Une nouvelle page s’ajoute au long récit des déboires de Bombardier. Après que plus d’un milliard de dollars aient été investis dans la CSeries par le gouvernement québécois en 2015, on apprenait plus tôt cette semaine que les cinq plus hauts dirigeants de Bombardier ainsi que le président du conseil d’administration de l’entreprise, Pierre Beaudoin, ont vu leur salaire augmenter de 50% atteignant la coquette somme de 32 millions de dollars US pour l’exercice 2016.
Considérant les difficultés financières de l’entreprise québécoise, ces hausses salariales faramineuses n’ont été possibles qu’avec l’argent des contribuables et le licenciement de milliers de travailleur-euses. D’ailleurs, Bombardier devrait avoir éliminé quelque 14 500 emplois à travers le monde d’ici la fin de l’année 2018 dans le cadre de son plan de redressement.
Suite à l’annonce, le premier ministre Justin Trudeau s’est fait questionner sur le prêt de 372,5 millions récemment consenti à Bombardier. Malgré l’évidente indécence de ces augmentations salariales, Trudeau dit respecter le libre marché et le choix des entreprises et rappelle qu’il a la responsabilité d’investir l’argent public pour aider à la création d’emplois durables. Dans la même veine, le premier ministre du Québec Philippe Couillard a commenté la décision de Bombardier en point de presse : « Fondamentalement, c’est une décision qui regarde l’entreprise et ses actionnaires ».
Ces déclarations lèvent le voile sur la réalité du système capitaliste : pendant que les travailleur-euses souffrent des conséquences de l’austérité, les patrons de Bombardier voient leurs salaires augmenter de manière faramineuse à même les centaines de millions de dollars en fonds publics investis dans l’entreprise. Pour ajouter l’insulte à l’injure, le président du Comité des ressources humaines et de la rémunération de Bombardier Jean C. Monty déclare à la fin de sa lettre de justification : « [J]e suis convaincu que nos pratiques de rémunération sont saines et qu’elles reflètent notre besoin d’attirer et de retenir les meilleurs talents d’ici et du monde entier. » Connaissant les antécédents peu glorieux de l’entreprise, allant de l’évasion fiscale au Luxembourg au retard systématique dans la livraison, tant pour la CSeries que pour les wagons de métro de la STM et de la TTC, il est d’autant plus aberrant que cette incompétence de la direction se voit récompensée de la sorte.
C’est lors de ce genre d’événement que le rôle de l’État bourgeois apparaît comme une évidence : lorsqu’une importante compagnie fait preuve d’une gestion pitoyable qui la mène au bord du précipice, elle vient quémander à l’État sans jamais avoir de compte à rendre. Laissez-nous tranquilles avec vos taxes et vos impôts, mais quand les temps sont durs, ouvrez vos coffres sans broncher ou bien nous partirons.
Devant l’indécence manifeste des hausses salariales des dirigeants de Bombardier, la population a clairement manifesté son mécontentement. Selon un sondage, pas moins de 93% de la population s’y oppose! Il y a également eu une manifestation spontanée organisée devant le siège social de Bombardier dimanche dernier, qui a réuni environ 300 personnes. Devant la grogne justifiée de la population, les dirigeants de Bombardier ont été forcés de reculer. Dans un premier temps, Pierre Beaudoin a renoncé à son augmentation de 37%, retournant à son salaire de crève-faim de 2015 atteignant à peine les 3,8 millions US. Puis, les dirigeants de l’entreprise, êtres raisonnables qu’ils sont, ont accepté de repousser à 2020 leurs hausses salariales, initialement prévues pour… 2019! Recul ou non, le problème fondamental demeure.
Les travailleur-euses de Bombardier jouissent de bons emplois sur lesquels comptent des milliers de familles, et qui doivent être protégés. Il est parfaitement justifié de s’indigner du fait que tandis que les pertes d’emploi s’accumulent, des millions de dollars donnés à Bombardier pour supposément créer de l’emploi se retrouvent presque directement dans les poches des patrons. De toute évidence, la haute direction joue un rôle complètement parasitaire au sein de l’entreprise. Le dernier épisode de la saga montre bien que la nécessité de protéger ces emplois et de développer l’industrie se heurte à l’avarice et à la quête de profits toujours plus grande des dirigeants. Que faire?
Dans la foulée des événements, les employé-es de bureau de quelques usines de Bombardier ont manifesté leur intention d’entamer un processus de syndicalisation. Les employé-es déplorent les reculs subis sur la question de leurs régimes de retraite et de leurs assurances collectives. Également, les nombreuses pertes d’emplois des dernières années ont contribué à augmenter la charge de travail sur les employé-es restants. Enfin, ces hausses salariales monstrueuses contribuent à la frustration des employé-es de bureau. La syndicalisation des employé-es non syndiqués est certainement un pas dans la bonne direction. La Riposte socialiste appuie sans réserve cette initiative!
Cependant, fondamentalement, la saga autour de Bombardier met en lumière le fait que l’on ne peut pas contrôler ce qu’on ne possède pas. Pour réellement protéger les emplois et l’industrie, il faut la nationaliser et la placer sous le contrôle démocratique des travailleur-euses de Bombardier. Dans ces conditions, le réel potentiel de cette industrie essentielle pourra pleinement s’exprimer et répondre aux besoins concrets de la population plutôt qu’à la quête toujours plus grande de profits privés.
Même si c’est Bombardier qui fait ici figure d’exemple, il est important de se rappeler que ces événements qui choquent les Québécois-es aujourd’hui ont lieu partout dans le monde et ne cesseront de survenir tant et aussi longtemps qu’on permettra aux entreprises de faire chanter la population en brandissant les délocalisations et les fermetures d’usines.
Les travailleur-euses de tous les domaines doivent réaliser tout le potentiel qu’ils portent en eux : il n’y a pas une seule ampoule qui brille, pas une simple roue qui tourne, pas un téléphone qui puisse sonner sans leur consentement!
C’est seulement par l’instauration d’une économie planifiée démocratiquement par les travailleur-euses, seulement avec le socialisme, que ce genre d’événements absurdes disparaîtra et que le développement de la société pourra se faire à son véritable potentiel.