Les travailleurs et travailleuses de 57 Centres de la petite enfance (CPE) de Montréal et Laval affiliés à la CSN démarreront une grève générale illimitée le 6 juin prochain. Les 1350 employés ont voté, le 17 mai dernier, à 91 % en faveur de cet ultime moyen de pression. Les personnes concernées sont non seulement des éducatrices, mais aussi des cuisinières, des préposés à l’entretien et des adjoints de l’administration.

Les travailleuses des CPE n’en sont pas à leurs premiers moyens de pression : les négociations pour une nouvelle entente syndicale durent depuis 2015! Six jours de grèves « en banque » (applicable quand la direction syndicale le considère opportun) avaient été votés avec 95 % d’appuis par les membres en septembre passé. Une grève dans 400 CPE avait eu lieu le 30 octobre dernier et un millier de personnes avait alors manifesté devant les bureaux du ministère de la Famille. Les 18 et 19 avril dernier, 61 CPE de Montréal avaient fait la grève afin d’augmenter la pression sur l’employeur. Carole Leroux, présidente du Syndicat des travailleuses des CPE de Montréal et Laval (STCPEML–CSN), affirmait alors que « Nous n’avons jamais vécu une négociation aussi longue et ardue que celle qui a cours actuellement ».

Les points de litiges portent sur le respect du rôle décisionnel des employés, l’horaire de travail, les congés et le respect de l’ancienneté au travail. Le patronat veut, entre autres, pouvoir modifier les horaires des employés sans remise en question ou possibilité de refus dans un délai de deux semaines.

Peu de détails ont été divulgués sur les négociations, mais Nathalie Fontaine, vice-présidente à la négociation du STCPEML-CSN, affirme que la grève générale illimitée est devenue nécessaire car les négociations n’allaient absolument nulle part, le patronat voulant imposer des reculs majeurs pour presque tous les articles de la convention collective. « Elles gagnent entre 14 $ et 23 $ de l’heure, donc si elles décident de faire la grève, c’est qu’elles n’ont pas d’autre choix. […] On se bat pour quelque chose qui n’est même pas monétaire, mais qui est le respect dans le milieu de travail. »

Le fait que la grève générale illimitée ait été adoptée à 91% démontre que les travailleuses ont développé une attitude combative forte et qu’ils n’ont plus aucune illusion dans la bonne volonté des patrons. Comment s’en surprendre? L’Association patronale des CPE (APCPE) dont les 57 CPE en grève sont membres, s’était retirée en février 2016 du processus de négociations à l’échelle nationale. Puis, en novembre dernier, celle-ci a refusé de reconnaître l’entente de principe qui était survenue, et tente de faire avaler des conditions de travail moindres que celles qui ont été négociées à l’échelle nationale. Les patrons ont très clairement démontré leur mauvaise foi.

La grève générale illimitée s’inscrit dans un contexte où les luttes se succèdent dans le secteur de l’éducation préscolaire. Les éducatrices des CPE sont effectivement en mode mobilisation depuis des années maintenant, suite aux coupures presque incessantes des libéraux de Philippe Couillard. Dans la période de deux ans allant de 2015 à 2017, ils ont coupé environ 110 millions de dollars par année dans le réseau des CPE. Cela a porté le total de compressions à 500 millions de dollars en dix ans. Ayant récemment mis un frein sur l’austérité en vue de préparer les élections, les libéraux ont tout de même bonifié le crédit d’impôt aux parents qui envoient leurs enfants dans des garderies privées lors du dernier budget, une première en près de dix ans. Cela signifiera que pour certaines catégories de parent, il reviendra moins cher d’envoyer leurs enfants au privé!

Les compressions imposées aux CPE ont eu un impact visible sur la qualité des services. L’Observatoire des conséquences des mesures d’austérité au Québec mis sur pied par l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) recense de nombreux exemples des répercussions des coupures : diminution de la qualité de la nourriture et rationnement des services alimentaires, surcharge de travail pour les employés, impact sur l’entretien des bâtiments et l’achat de jouets, etc. Sans surprise, les éducatrices ont également été affectées par les compressions, et les congés de maladie ont connu une effrayante augmentation. En effet, selon la FSSS-CSN, les prestations d’assurance pour invalidité longue durée ont augmenté d’un énorme 63 % de 2015-2016 à 2016-2017, passant de 8 à 13 millions de dollars.

Il n’est donc pas surprenant que les travailleuses des CPE souhaitent riposter face aux attaques qu’elles subissent depuis trop longtemps. En cette époque de crise du capitalisme, l’austérité et les attaques généralisées contre les travailleurs et travailleuses sont à l’ordre du jour, et la classe ouvrière est forcée de se battre simplement pour défendre les acquis du passé. C’est ce qu’exprimait Renée Bélanger, éducatrice à Saint-Lambert sur le point de prendre sa retraite, lors d’une manifestation fin 2015 : « En 1972, c’était encourageant, on manifestait pour améliorer nos conditions de travail, et on gagnait de plus en plus, mais maintenant on manifeste parce qu’on perd de plus en plus. » Le capitalisme en déclin n’est plus capable de fournir des conditions de vie décentes aux travailleurs et travailleuses, et les attaques et compressions continues dans le secteur de l’éducation préscolaire en constituent un exemple parmi d’autres.

La grève des travailleuses des CPE offre une excellente occasion d’infliger une défaite aux libéraux et à leur programme. Le ministre de la Famille, Luc Fortin, encourage les deux parties à trouver une entente au plus vite pour ne pas appliquer la grève. Dans un contexte où la partie patronale refuse catégoriquement de bouger, cela équivaut à demander aux syndiqués d’accepter ce que celle-ci demande. Plutôt que de continuer le dialogue de sourds, les travailleuses ont correctement décidé d’aller de l’avant avec la grève générale illimitée. Seule une direction syndicale combative et sûre d’elle-même peut assurer la victoire d’une telle grève. Le mouvement doit redécouvrir les traditions combatives et révolutionnaires de 1972, l’époque où, comme il a été dit plus haut, le mouvement luttait et gagnait. Il est également du devoir du mouvement ouvrier en entier de se rallier aux travailleuses des CPE. Des piquets de solidarité doivent être organisés par les autres secteurs de la classe ouvrière. Également, 350 employées des CPE du Coeur du Québec se sont dotées d’un mandat de grève générale illimitée en avril dernier. Celui-ci devrait être utilisé maintenant!

Les travailleuses des CPE de Montréal et Laval ne sont pas les seules à être animées d’un esprit combatif en ce moment : on peut voir la volonté de combattre le patronat chez les employés de la STM, les chauffeurs d’autobus scolaires et bien d’autres sections de la classe ouvrière. Ces temps-ci, il ne passe pas un mois sans l’annonce d’un vote de grève massif ou d’une manifestation quelconque mobilisant tel ou tel secteur de la classe ouvrière. Nous devons profiter de cet élan. Nous en appelons aux travailleurs et travailleuses des autres secteurs à venir appuyer les travailleuses des CPE sur les piquets de grève et à organiser des actions de solidarité. Une victoire pour les travailleuses des CPE serait une victoire pour tous les travailleurs. Elle encouragerait ceux-ci à non seulement lutter pour conserver les acquis, mais également pour regagner ce qui a été perdu après des années, voire des décennies d’austérité capitaliste.

Solidarité avec les travailleuses des CPE!

Tous sur les piquets de grève!

Une victoire dans les CPE est une victoire pour tous!