Lors de la grève des postiers qui a débuté le 15 novembre une question sous-tendait toute la lutte : la direction de Postes Canada est engagée dans une course vers le bas avec les entreprises privées.

Pressurisée par la baisse de la demande pour la livraison du courrier et par la concurrence des services privés de livraison de colis, la société d’État affiche des pertes d’année en année. Elle a perdu 3 milliards de dollars depuis 2018. En particulier, la croissance du marché de la livraison de colis qui a accompagné la montée d’Amazon a signifié une concurrence croissante de petites entreprises de livraison qui s’appuient sur des « entrepreneurs indépendants » – des travailleurs sans sécurité d’emploi et des conditions de travail terribles.

La direction de Postes Canada demande donc que l’entreprise soit « modernisée » afin de concurrencer ces sociétés privées.

Et comme il arrive généralement lorsque le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (SSTP) entre en grève, nous avons vu une série d’articles dans les médias bourgeois en appelant à ce que le gouvernement privatise Postes Canada complètement. Ils avancent tous essentiellement le même argument : puisque Postes Canada n’arrive pas à faire de profits, elle devrait être confiée au privé. Elle sera alors forcée d’« innover » pour rester concurrentielle. Cet épouvantail est agité pour effrayer les travailleurs et les obliger à se soumettre.

Il y a de bonnes raisons de douter du sérieux de ces menaces. La classe dirigeante ne privatise que ce qui est profitable. Trop de petites et moyennes entreprises dépendent des services peu dispendieux – et intrinsèquement non rentables – fournis par Postes Canada.

Mais la menace qui pèse sur les travailleurs est réelle. La pression de la concurrence de ces entreprises privées provoque une course vers le bas sur le plan des conditions de travail.

Voilà ce que les capitalistes et leurs laquais à la tête de Postes Canada veulent dire quand ils parlent de « modernisation » et d’« innovation ». Ils veulent la même exploitation que chez Amazon : un système chaotique de planification des horaires par une application selon le principe du « just-in-time » plutôt que des horaires réguliers, des employés à temps partiel embauchés à coups de petits contrats plutôt que des postes permanents, et si possible pas de salaire minimum. Autrement dit, ils veulent dire de l’hyper-exploitation décidée par un algorithme.

Les sociétés d’État offrant des services essentiels comme Postes Canada ne devraient pas être gérées par des capitalistes, qui sacrifient les services et les travailleurs au nom de leur marge de profit. Elles devraient être placées sous le contrôle démocratique des travailleurs, qui seuls savent comment les gérer de façon rationnelle.

Mais ultimement, les attaques sur les travailleurs font partie de l’essence du capitalisme. Les mêmes forces du marché qui obligent chaque entreprise à compresser ses travailleurs comme des citrons pour le moins cher possible sont aussi appliquées aux entreprises possédées par l’État comme Postes Canada.

La seule façon de mettre fin à cette course vers le bas est de mettre fin à logique du profit dans toute l’industrie, en expropriant Amazon, Purolator, UPS et tous les autres dans le cadre d’un vaste plan de production socialiste.


Postes Canada encourage l’économie des petits boulots

Nous avons reçu la contribution suivante de Kailan D., qui est syndiquée STTP à Toronto.

J’ai terminé le processus de formation en février 2024, au site Gateway de Mississauga. Postes Canada y envoyait des dizaines de recrues, qu’elle mettait sur la touche pendant des mois. Être « mis sur la touche » signifie que l’on n’a pas d’affectation de travail prévue et que l’on doit attendre d’être appelé au bureau de service pour travailler.

Selon le STTP, Postes Canada compte actuellement 12 500 employés « temporaires » de ce type au Canada. Cela signifie qu’il y a très peu de travail pour tout le monde. Ce qui est étrange, car le programme de formation dure deux semaines à temps plein et est rémunéré. D’après mes calculs, si tous les employés ont suivi le programme de formation de base, Postes Canada a dépensé 22 millions de dollars pour mettre ces travailleurs sur la touche.

Qui plus est, Postes Canada demande, dans le cadre des négociations actuelles, que cette couche de travailleurs à temps partiel soit augmentée de 50 pour cent, dans le cadre de l’expansion des services de livraison de fin de semaine, alors qu’il existe déjà une importante force de réserve de facteurs sur appel qui ont désespérément besoin de travail.

Si Postes Canada obtient ce qu’elle veut, elle se soustraira à son obligation d’offrir des emplois stables, des avantages sociaux et des retraites à tous ses employés, et ce, beaucoup plus longtemps qu’elle ne le fait déjà. Il est évident que Postes Canada cherche à détruire les emplois syndiqués de l’intérieur, en écrasant les travailleurs qu’elle a déjà, ce qui établirait un précédent dangereux pour tous les autres travailleurs syndiqués.