Ce texte, achevé en octobre 2008, est la deuxième partie du document « Pour la crise du capitalisme: les patrons doivent payer! Manifeste de la Tendance Marxiste Internationale »

Comment lutter contre le chômage

Pendant la dernière phase de croissance, la plupart des travailleurs n’ont pas vu leur salaire réel augmenter – alors même que les profits explosaient. Les salariés étaient soumis à une pression croissante pour produire plus et travailler plus longtemps. Or, à présent, avec la crise économique, ils sont non seulement menacés de régression sévère, en terme de conditions de vie et de travail, mais aussi de perdre leur emploi. Les fermetures d’entreprises et l’augmentation du chômage sont à l’ordre du jour. A l’échelle mondiale, des centaines de millions de personnes sont menacées de sombrer dans la pauvreté.

Pendant dix ans, l’économie espagnole a été présentée comme un moteur de création d’emplois, en Europe. Mais en l’espace d’à peine un an, plus de 800 000 chômeurs supplémentaires ont été recensés, en Espagne. L’effondrement du boom immobilier, qui avait duré dix ans, a poussé le taux de chômage, dans ce pays, à 11,3%. « Ce n’est qu’un début, cela va empirer », a reconnu Daniel Antonucci, économiste à Merrill Lynch International. Il prévoit que le taux de chômage espagnol va passer la barre des 13% en 2009, pendant que celui de l’ensemble de l’UE passera de 7,5 à 8,1% d’ici la fin de l’année 2008. En réalité, le chômage réel est bien pire que ce qu’en disent les chiffres officiels, que tous les gouvernements trafiquent par différentes astuces statistiques. Quoi qu’il en soit, tous les pays connaissent la même situation que l’Espagne, à des degrés divers.

A défaut de pouvoir améliorer leurs conditions de vie, les travailleurs doivent les défendre. Le chômage menace la société de désintégration. La classe ouvrière ne peut tolérer le développement du chômage de masse. Le droit au travail est un droit fondamental. Quelle sorte de société condamne des millions d’hommes et de femmes à l’inactivité forcée, alors que leur travail et leurs compétences pourraient contribuer à satisfaire les besoins de la population ? Avons-nous besoin de davantage d’écoles, d’hôpitaux, de logements ? N’est-il pas nécessaire d’améliorer et de rénover les infrastructures et les transports publics ?

Tout le monde connaît la réponse à ces questions. Mais la réponse de la classe dirigeante est toujours la même : « les caisses sont vides ». A présent, tout le monde sait que c’est faux. Nous savons désormais que les gouvernements peuvent trouver des sommes d’argent extraordinaires, lorsque cela répond aux intérêts de cette minorité richissime qui possède et contrôle les banques et l’industrie. Les caisses ne sont vides que pour la grande majorité de la population : les travailleurs, les jeunes, les retraités et les chômeurs.

Qu’est-ce que cela prouve ? Cela prouve que dans ce système, les profits de quelques-uns sont plus importants que les besoins du plus grand nombre. Cela prouve que l’ensemble du système productif repose sur une seule chose : la course au profit – en clair : l’avidité. Lorsque des travailleurs font grève, la presse (qui est aussi contrôlée par une poignée de millionnaires), blâme leur « égoïsme ». Mais leur « égoïsme » se ramène à la lutte pour joindre les deux bouts : payer le loyer, les crédits, la nourriture, les factures et de quoi faire vivre dignement sa famille.

A l’inverse, l’égoïsme des banquiers et des capitalistes consiste à accumuler d’immenses fortunes grâce au travail d’autrui (car eux-mêmes ne produisent rien). Cet argent, ils le dépensent dans des œuvres d’art (non pour le plaisir, mais comme un nouvel investissement profitable), dans un mode de vie extravagant, ou encore dans une spéculation qui se termine toujours par un effondrement économique et la misère – par pour eux-mêmes, mais pour la majorité dont le travail productif fait tourner la société.

Par le passé, les patrons expliquaient que le développement de la technologie allègerait la charge du travail. Mais c’est l’inverse qui est vrai. L’UE vient de faire passer le temps de travail hebdomadaire maximum à soixante heures ! Et cela dans la première décennie du XXIe siècle, alors que les immenses progrès de la science et de la technologie ont porté la productivité de chaque heure travaillée à des niveaux inédits. Ainsi, l’Etat paye (mal) une masse de chômeurs à ne rien faire – pendant que dans les entreprises, on oblige les travailleurs à faire des heures supplémentaires.

