Les progrès des travailleuses et travailleurs du secteur d’hôtellerie de la CSN semblent être éclipsés dans les médias où leur couverture se limite à la réécriture des communiqués de presse —mais pourtant leurs efforts sont efficaces.

Les syndiqués-es semble partager la même opinion négative de leurs patrons-nes. En effet, nous avons pu voir qu’ils et elles mettent de l’avant la même plateforme de négociation dans les différentes administrations d’hôtels ou avec les mêmes menaces de débrayage.

« Une des priorités, c’est qu’on ne demandait pas la lutte, » a dit à La Riposte Michel Valiquette, trésorier de la Fédération du commerce de la CSN (FC-CSN).

« Je pense que les [syndiqués-es] ont fait preuve d’une grande sagesse en demandant la protection de leur emploi pour eux, actuellement, mais aussi pour les générations futures qui voudront faire carrière dans l’hôtellerie. »

D’après les données du Ministère du Tourisme, le taux d’achalandage touristique au Québec a augmenté en moyenne de 15% de janvier à juillet cette année et de son côté, le prix moyen de location a connu une augmentation de 2% pendant la même période. Toutefois, les salariés-es restent bien humbles avec leurs six demandes (voir la fin de l’article). Effectivement, lors de négociations antérieures, c’étaient une vingtaine de revendications qui étaient présentées par les syndiqués-es. Malgré tout, les patrons se sont montrés avares et certains ont même passé à l’offensive.

« Les employeurs étaient coordonnés et avaient la ferme intention de nous faire reculer dans nos conditions de travail, » a dit Valiquette.

« C’est [le recours aux lockouts] de l’intimidation. Ils veulent jouer les gros bras en mettant les travailleurs à la rue en espérant qu’ils vont rentrer avec des ententes à rabais. Ces travailleurs ont fait preuve d’une solidarité, d’une détermination et d’une ténacité exemplaire. »

C’est 300 employé-es de l’hôtel Hyatt Regency qui se sont heurtés en premier au lockout le 25 juillet dernier alors qu’ils et elles avaient décidé de porter un simple foulard au travail comme moyen de pression. Au total, c’est quatre lockouts qui ont été déclarés au cours de l’été 2012, mais récemment deux ont conclu des ententes. L’administration des hôtels Espresso, Holiday Inn Select Sinomonde et Hyatt Regency ont même eu recours à des briseurs de grève. La Commission des relations du travail a accordé des ordonnances provisoires à la CSN exigeant aux employeurs de cesser l’utilisation de scabs.

À ce jour, c’est un peu plus de la moitié des syndicats locaux de la CSN qui ont conclu une entente dans le cadre de négociations coordonnées. Trente-cinq syndicats sont impliqués dans cette ronde de négociation, soit 5 500 salariés-es regroupés sous la bannière de la FC-CSN.

D’après la fédération, les ententes sont plus laborieuses qu’à l’habitude, malgré des demandes réduites. Les délégués-es syndicales ont par ailleurs dû allouer un certain temps à discuter des reculs que proposait le patronat avant d’avoir enfin aborder le sujet des revendications.

« Malheureusement, c’est avec les ultimatums qu’on a dû donner aux employeurs [qu’on a pu avancer,] » a indiqué Valiquette.

Les syndicats avaient voté la mise sur pied d’une banque d’heures de grève de 48 heures. Certains ont même voté pour des mandats de grève générale illimitée. Le 9 septembre, on pouvait aussi s’attendre à une grève massive de 24 heures, mais seuls 2 syndicats l’ont déclenchée. Des occupations ont aussi eu lieu vers la fin du mois d’août, mais des ententes ont été conclues quelques jours avant. La FC-CSN cherchait à créer un effet domino, ce dernier a porté fruit pendant un certain temps.

« Ils veulent empocher plus d’argent sur le dos des travailleurs. Ça, c’est clair. »

« Ils demandent aussi plus de flexibilité, mais selon moi ils en ont assez dans l’hôtellerie, » a dit Valiquette.

Comme à l’habitude, les patrons-nes ne font que bouder les travailleurs-euses qui veulent des conditions de vie plus dignes. Fait intéressant, l’Association hôtelière de la région de Québec (AHRQ), dans le but de décourager l’usage de moyens de pression, a fait référence aux conditions actuelles dans un communiqué le 3 août dernier : « [N]os employés reçoivent des conditions concurrentielles, dont environ le double du salaire minimum dans les hôtels en négociation, et une gamme complète d’avantages sociaux, dont des régimes de retraite avec contributions de l’employeur de 4 à 6%, » a dit Natasha Desbiens, directrice générale de l’AHRQ.

Comme si ces conditions, qui ne sont pas généralisées à l’ensemble des salariés-es, étaient données en cadeaux aux travailleuses-eurs. Par ailleurs, nous pouvons féliciter la FC-CSN – en soulignant ces 25 ans d’existence au sein de cette huitième ronde de négociations dans le secteur – pour les gains de ses membres.

Comme l’a indiqué la FC-CSN, la priorité est la protection des emplois. Déjà, les établissements hôteliers faisaient travailler moins de salariés-es, certaines tâches anodines et journalières étaient affectées aux cadres. Un autre sujet de frustration était les plans verts, « un terme que les employeurs utilisent sous le prétexte d’être écologiques » aux dires de Valiquette.

À défaut d’offrir le service d’entretien des chambres, certaines administrations d’hôtels offrent maintenant aux clients des rabais aux bars et aux restaurants. Quand plusieurs clients choisissent ce plan pendant plusieurs jours, c’est moins d’heures de travail pour les préposés-es de chambre. Voilà de piètres politiques ou programmes environnementales. Les syndicats, pour leur part, proposent de réels « plans verts » en demandant par exemple la création de postes pour la récupération de matières recyclables et le compostage.

Pour l’instant, les progrès varient d’un hôtel à l’autre. De plus, ce sont six conventions collectives qui viendront à échéance dans les semaines qui suivent alors que celles des syndicats de la région métropolitaine étaient à terme fin juin.

Voici leur plateforme de négociation

• une protection accrue des emplois contre le travail des cadres;

• des plans verts et autres programmes des employeurs qui ne menacent pas les emplois et les heures de travail;

• l’obligation d’afficher et de combler les postes vacants, selon leurs statuts, ainsi que l’impossibilité d’abolir des postes lorsque des tâches reliées à ceux-ci continuent à être effectuées;

• une hausse de 2 % de la contribution patronale au régime de retraite;

• des augmentations salariales de 5 % par année;

• une convention collective d’une durée de 3 ans.

Photo : www.csn.qc.ca