La Riposte socialiste a organisé une conférence sur le thème « GND et Québec solidaire : Comment vaincre les partis de l’austérité? » le 3 mai dernier, à l’UQAM. Environ 35 personnes se sont déplacées pour l’occasion. Molly Alexander, membre fondatrice de l’ancienne Union des forces progressistes et également membre de QS depuis sa fondation, avait été invitée, et a pris la parole en compagnie de Julien Arseneau de la rédaction de La Riposte socialiste, afin de discuter des perspectives pour la gauche québécoise en général et pour QS en particulier.

La conférence a débuté avec une présentation de Julien qui a parlé de l’enthousiasme relatif chez QS entourant l’arrivée de Gabriel Nadeau-Dubois au parti. Julien a toutefois déploré que GND cède à la pression des politiciens et médias bourgeois. Suite à leurs attaques disproportionnées, il a modéré ses propos et s’en tient à des discours abstraits et vagues. En agissant ainsi, GND répète les mêmes erreurs commises depuis plusieurs années par la direction de QS, qui axe constamment sa stratégie et son discours sur la souveraineté au détriment des politiques de classe. L’analyse et les conclusions que Julien a présentées ont été exposées en détail dans un récent article publié par La Riposte socialiste.

De son côté, Molly a parlé de l’histoire et des origines de QS. Elle a également touché à la question du Parti québécois, passant aussi en revue le virage à droite de ce parti au cours des années 1980 et 1990 notamment. Elle a expliqué que le PQ ne pouvait être un allié pour QS, et que l’idée de la convergence avec le PQ était une « vraie maladie » au parti. Au sujet de GND, elle a parlé d’une « occasion incroyable » pour le parti, mais du danger de tomber dans la « dépendance sur le sauveur. » Elle a également mis en garde contre la pression chez QS à atteindre la victoire électorale à tout prix, et a porté une critique sur la direction du parti, notamment en ce qui concerne son choix de prioriser l’indépendance aux dernières élections et la tendance générale aux compromis.

Vous pouvez écouter les deux présentations ici :

*La présentation de Julien est au début, tandis que celle de Molly commence à 25mins 21 sec.

Les alliances avec le PQ

Une grosse partie de la discussion qui a suivi les présentations a porté sur le sujet des alliances avec le PQ. Il n’est pas surprenant qu’il en ait été ainsi : ce sujet est sur toutes les lèvres au sein de Québec solidaire présentement. De manière générale, la question « Comment vaincre les partis de l’austérité? » amène souvent les militant-es à devoir prendre position sur le PQ. De plus, le prochain congrès du parti doit traiter de cette question. Nous croyons important de réitérer ici la position de La Riposte socialiste concernant cette question.

Nous considérons comme étant absolument déplorable le fait que cette question soit encore sur la table, plus de 10 ans après la fondation du parti. Ce l’est d’autant plus que l’idée de s’allier au PQ a déjà été refusée en congrès notamment en 2011 et en 2013.

QS est un parti qui se veut « anti-establishment » et dit vouloir lutter contre l’austérité.  Pourtant, le Parti québécois est lui aussi un parti de l’austérité, un parti qui a contribué à la destruction des acquis de la classe ouvrière québécoise.

Les exemples sont nombreux : les coupes de 20% dans les salaires des employé-es du secteur public en 1982, l’Accord de libre-échange nord-américain sanctionné par Parizeau, le projet de déficit zéro imposé d’abord par Lucien Bouchard, ou encore les congés fiscaux pour les grandes entreprises sous Pauline Marois. Le PQ a montré à plusieurs reprises au cours des dernières décennies qu’il n’était nullement l’ami des travailleur-euses.

Outre l’austérité, le parti a aussi montré son hideux visage avec la Charte des valeurs et les inepties de Jean-François Lisée sur la nécessité d’une discussion sur l’interdiction du burkini, de la burka et du niqab dans l’espace public. Précisément à ce sujet, Lisée a affirmé que même s’il y avait une alliance entre les deux partis, « on va garder notre programme sur l’identité avec lequel ils sont en désaccord ». Est-ce vraiment le genre d’« allié » dont la classe ouvrière et la jeunesse ont besoin?

Dans sa présentation du 3 mai dernier, Molly Alexander a parlé de la crainte, à la direction de QS, que le public pense que le parti ne veut pas faire de compromis. Mais dans une époque de crise du capitalisme comme la nôtre, les partis traditionnels sont forcés d’implanter les mesures d’austérité et de privatisation demandées par les capitalistes, et sont donc de plus en plus discrédités aux yeux de la majorité victime de ces mesures. Conséquemment, de plus en plus de gens veulent une rupture claire et, oui, sans compromis avec ces partis et leurs politiques d’attaques envers la classe ouvrière et la jeunesse.