C’est l’économie d’une maison de fous ! D’un point de vue capitaliste, c’est logique. Mais nous rejetons la folle logique du capitalisme ! Contre le fléau du chômage, nos avançons les mots d’ordre de travaux publics et de partage du travail sans perte de salaire. La société a besoin d’écoles, d’hôpitaux, de transports publics, de routes et de logements. Les chômeurs doivent être embauchés pour un vaste programme de travaux publics !

Les syndicats doivent veiller à ce que les chômeurs et les travailleurs soient liés par une solidarité et une responsabilité mutuelles. Il faut partager le travail disponible, sans perte de salaire ! Le travail disponible doit être divisé entre tous les travailleurs – et ce partage doit déterminer la durée de la semaine de travail, qui ne doit jamais dépasser 35 heures. Les salaires ne doivent pas descendre sous un minimum strictement garanti – et doivent suivre l’évolution des prix. C’est là le seul programme qui puisse protéger les travailleurs en période de crise économique.

Lorsqu’ils réalisent d’énormes profits, les capitalistes veillent jalousement au secret de leurs comptes. Mais à présent que l’économie est en crise, ils affichent leurs comptes comme une « preuve » qu’ils ne peuvent pas satisfaire les revendications des travailleurs. C’est tout particulièrement le cas des « petits » capitalistes. Mais la question n’est pas de savoir si nos revendications sont « réalistes » ou non du point de vue des employeurs. Nous avons le devoir de protéger les intérêts vitaux de la classe ouvrière des pires effets de la crise. Les patrons protesteront en expliquant que cela réduira leurs profits et ne les incitera pas à investir. A quoi nous répondrons que si les intérêts vitaux de la majorité ne sont pas compatibles avec les exigences du système capitaliste – alors ce système doit aller au diable !

En luttant pour se défendre contre la tentative de placer la crise sur leurs épaules, les travailleurs en viendront à comprendre le besoin d’un profond changement de l’ordre social. La seule réponse à la fermeture des entreprises, c’est leur occupation. « Usine fermée, usine occupée ! » : c’est le seul mot d’ordre efficace dans la lutte contre les fermetures. Les occupations d’usines doivent nécessairement mener au contrôle ouvrier. Par le contrôle ouvrier, les travailleurs acquièrent une expérience de l’administration de l’entreprise, ce qui leur permettra plus tard de diriger toute la société.

En Argentine, au Venezuela et au Brésil – entre autres – il y a eu et il y a toujours des occupations d’entreprises et des expériences de contrôle ouvrier. Au Venezuela, lors du lock-out patronal de 2002-2003, l’immense compagnie pétrolière PDVSA a été relancée et administrée par les travailleurs eux-mêmes. Un mouvement des usines occupées s’est développé, depuis 2005, à partir de l’entreprise Inveval, et gagne en puissance.

Dans tous ces cas et dans bien d’autres, les travailleurs ont réussi, malgré tous les obstacles, à diriger l’entreprise sous leur propre contrôle et leur propre gestion. Mais le contrôle ouvrier ne doit pas être une fin en soi. Il pose la question de la propriété. Il pose la question : qui est le maître des lieux ? Soit le contrôle ouvrier mène à la nationalisation, soit il n’est qu’un épisode éphémère. La seule solution définitive au problème du chômage, c’est une économie socialiste planifiée, reposant sur la nationalisation des banques et des principales industries, sous le contrôle démocratique des travailleurs.

Nos revendications :

1) Non au chômage ! Du travail ou des allocations décentes pour tous !

2) En finir avec le secret des comptes ! Ouvrez les comptes des entreprises ! Les travailleurs doivent tout savoir de la spéculation, des escroqueries comptables, des profits et des bonus faramineux. Ils doivent voir comment ils ont été trompés et qui est responsable de la pagaille !

3) Non aux fermetures d’entreprises ! Usine fermée, usine occupée !

4) Nationalisation, sous contrôle ouvrier, des entreprises menacées de fermeture !

