Cet article est l’éditorial du numéro 11 de Révolution communiste. Abonnez-vous ici!
Dans le numéro 9 de Révolution communiste, l’éditorial parlait du déclin du Parti libéral du Canada. Mais le rejet du libéralisme est un phénomène qui dépasse nos frontières. L’impopularité du président Macron et la crise du gouvernement français en est un exemple. Puis plus récemment, le libéralisme vient de subir un coup dévastateur avec l’élection de Trump aux États-Unis.
On peut sentir une certaine panique et une démoralisation à gauche face à l’élection de Trump et la montée de ses émules populistes de droite comme Pierre Poilievre au Canada. Tout cela pourrait donner l’impression qu’il y a un virage à droite dans la société en général. Ce serait mal comprendre la situation.
La popularité actuelle du trumpisme ne représente pas un appui profond envers son programme bourgeois réactionnaire, mais un dégoût généralisé du programme bourgeois libéral.
Trudeau ici, et Obama puis Biden aux États-Unis ont présidé à un recul accablant des conditions de vie des travailleurs. Résultat,le libéralisme est massivement discrédité.
Mais par-dessus tout, ce qui rend les gens furieux est l’hypocrisie puante de ces jésuites du capital. Ils se présentent constamment comme des parangons de morale, de décence, de respect des droits de la personne et des droits des minorités, avant de se retourner et piétiner tous ces principes au vu et au su de tout le monde.
Les libéraux pleurent la pauvre petite Ukraine, mais soutiennent le meurtre de masse des Palestiniens, qualifient leurs ennemis de dictateurs mais violent systématiquement les droits des travailleurs, se font les champions en paroles des groupes opprimés mais refusent de faire quoi que ce soit qui dépasse les mesures symboliques.
Le mépris qu’ont ces riches cravatés envers les gens ordinaires est révoltant, et ils sont incapables de s’en cacher. Pendant que les travailleurs peinent à joindre les deux bouts, les démocrates se sont obstinés à affirmer que l’économie allait bien et que c’était seulement dans leur tête qu’il y a une crise économique! Ils ont parlé de « vibecession » (récession sentimentale), un terme que la ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland a repris avant d’essayer d’acheter les électeurs en leur envoyant un chèque de 250 dollars.
Alors que les démocrates ont passé les huit dernières années à dépeindre Trump comme un bandit qui se sert de l’État pour ses intérêts personnels (ce qui n’est pas faux d’ailleurs), Biden a profité de ses derniers moments au pouvoir pour accorder le pardon présidentiel à son propre fils!
Et comme ils commettent tous leurs crimes sous le drapeau du « progressisme », tout cela est en train de provoquer un retour de flamme réactionnaire. Il faut le dire : les libéraux n’ont personne d’autre à blâmer qu’eux-mêmes pour la montée du trumpisme.
Mais la montée du trumpisme n’était pas inévitable. C’est parce qu’aucune force politique à gauche ne s’oppose au statu quo détesté et aux élites corrompues qui le défendent que la droite réussit à canaliser les sentiments anti-establishment.
Si la gauche avait adopté un discours anti-establishment de classe, mettant le blâme sur le patronat pour la crise du capitalisme, avec un programme offrant des solutions audacieuses répondant aux besoins pressants des travailleurs, cela aurait coupé l’herbe sous le pied du trumpisme. Il suffit de penser à l’énorme popularité de Bernie Sanders en 2016, plus grande que celle de Trump.
À la place, les réformistes et « sociaux-démocrates » du NPD, de Québec solidaire et de la « gauche » des démocrates (Ocasio-Cortez, Sanders et compagnie) ont tout fait pour apparaître plus libéraux que les libéraux. Ils sont incapables de proposer quoi que ce soit d’enthousiasmant pour les travailleurs.
Le NPD a conclu un accord de confiance et de soutien avec les libéraux de Trudeau, montant ainsi dans un navire en plein naufrage. Il s’assure constamment que les petites réformettes qu’il propose rentrent bien confortablement dans le cadre budgétaire de Trudeau.
Québec solidaire cherche constamment à être vu comme un parti « comme un autre » qui ne fait aucune vague. Son chef Gabriel Nadeau-Dubois est visiblement terrifié à l’idée de faire l’objet d’une chronique négative dans un grand journal bourgeois.
Sanders et Ocasio-Cortez appuient servilement l’establishment démocrate et ont été essentiellement absorbés par celui-ci.
À toutes fins pratiques, les sociaux-démocrates sont des libéraux : la face souriante du capitalisme pourrissant, exploiteur et oppresseur, avec toute son hypocrisie. Ils sont tout aussi responsables de la popularité des populistes de droite.
Cette banqueroute des sociaux-démocrates est due à la nature même du réformisme dans un capitalisme en crise. Le capitalisme ne peut se permettre aucune réforme significative.
La seule façon de gagner les réformes nécessaires pour sauver le système de santé, régler la crise climatique, offrir des logements et des emplois de qualité à tous, est d’entrer en lutte directe contre les capitalistes qui s’accrochent de toutes leurs forces à leurs richesses. La seule façon d’obtenir des réformes est de mener une lutte de classe révolutionnaire.
Et comme ces politiciens réformistes ont peur de mener une lutte des classes, ils se retrouvent à accepter le système et se rendent ainsi indistinguables des libéraux détestés. Ils deviennent associés au statu quo et à l’establishment, et peuvent facilement être balayés par les populistes de droite qui disent s’opposer à l’establishment. Cela signifie que ni les libéraux, ni les réformistes ne peuvent vaincre les Trump de ce monde.
Mais le trumpisme n’apporte pas plus de solutions à la crise du capitalisme que le libéralisme. Le populisme de droite, qui suscite tant d’espoir chez bien des gens, produira une profonde déception.
Loin d’améliorer les choses, Trump ne fera qu’accélérer la crise. Par exemple, les barrières tarifaires qu’il menace d’imposer risquent surtout de déclencher une dépression mondiale en faisant reculer le commerce international et en provoquant de l’inflation.
Les millions d’électeurs de Trump convaincus par ses promesses délirantes pourraient rapidement se retourner contre lui, avec la colère de gens trahis.
La période qui s’ouvre risque d’être marquée par les crises politiques et économiques, la désillusion et les changements rapides dans les consciences.
Le sentiment anti-establishment qui habite les masses grandira sous l’effet de l’approfondissement de la crise. Pour canaliser ce sentiment et vaincre le trumpisme, il faut bâtir une solution de rechange communiste révolutionnaire. C’est aussi la seule solution pour sortir de l’impasse du capitalisme en crise.