Le 19 octobre, plus 4000 réfugiés venus du Honduras ont traversé la frontière du Mexique dans l’objectif de rejoindre les États-Unis. Ils ont été accueillis par des centaines de policiers, leurs gaz lacrymogènes, quelques avions et autres mesures anti-émeute. Mais rien ne semble pouvoir arrêter ces réfugiés se dirigeant inlassablement vers les États-Unis.

Que fuient-ils?

L’Amérique centrale est l’une des régions où la classe ouvrière souffre le plus. En effet, elle a été frappée très durement par la crise mondiale étant donnée la dépendance profonde des capitalismes nationaux à l’impérialisme américain. Cette situation en fait un épicentre de la lutte de classe.

Pourtant, tout semblait bien parti. Manuel Zelaya, président du Honduras élu en 2006, membre du parti libéral, avait impulsé un grand nombre de mesures phares en faveur des plus pauvres : éducation gratuite pour tous, subventions pour les petits agriculteurs (partie la plus pauvre de la population), diminution des taux d’intérêt, augmentation du salaire minimum de 80 %, électricité gratuite pour les plus pauvres, etc. En 2 ans, Zelaya a ainsi réduit de 10 % la pauvreté.

Néanmoins, en 2009, il tente de lancer un référendum sur la convocation d’une Assemblée Nationale Constituante, mais plusieurs institutions législatives représentantes de la bourgeoisie déclarent alors que Zelaya n’a pas respecté la procédure légale, fournissant un prétexte idéal à l’oligarchie hondurienne (probablement avec l’aide des États-Unis) pour orchestrer le coup d’État dont ils avaient besoin depuis la crise de 2008.

Dès lors, les Honduriens n’ont cessé de voir leurs conditions de vie décroitre. En 3 ans, le taux de pauvreté augmente de 13 % – 26 % pour l’extrême pauvreté –, alors que le chômage dépasserait aujourd’hui les 25 %. Et la part du budget alloué aux dépenses sociales ne cesse de diminuer.

En 2017, le président Juan Orlando Hernandez du parti national, très conservateur, organise une fraude électorale pour se maintenir au pouvoir, déclenchant un grand mouvement populaire, qui ne sera toutefois pas en mesure de déloger la bourgeoisie. Cette dernière peut ainsi continuer sa politique de militarisation. Sous prétexte de lutter contre la violence dans le pays, le gouvernement a lancé la politique « un militaire à chaque coin de rue ». A travers l’armée, outil par excellence de domination de la classe dirigeante, l’État est omniprésent : dans la rue, dans les écoles, les transports… L’oligarchie a ainsi un contrôle très fort sur la population, alors que se multiplient les cas de corruption et d’abus de pouvoir impliquant l’armée, ne faisant que renforcer la violence.

Toutes les régions sont ainsi plus ou moins dans la même situation. Ainsi, 2,5 millions de Salvadoriens vivent hors du pays, dont 81 % aux États-Unis. 41 % des familles vivent avec 2 dollars par jour et 19 % avec seulement 1 $.

La migration n’a donc rien d’une simple aventure à la poursuite du rêve américain, comme voudraient le faire croire un certain nombre de médias. Il s’agit bien d’un exil forcé, violent, pour fuir des conditions de vie insupportables à la recherche de travail, d’éducation ou tout simplement  d’une vie plus digne.

Un périple long et dangereux jusqu’aux États-Unis

Partis une semaine plus tôt du Honduras, la caravane ne comptait alors que quelque 150 Honduriens. Ne supportant plus leurs conditions de vie, ils lancent un appel à traverser groupés les kilomètres les séparant des États-Unis. L’objectif n’était pas tellement d’attirer l’attention sur les problèmes des réfugiés en Amérique centrale, mais surtout de limiter les risques encourus dans ce dur périple durant lequel meurtres, trafiques, viols (9 femmes sur 10 sont abusées sexuellement) et escroqueries sont quotidiens. Il faudra ensuite affronter « la bête », le train tristement célèbre sur lequel s’entassent les réfugiés pour tenter de traverser la frontière américaine et où beaucoup ont perdu déjà des membres, sinon la vie.

