Dans une récente publication sur Facebook, François Legault nous a fait part de sa lecture d’un livre sur Maurice Duplessis. Il en profite pour réhabiliter le despote corrompu et exploiteur des travailleurs qui a régné d’une main de fer sur le Québec de 1944 à 1959. 

Bien sûr, nous dit Legault, quand on pense au « Cheuf », « on pense à la Grande Noirceur, aux votes achetés par des routes, à la grande proximité (!) avec l’Église », mais… « on pense aussi à un grand nationaliste ». 

Une fois de plus, Legault suit les traces de son idéologue en chef, Mathieu Bock-Côté. 

Ce dernier avait commenté sur le même livre récemment, affirmant qu’« on ne saurait non plus le maudire sans nuances. […] Duplessis fut un défenseur du Québec, tout simplement, avec ses grandeurs et ses limites ».

Dans sa publication, Legault reprend exactement les mêmes prétendus mérites de Duplessis soulignés par MBC sur le rapatriement des impôts et la création du drapeau du Québec.

Qui d’autre peut se vanter de voir ses propos fréquemment repris par le premier ministre, outre le « censuré » Bock-Côté? 

Duplessis et Legault : ennemis des travailleurs

Le « grand nationaliste » Duplessis, c’est celui qui, tout en se présentant comme étant du bord du « p’tit peuple » catholique québécois, vendait le Québec à bas prix aux impérialistes, et réprimait tous les travailleurs qui se mettaient sur leur chemin. 

Nombreux sont ceux qui savent, par exemple, que l’Union nationale a vendu les droits d’exploitation du minerai de fer moyennant une taxe d’un cent la tonne (c’était 33 cents la tonne à Terre-Neuve à la même époque). Pendant ce temps, la Police provinciale réprimait férocement toute grève sérieuse.

« Proximité » avec l’Église catholique? Difficile de trouver un meilleur euphémisme; c’était un contrôle total sur la vie des travailleurs et des pauvres qui lui était donné. L’alliance était symbolisée par le crucifix au Salon bleu, que Legault a ensuite rechigné à retirer.

Tandis que Duplessis s’appuyait sur l’Église pour maintenir le contrôle sur la population québécoise, Legault s’appuie… sur la soi-disant laïcité. 

Deux époques, un même but en tête : se présenter comme les grands défenseurs des Québécois pour mieux les exploiter. 

Tout en jouant le défenseur des « valeurs québécoises », Legault, à l’image de son modèle, s’était tout naturellement rangé derrière les millionnaires américains d’Alcoa et Rio Tinto contre les 1000 travailleurs de « chez-nous » lors du lock-out de l’Aluminerie de Bécancour en 2018-2019. 

Chez Duplessis comme Legault, le nationalisme sert à masquer leurs politiques anti-ouvrières.

Il est ironique que Legault fasse sa déclaration d’admiration pour Duplessis quelques semaines après s’être présenté comme le vaillant défenseur de la « liberté d’expression ». Dans sa croisade, notre « Cheuf » version 21e siècle laisse entendre qu’il va intervenir contre les « radicaux qui veulent censurer, museler, intimider et brimer notre liberté de parole ». 

Là aussi, la pomme ne tombe pas loin de l’arbre. Duplessis avait également tenté de museler les « radicaux » avec la Loi du cadenas qui visait à interdire la propagande « communiste ».

Y a-t-il une loi similaire qui s’en vient contre les gens soupçonnés de distribuer de la littérature « woke »?

Ne laissons pas Duplessis sortir de sa tombe

La défense de Duplessis par Legault n’est pas innocente ou anecdotique. 

Avec la baisse d’intérêt pour le débat souverainisme-fédéralisme, Legault s’est hissé au pouvoir en utilisant le nationalisme identitaire, se présentant comme le défenseur des Québécois et de nos supposées « valeurs ». Il l’admettait ouvertement en 2014 : « Il y a des ressemblances [avec l’Union nationale], mais on ne va pas retourner dans la grande noirceur. » 

Le titre du fameux livre est Duplessis est encore en vie. C’est bien choisi. La CAQ et Legault en sont l’incarnation moderne. 

Le mouvement ouvrier ne doit pas laisser Legault nous ramener dans la Grande Noirceur.