C’est en fin de semaine que les membres de Québec solidaire décideront en Congrès s’ils acceptent la fusion avec Option nationale proposée par la direction des deux partis. La fusion était l’une des trois propositions principales que Gabriel Nadeau-Dubois avait avancées lorsqu’il s’était présenté pour devenir porte-parole du parti en mars dernier. Nous considérons que cette fusion constitue un autre pas vers le nationalisme au détriment des politiques en faveur de la classe ouvrière. Nous invitons les membres du parti à rejeter l’entente de principe!
Traitement de faveur
L’entente entre QS, qui comprend 17 000 membres, et ON, qui en réunit 2 000, intégrera ce dernier au sein de QS en tant que collectif. Toutefois, malgré que le petit parti indépendantiste ne représente à peu près personne, la direction solidaire se plie en quatre devant lui. Rappelons qu’ON a récolté 0,73% des votes aux dernières élections, une diminution par rapport à l’élection de 2012, où il avait récolté 1,89% des voix. Ses appuis sont trop minces pour être comptabilisés par les sondages, ce qui le place dans la même catégorie que le Parti conservateur du Québec et le Parti vert. Comme l’a dit une militante de QS : « on peut raisonnablement penser que c’est déjà un maudit bon pari pour un parti qui était sur le bord de disparaître complètement du radar. » QS est en train de se transformer en bouée de sauvetage pour ON.
En cas de fusion, la direction de QS s’engage à accorder un traitement de faveur à la direction d’ON. Notamment, les porte-parole de QS devront appuyer Sol Zanetti, l’actuel chef d’ON, dans sa course à l’investiture dans une des circonscriptions « les plus favorables », ainsi que celle de deux autres candidats issus d’ON. Le nouveau collectif ON obtiendra même deux postes garantis pour une période de deux ans sur le comité de coordination national (le fameux « Politburo »)! Les fonds d’ON transférés à QS serviront uniquement à payer pour l’embauche d’un permanent issu d’ON, à financer les campagnes électorales et à l’investiture des candidats d’ON ainsi que les activités du collectif. Voilà des privilèges importants, quand on pense qu’aucun autre collectif de QS n’a droit même à du financement!
Le caractère antidémocratique de cette entente est très clair, d’autant plus qu’elle prend la forme d’une proposition omnibus « à-la-Harper », c’est-à-dire qu’elle ne peut être amendée par les membres du parti. Cette entente est à prendre ou à laisser. Nous disons : à laisser!
L’indépendantisme mis de l’avant
Mais outre la question de savoir si l’entente est avantageuse sur le plan arithmétique ou si elle est démocratique, c’est surtout son contenu politique que nous critiquons. En mars, nous écrivions : « Une fusion avec ON serait dangereuse puisqu’elle signifie que QS aurait à mettre l’accent davantage sur le nationalisme plutôt que des politiques de classe. Tout cela à un moment où les Québécois se détournent de l’interminable débat fédéralistes-souverainistes et cherchent des solutions de classe à leurs problèmes de classe. »
Le texte de l’entente et les sorties médiatiques qui ont accompagné sa publication confirment cette prévision. En effet, l’entente dit viser à faire du parti unifié le « fer de lance de la promotion de l’indépendance du Québec ». Gabriel Nadeau-Dubois l’a qualifiée de « grand pas en avant pour l’indépendance. »
Notamment, l’entente prévoit le maintien de la participation de QS aux OUI-Québec (Organisations unies pour l’Indépendance), ce regroupement de partis souverainistes qui vise à élaborer une « feuille de route » commune vers la souveraineté. Cette organisation réunit ON, le PQ et le Bloc québécois autour d’un projet d’assemblée constituante qui est essentiellement une copie diluée du projet de constituante contenu au programme de QS, avec cette (légère!) nuance qu’il s’agit d’écrire la constitution d’un Québec indépendant. Rappelons qu’il s’agit ici du parti du déficit zéro et du milliardaire Pierre-Karl Péladeau d’un côté, et du parti qui s’est acharné sur les femmes portant le niqab lors de la campagne électorale de 2015, de l’autre. Suite à la fusion avec ON, QS se retrouverait donc seul à la table de négociations face aux deux grands partis indépendantistes bourgeois à négocier l’application de son propre programme! Tout ça, dans un contexte où les membres du parti ont déjà rejeté une alliance avec le PQ. Il serait grand temps que la direction de QS cesse de légitimer le PQ et rejette haut et fort ce parti complètement réactionnaire, mais la participation aux OUI-Québec constitue un recul sur ce front.