Ainsi beaucoup de familles n’apprennent jamais ce qui est arrivé à leurs proches. Un groupe de « mères de disparus », qui compte une cinquantaine de femmes, s’est également lancé sur la route pour rejoindre la caravane et faire entendre leur colère.

L’appel des premiers Honduriens a visiblement été entendu puisqu’ils étaient plus de 4000 (dont des Nicaraguayens, des Guatémaltèques et des Salvadoriens) à traverser le pont au-dessus de la rivière Suchiate séparant le Nicaragua du Mexique. Au dernier recensement, ils seraient plus de 14 000, dont des Mexicains, et trois autres caravanes ont depuis également pris la route. Elles comptent se rejoindre pour une manifestation à Mexico pour revendiquer leurs droits à une vie digne.

La réaction de l’impérialisme américain

Trump s’est exprimé à sa manière sur le sujet, c’est-à-dire à travers plusieurs tweets. Ses propos ont le mérite d’être clairs : toute la responsabilité incombe aux pays d’origine et de passage des réfugiés qui ont été « incapables de faire leur travail », c’est-à-dire empêcher par tous les moyens possibles les migrants de s’approcher des États-Unis. La déception de Trump est compréhensible quand on sait que les États-Unis considèrent le Mexique et plus largement l’Amérique centrale comme son arrière-, où les différents gouvernements ont pour rôle d’effectuer le sale boulot, en l’occurrence filtrer les réfugiés venus du sud.

Le président américain use donc de pressions économiques, menaçant de couper l’aide « massive » donnée aux pays concernés. Dans des pays où la corruption est monnaie courante, on imagine bien que cette pression a un certain poids et que les dirigeants pourraient prendre cette menace très au sérieux, de peur de se voir retirer leur argent de poche.

D’ailleurs, Peña Nieto, l’actuel président mexicain membre du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel, droite), bien loin de contester la position de Trump en matière d’immigration, a tenté de satisfaire les exigences du géant américain. Son programme « frontière sûre », mis en place dès 2014, a même reçu les compliments de Trump. Ce plan consiste en un renforcement de la politique migratoire à la frontière guatémaltèque. Ainsi entre 2013 et 2017, 600 000 migrants illégaux ont été arrêtés, les statistiques montrant une augmentation de 60 000 entre 2014 et 2016.

Cependant, il serait faux de transformer cette situation en opposition entre plusieurs capitalismes, lui faisant ainsi perdre son élément central, la lutte de classe. C’est bien la bourgeoisie qui contrôle les migrations en fonction du besoin ou non de main d’œuvre. Les plus démunis, qui voudraient aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, sont donc soumis aux aléas des cycles de l’économie capitaliste et au bon vouloir de ses dirigeants.

De plus, le président américain a récemment mobilisé des milliers de soldats, annonçant clairement qu’ils sont prêts à recevoir les « migrants » et qu’aucun ne saurait entrer sur le sacro-saint sol américain à moins de passer par la procédure légale. Il se déclare ainsi prêt à faire feu si nécessaire. Mais le plus probable est qu’il n’ait pas à en arriver là et que Peña Nieto cède à la pression et se charge lui-même d’arrêter les caravanes.

Enfin, Trump a profité de la période des midterms, les élections de mi-mandat qui renouvellent l’ensemble de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat, pour rappeler à ses électeurs de blâmer les démocrates chaque fois qu’ils voient des « migrants » entrer illégalement dans leur pays. Il joue sur la xénophobie de ses électeurs, les alertant de la menace de cette « invasion » en misant sur le fait qu’ils réagiront en se tournant vers ceux qui leur promettent la sécurité.

