Le 19 août dernier, nous avons appris que Bell allait annuler un programme d’expansion du service Internet sans fil pour environ 200 000 foyers dans des milieux ruraux du Québec. Pourquoi? Parce que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a décidé de baisser les tarifs que l’entreprise pouvait imposer à ses concurrents pour que ceux-ci utilisent ses infrastructures. D’autres fournisseurs tels que Cogeco et Rogers ont eux aussi fait savoir qu’ils allaient réévaluer leurs investissements. Cette annonce avait mis en lumière le fait que des milliers de foyers québécois n’ont toujours pas accès à Internet haute vitesse, notamment sur la Côte-Nord, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.

Bell s’est plaint que la baisse des tarifs imposée par le CRTC lui ferait perdre 100 millions de dollars de bénéfices. Les pauvres! Avec des revenus de 5,93 milliards de dollars dans la dernière année pour BCE, la maison-mère de Bell, il est difficile d’éprouver de la pitié pour elle. Présentement, environ 10% de la population du Québec n’a pas accès à Internet haute vitesse. Mais c’est trop demander à Bell et aux autres de creuser dans leurs monstrueux profits pour satisfaire un besoin de base de la population. 

Cependant, comme la population est trop peu nombreuse dans les régions n’ayant pas accès à un Internet de qualité, les grandes entreprises telles que Bell ne voient pas l’intérêt d’y étendre leur service. C’est pourquoi les gouvernements canadiens et québécois souhaitent encourager les grands capitalistes à y offrir leurs services en… payant les coûts des travaux d’aménagement à leur place. En novembre 2017, un projet de 290 millions de dollars visant à offrir l’Internet haute vitesse à 100 000 foyers du Québec a été annoncé. Les travaux, devant être achevés en 2021, coûteront 105 millions de dollars au gouvernement provincial et 87 millions au fédéral, alors que les municipalités et les entreprises privées investiront ensemble 98 millions. 

Ces mêmes entreprises qui se gavent du financement public ne se gênent pas, par contre, pour soutirer par leurs tarifs exorbitants le plus d’argent possible aux consommateurs québécois et canadiens : parmi le G7, le Canada arrive deuxième au classement des pays où le service Internet haute vitesse est le plus cher, battu uniquement par les États-Unis. Quant à la téléphonie, le coût moyen d’un service de cellulaire avec appels et messages textes illimités à l’échelle nationale et 5 Go de données est de 87,32$, en troisième place des pays du G7.

Suite au chantage de Bell cet été, le gouvernement du Québec a annoncé qu’il investira un autre 100 millions de dollars pour développer le service Internet haute vitesse dans les régions qui n’y ont pas accès comme première étape d’un projet intitulé « Régions branchées ». La CAQ prévoit débourser un total de 400 millions pour ce projet.

Bell s’est naturellement réjoui de ce nouvel investissement d’argent public. Dans un communiqué, le vice-président de Bell au Québec a souligné que Bell était « favorable aux partenariats avec les gouvernements en vue d’étendre les services large bande à des régions qui ne peuvent pas bénéficier uniquement d’investissements privés » (nos italiques). Ainsi, l’entreprise ayant fait 5,93 milliards de revenus n’a pas les moyens d’investir pour donner accès à Internet haute vitesse dans toutes les régions du Québec, mais elle est bien prête à prendre tout le profit qui vient avec!

C’est donc, encore une fois, aux travailleurs, par leurs impôts, de payer pour que les entreprises de télécommunication puissent par la suite se remplir de plus belle les poches sur le dos de ces mêmes travailleurs en offrant des services hors de prix.

Voilà encore  un cas classique de l’absurdité d’un système basé sur le pouvoir immense de quelques entreprises privées. Strictement en raison de la soif des profits des entreprises, de milliers de gens dans les régions n’ont pas accès à un service essentiel. Plutôt que de dépendre de leurs caprices, nous devrions nationaliser l’entièreté des entreprises de télécommunications, sous le contrôle démocratique des travailleurs. C’est uniquement de cette manière qu’il sera possible de donner des services de bonne qualité et à un prix abordable pour l’ensemble de la classe ouvrière, dans toutes les régions.