« Inqlab ! Inqlab ! Socialist Inqlab ! » – Révolution ! Révolution ! Révolution socialiste ! C’est sur ces slogans, dans une ambiance surchauffée, que s’est ouvert le 27e Congrès de la tendance marxiste pakistanaise, The Struggle (La Lutte), le 27 mars dernier. Au total, 2000 délégués de toutes les régions du Pakistan ont rempli la magnifique salle Aiwan Iqbal, dans la ville de Lahore.
Cette année, les règles de sécurité étaient particulièrement strictes, suite aux menaces terroristes proférées par des fondamentalistes – qui, comme on le sait, opèrent à l’instigation et sous la protection des Services Secrets pakistanais (l’ISI).
La composition sociale du congrès était très largement ouvrière. De nombreux syndicats de travailleurs étaient représentés : ceux des aciéries, des télécommunications, des autoroutes, du port de Karachi, des chemins de fer, du textile, de la Poste, de l’énergie et des eaux, du transport, du secteur paramédical, de l’industrie lourde, etc. Il y avait également une grande délégation étudiante. Enfin, malgré les énormes obstacles et pressions auxquels sont confrontées les militantes, dans ce pays, il y avait une bonne représentation féminine, parmi les délégués.
Le Congrès s’est ouvert par une discussion sur les Perspectives Mondiales, introduite par Alan Woods. Alan a comparé la situation actuelle à la période de déclin et de chute de l’Empire Romain. A propos de la crise économique, il a souligné la faillite des économistes bourgeois et la perplexité des gouvernements, qui ne savent quoi faire. Il a décrit les banquiers comme des parasites qu’on récompense, avec l’argent du contribuable, pour leurs escroqueries : « Il n’y a pas d’argent pour les écoles, le logement et les hôpitaux – mais pour les banquiers, il y a autant d’argent qu’ils en demandent ! ». Alan s’est également attardé sur les guerres en Irak et en Afghanistan, que les impérialistes ne peuvent pas gagner, comme les marxistes l’avaient prévu dès leur déclenchement : « les Américains devront quitter l’Irak la queue entre les jambes ». Quant à l’Afghanistan, la poursuite de la guerre aura pour seul effet d’aggraver la déstabilisation du Pakistan.
Lors de la discussion, très riche, de nombreuses interventions ont porté sur la question nationale. Dans ses réponses, Alan a souligné que la seule façon de résoudre la question nationale est la conquête du pouvoir par les travailleurs et paysans pauvres, comme ce fut le cas en Octobre 1917, en Russie. Il a prévenu que les réactionnaires indiens et pakistanais songent à recourir à la guerre – notamment au Cachemire – dans le but de détourner l’attention des travailleurs de la crise économique et sociale. « Les travailleurs d’Inde et du Pakistan n’ont aucun intérêt à la guerre », a-t-il dit, ce qui a déclenché une puissante salve d’applaudissements. « Notre position : une seule guerre – la guerre des classes ! ».
L’après-midi, la discussion a porté sur la crise de l’Etat pakistanais. Le camarade Adam Paul introduisait les débats. Après avoir rappelé les origines de l’Etat d’un point de vue marxiste, Adam a décrit la dégénérescence complète de l’Etat pakistanais, qui est déchiré par des contradictions internes, une fraction soutenant les Talibans – pendant qu’une autre est soumise à l’impérialisme américain. Lors de la discussion, un camarade du Pachtounkhwa a fait une intervention vibrante d’indignation pour dénoncer le massacre de civils par l’artillerie et les bombardiers américains, qui ont provoqué une vague massive de réfugiés.
A 17 heures, la Congrès s’est divisé en trois commissions : le travail syndical, la jeunesse et les femmes.
Le lendemain, vendredi 28 mars, le camarade Lal Khan a ouvert le deuxième jour du congrès en introduisant la discussion sur les Perspectives pour le Pakistan. Dans son discours, Lal Khan a dressé un tableau dévastateur du pourrissement de la bourgeoisie pakistanaise et de son système : « 62 % des enfants n’a pas accès à l’éducation primaire. 60 % souffre de malnutrition. Beaucoup de gens ont perdu leur odorat parce qu’ils vivent à proximité de décharges à ciel ouvert, dans la plus noire misère. Chaque jour, le chômage et la pauvreté augmentent. »
L’agriculture est dans un état déplorable. 65% de l’eau drainée par les canaux d’irrigation n’arrive pas à destination, du fait du délabrement des infrastructures. Dans le même temps, l’industrie a été saccagée. Et à présent, le gouvernement du Parti du Peuple Pakistanais (PPP) poursuit une politique de privatisation criminelle, qui se traduira par de nouveaux licenciements.
Mais tout le monde ne souffre pas, au Pakistan. Le dirigeant d’opposition Nawaz Sharif est la quatrième fortune du pays. Quant au président du Pakistan, Asif Ali Zardari, il en est la deuxième fortune. Comment ces gens peuvent-ils prétendre représenter les intérêts des travailleurs et des paysans pakistanais ?
