans une chaîne harmonieuse, en réduisant la compétition entre les différents niveaux. Chez Walmart, la demande est gérée à partir de l’autre bout de la chaîne. Le vendeur dit à l’acheteur quelle quantité il va acheter. Le détaillant ou magasin laisse le soin à son fournisseur de prendre les décisions concernant le restockage. Les manufacturiers, qui produisent, sont responsables de gérer les inventaires des entrepôts de Walmart. Partout dans la chaîne il y a une transparence et on utilise des technologies de partage de données.

Un bon contre-exemple de transparence est la compagnie Volvo. Celle-ci a produit trop de voitures vertes. Alors le département de marketing a lancé une campagne de publicité pour stimuler l’achat de voitures vertes, et ainsi permettre d’écouler le stock. Cependant, il n’en a pas informé le département manufacturier. Le département manufacturier a constaté l’augmentation de la demande en voitures vertes, et a augmenté leur production en conséquence. On s’est alors retrouvé avec une surproduction de voitures vertes qu’on ne pouvait plus vendre.

Chez Walmart, on utilise Retail Link, une base de données immense, connectée par satellite, qui permet de comptabiliser l’information concernant la demande à partir des caisses de vente des magasins. La base de données fournit l’information directement aux fournisseurs, qui peuvent adapter leur production en temps réel.

Bref, Walmart a développé toute une série de mécanismes pour harmoniser sa chaîne d’approvisionnement, de la production à la distribution, et agit comme une véritable économie planifiée, et ça fonctionne. La preuve réside dans leur chiffre d’affaires.

En tant que socialistes, on peut certainement admirer la puissance de l’ennemi de classe, sans pourtant chercher à copier-coller ses tactiques. Walmart demeure une gigantesque dictature des patrons et des actionnaires, et les travailleurs ne sont que des rouages dans cette grosse machine.

Mais si on nationalisait Walmart sous le contrôle démocratique des travailleurs, les travailleurs de Walmart pourraient utiliser les satellites, les ordinateurs de pointe et les bases de données de Walmart, pour planifier la production et la distribution, sans pénurie ni surproduction, et ce à faible coût, puisqu’on n’aurait pas besoin de remplir de profits le portefeuille des actionnaires.

Et d’autre part, les travailleurs pourraient décider ensemble comment organiser leur milieu de travail et se doter de conditions de travail décentes. Les travailleurs de Walmart savent déjà comment produire, coordonner et gérer la production et la distribution. Ils n’ont pas besoin des patrons. Les capitalistes ne sont que des actionnaires et des investisseurs qui empochent le profit. Ce ne sont pas eux qui gèrent la production, ils ne font que parasiter la production. 

Sears : l’échec libertarien

Source : jasonwoodhead23, via Wikimedia Commons

Il y a bien une compagnie qui n’a rien compris aux raisons du succès de Walmart, et c’est la compagnie Sears. Vieille de près de 130 ans, et une des principaux compétitrices de Walmart, Sears s’est complètement auto-détruite en 2018, après avoir adopté une vision totalement opposée à celle de Walmart : elle a mis en place un marché intérieur! Sears a déclaré des pertes de 10 milliards de dollars depuis 2011. L’entreprise a fermé plus de 2000 magasins.

Tout a commencé avec le projet libertarien du PDG Edward Lampert de séparer la compagnie en quarante unités en compétition les unes contre les autres. Le « visionnaire » voulait faire de Sears une expérience de grand libre marché, pour montrer que la « main invisible » allait dépasser en performance la planification centralisée typique des autres compagnies.

Chaque département avait son propre président, son propre conseil d’administration et gérait ses propres profits et pertes. Le mantra du PDG était que si on dit aux dirigeants de départements d’agir de manière égoïste, ils allaient nécessairement gérer leur département de manière rationnelle, ce qui augmenterait la performance globale de l’entreprise.

Le département des vêtements, par exemple, était en compétition avec le département de l’informatique et le département des ressources humaines. S’il voulait obtenir des services informatiques, il devait signer un contrat commercial avec eux, ou sinon faire affaire avec des contractants externes, si ça peut augmenter la performance financière de leur département, peu importe si la décision aurait pu avoir un impact positif sur l’entreprise comme un tout.