5) Pour un vaste programme de travaux publics. Pour un programme massif de construction de logements, d’écoles, d’hôpitaux et de routes, de façon à donner du travail aux chômeurs.

6) Les 35 heures pour tous, sans perte de salaire !

7) Pour une économie socialiste planifiée, dans laquelle le chômage n’existera plus, et qui écrira sur sa bannière : DROIT UNIVERSEL AU TRAVAIL.

Luttons pour défendre nos conditions de vie !

Pendant que les banquiers et les industriels réalisaient de fabuleux profits, les salaires réels de la majorité stagnaient ou reculaient. Le gouffre entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand. Une toute petite minorité de la population baigne dans une richesse obscène, pendant que la part du revenu national qui revient aux travailleurs baisse constamment – et que la grande pauvreté se développe rapidement. L’ouragan Katrina, en 2005, a révélé au monde entier l’existence d’une sous-classe de citoyens qui, dans le pays le plus riche au monde, vit dans les conditions du Tiers-Monde.

Des millions de personnes, aux Etats-Unis, sont menacés de perdre leur emploi et leur maison. Au moment même où Bush faisait voter son plan de sauvetage de 700 milliards, on apprenait que le nombre de factures de gaz et d’électricité impayées atteignait un niveau record. Par exemple, les coupures d’électricité pour défaut de paiement ont augmenté de 22% dans l’Etat du Michigan et de 17% dans l’Etat de New-York. En Pennsylvanie, en Floride et en Californie, également, on rapporte d’importantes augmentations de ces coupures.

Les travailleurs américains produisent 30% de plus qu’il y a 10 ans. Mais les salaires n’ont pratiquement pas augmenté. Même dans le pays le plus riche au monde, d’énormes tensions sociales sont en train de s’accumuler. Cela prépare le terrain à une explosion de la lutte des classes. C’est vrai aux Etats-Unis comme ailleurs. A l’échelle mondiale, le dernier boom s’est accompagné d’un chômage élevé. Même au sommet du boom, les contre-réformes se multipliaient. La crise du capitalisme ne signifie pas seulement que la classe dirigeante ne peut pas accepter de nouvelles réformes. Elle signifie que les capitalistes ne peuvent même plus tolérer l’existence de réformes et de concessions que les travailleurs ont conquises, par leur lutte, au cours des dernières décennies.

Avancer l’idée d’une « unité nationale » pour combattre la crise, c’est tromper les travailleurs. Quels intérêts communs existe-t-il entre les millions de travailleurs ordinaires et leurs super-riches exploiteurs ? Les dirigeants des partis de gauche qui votent pour les « mesures de crise » – y compris les plans de sauvetage au profit des banquiers – trahissent les intérêts de ceux qui les ont élus. Les dirigeants syndicaux qui expliquent qu’en période de crise, « nous devons tous nous unir », et qui s’imaginent qu’il est possible d’obtenir des concessions en échange d’une modération salariale – ces dirigeants obtiendront le contraire de ce qu’ils annoncent. La faiblesse invite à l’agression ! A chaque pas en arrière des organisations syndicales, les capitalistes en demanderont trois de plus.

Pendant que le chômage repart à la hausse, le coût de la vie augmente, lui aussi. Le gaz, l’électricité, la nourriture – tout a augmenté, alors que les salaires sont gelés et que les profits des grandes entreprises explosent. Il y a peu, les économistes bourgeois se félicitaient d’avoir « dompté l’inflation ». Comme ces déclarations paraissent ridicules, désormais !

La seule réponse à l’inflation galopante est l’échelle mobile des salaires. Cela signifie que des accords collectifs doivent garantir une indexation automatique des salaires sur l’évolution des prix. Les banquiers et les capitalistes disent : nous ne pouvons augmenter les salaires car cela stimulerait l’inflation. Mais tout le monde sait que ce sont les salaires qui courent après l’augmentation des prix, et non l’inverse. La réponse, c’est l’échelle mobile des salaires. Cependant, même cela ne suffit pas. Les statistiques officielles sous-estiment volontairement le niveau réel de l’inflation. Par conséquent, ce doit être aux organisations syndicales de déterminer et de veiller sans cesse à l’évolution réelle de l’inflation. Ce calcul doit être basé sur les produits de première nécessité (y compris les loyers, l’essence, le gaz et l’électricité). Toutes les revendications salariales doivent se baser là-dessus.