Nous en avons eu un exemple très clair récemment avec la percée de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. La pression sur JLM était très forte pour qu’il soutienne le candidat du Parti Socialiste au nom du « rassemblement de la gauche ». Mélenchon a refusé d’embarquer sur le bateau qui coule du PS, complètement discrédité après cinq désastreuses années de gouvernement d’austérité. C’est tout à son honneur. Et quel en fut le résultat? Cette position « sans compromis » a valu à Mélenchon une impressionnante percée lors du 1er tour avec 19,6%, tandis que Benoît Hamon, du PS, est arrivé en 5e place avec à peine plus de 6%.

Quelle leçon pour Québec solidaire? Ici comme en France, et comme partout ailleurs, une frange grandissante de la classe ouvrière et de la jeunesse est à la recherche d’une solution de rechange au système capitaliste pourri. En France, la France Insoumise s’est positionnée comme une rupture radicale avec le statu quo représenté par le PS et Les Républicains (et par Macron, malgré son statut d’« outsider »). C’est le langage clair de Mélenchon, ses propositions de réformes progressistes et ses critiques décomplexées des partis de l’austérité qui lui ont permis cette spectaculaire avancée.

La leçon pour QS saute aux yeux. Le parti doit cesser de jouer le jeu du PQ et rejeter sa main tendue sous le couvert de l’union des « progressistes ». La seule façon pour QS de briser son isolement est de se présenter comme une claire rupture avec le statu quo capitaliste représenté par le PLQ et le PQ. Par ailleurs, cela permettrait au parti de mettre fin au monopole du PLQ sur les électeurs anglophones qui votent PLQ simplement pour bloquer le PQ, et de rallier à lui les anglophones et allophones qui veulent rompre avec l’establishment fidèlement représenté par les libéraux.

Actuellement, trois propositions sont sur la table en vue du Congrès de QS sur la question des alliances avec le PQ. L’« Option A » serait de refuser toute alliance avec le PQ; l’« Option B » consiste à entreprendre des discussions avec le PQ en vue d’un « pacte électoral » afin de déloger le gouvernement libéral; l’« Option C » considère qu’il est trop tôt pour se prononcer, et que le parti devrait plutôt prendre sa décision au congrès de novembre prochain, pour laisser le temps aux militant-es du PQ de considérer la question.

Des trois propositions sur la table, l’Option A est la seule qui mette clairement de l’avant un rejet catégorique de toute alliance avec le PQ. Le texte de l’Option A affirme avec raison que « [t]oute ambiguïté sur le rôle anti-social du PQ placerait QS au mieux à la traîne, à la remorque, en réaction à ce parti » est correcte. Un vote au Congrès en faveur de cette option serait un pas en avant.

Cependant, tout en affirmant que QS « ne fera pas d’alliance avec des partis qui s’inscrivent dans des pratiques néolibérales », l’Option A invite le parti à faire de l’indépendance du Québec un des enjeux lors des élections de 2018, et appelle Option nationale à joindre ses forces à celles de QS dans cet objectif.

Nous avons déjà expliqué pourquoi nous croyons qu’une fusion avec ON serait une erreur. Mais, avec ou sans ON, une campagne axée sur l’indépendance serait également une erreur. Bien sûr, les Québécois-es représentent toujours une nation opprimée au sein de l’État canadien, et nous nous devons de lutter de toutes nos forces contre l’oppression nationale, et pour le droit à l’autodétermination des Québécois-es. Mais la tendance au Québec depuis le référendum de 1995 a été la lutte pour des enjeux de classe et, qui plus est, contre des politiques capitalistes implantées par le gouvernement provincial contrôlé par les capitalistes francophones.

De plus en plus de travailleur-euses et de jeunes rejettent le débat entre fédéralistes et souverainistes, et demandent que l’on s’attaque à la domination des patrons, qu’ils soient anglophones ou francophones. Un programme de rupture avec l’austérité peut seul rallier les Québécois-es écoeurés du statu quo. Ultimement, une véritable libération nationale passe par une lutte commune de la classe ouvrière dans son ensemble, contre le système capitaliste qui nourrit le nationalisme, le chauvinisme et l’oppression.

Telle est la voie à suivre pour Québec solidaire. Nous pensons également que le parti doit joindre ses forces à celles du mouvement ouvrier organisé et de la classe ouvrière en général. Seul un authentique parti des travailleurs et des travailleuses muni d’un programme socialiste peut réellement renverser l’austérité des partis bourgeois.