On peut mentionner par exemple la marque d’électroménagers Kenmore, un produit Sears, qui a été divisée entre la division électroménagers et la division du branding (la gestion de marque). La première devait payer des frais à la division du branding, alors elle a décidé de vendre des produits qui n’étaient pas de marque Sears; c’était plus profitable. Ça a donc concurrencé les produits Kenmore et réduit les profits de la compagnie globale.

On peut également mentionner d’autres comportements problématiques, comme des cadres d’entreprise qui cachaient leur écran d’ordinateur pendant les réunions, afin que les autres cadres ne sachent pas sur quoi ils travaillaient.

Quand les profits globaux de la compagnie ont diminué, les divisions sont devenues encore plus vicieuses les unes envers les autres. Un ancien cadre disait qu’on assistait à une guerre entre tribus. La journaliste Mina Kimes a comparé Sears à la série Hunger Games.

Même à l’heure actuelle, le PDG Lampert n’a pas changé d’idée.  Il nous dit que : « Les systèmes et structures décentralisés fonctionnent mieux que ceux centralisés, puisqu’ils produisent de la meilleure information au fil du temps. » Ceux qui sont restés dans ce paradigme de gestion d’entreprise pensent encore que le modèle conventionnel fonctionnant avec la planification se résume tout simplement à n’être que du communisme.

Bref, encore une fois, on constate nettement la supériorité de la planification économique et de la coopération sur le libre-marché et la compétition.

Amazon : planifier le chaos 

Source : Scott Lewis, Flickr

Mais peut-être n’êtes-vous pas encore convaincu. Je vous parlerai alors d’une dernière entreprise : Amazon. L’entreprise a construit son empire grâce à internet. C’est la plus grosse compagnie technologique utilisant les fruits de l’informatique pour distribuer des produits. Amazon contrôle près de la moitié des ventes en ligne aux États-Unis. Elle distribue des millions de produits à des millions de personnes.

Suivant les traces de Walmart, Amazon a commencé à intégrer en elle les compagnies qui produisent ce qu’elle vend, en plaçant physiquement ses travailleurs dans les usines et les entrepôts de ses fournisseurs principaux. Amazon est un maître de la planification. Sa base de données et ses algorithmes permettent de collecter et calculer des milliards de gigabits d’information sur les clients, et d’obtenir un portrait extrêmement détaillé de ce que les gens achètent et quand ils achètent.

Quand vous allez en ligne sur le site d’Amazon, l’algorithme calcule une panoplie d’informations sur vous, non seulement ce que vous achetez, mais également ce que vous mettez dans votre panier sans acheter, ce que vous regardez comme produit, et pendant combien de temps. Amazon peut donc prévoir sa production en fonction d’une demande qui existe en potentiel et peut se réaliser un peu plus tard. C’est comme si Amazon savait ce que tu allais acheter avant même de l’acheter.

Cependant, on parle ici d’une quantité tellement énorme d’information que les ordinateurs doivent calculer, ce qu’on appelle le « big data », qu’Amazon ne peut pas planifier parfaitement tous les facteurs qui vont interférer avec la distribution. Amazon ne contrôle pas entièrement tous les réseaux d’avions et de transports terrestres. Le défi est de planifier de manière ordonnée un chaos d’information, donc de planifier « juste assez bien », de faire des approximations, sans être parfait. Et ça marche.

En fait, on pourrait dire qu’Amazon excelle dans l’art de « gérer le chaos ». On le voit avec son système de recommandation d’achat sur le site web. Ce n’est clairement pas parfait, et parfois les recommandations sont bizarres, mais ce système assiste néanmoins la planification de la distribution, puisqu’il permet d’estimer la demande. Une grande quantité des produits vendus sont d’ailleurs le fruit des recommandations d’achats sur le site web.

On peut également regarder le fonctionnement des entrepôts d’Amazon pour comprendre ce que cela veut dire de planifier dans le chaos. On parle ici d’entrepôts de la grosseur de terrains de football. Les entrepôts sont organisés selon un procédé que l’on appelle « l’entreposage chaotique ». Les marchandises ne sont pas organisées dans les rangées selon leur type ou leur catégorie plus large.  On peut retrouver une hache à côté de croquettes pour chien.