De son côté, Andres Manuel Lopez Ombrador, le président mexicain nouvellement élu qui prendra ses fonctions en décembre, promet qu’il fournira un visa et un travail à toutes les personnes qui souhaiteront entrer dans le pays. Difficile de savoir comment il compte tenir parole face à la pression de la bourgeoisie qui, du fait d’un taux de chômage déjà élevé, n’a pas besoin de cette force de travail supplémentaire.

Solidarité internationale

Il est important de garder en tête que l’Amérique centrale a été divisée de manière totalement arbitraire dans les années 1820-1830, afin d’appliquer au mieux le proverbe « diviser pour mieux régner », ou en l’occurrence « diviser pour mieux exploiter ». Il est vrai que les prolétaires d’Amérique latine partagent ceci qu’ils sont tous victimes de l’exploitation et de l’impérialisme capitaliste instauré pour exploiter au maximum leur force de travail. Les habitants partagent également une langue et une culture, mais l’impérialisme a réussi à créer de fausses nationalités et à les entretenir pour s’assurer qu’ils n’uniraient pas leurs forces. Comme le disait si bien Marx, « le nationalisme est une invention du capitalisme pour diviser le prolétariat. »

Le capitalisme a bien compris que jouer sur la xénophobie est une des meilleures manières d’empêcher les travailleurs de s’unir. Ainsi, il fait planer la menace de l’immigration, l’accusant de tous les maux : violence, chômage… Macron lui-même adopte un discours qu’on n’associait jusqu’à récemment qu’à l’extrême droite. Pourtant, ce phénomène de migration internationale ne date pas d’hier et a même pu être encouragé par les dirigeants capitalistes en manque de main-d’œuvre. Seulement, le capitalisme subit actuellement une des – si ce n’est la – plus grosse crise de son histoire, et n’est plus en capacité de développer les forces productives comme par le passé. Il accuse donc les réfugiés, soi-disant toujours plus nombreux alors que depuis 50 ans ils représentent un taux stable de 3 % de la population mondiale. (Source : la Cimade)

N’oublions pas non plus que les migrations internationales sont pour l’instant une des conséquences de la crise économique du capitalisme, mais qu’une autre peut-être plus grave, d’ordre écologique, pointe le bout de son nez et selon toute attente ne fera qu’augmenter dans des proportions inouïes les migrations internationales.

La seule solution contre le capitalisme et ses conséquences néfastes n’est autre que le renversement du capitalisme lui-même et la mise en place d’une société socialiste.

Pour finir, nous vous partageons un extrait de la déclaration commune des sections mexicaine, salvadorienne et des sympathisants honduriens de la Tendance Marxiste Internationale appelant à l’unité avec les réfugiés :

« En tant que jeunes, travailleurs, femmes de la classe ouvrière, nous sommes contre toute politique qui divise notre classe, que ce soit de type national, religieux, racial ou de genre. Nous sommes internationalistes parce que la classe ouvrière ne peut s’organiser de manière nationale pour vaincre un ennemi international. En conséquence, nous soutenons nos camarades réfugiés, qui cherchent ce que l’impérialisme leur a nié dans leur pays d’origine. Nous sommes pour abolir toutes les frontières qui ne servent qu’à nous affaiblir afin d’affronter nos vrais ennemis : l’oligarchie de nos pays et l’impérialisme américain.

[…]

C’est uniquement dans l’unité que les peuples centraméricains, mexicains et latino-américains pourront mettre un terme aux conditions qui nous empêchent d’être heureux sur nos terres, et cela a un rapport direct avec la destruction du capitalisme. La classe ouvrière ne fait qu’un dans n’importe quelle partie du monde, y compris aux Etats-Unis. Nous sommes internationalistes parce que nous croyons que nous avons plus en commun avec n’importe quel travailleur du monde qu’avec la bourgeoisie rapace de n’importe quel pays centraméricain et mexicain. Notre lutte est la lutte de tous les exploités et nous nous tenons à leurs côtés. »