Mais surtout, l’entente a pour effet de modifier le programme de QS pour préciser que le mandat de la constituante sera d’écrire la constitution d’un Québec indépendant, et ce dans les plus brefs délais. Cette petite modification a de profondes conséquences. Dans sa version actuelle, le projet d’Assemblée constituante de QS donnerait lieu à un processus de consultations au cours duquel les membres élus de l’Assemblée constituante écriraient une constitution. La constituante aurait à décider si cette constitution serait celle du pays ou de la province du Québec. La population voterait alors sur le projet de constitution, provinciale ou nationale, proposé par la constituante. La nouvelle forme de constituante proposée par ON, elle, aurait pour mandat d’écrire la constitution d’un pays, ce qui transformerait de facto l’ensemble de l’exercice en processus référendaire sur l’indépendance nationale. Ainsi, on constate que l’entente, plus que d’ajouter quelques milliers de membres au parti, vise surtout à accorder la prépondérance la question de l’indépendance au sein du parti. Nous considérons qu’il s’agit d’une erreur importante.
La lutte contre l’État fédéral capitaliste
Le Parti québécois a constitué pendant plus de 30 ans le fer de lance de la souveraineté du Québec. Le PQ, se vantant de son « préjugé favorable envers les travailleurs », avait réussi pendant un temps à coopter le mouvement ouvrier dans son projet nationaliste et, ce faisant, à le détourner de la lutte des classes. QS représentait une première scission dans cette « unité nationale », une première tentative de construire une solution de rechange aux partis bourgeois québécois. À ses débuts, QS était beaucoup plus radical qu’il ne l’est aujourd’hui, lui qui avait publié un manifeste appelant à « dépasser le capitalisme » en 2009 et avait ajouté à son programme la nationalisation des banques en 2011. Il affirmait que la « question sociale » était plus importante pour lui que la « question nationale ». Il s’agissait d’un progrès important pour la gauche au Québec, et ouvrait la perspective de la construction d’un véritable parti ouvrier au Québec.
Cependant, les dernières années ont vu le parti avancer de plus en plus vers un discours nationaliste. Cet accent mis sur le nationalisme chez la direction de QS s’est accompagné d’une modération de son message en général – dont nous parlerons plus loin – en particulier en ce qui concerne son attitude face au nationalisme identitaire. Nous l’avons clairement vu avec la tristement célèbre question des signes religieux. La direction de QS était notamment tombé dans le piège identitaire du PQ avec la Charte des valeurs; au lieu de dénoncer cette distraction qui ciblait directement les minorités religieuses, la direction avait alors honteusement proposé sa propre charte avec des mesures semblables. Puis, suite à l’adoption du projet de loi 62 des libéraux en octobre dernier, cette même direction a été complètement silencieux sur le caractère islamophobe de cette loi. ll apparaît que la direction du parti se refuse à dénoncer clairement ces politiques de peur de s’aliéner l’électorat nationaliste.
La montée du discours nationaliste chez la direction de QS s’est aussi accompagnée d’une orientation accrue sur l’indépendance. Cela s’est traduit par des moments absurdes comme ce « Rassemblement pour la souveraineté » organisé par le parti en août 2012, alors que des centaines de milliers d’étudiants étaient en grève contre l’austérité! On entend souvent au sein de QS que le parti ne priorise aucune lutte au détriment des autres. Nous croyons que l’histoire récente du parti a montré que celui-ci accorde un traitement préférentiel à l’indépendance et que cela se fait au détriment des politiques de classe. Autrement, pourquoi tenter des alliances avec un parti comme le PQ qui n’a rien en commun avec QS d’autre que l’indépendantisme? La fusion avec ON s’inscrit dans cette tendance.