Chaque marchandise est identifiée d’un code barre et se déplace dans des bacs roulants, qui sont aussi identifiés d’un code barre. À tout moment, l’ordinateur sait exactement où se trouve chaque produit, dans quel bac, dans quelle rangée. Les travailleurs d’entrepôts qui ont besoin d’aller chercher les produits sont attachés à un scanner portatif qui leur dit exactement où aller chercher le produit.

Dans les entrepôts d’Amazon les plus avancés technologiquement, le travailleur a été remplacé par un robot, qui parcourt les rangées et récupère les produits, et les amène à un comptoir de dépôt, où les travailleurs ont simplement à prendre le produit et le mettre dans un autre bac, qui ira dans un camion. C’est finalement le travailleur qui devient une simple machine ou un robot, et ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les travailleurs eux-mêmes.

Toutes les décisions concernant la distribution sont entièrement planifiées et coordonnées. Il n’y a aucun marché qui intervient. La beauté de cette planification s’accompagne cependant d’une pure horreur pour le travailleur. Le travailleur n’a aucune liberté, tous ses déplacements sont dictés par son scanner portatif.

Dans les entrepôts où des robots déplacent les produits, le travailleur ne se déplace même pas. Il est emprisonné dans un petit espace, et n’a qu’à prendre une marchandise dans un bac que le robot lui apporte, et la placer dans un bac qui ira dans un camion. Les employés portent des bracelets qui retracent leurs déplacements et calculent leur temps de pause ou à la toilette.

Non seulement le travailleur est comme du bétail, mais il est payé extrêmement mal, sans parler du fait qu’Amazon paye très peu d’impôts. C’est avec tous ces mécanismes qui aliènent le travailleur que les actionnaires d’Amazon peuvent réaliser d’immenses profits.Les conditions de travail sont tellement pitoyables que parfois, lorsqu’il fait trop chaud, Amazon positionne des ambulanciers devant l’entrepôt pour traiter les employés affectés de coups de chaleur.

Il y a bien une chose qu’Amazon ne peut pas planifier, ce sont des conditions de travail décentes. Amazon, c’est le succès du Big data, et la dictature du Big Brother.

Après tout, Amazon demeure une entreprise privée dont l’unique but est d’engranger du profit pour ses actionnaires. La planification interne est accompagnée par des horreurs, puisque ultimement, Amazon n’existe pas dans une économie planifiée, mais dans une économie de marché, où les capitalistes font compétition entre eux pour faire le plus de profits possible.

Ce que les socialistes proposent, c’est de nationaliser Amazon, ainsi que toutes les grandes entreprises, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Les travailleurs d’Amazon ont déjà compris que ce ne sont pas Bezos et les actionnaires qui produisent. Si les travailleurs d’Amazon organisaient eux-mêmes la gestion de l’entreprise, ils utiliseraient plusieurs des mécanismes de planification d’Amazon, tout en mettant fin aux mécanismes qui transforment les travailleurs en machines, tout simplement parce que ce n’est pas dans leur intérêt.

La planification dans l’anarchie du marché

Nous avons montré avec Walmart et Amazon que la planification fonctionne bien en pratique, et existe déjà sous le capitalisme. L’idée de l’économiste Mises, selon laquelle une économie planifiée serait incapable de gérer l’immense quantité d’information, a clairement été déboulonnée par la capacité d’Amazon de gérer son chaos d’information.

Dans le fond, le marché, c’est un gros chaos anarchique où concurrencent les entreprises pour obtenir le plus de parts du marché. C’est le règne de la loi de la jungle. Et pour être efficaces et productives sur le marché, les entreprises doivent implanter à l’interne une planification économique, le contraire du marché.

Cette contradiction du capitalisme est le résultat du fait que la production est devenue de plus en plus sociale, c’est-à-dire qu’il faut des centaines, voire des milliers de travailleurs, pour produire un seul gadget et ses composantes. Cependant, cette production sociale demeure la propriété privée de quelques-uns. Telle est la contradiction principale du capitalisme.

Les entreprises les plus efficaces, souvent les plus grosses, finissent par vaincre les plus petites et les moins efficaces. Le « libre-marché » engendre donc constamment son opposé : la tendance aux monopoles.

