Alors que les travailleurs se font répéter que l’argent manque pour des salaires décents, un service de santé convenable, pour rénover les écoles, etc., l’avoir net des 87 familles les plus riches du Canada a crû en moyenne de 806 millions de dollars en seulement 4 années. Selon Global News, la richesse moyenne de ces 87 familles est passée de 2,2 milliards de dollars à près de 3 milliards entre 2012 et 2016. Chacune de ces 87 familles est, par conséquent, 4448 fois plus riche que la famille canadienne moyenne. Ainsi, la richesse accumulée par cette minuscule élite totalise environ 259 milliards de dollars.

Avec cette somme colossale, les 87 familles les plus riches du Canada possèdent presque autant que les populations entières de trois provinces canadiennes réunies. L’économiste David Macdonald du Centre canadien de politiques alternatives écrit ceci :

« Les 87 familles les plus riches du Canada possèdent presque autant (259 milliards de dollars) que la richesse combinée de tous les citoyens de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve et Labrador et du Nouveau-Brunswick réunis(269 milliards de dollars). Ceci inclut la valeur combinée de toutes les propriétés, maisons, résidences secondaires, voitures, comptes bancaires, actions, petites entreprises, régimes enregistrés d’épargne-retraite, pensions, bijoux, clubs de golf, etc., nette de toutes dettes personnelles (des riches comme des pauvres) dans ces provinces. »

Pire encore, tandis que ces 87 familles ont vu leurs fortunes augmenter de 37 %, les travailleurs canadiens ont fait face à ce que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) décrit comme une « stagnation des salaires sans précédent ». Les gains de productivité sont presque tous allés dans les poches des patrons.

Les « meilleurs et les plus brillants »

Les 87 familles les plus riches du Canada ne sont pas devenues les plus riches parce qu’elles auraient trouvé de gigantesques jarres remplies d’or, ni parce qu’elles auraient travaillé 4448 fois plus vite et plus fort que n’importe qui d’autre.

Macdonald écrit:

« La façon dont cette inégalité de richesse est générée est en fait assez simple. Le revenu discrétionnaire, requis pour constituer une épargne, augmente d’autant plus qu’une personne gagne. En d’autres mots, les gens qui sont payés le plus peuvent se permettre d’épargner plus et d’investir plus. Et puisque les retours sur de grandes sommes d’argent investi sont naturellement plus importants, on doit s’attendre à ce que la croissance en avoir net des Canadiens les plus riches soit plus rapide que celle de tous les autres d’une année à l’autre. Cela aide beaucoup les familles les plus riches du Canada d’avoir des membres sur la liste des PDG les mieux payés du Canada. »

Les familles les plus riches du Canada le sont parce qu’elles détiennent des capitaux. Elles dirigent les lieux de travail dans lesquels des travailleurs triment pour survivre, paient ces travailleurs le moins possible, réinvestissent un peu des profits ainsi réalisés et empochent le reste. C’est ainsi que ceux qui sont à la tête de ces quelques familles gagnent presque 5000 fois plus que la famille canadienne moyenne, et dans l’ensemble sans jamais avoir dû opérer un seul lève-palette par eux-mêmes, ni travailler en tant que caissier ou autre.

La richesse de ces dirigeants a été produite grâce au travail de la classe ouvrière. Chaque sou qui revient aux dirigeants est un sou qui n’a pas été versé en salaire aux travailleurs. En plus, les patrons se sont battus avec acharnement pour garder les salaires des travailleurs le plus bas possible  afin de pouvoir en garder encore plus pour eux.

Les patrons empochent des milliards, les travailleurs souffrent

Dans sa recherche, Macdonald cite la liste des 100 personnes les plus riches du Canada en fonction de leurs avoirs nets, issue du magazine Canadian Business. Beaucoup de ces riches individus ne se sont pas gênés pour admettre que leurs modèles de gestion fonctionnent grâce aux bas salaires, particulièrement dans la dernière année.

Par exemple, en janvier dernier, l’Ontario a vu une augmentation modeste du salaire minimum. En réponse, le directeur général des Compagnies Loblaw, Galen G. Weston Jr., ayant hérité de l’entreprise par son père (d’une valeur d’environ 13,5 milliards de dollars), a annoncé des plans pour couper des postes afin de compenser le coût avec plus d’automatisation et de caisses en libre-service. Entretemps, Weston a eu l’audace de qualifier l’augmentation du salaire minimum « d’agressive » parce que la capacité accrue de ses salariés à se nourrir et à se vêtir pourrait coûter à l’entreprise 180 millions de dollars de plus en salaires. Comme le magazine Canadian Business le remarque: « la famille derrière Loblaw a peut-être plus d’argent que n’importe qui d’autre au pays, mais cela ne signifie pas qu’elle soit prête à s’en séparer même d’un petit peu. »

Mais Weston n’est pas seul. Moxie’s, dont la famille propriétaire est assise sur une montagne de richesse valant autour de 3,9 milliards de dollars, a répliqué à l’augmentation salariale en haussant son prélèvement obligatoire sur les pourboires à 5,75 %, demandant ainsi à leurs travailleurs de couvrir l’augmentation.