Nos revendications :

1) Des salaires et des pensions décents pour tous !

2) Pour une échelle mobile des salaires, en les indexant sur l’évolution du coût de la vie.

3) Les syndicats, les coopératives et les associations de consommateurs doivent élaborer leur indice de l’inflation, les indices « officiels » ne reflétant pas la réalité de la situation.

4) Des comités de travailleurs, de femmes au foyer, de petits commerçants et de chômeurs doivent se constituer pour contrôler l’augmentation des prix.

5) Non à la taxation des pauvres ! Les riches doivent payer. Pour l’abolition de toute fiscalité indirecte (TVA, etc.). Pour l’augmentation de l’imposition des riches.

6) Pour une réduction drastique du prix du gaz, de l’essence et de l’électricité. Cela n’est possible que sur la base d’une nationalisation des entreprises du secteur énergétique, qui permettra un contrôle des prix à la consommation.

Les syndicats

Dans la période actuelle, les travailleurs ont plus que jamais besoin de leurs organisations de masse, à commencer par les syndicats. Il sera impossible de défendre les salaires et les conditions de vie sans de puissants syndicats. C’est pour cela que les capitalistes et leurs gouvernements cherchent constamment, à travers des législations anti-syndicales, à affaiblir les syndicats et à limiter leurs marges d’action.

Les dirigeants syndicaux ont été affectés par la longue période de croissance économique. Ils ont, à des degrés divers, adopté des politiques de collaboration de classe (« partenariat social ») – et ils persistent dans cette voie, alors même que les conditions objectives d’une telle politique ont disparu. Les dirigeants syndicaux droitiers sont la force la plus conservatrice de la société. Ils expliquent aux travailleurs qu’on doit tous faire des sacrifices pour résoudre la crise. Ils prêchent la « négociation » entre le Travail et le Capital, qu’ils considèrent comme du « réalisme ». Mais en réalité, c’est le pire des utopismes. Il est impossible de concilier des intérêts mutuellement exclusifs. Dans les conditions actuelles, la lutte seule permettra d’obtenir des réformes et des augmentations de salaire. En fait, il sera nécessaire de lutter pour simplement défendre les acquis sociaux, qui sont partout remis en cause. Cette réalité est en contradiction directe avec la politique de collaboration de classe des dirigeants syndicaux, qui reflètent le passé, et non l’avenir.

Dans ses efforts pour affaiblir les syndicats et les transformer en instruments de contrôle des ouvriers, la classe dirigeante utilise tout son pouvoir pour corrompre les directions et les intégrer à l’appareil d’Etat. Nous nous opposons à toutes ces tentatives et revendiquons le renforcement et la démocratisation des organisations syndicales, à tous les niveaux. Les syndicats doivent être indépendants de l’Etat. Les syndicalistes doivent contrôler leurs dirigeants et les obliger à mener une lutte sérieuse dans l’intérêt des salariés.

Même lorsque la pression de la base pousse les dirigeants syndicaux à appeler à des grèves, ils cherchent souvent à en limiter la portée et la durée. Pour les dirigeants, c’est un moyen d’ouvrir les vannes du mécontentement, pour faire retomber la pression. Au contraire, pour les syndicalistes sérieux, les grèves et manifestations sont un moyen de faire prendre conscience aux travailleurs de leur puissance collective et de préparer le terrain à une transformation fondamentale de la société.

Même dans la période précédente, il y avait une insatisfaction souterraine conséquente aux attaques contre les droits des salariés et les législations anti-syndicales. A présent, cela va faire surface et trouver une expression dans les organisations de la classe ouvrière, à commencer par les syndicats. La radicalisation de la base entrera en conflit avec le conservatisme des directions. Les travailleurs demanderont une transformation complète des syndicats, de la base au sommet, et s’efforceront d’en faire d’authentiques organisations de lutte.

Il faut construire des syndicats de masse, démocratiques et militants, capables d’organiser de larges couches de la classe ouvrière et de préparer les travailleurs, non seulement à la transformation radicale de la société, mais aussi à la direction et au contrôle démocratique de l’économie dans le cadre de la société socialiste à venir.