Malheureusement, certaines sections de la gauche du parti tombent dans le panneau et accordent une couverture de gauche à cette orientation vers le nationalisme en appuyant l’entente avec ON par des arguments en apparence radicaux ou progressistes. Notamment, l’un des principaux arguments en faveur de l’indépendance et de l’entente amenés par la gauche au sein de QS est cette idée que le programme de QS ne peut pas être réalisé dans les limites imposées par le fédéralisme canadien. La conclusion est que l’indépendance est nécessaire pour appliquer ce programme.
Mais quel serait le principal obstacle à l’implantation du programme de QS? Depuis des dizaines d’années, les gouvernements provinciaux du PQ et du PLQ ont appliqué l’austérité indépendamment de ce qui se passait à Ottawa. Les responsables de l’austérité sont les bourgeois québécois et leurs représentants au sein des grands partis. Est-ce que cela changerait sous un Québec indépendant? Y a-t-il des raisons de croire qu’un Québec indépendant serait plus à gauche qu’au sein du Canada?
Si QS parvenait à prendre le pouvoir, les premiers à s’opposer à ses réformes seraient les banquiers et autres capitalistes dans les quartiers de la finance à Montréal et au Conseil du patronat québécois. Ce sont ces mêmes capitalistes québécois qui ont commandité l’écrasement violent du mouvement étudiant contre la hausse des frais de scolarité. Ce sont ces mêmes capitalistes québécois qui avaient besoin d’une loi spéciale de retour au travail contre les travailleurs de la construction. Ce sont les mêmes qui s’attaquent constamment aux syndicats. Ces puissants intérêts existeraient également dans un Québec indépendant, et les capitalistes se serviraient de tous les outils à leur disposition pour bloquer les mesures en faveur des travailleurs.
Les travailleurs et la jeunesse resteront aussi opprimés sous un gouvernement de milliardaires francophones que sous celui des milliardaires anglophones. Si l’État fédéral est un obstacle à l’application de certains éléments du programme de QS, la domination des capitalistes sur notre société l’est encore plus. L’austérité des dernières années n’a rien à voir avec le fédéralisme, mais découle plutôt du fait que sous le capitalisme, le gouvernement « n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise », pour reprendre les mots de Marx.
Alors comment QS peut-il réussir à appliquer ses réformes? Cela ne pourrait se faire que par la mobilisation de masse de la classe ouvrière, francophone, anglophone et allophone, et en allant chercher l’appui des travailleurs du reste du Canada avant tout. Sous le capitalisme en crise, la mise en œuvre de mesures à l’avantage des travailleurs sera sabotée par les banquiers et les grandes entreprises québécoises comme canadiennes. C’est là le principal obstacle, et donc le principal ennemi auquel il faut s’attaquer.
Nous ne défendons aucunement l’État fédéral canadien impérialiste, ni ne cherchons à nier sa nature réactionnaire. Nous devons nous débarrasser du Sénat, de la constitution monarchiste-coloniale canadienne, et en général de cet État bourgeois qui sert à maintenir le statu quo capitaliste au Canada. C’est une tâche qui incombe non seulement aux travailleurs du Québec, mais à ceux du Canada également. Cette tâche nécessaire doit être liée à un programme plus large de transformation socialiste de la société. L’entente avec ON, loin de rapprocher QS de cette perspective, l’en éloigne davantage.
Comment lutter contre le nationalisme identitaire?
Certains militants honnêtes du parti voient la fusion comme un moyen de lutter contre le nationalisme identitaire toxique, contre les tentatives de diviser la classe ouvrière sur des lignes religieuses ou nationales. Au cours de la dernière période, tous les grands partis ont utilisé le nationalisme identitaire d’une manière ou d’une autre. Pour ces militants, il faut embrasser le nationalisme pour que la droite n’en ait pas le monopole. Il s’agit d’une mécompréhension de la nature du nationalisme et de son émergence.
