Peu après 21h00, dans la nuit du 18 Juillet, l’Association des employeurs des Maritimes (MEA) a publié un court bulletin: dès le matin suivant, les débardeurs du syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) section locale 375 du Port de Montréal seraient en lock-out et ce, pour une période indéfinie. Cette action a fait suite à deux années de négociation avec le syndicat, pendant lesquelles, les travailleurs ont travaillés sans contrat. Dans le communiqué de presse officiel, l’AEM se plaignait des moyens de pression du syndicat qui «ont commencés à entraver les opérations du port, » tout en avertissant le syndicat de «regarder de façon plus réaliste les défis à venir. »
Le MEA a cherché à démanteler la clause de revenu garanti de la convention collective qui a expiré en 2008. Contrairement à la plupart des ports, les débardeurs à Montréal ne sont pas payés en fonction du nombre de navires à entrer dans le port –une manière compréhensible et fiable de gagner sa vie. Depuis la grève générale du Front commun en 1972, ils ont reçu la garantie de 35 à 40 heures par semaine, peu importe le trafic du port. Ce bien petit fragment de stabilité a été unanimement condamné par la MEA qui se plaignait qu’ils devaient payer des gens à ne pas travailler, apparemment peu familiers avec le concept à la mode d’un salaire horaire.
La fermeture du plus grand port intérieur au monde a provoqué deux réponses radicalement différentes. Lors d’une conférence de presse tenue à midi le jour suivant, le syndicat a parlé avec un mélange de mépris et de confiance. David Tremblay, le président du SCFP 375, a affirmé qu’il y aurait «une solidarité internationale» avec le syndicat tant que les 850 travailleurs resteront en lock-out. En particulier maintenant que les débardeurs d’Halifax, de Norfolk et de New York ont été informé de la situation. « Ils ne toucheront pas les navires qui viennent de Montréal », a dit Tremblay. Le conseiller syndicale de la SCFP, Michel Murray, a rejeté le lock-out, le considérant comme « une pièce de théâtre » de la part de l’AEM et a mis en garde concernant une possible intervention gouvernementale.
Contrairement à la détermination sans faille des travailleurs, qui depuis le début du lock-out (cinq jours en tout), ont pacifiquement manifesté devant le port, nous avons pu observer une sorte d’hystérie s’emparer de la bourgeoisie canadienne. Dans une conférence de presse qui a été tenu dans les tous premiers jours de l’affaire, la plus importante association d’employeurs au Québec, désespérée de ses propres ressources, a demandé au ministre fédéral du Travail de mettre fin au lock-out. Avec cette requête empreinte de peur et d’inquiétude, les dirigeants d’entreprises du Québec ont tenté de forcer le gouvernement à intervenir par sympathie pour leur situation difficile. «Nos membres souffrent en ce moment. Ils sont tournés vers l’avenir et ils ont très, très peur », a déclaré le président du groupe, Yves-Thomas Dorval.
Alors que plusieurs centaines de débardeurs de plus en plus isolés manifestent sur les quais au nom de leurs collègues, les patrons ont été les dépeindre comme une force malveillante responsable du sort malheureux du capitalisme au Québec. AbitibiBowater, le plus grand fabricant de papier journal en Amérique du Nord, s’est vu « forcé » à envisager des licenciements par le cruel déroulement des évènements, tandis que Cascades Inc a dû retarder de nouveaux investissements d’une valeur de 20 millions de dollars. «Nous avons eu à réévaluer les échéances de nos projets», a déclaré le porte-parole de la société, Hubert Bolduc. Susan Schutta, une porte-parole de Wal-Mart, a prévenu que le maintien du port fermé aurait « un impact sérieux sur toutes les entreprises … », tout en précisant que leurs magasins ont des stocks suffisants pour satisfaire à la demande actuelle. Dans une telle situation dramatique, la Gazette a déclaré: «Trop de choses sont en jeu pour permettre à ce conflit de travail de tenir une telle rançon à la province. Le gouvernement fédéral a un médiateur à la table, mais s’il estime qu’il a besoin de s’impliquer encore plus directement, il doit agir et vite ».Le lock-out des patrons du port de Montréal n’était pas viable en raison précisément des dommages qui ont été fait sur la plus importante section de la classe capitaliste.
Les patrons du port de Montréal ont réussi à obtenir que les tribunaux émettent une injonction demandant aux travailleurs de retourner à leur travail et la fin de la campagne de grève du zèle du syndicat. Toutefois, l’injonction a coûté cher aux patrons. L’injonction a restauré la sécurité d’emploi des travailleurs, leur garantissant un horaire à temps plein quel que soit le trafic que le port de Montréal reçoit. Le MEA prétend maintenant que de céder aux exigences du syndicat avait été dans leur plan depuis le début!
La bataille sur ce point a été longue, mais ce n’est pas fini – l’accord conclu ne dure que jusqu’en Octobre. Sans doute, les patrons tenteront à nouveau d’obtenir plus de concessions de la part des travailleurs; si c’est le cas, alors les travailleurs devront être prêts à se battre et même éventuellement à aller en grève.
En plus d’avoir une sécurité temporaire d’emploi, l’aspect le plus important de cette lutte a été jusqu’ici les leçons reçues par les travailleurs. Le lock-out montre bien l’importance du port de Montréal pour le capitalisme et quel pouvoir les travailleurs détiennent en le fermant. En outre, la confusion et la discorde de la classe dirigeante révèlent ce qui est possible pour les travailleurs s’ils sont fermes dans leur détermination et leur volonté de se battre. Nous pouvons être certains que si les débardeurs de Montréal n’avaient pas fait une grève du zèle et menacé de se mettre en grève, ils n’auraient même pas gagné l’accord provisoire qu’ils ont maintenant.
Mais, ce n’est que la première étape dans la lutte des travailleurs. En fin de compte, s’ils ont à gagner, les travailleurs ne peuvent pas travailler seuls – ni à Montréal, ni à Halifax, ni même à New York, Norfolk, ou à Vancouver. Toute conquête par les capitalistes, dans n’importe quelle ville, serait leur donner plus de force pour le prochain combat. La seule façon d’éviter cela est de gagner – et de gagner complètement. Ce triomphe ne peut venir que si les travailleurs sont unis en tout point dans la lutte, peu importe comment ça peut sembler petit ou insignifiant, peu importe l’emplacement, afin de tenir la ligne, et d’avancer vers la victoire.