Nos revendications :

1) Complète indépendance des syndicats vis-à-vis de l’Etat.

2) Abolition de toute législation anti-syndicale, et notamment de toute limitation du droit de grève.

3) Démocratisation des syndicats, qui doivent être fermement contrôlés par leurs adhérents !

4) Pas de mandats à vie ! Pour l’élection de tous les dirigeants syndicaux, avec droit de les révoquer !

5) Contre la bureaucratie et le carriérisme ! Aucun permanent syndical ne doit être mieux payé qu’un travailleur qualifié !

6) Non à la collaboration de classe ! Pour un programme militant afin de mobiliser les travailleurs pour la défense de leurs emplois et de leurs conditions de vie.

7) Pour l’unité syndicale sur la base des revendications ci-dessus.

8) Pour le contrôle de la base. Lors d’une grève, il faut créer de comités de grève permettant la participation d’un maximum de travailleurs.

9) Pour la nationalisation des principaux leviers de l’économie et la création d’une économie socialiste, dans laquelle les syndicats joueraient un rôle clé dans l’administration et le contrôle de toutes les entreprises. Le syndicalisme n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’accomplir la transformation socialiste de la société.

La jeunesse

La crise du capitalisme a des effets particulièrement négatifs sur la jeune génération, qui représente la clé de l’avenir de l’humanité. Le déclin sénile du capitalisme menace de ruiner la culture et de démoraliser la jeunesse. Ne voyant aucune issue à l’impasse, une section de la jeunesse tombe dans l’alcoolisme, la drogue, la petite délinquance et la violence. Quand de jeunes gens se font assassiner pour une paire de baskets, nous devons nous demander dans quel type de société nous vivons. Les capitalistes encouragent les jeunes à désirer des objets de consommation qu’ils ne peuvent se payer – puis ils lèvent les bras au ciel face au résultat.

Margaret Thatcher, cette grande prêtresse de l’économie de marché, a dit un jour que la société n’existe pas. Cette misérable philosophie, qui a été mise en pratique il y a trente ans, a eu des effets dévastateurs. Cet individualisme vulgaire a largement contribué à créer une psychologie d’égoïsme, d’avidité et d’indifférence à l’égard de la souffrance des autres – psychologie qui s’est introduite comme un poison dans le corps social. C’est l’essence pure de l’économie de marché.

La vraie mesure du niveau de civilisation d’une société se lit dans la façon dont elle traite les jeunes et les vieux. D’après ce critère, on ne peut pas vraiment qualifier nos sociétés de civilisées. En fait, elles vacillent aux marges de la barbarie. Même pendant la période de croissance économique, il y a avait des symptômes de barbarie (vagues de crimes, violences) et le développement d’une psychologie anti-sociale et nihiliste dans une section de la jeunesse. Cette psychologie est un reflet fidèle de la moralité du capitalisme.

Les réactionnaires poussent des cris d’horreur face à ce phénomène, car ils ne peuvent admettre qu’il est la conséquence du système social qu’ils défendent, et sont impuissants à trouver la solution. Leur seule réponse est de remplir les prisons de jeunes, qui y apprennent à devenir de vrais criminels, et non plus seulement des amateurs. C’est un cercle vicieux.

Le « réponse » de l’Etat capitaliste est de criminaliser la jeunesse, de la rendre responsable des problèmes générés par la société elle-même, d’accroître la répression policière, de construire de nouvelles prisons et de durcir les peines judiciaires. Au lieu de régler le problème, de telles mesures ne font que l’aggraver et générer un cercle vicieux du crime et de l’aliénation. C’est la conséquence logique du capitalisme et de l’économie de marché, qui traitent les gens comme de simples « facteurs de production » et soumettent tout à la loi du profit. La seule solution, c’est d’organiser la jeunesse pour qu’elle lutte, avec la classe ouvrière, contre le capitalisme et pour le socialisme !

Il faut des mesures d’urgence pour empêcher de nouvelles couches de la jeunesse de tomber dans le bourbier de la démoralisation. La lutte pour le socialisme est une lutte pour la culture au sens le plus large du terme, une lutte pour élever les aspirations de la jeunesse, pour donner à leur vie un but qui dépasse la simple lutte pour une survie quasi-animale. Si on traite les gens comme des animaux, ils se comporteront comme des animaux. Si on les traite comme des êtres humains, ils agiront en conséquence.