Le mouvement nationaliste québécois a été historiquement mené par la petite bourgeoisie francophone. Le soutien de la classe ouvrière à ce projet découlait du fait que les ouvriers québécois avaient historiquement joué le rôle de cheap labour pour les patrons américains et canadiens qui venaient exploiter les ressources de la province, et du fait que la lutte des classes et la lutte nationale étaient toutes deux dirigées contre l’impérialisme canadien et américain. Mais lors de la Révolution tranquille, il devenait clair que les travailleurs et la petite bourgeoisie n’avaient pas le même projet de « libération nationale » en tête. Ceux-là se dirigeaient de plus en plus dans la direction d’une lutte contre le capitalisme, tandis que la petite bourgeoisie cherchait à créer un État capitaliste moderne. Les défaites du mouvement ouvrier au cours des années 1970 et du début des années 1980 ont pavé la voie à la montée du PQ et à la consolidation d’une bourgeoisie québécoise, tandis que le mouvement ouvrier n’avait pas réussi à se doter d’un parti politique indépendant des partis bourgeois. Depuis lors, le mouvement pour la libération nationale est dominé par les éléments bourgeois et petits-bourgeois du PQ. Ce n’est pas un accident si le camp du « Oui » lors du référendum de 1995 était mené par ces éminents représentants de la bourgeoisie, de l’austérité et du déficit zéro que sont Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Mario Dumont.
Aujourd’hui, le mouvement nationaliste a perdu presque tout caractère progressiste, et ne sert plus qu’à diviser les travailleurs sur des lignes nationales et à détourner leur attention de l’oppression qu’ils subissent aux mains de la bourgeoisie. Incapable de mobiliser les travailleurs derrière son projet de pays, la bourgeoisie québécoise se voit forcée de fomenter les sentiments nationalistes les plus réactionnaires pour obtenir leur soutien, et pour faire oublier l’austérité qu’elle leur fait subir. La Charte des valeurs avait été une tentative grossière de faire oublier aux Québécois l’année d’austérité qu’ils avaient subie sous l’égide du PQ. Et aujourd’hui, le tristement populaire projet de loi 62 est l’application de la même tactique consistant à pointer du doigt la femme voilée pour faire oublier la destruction des services sociaux par le Parti libéral.
La souveraineté se trouve à un creux historique, le PQ également, et les jeunes se tournent de plus en plus, avec raison, vers les questions économiques et sociales. Nous n’avons rien à gagner à rallumer une flamme en train de s’éteindre, et les travailleurs encore moins. Nous devons laisser le nationalisme aux partis de droite, et nous concentrer sur les enjeux de classe qui peuvent enthousiasmer les travailleurs et la jeunesse. La solution pour lutter contre le nationalisme n’est pas un nationalisme « diète », mais des politiques de classes qui expliquent clairement aux travailleurs qu’ils ont plus en commun avec les travailleurs musulmans et anglophones qu’avec les Péladeau et Desmarais.
Est-ce que cela veut dire que les marxistes ne s’intéressent pas à l’oppression des Québécois? Bien sûr que non! Les marxistes luttent contre toutes les formes d’oppression, quelles qu’elles soient. Nous défendons les droits démocratiques des Québécois, y compris le droit à l’autodétermination et à la séparation. Mais notre approche est négative. Cela signifie que nous luttons contre toutes les formes d’oppression. Nous ne prenons pas une approche positive qui signifierait de lutter pour une nation, une culture ou une langue. Il s’agit d’une pente glissante qui peut mener à ce qu’une nation opprimée devienne une nation qui opprime. C’est un processus que nous avons vu au sein du mouvement nationaliste québécois. D’un mouvement progressiste luttant contre l’oppression, il est maintenant utilisé pour opprimer les musulmans, les Haïtiens ou d’autres groupes sous prétexte défendre nos frontières ou « l’identité québécoise ». C’est de cette approche marxiste internationaliste qu’il nous faut pour nous débarrasser de la confusion autour de cette question au sein du parti et du mouvement en général.
Assemblée constituante?
Le débat sur la fusion QS-ON a remis de l’avant la question de l’Assemblée constituante prévue au programme de QS. Nous avons déjà mentionné les changements que la fusion apporterait à ce point du programme. Cependant, au-delà ce ces changements, nous croyons que l’accent mis sur l’Assemblée constituante contribue à laisser le parti en marge aux yeux des travailleurs et des jeunes. Pour la plupart des gens, il s’agit d’une question au mieux secondaire, ou sinon complètement étrangère et mélangeante. Nous ne sommes pas les seuls à le penser : même Simon Tremblay-Pépin, membre du Comité de coordination national du parti, l’affirmait dans un récent article : « Je pèse mes mots en parlant de détail technique : notre idée de constituante est inconnue et incomprise pour la majorité de la population. La modalité d’application de la constituante est véritablement un débat interne qui ennuie la plupart des gens — à l’image des débats internes du Parti Québécois (PQ) sur le calendrier référendaire ou l’hymne national. »
Qu’est-ce au juste que l’Assemblée constituante? Il s’agit d’un parlement composé d’élus de la population ayant la responsabilité d’écrire une nouvelle constitution. La revendication d’une assemblée constituante a historiquement été avancée dans des pays sans démocratie parlementaire – dans les pays encore féodaux ou sous le joug d’une dictature. Ce slogan est progressiste et approprié lorsqu’il s’agit de mobiliser les exploités contre un régime dictatorial. Mais au Québec, nous avons déjà un parlement, aussi démocratique qu’il puisse être sous le capitalisme.