Ces attaques sur quelques-uns des travailleurs les moins bien payés du Canada ont été commentées par Brian Hannasch, président et chef de la direction de la géante compagnie de dépanneurs Alimentation Couche-Tard, qui a déclaré à La Presse canadienne que son entreprise était aussi activement « en train de travailler sur des stratégies pour compenser ces coûts ». Hannasch est le septième PDG le mieux rémunéré du Canada. Au cours des années passées, lui et le président exécutif du conseil Alain Bouchard (qui possède une richesse de 4,38 milliards de dollars) ont augmenté leurs fortunes déjà énormes grâce à une vicieuse campagne antisyndicale dans le but de garder leurs travailleurs à bas salaire dans la pauvreté et la désorganisation.

Leurs efforts ont impliqué la fermeture de dépanneurs qui s’étaient syndiqués avec la CSN et le harcèlement de militants syndicaux. Cette stratégie a été très fructueuse jusqu’à présent. Plus tôt dans l’année, Le Devoir rapportait que la campagne a chassé avec succès la CSN de cinq des six dépanneurs qu’elle avait syndiqués.

Bouchard a déclaré au Financial Post que sa fortune dépendait de la répression contre les travailleurs puisque « le modèle de gestion de Couche-Tard n’est pas bâti pour soutenir une force de travail syndiquée. » Pour citer un exemple similaire, le Report on Business du Globe and Mail remarque que la fortune de Garrett Camp a été bâtie sur le dos de travailleurs contractuels à qui sont refusés la sécurité de l’emploi, des salaires décents et des avantages sociaux. Camp est le co-fondateur d’Uber qui est devenu très réputé pour ses maigres salaires et son manque d’avantages sociaux.

Les propriétaires de l’entreprise multi-milliardaire McCain Foods ont aussi lancé des attaques contre les droits de leurs salariés. Plus tôt cette année, l’entreprise a demandé aux travailleurs de son usine Carberry de couvrir le coût de leur régime de retraite en dessous du taux de solvabilité avec un gel des salaires et une diminution de leurs avantages sociaux, de leurs congés maladie et du nombre de jours fériés. Heureusement, les travailleurs ont riposté et ont fait reculer l’entreprise, du moins pour le moment.

Le problème ici ne concerne pas seulement quelques mauvaises personnes qui se trouvent être des dirigeants d’entreprise (bien que les Weston et les autres listés ci-dessus sont certainement de mauvaises personnes). Le système capitaliste profite à des personnes sans scrupules. Ces gestionnaires ont bâti leurs fortunes en faisant travailler les salariés plus dur pour moins d’argent. C’est ainsi que ces entreprises sont parvenues à se hisser au sommet de leurs secteurs respectifs et c’est de là que vient l’énorme amas de richesse sur lequel elles sont assises. Tant que ces dirigeants pourront ainsi se frayer un chemin jusqu’à une vie de luxe par l’exploitation des travailleurs, cette inégalité massive persistera.

Que faire?

Certains ont répondu à ces nouveaux montants en appelant à l’instauration d’un impôt sur l’héritage ou d’un « revenu maximum » pour les dirigeants d’entreprise. Bien que ces solutions puissent être attirantes, elles ne pourraient être des solutions durables. Sous le capitalisme, des impôts plus élevés sur les entreprises ont un effet dissuasif sur l’investissement. Les milliardaires placent leur argent là où ils recevront le meilleur retour sur leur investissement. Des impôts ou des réglementations qui les empêchent d’avoir un haut retour sur investissement auront pour résultat de les faire investir ailleurs. Le résultat serait des pertes d’emplois et une baisse des conditions de vie des travailleurs. Tel que démontré ci-dessus, toute tentative d’imposer une législation contre les milliardaires les mène à refiler la facture à leurs travailleurs. Tant que les milliardaires contrôlent les industries sur lesquelles les gens dépendent, ils mènent la danse et peuvent se verser autant qu’ils le désirent pendant qu’ils paient leurs travailleurs le moins possible.

Ce qu’il nous faut n’est pas d’implorer la générosité des milliardaires, ni de bricoler le code des impôts et la législation du travail dans l’espoir que les riches acceptent de rester et de suivre ces lois. Les travailleurs canadiens sous-payés et surmenés ont besoin d’organisations prêtes à prendre le contrôle de ces industries dont ils dépendent des mains des milliardaires et de les opérer pour la satisfaction des besoins sociaux.

La classe dirigeante prétend qu’il n’y a pas d’argent pour des services sociaux appropriés, des salaires décents ou des avantages sociaux. Nous répondons : avec un plan de production socialiste démocratiquement contrôlé de bas en haut, la classe ouvrière pourrait utiliser la quantité massive de richesses et la capacité productive disponibles pour combattre avec succès tous les problèmes majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.