A l’annonce de la victoire de Barak Obama, des millions d’Américains sont descendus dans la rue pour fêter l’événement. Des millions d’autres, devant leurs écrans de télévision, criaient leur joie et leur enthousiasme. L’espoir se lit sur les visages et dans les larmes – en particulier chez les afro-américains et les latinos, mais pas seulement. Après les « années noires » marquées par la politique réactionnaire de George W. Bush, la masse de la population américaine se dit qu’une page s’est enfin tournée.

En France et en Europe, la couverture médiatique de l’événement est d’un superficialité caractéristique : elle met surtout l’accent sur la couleur de peau du nouveau président. Aux Etats-Unis aussi, sans doute, la plupart des travailleurs afro-américains veulent croire que l’élection d’un président « de couleur » présage une meilleure prise en compte de leurs problèmes. 90% des afro-américains ont voté pour Obama, tout comme 66% des latinos et 68% des jeunes qui votaient pour la première fois. Mais la couleur de peau des hommes politiques ne change rien. Condoleeza Rice et Colin Powell étaient noirs, ce qui ne les a pas empêchés de défendre implacablement les intérêts des capitalistes américains, aux Etats-Unis et dans le monde. Il en sera de même avec Barak Obama.

Notons au passage qu’en France, les médias mettent autant d’énergie à susciter une « Obamania » qu’ils l’avaient fait pour la « Sarkomania » de 2007. L’élection d’Obama est une très bonne nouvelle pour les « minorités », nous explique-t-on. Mais pendant ce temps, en France, le harcèlement policier et administratif des « étrangers », les rafles, les incarcérations dans des centres de rétention et les expulsions se poursuivent et s’amplifient.

La rhétorique du candidat démocrate était soigneusement calculée pour susciter de l’espoir, mais sans donner le moindre engagement concret sur la lutte contre les conséquences désastreuses de la crise économique : délocalisations, fermetures, suppressions d’emplois massives, chute du pouvoir d’achat et des retraites, expulsion des travailleurs immigrés, etc. Au cours des neuf premiers mois de cette année, 760 000 emplois ont été détruits, aux Etats-Unis. Dans le seul secteur bancaire et financier, on prévoit la suppression 300 000 emplois dans les mois à venir. Que propose Obama pour lutter contre le chômage ? Rien de concret. Mais tandis que de simples citoyens américains perdent leur emploi, leur foyer ou leur retraite, Obama a approuvé le plan de 700 milliards de dollars pour renflouer les caisses des banques. L’Etat américain, massivement endetté, n’a pas cet argent. Il l’empruntera donc … à d’autres banques !

Les grandes corporations capitalistes ont contribué à un niveau sans précédent au financement de la campagne d’Obama. Ce simple fait en dit long sur les véritables intérêts qu’il représente. Le Parti Démocrate, comme le Parti Républicain, est un parti capitaliste. Mais comme il n’existe aucun véritable parti des travailleurs américains, après huit ans de Républicains au pouvoir, la soif de « changement » ne pouvait que se porter sur le candidat démocrate. En 2002, John Peterson, rédacteur de la revue marxiste Socialist Appeal, écrivait : « Nous ne nous faisons pas d’illusions à l’égard du Parti Démocrate, qui se présente comme le visage plus gentil et plus tendre du capitalisme américain. Il est pieds et mains liés à la classe capitaliste, et ne défendra jamais les intérêts des travailleurs. Il pourrait résister aux capitalistes sur telle ou telle question d’importance mineure, mais il ne fera jamais rien qui irait à l’encontre des intérêts fondamentaux de la classe dirigeante ». La vérité de ces lignes éclatera au grand jour dans les mois et les années à venir. L’ampleur de la déception sera à la mesure des espoirs suscités.

Dans le domaine de la politique étrangère, Obama s’est entouré de « conseillers » qui sont tous directement associés à la politique militariste agressive de ces vingt dernières années, que ce soit au Moyen-Orient, en Afghanistan ou en ex-Yougoslavie. Obama, comme Bush, a qualifié Chavez de « dictateur ». Il avance la perspective d’un retrait des forces américaines en Irak – mais précise immédiatement qu’il est favorable au maintien de bases et d’un contingent militaires permanents. Le colistier d’Obama, Joe Biden, est connu pour ses positions en faveur du démembrement de l’Irak. Par ailleurs, Obama envisage de renforcer la présence américaine en Afghanistan. Sur le fond, la politique étrangère des Etats-Unis ne changera pas.

Au lendemain de l’annonce du résultat, nos camarades de Socialist Appeal écrivaient : « Nous savions d’avance que le vrai perdant de ces élections serait la classe ouvrière. Néanmoins, en ce moment, des millions de travailleurs et de jeunes ont le sentiment d’en être les gagnants. Nous comprenons l’ampleur des espoirs investis en Obama. Ces dernières années ont été très dures. Mais nous maintenons notre position. Nous l’avons dit par le passé et nous le redisons aujourd’hui. Aussi longtemps que deux partis capitalistes domineront la vie politique américaine, les travailleurs ne verront pas leurs intérêts défendus à Washington. Pour cette raison, les syndicats doivent rompre avec le Parti Démocrate et construire un parti des travailleurs. Le potentiel d’un tel parti serait énorme. Il ne resterait pas longtemps une « troisième » force. Nous voulons qu’il occupe la première place. » C’est ce chemin que la jeunesse et les travailleurs américains doivent emprunter dans la période à venir. Il leur faut une expression politique indépendante, une organisation indépendante. Leur avenir, l’avenir des Etats-Unis – et même, en dernière analyse, celui du monde – dépendront de leur capacité à y parvenir.