Le 23 janvier dernier, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Transco-CSN (STTT-CSN) ont rejeté les dernières offres patronales et ont voté à 98 % pour reconduire le mandat de grève qu’ils avaient voté au mois de novembre dernier, à 98 % également . La grève a commencé ce matin et sera en vigueur également demain, le 31 janvier. Au total, 330 conducteurs et conductrices cesseront le travail pour ces deux jours. Carole Laplante, présidente du syndicat, a expliqué la nature du conflit de travail en des termes qui vont à l’essence des choses : « Pour nous, le vote d’hier marque notre refus catégorique collectif de laisser l’employeur baisser nos salaires simplement pour faire augmenter sa marge de profit. »

Car c’est en effet ce que tente de faire First Student, l’entreprise américaine qui possède Transco. Le syndicat explique que l’entreprise demande un gel des salaires pour les deux premières années, et propose pour les trois dernières années une hausse de salaires correspondant à 50 % de l’indice des prix à la consommation. Cela représente la moitié du montant que la commission scolaire verse au transporteur pour qu’il augmente les salaires des conducteurs. Mme Laplante explique : « Nous voulons notre juste part des sommes que les commissions scolaires remettent à notre employeur afin d’augmenter nos salaires convenablement. Or, au lieu de nous verser ces sommes, les patrons étasuniens de First Student, qui possèdent Transco, se les mettront entièrement dans les poches pour les deux premières années, puis encaisseront la moitié des trois autres années. Pour nous, ça n’a tout simplement aucun sens. » Autrement dit, la direction patronale s’approprie des sommes qui appartiennent aux travailleurs et qui visent à simplement maintenir leur niveau de vie actuel. L’avarice des patrons n’a pas de limite. Il ne faut pas les laisser faire!

La grève chez Transco n’est pas tombée du ciel; cela fait longtemps que les syndicats représentant des conducteurs d’autobus scolaire réclament de meilleures conditions de travail pour leurs membres. Le Secteur du transport scolaire (STS) de la Fédération des employées et employés de services publics-CSN (FEESP) avait soulevé plusieurs enjeux entourant la rémunération des conducteurs d’autobus scolaires en mars dernier. Également, un processus d’évaluation de l’emploi de conducteur auquel le gouvernement et les associations de transporteurs avaient participé fixait le salaire horaire minimal à 19,14 $ en avril 2015, ce qui donnerait un taux indexé de 20,02$ aujourd’hui.

Cependant, ces chiffres sont très loin de la situation actuelle. Certains chauffeurs sont présentement payés un maigre 12,07$ l’heure, et il existe de grandes disparités entre les régions. Selon Stephen Gauley, président du STS, « un grand nombre de bas salarié-es […] touchent un revenu annuel sous les 20 000 $ et une rémunération hebdomadaire de moins de 500 $. » Les syndicats revendiquent l’intervention du gouvernement du Québec, pour obtenir par décret l’application d’une convention pour toute l’industrie avec des conditions minimales. Sans surprise, rien n’a été fait dans ce sens jusqu’à présent. En ce qui concerne les conditions salariales et de travail, le témoignage de Sylvie Deschênes, ex-conductrice, est éclairant :

« Récemment, j’ai quitté mon emploi à cause d’une baisse de salaire de 8 % imposée par l’employeur. À la table de négociation, les représentants de l’employeur nous ont simplement dit : si vous refusez ces conditions, nous fermons. La société étasunienne First Student, propriétaire de l’entreprise, voulait simplement faire plus de profit sur notre dos. Mais est-ce normal que les nouveaux salarié-es touchent seulement 12,07 $ l’heure pour effectuer ce travail, avec toutes les responsabilités qui nous sont confiées? Poser la question, c’est y répondre. »

En plus des menaces de fermetures, les entreprises se servent également du processus d’appel d’offres pour diminuer les salaires et empocher des profits. Stephen Gauley expliquait en mars dernier qu’à la fin d’un contrat, un appel d’offres peut être lancé par une commission scolaire et le contrat donné au plus bas soumissionnaire. Cependant, ceux qui soumissionnent plus bas que les autres transporteurs le font en coupant dans les conditions de travail de leurs employés.

Nous voyons ici les conséquences inévitables du fonctionnement du capitalisme, dans lequel la course au profit et la concurrence entre les entreprises forcent celles-ci à couper dans les salaires autant qu’elles le peuvent. Alors que le transport scolaire devrait être un service public répondant aux besoins des enfants et de leurs parents, sous l’emprise du privé il se transforme en machine à profit. Nous disons donc : si les patrons sont incapables d’offrir des conditions de travail décentes à leurs employés, qu’on nationalise leurs entreprises! La gestion démocratique de ces entreprises par les travailleurs eux-mêmes permettra de mettre fin aux conditions misérables qui leur sont imposées.

Les conducteurs demandent au gouvernement l’établissement d’un niveau fixe pour les appels d’offres afin d’empêcher les entreprises privées de diminuer leurs coûts sur le dos des travailleurs. Cependant, il s’agit ici du même gouvernement qui a fait avaler une entente bidon aux employés de la fonction publique en décembre 2015 et qui avait mis en place des mesures d’austérité sévères affectant notamment les commissions scolaires et leurs budgets de fonctionnement. Ce sont d’ailleurs les coupes du gouvernement Couillard qui ont mené, par exemple, trois écoles du Saguenay à privatiser le transport scolaire en 2015. Nous croyons que l’histoire a amplement démontré que les conducteurs, tout comme le reste de la classe ouvrière, ne peuvent pas compter sur le gouvernement – quel que soit le parti au pouvoir – pour satisfaire leurs revendications.

Quant aux propriétaires de Transco, First Student, le témoignage ci-haut nous montre leur véritable attitude envers leurs employés. Il n’est aucunement surprenant que l’entreprise n’ait pas voulu faire de concessions aux conducteurs. Ainsi, la grève de deux jours est un excellent pas en avant dans la lutte contre les patrons. Mais ce ne peut être qu’un premier pas. Si l’employeur refuse toujours de bouger, les travailleurs et travailleuses doivent se préparer à utiliser l’outil de la grève générale illimitée.

Dans cette lutte, les conducteurs ne trouveront d’allié nulle part ailleurs que dans leur propre classe. Une telle grève verrait sa puissance décuplée si elle allait chercher l’appui des conducteurs d’autobus scolaire du reste de la province. Une victoire du STTT-CSN serait dans l’intérêt des conducteurs et conductrices de toute la province, puisque cela ferait une pression à la hausse sur les salaires dans l’industrie et enverrait un message clair au patronat de l’ensemble de l’industrie, qui serait plus hésitant à s’attaquer à nouveau aux travailleurs. Plus généralement, l’ensemble des travailleurs auraient intérêt à une victoire des travailleurs de Transco, puisque cela constituerait une inspiration pour l’ensemble du mouvement ouvrier. Pour cette raison, notre appel à la solidarité ne s’arrête pas simplement au reste des conducteurs de la province, mais s’étend à l’ensemble du mouvement ouvrier québécois. Par exemple, les travailleurs des commissions scolaires touchées par cette grève (enseignants, employés de soutien, employés des services, etc.) auraient le pouvoir de paralyser totalement les écoles et de donner un levier important aux conducteurs dans leur lutte. Voilà le chemin vers la victoire. C’est par une grève combative et qui mobilise de larges couches de la classe ouvrière que les patrons pourront être vaincus!

Solidarité avec les travailleurs et travailleuses de Transco!

Ripostons face aux attaques des patrons!