Les coupes dans l’éducation, à tous les niveaux, la suppression des bourses et l’augmentation des frais d’inscription signifient que la jeunesse d’origine ouvrière est toujours plus exclue de l’éducation supérieure. Au lieu d’être correctement formés à satisfaire les besoins de la société, la majorité des jeunes sont condamnés à enchaîner les emplois non-qualifiés et mal-payés. Dans le même temps, on laisse les entreprises privées interférer dans l’Education nationale, laquelle est toujours plus considérée comme une source de profits parmi d’autres.

Nos revendications :

1) Une éducation gratuite et de qualité pour tous les jeunes, à tous les niveaux. Un programme massif de construction d’écoles et d’universités.

2) Abolition immédiate des frais d’inscription et revalorisation du système de bourse aux étudiants de l’enseignement supérieur.

3) Un emploi garanti et un salaire décent, à la fin des études.

4) La fin de l’exploitation de l’éducation par les capitalistes. Les entreprises privées hors des écoles et des facs !

5) L’ouverture de clubs, librairies, centres sportifs, cinémas, piscines et autres centres culturels pour la jeunesse.

6) Un programme de construction de logements sociaux pour les étudiants et les jeunes couples.

La « faisabilité »

L’argument selon lequel il n’y a pas d’argent pour les réformes est un mensonge flagrant. Il y a plein d’argent pour l’armement ou les guerres impérialistes en Irak et en Afghanistan. Il y a plein d’argent pour subventionner les riches. Et il n’y a pas d’argent pour les écoles et les hôpitaux ?

En conséquence, l’argument sur la « faisabilité » d’une réforme n’a aucune valeur. En dernière analyse, la « faisabilité » d’une réforme – c’est-à-dire le fait qu’elle puisse être mise en pratique – dépend de la lutte des classes et du rapport de force réel. Lorsque la classe dirigeante est menacée de tout perdre, elle est toujours prête à faire des concessions « impossibles ». On l’a vu en mai 68, en France, lorsque la classe dirigeante française a consenti de grosses augmentations de salaire – entre autres – pour mettre un terme à la grève générale et à l’occupation des entreprises par les salariés.

Le choc du début de la crise pourrait, dans un premier temps, paralyser le mouvement ouvrier. Mais la colère ne tardera pas à faire irruption, lorsqu’on demandera aux salariés de payer le prix de la crise. Il y a aura de brusques changements dans la conscience, qui peut se transformer en l’espace de 24 heures. Un grand mouvement dans un seul pays peut provoquer un changement rapide de toute la situation, comme ce fut le cas en 68. Si ce n’est pas encore arrivé, c’est uniquement parce que les directions des organisations du mouvement ouvrier sont à la traîne des événements et ne présentent aucune alternative. Cependant, il y a d’ores et déjà des signes de changements.

Ces derniers temps, il y a eu des grèves générales et des manifestations de masse dans toute l’Europe. En Grèce, il y a eu neuf grèves générales depuis l’arrivée au pouvoir du parti de droite Nouvelle Démocratie, en 2004. Au cours des six premiers mois de 2008, on a assisté, en Belgique, à une vague de « grèves sauvages » qui fait penser aux années 70. En Allemagne, en Espagne, en Italie, la jeunesse et les travailleurs se sont mobilisés à une échelle massive contre la casse des services publics.

Tout ceci montre que les travailleurs ne resteront pas les bras croisés face aux attaques contre leur niveau de vie. Toutes les conditions d’une nette intensification de la lutte des classes sont réunies.

Défendre les droits démocratiques !

Depuis plus d’un demi-siècle, la plupart des travailleurs d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord pensent que la démocratie est acquise une fois pour toutes. Mais c’est une illusion. La démocratie est une construction très fragile. Elle n’est possible que dans les pays riches où la classe dirigeante peut faire des concessions aux travailleurs dans le but d’atténuer la lutte des classes. Mais lorsque les conditions changent, les classes dirigeantes des pays « démocratiques » peuvent se tourner vers la dictature avec la même facilité qu’un homme passe d’un compartiment de train à un autre.