Ce slogan ne fait donc que détourner l’attention du contenu pour ne parler que de la forme. QS se doit de mettre l’accent sur des propositions qui lui permettront de connecter avec la classe ouvrière. Plusieurs éléments du programme de QS sont souvent oubliés, comme l’éducation gratuite, la nationalisation des banques et des mines, la réduction de la semaine de travail, etc. En mettant l’accent sur l’Assemblée constituante, nous détournons l’attention de ce qui devrait vraiment être mis de l’avant pour gagner la jeunesse et les travailleurs : des politiques socialistes audacieuses.
Qu’importe réellement la nouvelle forme de démocratie et la nouvelle constitution si la domination des capitalistes sur notre société est maintenue? Malgré toutes les formes différentes de démocratie et de constitution à travers l’ensemble des pays démocratiques, une chose reste constante entre tous ces pays : la domination de la classe capitaliste. Il n’y a pas de raison de croire qu’une Assemblée constituante ne serait pas dominée par les mêmes partis de droite réactionnaires.
C’est la classe ouvrière qu’il faut unir!
Les partis de l’establishment québécois n’ont jamais été aussi discrédités – le dernier sondage donnait 49 % des voix au PLQ et au PQ réunis, soit plus bas que jamais. Il existe présentement un vide politique à gauche que QS tarde à remplir. Dans ce contexte, beaucoup de militants de QS avancent que la fusion représente un pas vers l’unité des forces non seulement indépendantistes, mais aussi « progressistes ». Dans une récente lettre ouverte, Manon Massé, co-porte-parole du parti, affirmait que le but était toujours « d’unir la gauche, féministe, écologiste et souverainiste ». Cela pose la question : comment faire pour créer un véritable pôle de gauche au Québec?
Tout autour du monde, nous voyons la montée de figures politiques, de mouvements ou de partis de gauche qui viennent secouer l’establishment capitaliste, par exemple Jeremy Corbyn au sein du Labour Party britannique ou encore Jean-Luc Mélenchon et le nouveau mouvement de gauche des Insoumis en France. Le potentiel pour un mouvement similaire existe certainement au Québec. Mais il faut savoir tirer les leçons de ces mouvements.
Dans les deux cas, le succès de ces deux individus à créer derrière eux un mouvement de masse des travailleurs et des jeunes a été le fait qu’ils se sont présentés comme une rupture claire avec le statu quo et avec les partis discrédités de l’establishment. Ils se sont adressés avec audace aux travailleurs et aux jeunes. Par exemple lors des présidentielles en France, pendant les premières semaines après que Benoît Hamon ait été confirmé comme candidat du Parti socialiste, celui-ci jouissait d’une certaine avance sur Mélenchon dans presque tous les sondages. La pression était immense pour que Mélenchon fasse des compromis pour s’entendre avec Hamon. On entonnait le célèbre refrain : il faut un « rassemblement de la gauche »! Mais Mélenchon a refusé de faire des compromis, de diluer son programme au profit d’une entente avec le PS. Le résultat a été que Mélenchon a récolté près de 20 % des voix, tandis que Hamon n’a pu faire mieux que 6,36 %. Plutôt que d’en venir à une entente, à un compromis par le haut avec le PS, Mélenchon a réussi à aller chercher la base du PS en s’adressant clairement aux jeunes et aux travailleurs, par-dessus la tête du PS. C’est ainsi qu’une partie importante des travailleurs et de la jeunesse de France s’est rassemblée à gauche.