Il y a 150 ans, Marx expliquait que :

« […] la même conscience bourgeoise, qui célèbre la division manufacturière du travail, l’annexion à vie du travailleur à une opération de détail et la soumission inconditionnelle du travailleur partiel au capital comme une organisation du travail qui augmente sa force productive, dénonce tout aussi fortement le moindre contrôle social conscient et la moindre régulation du procès social de production comme une atteinte aux inviolables droits de la propriété, de la liberté et du « génie » autodispensé des capitalistes individuels. Il est tout à fait caractéristique que les mêmes personnes, qui font l’apologie enthousiaste du système des fabriques, ne trouvent rien à dire de pire contre toute idée d’organisation générale du travail social que celle-ci transformerait la société tout entière en une vaste fabrique. » (Karl Marx, Le Capital, Livre I)

Les crises de surproduction

L’économie de marché est en réalité un système très défaillant pour gérer la distribution des ressources. L’anarchie complète du marché engendre des crises de surproduction régulières. En effet, depuis environ 200 ans, le marché suit des cycles de boom et de récession qui durent chacun environ huit à douze ans.

Au début d’un cycle, les capitalistes investissent, car ils ont confiance de pouvoir faire du profit. Ils achètent des machines, embauchent des travailleurs, et produisent de plus en plus. C’est d’ailleurs pour cette phase d’expansion du capital qu’existe le chômage structurel : pour fournir un bassin de travailleurs à embaucher. Comme davantage de travailleurs reçoivent un salaire, ils peuvent acheter plus, ce qui encourage encore plus les capitalistes à produire.

Rendu à un certain point, au sommet de la courbe, il y a trop de produits pour ce que le marché peut absorber. Ce n’est pas que les besoins des consommateurs sont comblés, loin de là, mais que les travailleurs, formant la majorité des consommateurs, n’ont plus assez d’argent pour racheter l’ensemble des marchandises produites. Cela engendre une surproduction de marchandises.

Les capitalistes n’arrivent alors plus à tout vendre, et les marchandises commencent à pourrir ou devenir désuètes. Pour le capitaliste, une marchandise non vendue est un profit perdu, et il doit maintenir un bon taux de profit pour rester concurrentiel. Il doit donc couper dans ses coûts de production. Il doit réduire ses investissements, couper dans la production, couper dans les salaires, mettre des travailleurs à la porte, fermer des machines et des parties de l’usine. Certains patrons vont même détruire des marchandises, comme l’on a pu le voir dans l’industrie des voitures et des pneus, afin de réduire l’offre et de créer une rareté relative qui permet de ne pas faire trop chuter les prix.

Lorsque la courbe de production descend, c’est la récession ou la crise économique, et les travailleurs sont les vrais perdants. Pour les petits capitalistes, cela peut représenter la faillite de leur entreprise et leur rachat par une plus grosse. Pour les gros capitalistes, la récession a permis de purger l’excédent non-vendu, et après la purge, ils peuvent recommencer à investir en sachant qu’ils auront des acheteurs. Et le cycle recommence.

C’est vraiment un système fantastique : l’auto-régulation par le gaspillage de produits et la destruction des conditions de vie de travailleurs.

Pénurie artificielle

Ultimement, le mécanisme à la source des crises de surproduction est le fait que les travailleurs ne sont pas payés pour ce qu’ils produisent, mais sont payés juste assez pour qu’ils puissent manger, se loger, se vêtir, etc., et revenir travailler le lendemain.

Par exemple, un travailleur dans un restaurant de fast food peut produire 800 dollars de repas par jour, et n’être payé que 105 dollars. Une partie des revenus servira à payer les machines et les matières premières, et le reste deviendra le profit du capitaliste.

Le travailleur est donc incapable de racheter ce qu’il a lui-même produit. À l’échelle de toute la société, l’ensemble de la classe ouvrière devient elle aussi, au cours du cycle de boom et récession, incapable de racheter l’ensemble de la production, ce qui engendre une surproduction.

Les crises du capitalisme sont donc une conséquence directe du fait que les travailleurs sont exploités par les patrons, et qu’une grande partie de la valeur des marchandises revient sous forme de profits aux capitalistes, au lieu de revenir à la société.

Dans les systèmes économiques du passé, comme l’esclavagisme ou le féodalisme, les crises économiques étaient en général causées par une pénurie de ressources. Sous le capitalisme, les crises surviennent car il y a trop de richesses pour ce que le système peut gérer.