Dans les conditions d’une intensification de la lutte des classes, les capitalistes commenceront à se tourner vers des solutions plus ouvertement répressives. Ils se plaindront du trop grand nombre de grèves et de manifestations – et demanderont la restauration de « l’ordre ». A l’avenir, du fait de la faiblesse des dirigeants réformistes, il est possible que la classe dirigeante parvienne à instaurer une forme de dictature bonapartiste (militaro-policière) dans un pays européen. Mais dans les conditions modernes, un tel régime serait très instable et ne durerait pas longtemps.

Dans les années 30, en Allemagne et en Espagne, il y avait une large petite bourgeoisie urbaine et paysanne. Elle formait la base sociale de la réaction. Depuis, cette couche sociale a pratiquement disparu. A l’époque, la plupart des étudiants étaient issus de familles riches et soutenaient le fascisme. Aujourd’hui, la plupart des étudiants sont de gauche. Les réserves sociales de la réaction sont assez limitées. Les organisations fascistes sont petites – même si elles peuvent être extrêmement violentes, ce qui est d’ailleurs un signe de faiblesse, et non de force. En outre, après l’expérience d’Hitler, les capitalistes ne sont pas disposés à confier le pouvoir à des fanatiques. Ils préfèreront s’appuyer sur des « respectables » officiers et généraux de l’armée, et n’utiliser les bandes fascistes que comme auxiliaires.

D’ores et déjà, les droits démocratiques ont été attaqués partout. Sous prétexte de législation anti-terroriste, la classe dirigeante introduit de nouvelles lois pour restreindre les droits démocratiques. Ce fut le cas aux Etats-Unis, au lendemain du 11 septembre, mais aussi en Grande-Bretagne et ailleurs.

Nous lutterons pour défendre tous les droits démocratiques qui ont été conquis par la classe ouvrière. Avant tout, nous défendrons le droit de faire grève et de manifester, et nous lutterons contre toute restriction de l’activité syndicale. Tout le monde doit avoir le droit d’adhérer à un syndicat et de s’unir à d’autres travailleurs pour défendre ses droits. Souvent, les partisans du capitalisme opposent le socialisme à la démocratie. Mais ils sont eux-mêmes de féroces ennemis de la démocratie. Ils font toujours mine d’oublier que les droits démocratiques actuels ont été conquis par la classe ouvrière dans une lutte longue et acharnée contre les riches et les puissants, qui se sont toujours opposés à toute revendication démocratique.

La classe ouvrière défend la démocratie dans la mesure où elle lui offre les meilleures conditions pour le développement de la lutte pour le socialisme. Mais nous comprenons que sous le capitalisme, la démocratie a nécessairement un caractère limité et superficiel. Que vaut la liberté de la presse, lorsque les grands journaux, les chaînes de télévision, les grandes radios, les salles de conférence et les théâtres sont tous concentrés entre les mains des riches ? Tant que la terre, les banques et les grandes entreprises resteront sous le contrôle d’une petite minorité, toutes les décisions importantes qui affectent nos vies seront prises, non dans les Parlements ou les gouvernements élus, mais derrière les portes closes des conseils d’administration des banques et des multinationales. La crise actuelle a révélé ce fait aux yeux de tous.

Le socialisme est démocratique ou il n’est rien. Nous sommes pour une authentique démocratie, dans laquelle la classe ouvrière contrôlerait l’industrie, la société et l’Etat. Ce serait là une authentique démocratie, contrairement à la caricature actuelle, où tout le monde peut dire (plus ou moins) ce qu’il veut, du moment que les décisions importantes affectant nos vies sont prises par des petits groupes de gens non-élus qui siègent à la tête des banques et des grandes multinationales.

Nos revendications :

1) L’abolition immédiate de toute loi anti-syndicale

2) Le droit, pour tous les travailleurs, de se syndiquer, de faire grève et de manifester.

3) La liberté d’expression et de réunion.

4) Aucune restriction aux droits démocratiques sous prétexte de lois anti-terroristes !

5) Les organisations ouvrières doivent rejeter l’idée fausse d’« unité nationale » avec des gouvernements et des partis capitalistes, sous prétexte de crise. Ces derniers sont responsables de la crise, et veulent faire payer la classe ouvrière.

Dernière partie : Socialisme international