En Birmanie (Myanmar), des milliers de Rohingyas ont été massacrés, ces derniers mois, au cours d’une brutale campagne de nettoyage ethnique orchestrée par le gouvernement. Au sommet de cette horreur, on trouve donc l’ex-égérie des médias occidentaux, la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, qui est à la fois Conseillère spéciale de l’Etat birman, porte-parole de la présidence et ministre des Affaires étrangères.
Nettoyage ethnique
Les récits des survivants sont terrifiants. Hommes, femmes et enfants brûlés vifs, des centaines de villages rasés. Alors que les chiffres officiels (très en dessous de la réalité) parlent de près d’un millier de morts, près du quart de la population Rohingya (soit plus de 200 000 personnes) a déjà fui le pays pour échapper aux massacres commis par l’armée et les intégristes bouddhistes. Présentés par l’armée comme une réponse à des attaques terroristes, ces massacres constituent en réalité une campagne planifiée de nettoyage ethnique.
Les Rohingyas sont une cible facile. Ils sont privés de droits civiques, confinés dans des camps aux conditions de vie abominables, sans accès à l’éducation, à la santé ou à des emplois stables. Loin d’être la seule conséquence de « haines séculaires », comme le prétendent les journaux occidentaux, ces violences sont surtout le fruit de la misère généralisée et du désespoir qui en résulte. En 2010, on estimait que 26 % de la population birmane vivait sous le seuil de pauvreté, tandis que la malnutrition touchait près de 32 % des enfants de moins de cinq ans. Cette situation est exploitée par l’armée et les classes dirigeantes, qui utilisent les massacres pour chasser les habitants de futurs sites de développement très rentables.
Aung San Suu Kyi et la junte militaire
Au-delà de ces intérêts immédiatement commerciaux, la principale motivation de l’armée est d’utiliser le racisme pour affaiblir et diviser l’opposition. En réaction à des mesures d’austérité, un mouvement massif avait menacé le régime en 2007. Manquant d’une expression politique, ce mouvement s’était finalement cristallisé autour de la figure d’Aung San Suu Kyi. Celle-ci, après des années de résidence surveillée, avait accumulé suffisamment d’autorité pour émerger comme une dirigeante du mouvement. L’ensemble des « démocrates » libéraux d’Occident avaient alors approuvé les méthodes « non violentes » de la lauréate du Nobel de la paix. Ils en ont fait une icône médiatique.
En réalité, Aung San Suu Kyi et son parti (la Ligue Nationale pour la Démocratie, LND) n’étaient pour rien dans le mouvement d’opposition, qui était une réaction contre la pauvreté, alors que la LND représentait les couches de la bourgeoisie liées aux intérêts impérialistes. Cela n’a pas empêché le LND d’en tirer profit. Face à une contestation croissante et sous la pression de la Chine et des Occidentaux, l’armée a accepté de partager le pouvoir. Le rôle d’Aung San Suu Kyi, dans cet accord, était de calmer le mouvement révolutionnaire et de le canaliser vers la voie électorale. Le LND a remporté des victoires écrasantes en 2012 et 2015.
Son arrivée au pouvoir n’a rien changé aux politiques d’austérité et aux privatisations. Faute d’issue politique, les mobilisations de masse ont décliné. Les généraux ont alors repris l’initiative et lancé une campagne de terreur s’appuyant sur les intégristes bouddhistes contre les minorités ethniques, et principalement contre les Rohingyas. Ils ont pu bénéficier du soutien d’Aung San Suu Kyi. Elle n’a pas cessé de soutenir l’armée et d’accuser les Rohingyas d’être responsables des violences qui les frappent.
La faillite du libéralisme
Maintenant que cette « pacifiste » dévoile sa vraie nature, la plupart des pacifistes et des libéraux qui pleuraient auparavant sur son sort demandent qu’on lui « retire » son Nobel. En réalité, elle ne dénote pas vraiment parmi les lauréats du Nobel de la Paix, aux côtés de Barack Obama et d’Henry Kissinger, fauteurs de guerre notoires.
Toute cette situation démontre la complète faillite du libéralisme. Quand les masses révolutionnaires envisageaient de recourir à la violence contre leurs oppresseurs, Aung San Suu Kyi se faisait l’avocate de la non-violence et des embrassades. Mais quand l’heure est à la violence commise par les dirigeants contre les masses, que ce soit sous la forme de politiques d’austérité ou de massacres sanglants, le mot-clé est : « pragmatisme ». La lauréate du Nobel et tous ses semblables sont en fait plus effrayés par les masses que par les tyrans, parce que lorsque les masses se mettent en mouvement, elles menacent le système capitaliste lui-même.
C’est le capitalisme qui est la source des problèmes du peuple birman. Le racisme et la misère sont le produit d’un système périmé, incapable de tout progrès et condamnant la majorité de la population à se battre pour les miettes laissées par leurs exploiteurs.