Les capitalistes jettent le tiers de la nourriture produite annuellement sur la planète. Pourtant six millions d’enfants meurent chaque année de malnutrition. Si les capitalistes donnaient gratuitement la nourriture, cela entraînerait une baisse des prix des produits alimentaires et les capitalistes perdraient de l’argent. Ils préfèrent donc jeter la nourriture.

Nous avons également la capacité de loger tout le monde. Aux États-Unis en 2018, il y avait 10 maisons vides pour chaque sans-abri! Et on compte un demi-million de sans-abris. Au Canada, 235 000 personnes chaque année vivent l’itinérance. Et pourquoi? Parce que les banques qui possèdent les maisons ne trouvent pas assez d’acheteurs.

C’est ça le capitalisme : des famines parce qu’il y a trop de nourriture. De l’itinérance car il y a trop de maisons.

Le capitalisme a bâti une immense capacité productive qui pourrait combler réellement les besoins des gens. Mais le marché, la propriété privée d’entreprise et la quête de profit engendrent une pénurie artificielle qui limite la possibilité d’utiliser nos ressources pour combler les besoins des travailleurs et des opprimés.

On peut donc conclure que le capitalisme fonctionne peut-être en théorie, du moins dans la tête des économistes, mais en pratique il engendre le chaos, l’exploitation, les crises, les inégalités et les monopoles.

L’Union soviétique

Les tenants du problème du calcul économique nous disent maintenant que la preuve de l’échec du socialisme a été l’effondrement de l’URSS. Or, ce qui a échoué en URSS, ce n’est pas l’économie planifiée, mais le manque de démocratie.

L’économie n’était pas planifiée démocratiquement par les travailleurs, mais par une bureaucratie d’État. La bureaucratie stalinienne a usurpé le pouvoir démocratique des travailleurs et des paysans, lesquels avaient mené la révolution d’octobre 1917 et exproprié les capitalistes du pouvoir. La misère et la pénurie créées par la guerre civile et l’invasion de 21 pays impérialistes, dont le Canada, ont été le fumier sur lequel la bureaucratie a poussé comme une mauvaise herbe.

Dans les années 1920 et 1930, l’économie planifiée a permis de sortir l’URSS de sa condition semi-féodale, et de développer suffisamment les moyens de production pour vaincre les nazis et devenir la seconde puissance mondiale. Mais à partir des années 1960, la production est devenue plus complexe, et la bureaucratie est devenue progressivement incapable de calculer toute l’information pour planifier adéquatement la production.

En effet, comment serait-il possible que quelques centaines de fonctionnaires à Moscou puissent planifier une économie de centaines de millions de personnes? Les bureaucrates voulaient atteindre leurs quotas de production, quitte à rogner sur la qualité des produits et mentir sur l’information économique de leur département.

Ce que fait l’autoritarisme et le manque de démocratie dans la planification, c’est de dégrader l’information économique et de saper la planification. C’est ce phénomène qui explique pourquoi l’URSS est entré en stagnation économique. Puis, en 1991, les bureaucrates rétabliront brutalement le capitalisme en URSS, entraînant des pénuries, du chômage de masse, le retour de la prostitution, et plus encore.

Comme le disait Trotsky : « L’économie planifiée a besoin de démocratie comme le corps humain a besoin d’oxygène. »

L’économie socialiste

Ils proposent quoi alors, les socialistes, pour régler ces problèmes du capitalisme? Nous proposons d’étendre la planification au-delà des quatre murs des entreprises individuelles, de l’étendre à toute l’économie. Ainsi nous pourrions éliminer l’anarchie dans la production et satisfaire les besoins du plus grand nombre.

Pour atteindre cet objectif, il faut d’abord exproprier les capitalistes et que les entreprises appartiennent à toute la société. Les travailleurs doivent eux-mêmes contrôler leur milieu de travail et organiser démocratiquement la production.

Cela n’a rien à voir avec le stalinisme, pas plus qu’avec les sociétés d’État actuelles, comme Hydro-Québec, la SAQ ou Postes Canada, qui sont gérées par d’énormes bureaucraties cherchant à maximiser les profits de l’État. Une économie socialiste n’équivaut pas à une réduction de la démocratie, mais bien à l’extension de la démocratie jusqu’aux milieux de travail.