Dans un contexte où ON se rapprochait de la tombe, il n’y avait aucune raison même stratégique de s’agenouiller devant lui et de lui faire tant de concessions. La solution pour créer un parti de gauche de masse, capable de prendre le pouvoir, n’est pas d’unir tous les petits groupes et partis plus ou moins à gauche du PQ. Alors que la direction du parti s’extasie à l’idée d’aller chercher quelques milliers de membres et sympathisants d’ON, il y a au Québec des millions de travailleurs qui n’en peuvent plus du statu quo et des mêmes vieux partis corrompus qui règnent depuis des décennies. Ils attendent avec impatience qu’un parti se porte à leur défense et leur propose des solutions politiques qui rompent radicalement avec le passé. Mais pour aller chercher ces appuis, le parti doit cesser de s’adresser à « la gauche », et s’adresser directement aux travailleurs, dans un langage clair et audacieux.
À une époque où de plus en plus de gens rejettent le statu quo, créer un pôle à gauche ne peut pas se faire par une unité artificielle par le haut, mais par la présentation d’un programme clair de rupture avec le capitalisme et l’austérité, ce qui représente vraiment la seule manière d’enthousiasmer les travailleurs et les jeunes qui se radicalisent de plus en plus. Par ailleurs, s’il y a des militants d’ON qui souhaitent réellement en finir non seulement avec le statu quo fédéral, mais avec le statu quo capitaliste qu’il protège, il n’y a pas de raison pourquoi ces militants ne seraient pas attirés par un parti qui leur propose une solution claire.
Non à la fusion! Résistons au virage nationaliste!
Malheureusement, ce n’est pas la direction qu’a pris la direction de QS au cours des dernières années. Nous voyons le parti prendre de plus en plus la direction de la modération et du nationalisme. Ainsi, QS entretient l’image selon laquelle il n’est que l’aile gauche d’un PQ de plus en plus discrédité aux yeux de la population. Avec cette fusion avec ON, QS continue d’évoluer dans cette direction, et le retour à la table des OUI-Québec ne peut que contribuer à ce sentiment.
Il est utile de rappeler qu’au départ, ON avait quitté le PQ, et avait refusé de joindre QS à cause de son caractère « anticapitaliste ». Le fondateur du parti, Jean-Martin Aussant, est un spéculateur financier et un ancien vice-président de Morgan Stanley Capital International. Le programme d’ON vise explicitement l’atteinte de l’équilibre budgétaire, ce qui constitue un élément de programme propre aux partis bourgeois. Est-ce qu’une entente avec un tel parti représente véritablement une avancée pour la création d’une force de gauche? Il s’agit plutôt d’un pas de plus vers la modération, d’un pas vers la droite. C’est ce qu’a admis le seul membre du comité de coordination national qui s’oppose à la fusion, Jean-Claude Balu : « Ma crainte, c’est qu’on soit dans un processus constant de vouloir réviser notre programme pour le modérer, pour qu’il soit plus acceptable pour les indépendantistes en général. »
La modération du parti survient à une époque où les mobilisations des travailleurs et des jeunes portent sur des enjeux de classe, et sont la plupart du temps menées contre le gouvernement provincial québécois. De plus, sous la surface de la société québécoise, il existe un rejet grandissant des partis de l’establishment et de leurs politiques impopulaires. Alors que les jeunes et les travailleurs se font abandonner par le système capitaliste et attaquer sans cesse par les gouvernements en place, et où les grands partis utilisent la xénophobie et l’islamophobie pour nous diviser, de plus en plus de travailleurs et de jeunes se radicalisent et souhaitent riposter. Nous devons résister à ce virage vers la droite et vers le nationalisme. Plus que jamais, les travailleurs et les jeunes du Québec ont besoin d’avoir leur propre parti qui les unit dans une lutte contre l’austérité capitaliste et les distractions nationalistes des autres partis.
En disant non à ON, nous aurions l’occasion de montrer à la direction de QS que nous ne souhaitons pas subordonner la « question sociale » (la question de classe) à la question nationale. L’étape suivante serait de s’adresser résolument à la classe ouvrière, et de compléter le programme en en faisant un véritable programme socialiste.
Non à la fusion ON-QS!
Luttons pour des politiques de classe!
Luttons pour un programme socialiste révolutionnaire!