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Mercredi, Justin Trudeau a annoncé son nouveau plan d’aide de 82 milliards de dollars pour faire face aux répercussions de la COVID-19. Cet ensemble de mesures comprend 27 milliards de dollars en soutien direct aux chômeurs et aux entreprises, ainsi que 55 milliards de dollars en report d’impôts. En temps normal, 82 milliards de dollars seraient considérés comme une somme extraordinaire. Cependant, nous ne sommes pas en temps normal, et les récentes mesures de Trudeau sont peut-être trop peu, trop tard.
Qu’est-ce que représentent ces 82 milliards?
L’annonce de ce programme soulève une série de questions, notamment : pourquoi cela a-t-il pris autant de temps? Les responsables de la santé ont souligné à plusieurs reprises que des mesures précoces sont cruciales pour limiter la propagation de la COVID-19. Et pourtant, c’est seulement maintenant, des semaines après la déclaration de la pandémie, que Trudeau prépare une aide significative pour les chômeurs.
Trudeau a soutenu que de telles mesures prennent du temps. Mais si c’est le cas, pourquoi alors a-t-il annoncé 10 milliards de dollars pour les entreprises le 13 mars – c’est-à-dire cinq jours avant le programme d’aide aux travailleurs ? En fait, Trudeau avait la possibilité de réagir plus tôt. Il a simplement choisi de faire passer les entreprises devant tout le monde.
Les mesures elles-mêmes, en revanche, ne sont toujours pas à la hauteur des besoins. Parmi les principaux éléments figurent la nouvelle Allocation de soins d’urgence, qui apporte un soutien financier aux personnes non admissibles à un congé de maladie payé ou à l’assurance-emploi, ainsi qu’un renforcement de l’Allocation canadienne pour enfants.
Cependant, l’Allocation de soins d’urgence ne consistera qu’en un maximum de 900 dollars toutes les deux semaines, ce qui signifie que de nombreux récipiendaires recevront moins que le salaire minimum, alors que l’augmentation à l’Allocation pour enfants n’équivaut qu’à 300 dollars par enfant en moyenne. De plus, ces paiements ne seront disponibles qu’en avril au plus tôt, ce qui laissera beaucoup de travailleurs sans revenus d’ici là.
Jusqu’à présent, Trudeau a également négligé d’appliquer une suspension des loyers à l’échelle nationale, ce qui rendra difficile pour beaucoup de gens de payer leurs factures, même avec ce soutien récent. Ainsi, certains pourraient encore trouver nécessaire de se mettre au travail – ce qui permettrait au virus de se propager.
Où est l’argent pour les hôpitaux et le dépistage?
Peut-être plus significatif encore, l’annonce de Trudeau ne prévoyait pas d’argent supplémentaire pour les hôpitaux ou les trousses de dépistage. Cela pourrait s’avérer être sa décision la plus tragique à ce jour.
En raison du retard dans le financement, des villes comme Toronto et Ottawa ont déjà signalé des cas de transmission locale de COVID-19. Si le virus circule localement, il sera plus difficile d’empêcher sa propagation. Des cas de transmission locale sont également probables dans d’autres régions du pays. D’ici peu, cela imposera un fardeau incroyable aux hôpitaux du Canada, un fardeau auquel ils ne sont actuellement pas équipés à faire face.
Le nombre actuel de lits d’hôpital par habitant au Canada est l’un des plus bas de l’OCDE, et même inférieur à celui de l’Italie. Déjà, une poignée de provinces maritimes ont été contraintes de déplacer des patients âgés hors des hôpitaux pour faire de la place, tandis que des opérations considérées comme « non urgentes » sont annulées.
L’Alberta et la Colombie-Britannique pourraient être particulièrement touchées. Ces deux provinces ont le plus faible ratio de lits d’hôpitaux et de respirateurs au pays, avec des chiffres comparables à ceux de l’Iran. Les hôpitaux de l’Ontario, quant à eux, traitaient régulièrement des patients dans les couloirs avant même l’apparition de la COVID-19.