C’est un peu comme une immense coopérative, dont tous les départements travaillent en coopération, et où la population est comme des membres de la coop, qui peuvent voter aux assemblées générales sur la direction de l’entreprise et les conditions de travail. La différence réside dans le fait qu’une coop sous le capitalisme est une entreprise en concurrence avec d’autres entreprises, et doit conséquemment maximiser ses profits. Cependant, lorsque la majorité de l’économie agit comme une seule entreprise, cette entreprise du peuple se transforme et n’est plus vraiment une coop, puisqu’elle cesse de produire pour le profit et produit pour les besoins.

Il y a plusieurs manières d’imaginer les mécanismes démocratiques sous le socialisme. Ce sera aux travailleurs eux-mêmes de les décider. Mais, par exemple, nous pourrions mettre en place des assemblées générales sur les milieux de travail, pour que les travailleurs puissent décider ensemble comment les organiser. Nous pourrions élire des comités de gestion d’entreprises, révocables à tout moment et redevables devant les travailleurs. Les assemblées de milieux de travail et les assemblées de quartier pourraient envoyer des délégués à des comités municipaux et régionaux, et à un congrès national puis éventuellement un congrès mondial, qui seraient chargés de coordonner l’ensemble des chaînes d’approvisionnement, de la production à la distribution. Les scientifiques, les techniciens et les ingénieurs pourraient conseiller les assemblées et les comités dans leurs prises de décision.

On utiliserait les ordinateurs de pointe et les algorithmes d’Amazon nationalisée pour évaluer les changements dans la demande. L’information serait envoyée directement aux travailleurs des usines collectivisées pour qu’ils puissent coordonner le stockage des entrepôts et des centres de distribution. Les ordinateurs pourraient calculer les coûts de production et le nombre d’heures de travail qui entrent dans la production de chaque marchandise. Cela aiderait les comités élus à planifier les prix des produits en fonction des besoins de la population.

Les centaines de milliards de dollars qui disparaissent présentement dans les manoirs et les yachts des capitalistes permettraient de développer un système de santé efficace et gratuit, un système de transport en commun sans frais hautement développé, la gratuité scolaire, etc. Chaque individu pourrait avoir accès à de l’internet, de l’électricité et un service de téléphone, tous gratuits.

On pourrait rapidement rendre les coûts des loyers très faibles et éventuellement gratuits et mettre fin à l’itinérance. Tous ceux qui sont présentement au chômage pourraient travailler avec un salaire décent, et leur travail permettrait de décharger les autres qui sont forcés au travail supplémentaire.

Les tâches domestiques, qui retombent bien souvent sur les épaules des femmes, seraient socialisées, à travers des cafétérias publiques gratuites, des buanderies publiques gratuites, des garderies gratuites, etc. Les communautés autochtones recevraient toutes les ressources nécessaires pour fournir de l’eau potable, électricité, internet, nourriture, etc., en réparation des siècles d’oppression coloniale par l’État canadien.

La planification écologique

La planification socialiste est également la seule solution pour réellement sauver la planète. Soixante-dix pour cent des émissions en gaz à effets de serre sont produites par 100 entreprises. Les grandes entreprises capitalistes peuvent polluer comme elles veulent. Elles n’ont qu’à payer une petite taxe écologique au gouvernement.

Sous un gouvernement socialiste et une démocratie directe des travailleurs, on nationaliserait les industries polluantes comme les pétrolières. On pourrait financer la transition écologique et s’éloigner des combustibles fossiles. Les travailleurs du secteur pétrolier seraient formés tout en recevant leur plein salaire, pour être réorientés vers le secteur des énergies renouvelables, sans aucune perte d’emploi ou de salaire.

En ce moment les capitalistes ont très peu d’intérêt à investir dans des machineries vertes, qui peuvent prendre des années avant de devenir rentables. De telles machines ne répondent pas au besoin des capitalistes d’amasser des profits à court terme. Le magazine The Economist faisait remarquer en 2017 que la logique du profit nuit aux investissements dans la production d’énergie renouvelable, car comme c’est renouvelable, les coûts de production tendent vers zéro au fil du temps, et on ne peut pas faire du profit sur quelque chose qui tend à devenir gratuit.