Lal Khan a souligné que la faillite de l’Etat pakistanais repose sur la faillite du système capitaliste lui-même. Seule une révolution socialiste peut sauver le peuple pakistanais de la barbarie. Le discours de Lal Khan a été accueilli par des applaudissements et des chants enthousiastes, lesquels ont d’ailleurs jalonné tout le congrès. Plusieurs poèmes révolutionnaires ont été lus, également, dans ce pays où la poésie demeure une tradition populaire très vivante.
La session suivante, introduite par Paras Jan, était consacrée à l’organisation et à ses tâches révolutionnaires, pour la période à venir. The Struggle est désormais implantée dans chaque région et chaque district du pays. Elle a une base solide dans le mouvement ouvrier et syndical, mais aussi dans la jeunesse. Par exemple, nos camarades ont conquis des postes clés dans la direction de la Fédération des Etudiants Jammu Kashmir (JKNSF), au Cachemire, qui organise 20 000 étudiants de la région. The Struggle est, de loin, la plus grande organisation marxiste qui ait jamais existé au Pakistan. Elle a désormais une base plus large que celle du Parti Communiste du Pakistan, avant son effondrement. D’ailleurs, nombre de vétérans communistes rejoignent notre organisation. A l’inverse, les différentes petites sectes gauchistes sont en voie de décomposition.
Le dernier point du Congrès, sur l’ordre du jour, était le rapport international sur la Tendance Marxiste Internationale (TMI), introduit par la camarade Ana Muñoz. Ana a décrit les progrès de la TMI au cours de la dernière période, notamment en Amérique latine : « Il y a 10 ans, nous n’avions qu’une section sur tout le continent américain : un groupe de 50 camarades au Mexique. Aujourd’hui, non seulement la section mexicaine compte 300 militants, avec une base solide dans la jeunesse et le mouvement syndical, mais la TMI est présente dans pratiquement tous les pays du continent – du nord au sud. Au Brésil, nous avons gagné un groupe de centaines de militants très bien implantés dans le mouvement ouvrier. Au Venezuela, nos camarades du Courant Marxiste Révolutionnaire jouent un rôle clé dans la lutte des travailleurs des usines occupées, sous contrôle ouvrier ou menacées de fermeture. »
Après le rapport d’Ana, Jawad Ahmed, un artiste pakistanais très célèbre, est venu à la tribune pour interpréter une chanson révolutionnaire, qui a été reprise avec enthousiasme par les délégués.
Alan Woods a prononcé le discours de clôture du Congrès. Il a souligné le succès et l’excellent niveau politique de ce Congrès : « Où est-ce qu’on peut trouver quelque chose qui ressemble à cela, au Pakistan ? Nulle part ! ». Alan a mentionné la trahison de notre ex-camarade Manzoor Ahmed, qui était membre de l’Assemblée Nationale et a été acheté par le gouvernement réactionnaire de Zardari. Il a souligné qu’il n’y avait pas de place pour les carriéristes, dans notre organisation : « Tant qu’il était sous le contrôle de l’organisation, Manzoor a joué un rôle positif, à l’Assemblée Nationale. Mais dans de telles positions, un camarade est particulièrement sujet à la pression des classes adverses. Manzoor a cédé à cette pression. »
Alan a cité Engels : « le parti se renforce en se purgeant », ajoutant : « Des opportunistes, autour de Manzoor, ont prétendu qu’ils avaient emporté avec eux la majorité de l’organisation. Qu’en dites-vous, camarades ? C’est vrai ? (Les délégués : « Non ! « ). Regardez cette salle. Sommes-nous plus forts ou plus faibles qu’il y a un an ? (Les délégués : « Plus forts ! ») Oui, camarades, nous sommes plus forts, aussi bien quantitativement que qualitativement. Et s’il y a des gens, ici, qui pensent qu’ils peuvent rejoindre notre organisation pour faire avancer leur carrière personnelle, je leur dis : « Voici la porte, vous pouvez quitter la salle ! » On ne vous offre pas une vie confortable, une carrière ou de l’argent. Tout ce qu’on vous offre, c’est un travail révolutionnaire acharné, une lutte constante et des sacrifices. La route vers la révolution socialiste n’est pas paisible. Nous avons de puissants ennemis : les propriétaires terriens et les capitalistes, la police et l’armée, les fondamentalistes et les terroristes. Mais nous sommes les soldats d’une armée révolutionnaire et nous poursuivrons la lutte en balayant tous les obstacles. Les armées subissent des pertes. Certains soldats sont tués ou blessés. D’autres désertent. Nous traiterons ces derniers avec le mépris qu’ils méritent.
« Nous sommes prêts à affronter toutes les difficultés parce que notre objectif est grandiose. Nous luttons pour un monde nouveau. Ce nouveau monde existe déjà. Il vit et il respire. Il est présent dans cette salle – dans le cœur et l’esprit de chacun d’entre vous. Chaque jour, il se renforce un peu plus. Nous lutterons jusqu’à l’avènement de ce monde nouveau – et nous le verrons naître. »
Le congrès s’est terminé par une manifestation des délégués, dans les rues de Lahore, contre la pauvreté, le chômage et les privatisations.