En raison de la pénurie de services, des médecins canadiens ont déjà averti qu’ils auraient peut-être à choisir qui pourrait recevoir des soins et qui ne le pourrait pas. Dans un récent article du National Post, un médecin a mis en garde contre un tel scénario :
Nous disons au gouvernement depuis 25 ans maintenant, et particulièrement depuis 20 ans, que l’encombrement des hôpitaux doit être une priorité et qu’il faut augmenter le nombre de lits pour permettre une capacité maximale, et ils ont volontairement ignoré et fermé les yeux sur la question. Maintenant, ils vont peut-être bien récolter ce qu’ils ont semé.
Il se peut que nous évitions la catastrophe. Il se peut que tout cela ne soit pas grand-chose, et ce serait fantastique. Mais nous risquons de nous retrouver dans une situation où nous devrons prendre des décisions éthiques très difficiles sur la question de savoir qui aura droit au respirateur.
Le dépistage de la COVID-19 à grande échelle peut contribuer à réduire les admissions à l’hôpital en isolant les cas à un stade précoce. Cela semble avoir été efficace en Corée du Sud, où le virus a été endigué. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme désormais que la priorité des pays est de « tester, tester, tester ». Là-dessus aussi, la réponse de Trudeau est à la traîne.
Le Canada a jusqu’à présent effectué 42 000 tests de dépistage du virus, et a récemment augmenté la fréquence des tests. Toutefois, les trousses de dépistage sont encore en quantités limitées. Selon une estimation, le Canada effectue un cinquième des tests effectués par la Corée du Sud, ce qui montre l’écart qui existe encore. Pour avoir un effet décisif, la production de trousses de dépistage doit être accélérée sans délai. Trudeau n’a pas encore dit comment, ni s’il le fera.
Aux grands maux, les grands remèdes
Le récent plan d’aide de M. Trudeau ne répond pas aux besoins des travailleurs canadiens. De plus, étant donné le retard de son introduction, il pourrait ne pas parvenir à arrêter la diffusion de la COVID-19. L’émergence de la transmission locale, ainsi que l’état déplorable des hôpitaux canadiens, signifient que des mesures plus drastiques doivent maintenant être prises pour éviter la catastrophe.
Malheureusement, la prédominance de la préoccupation de Trudeau pour les grandes entreprises a ralenti cette réaction – avec des résultats horribles. Il ne peut en être autrement. Trudeau, comme tous les hommes politiques capitalistes, est prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter le virus, à condition qu’elles ne briment pas les intérêts de Bay Street. Cependant, pour mettre en place une réponse efficace, il faut prendre des mesures qui vont à l’encontre de ces intérêts. Trudeau ne le fera que s’il est confronté à une énorme pression d’en bas.
Par conséquent, le mouvement ouvrier doit exiger que des mesures d’urgence soient prises pour faire face à la crise. Le travail non essentiel doit être arrêté, et les chômeurs doivent être indemnisés à leur plein salaire, et non aux maigres taux des Allocations de soins d’urgence. Le travail essentiel doit être temporairement interrompu pour garantir le respect des normes sanitaires, sous la surveillance des travailleurs. La création de lits d’hôpitaux, de ventilateurs et de trousses de dépistage doit être massivement étendue, et c’est les entreprises, et non les gens ordinaires, qui doivent payer la facture. Les usines capables de produire du matériel médical doivent être saisies, réoutillées et utilisées pour faciliter cette expansion comme en temps de guerre.
En ce moment, rien de moins ne suffira. Le capitalisme a déjà prouvé son incapacité à stopper la pandémie. Pour sauver la vie de millions de personnes, nous devons nous débarrasser des contraintes qu’il nous impose. Les profits des riches ne sont pas plus importants que nos vies.