Une économie planifiée mettrait fin à l’absurdité de l’obsolescence programmée et au gaspillage. On pourrait fermer les secteurs du marketing, de la publicité et de la finance. On n’aurait aucun intérêt à inventer des faux besoins et convaincre les gens d’acheter des bébelles inutiles.

Une société des loisirs

Certains disent qu’une économie planifiée ne créerait pas d’incitatif pour travailler, et encore moins d’incitatif pour innover. En fait, une économie socialiste planifiée ne serait pas un frein à l’innovation, mais permettrait au contraire de la décupler.

Les travailleurs qui ont des idées novatrices pourront amener leurs idées dans leur assemblée de milieu de travail, et convaincre les autres travailleurs de les implanter. Même chose pour des idées de nouvelles entreprises. On pourra mettre en place des forums publics et décider démocratiquement si l’on souhaite allouer des ressources pour démarrer de nouveaux projets.

Au début de la transition vers le socialisme, il faudra encore compter sur des salaires pour planifier la production, afin qu’on produise suffisamment pour répondre aux besoins. Les salaires seront une nécessité malheureuse dans une société transitoire qui doit encore gérer les pénuries. Mais progressivement, la contrainte économique capitaliste que sont les salaires commencera à s’estomper à mesure que la société socialiste augmentera son niveau technique et culturel.

Le fait de pouvoir voter sur les décisions concernant le milieu de travail fournira un incitatif important à s’impliquer dans son travail. Chaque heure investie au travail ne servira pas à enrichir un patron, mais à contribuer au bien collectif.

Mais, personnellement, je pense que l’incitatif le plus intéressant du socialisme est la réduction du temps de travail.

Sous le capitalisme, les capitalistes achètent des machines plus productives pour pouvoir produire plus avec moins de travail. Ils mettent les travailleurs à la porte quand ils peuvent les remplacer par des machines, réduisant ainsi leurs coûts de production, et peuvent vendre moins cher sur le marché et battre leurs compétiteurs. La machine est transformée en rival du travailleur. Il en résulte une contradiction : en coupant dans la main-d’œuvre, les capitalistes attaquent leur propre marché de consommateurs, qui doivent racheter leurs marchandises.

Sous le socialisme, la société investira dans des machines efficaces et écologiques, et chaque avancée dans la mécanisation permettra de réduire les heures de travail hebdomadaire de chacun, sans perte de salaires. Donc, si les machines produisent plus avec moins de travail, on peut recevoir plus de produits ou recevoir des produits à moindre coût, et en plus on peut travailler moins. La semaine de travail moyenne pourra passer rapidement de 40 à 32 heures, puis à 20, puis 10, voire moins.

L’automatisation écologique du travail pourra éventuellement libérer les humains du dur labeur, et créer une société des loisirs, où tous peuvent se consacrer à leur guise à l’art, à la philosophie, à la science et au développement technologique, à l’implication politique et communautaire.

À force de mécaniser le travail et de développer la productivité, tout en respectant les limites de l’environnement, nous aurons une surabondance de produits permettant de répondre à nos besoins. Nous n’aurons plus besoin de recourir à l’argent, aux prix et aux salaires pour planifier la production. Chacun pourra contribuer volontairement à la société, et prendre de la société ce dont il a besoin. Marx avait résumé l’adage du communisme ainsi : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. »

Clore le débat sur le calcul économique

Il y a bien sûr encore des économistes qui pensent que le débat sur le calcul socialiste n’est pas terminé. Pourtant, je pense qu’il est assez clair que la planification est partout autour de nous sous le capitalisme. L’économie planifiée fonctionne en théorie, mais surtout, elle fonctionne en pratique. La planification actuelle dans les entreprises comme Walmart et Amazon montre tout le potentiel qui existe pour une nouvelle société sans classes et sans exploitation, une société d’abondance et de loisirs.

Pour l’instant, la planification fonctionne, mais elle fonctionne pour eux, pour les riches capitalistes et leurs profits, et non pour nous et nos besoins. La prochaine étape est que nous, les travailleurs, nous nous organisons et saisissons les entreprises dans nos mains, afin de jeter les bases d’une société orientée vers le besoin plutôt que le profit.