Un an après l’attentat de Québec : la lutte contre l’islamophobie continue!

L’année 2017 au Québec s’est terminée avec les fake news racistes de TVA Nouvelles, qui a inventé de toutes pièces une histoire sur de prétendues demandes déraisonnables par les dirigeants d’une mosquée de Côte-des-Neiges. Selon le faux reportage, ceux-ci auraient demandé à ce qu’il n’y ait aucune femme sur un chantier de construction situé tout […]

  • Julien Arseneau
  • lun. 29 janv. 2018
Partager

L’année 2017 au Québec s’est terminée avec les fake news racistes de TVA Nouvelles, qui a inventé de toutes pièces une histoire sur de prétendues demandes déraisonnables par les dirigeants d’une mosquée de Côte-des-Neiges. Selon le faux reportage, ceux-ci auraient demandé à ce qu’il n’y ait aucune femme sur un chantier de construction situé tout près, ce qui a été par la suite démenti par toutes les personnes impliquées. Cet événement est venu nous rappeler que, un an après l’attentat de la mosquée de Québec du 29 janvier 2017, la lutte contre l’islamophobie est loin d’être terminée.

Plusieurs études récentes montrent qu’on assiste au Québec à une hausse importante des crimes haineux, et que ceux-ci visent de plus en plus la communauté musulmane. Les crimes haineux ont augmenté de 20 % entre 2015 et 2016. À Montréal en 2017, on avait atteint après seulement six mois 125 signalements de crimes haineux, contre 137 pour toute l’année 2016. À Québec, les crimes haineux visant les musulmans ont doublé cette année. Cet été, un crime haineux a même visé le président du Centre culturel islamique de Québec où l’attentat de janvier avait eu lieu, alors que sa voiture a été brûlée.

L’année 2017 aura également été celle où les groupes d’extrême droite québécois comme La Meute, Storm Alliance et Atalante sont sortis de leur trou. Dans la foulée du meurtre fasciste à Charlottesville en août et avec l’arrivée en masse de demandeurs d’asile haïtiens cherchant refuge au pays cet été, ces groupes en ont profité pour sortir au grand jour. La classe ouvrière et la jeunesse doivent être préparées à lutter encore cette année contre les tentatives d’utiliser le racisme et l’islamophobie pour les diviser!

On n’en a pas fini avec l’islamophobie

« Vous pensiez enfin en avoir fini en 2017 avec les controverses sur la burka et le niqab, le menu halal à l’hôpital, l’interdiction du jambon à la cabane à sucre, grâce à la nouvelle loi sur la neutralité religieuse de l’État ? Détrompez-vous », nous dit un article publié le 2 janvier dernier sur le site web du Devoir et de La Presse.

Déjà, la CAQ et le PQ ont rapidement signifié qu’ils s’opposaient à la modeste demande par des dizaines de groupes musulmans de faire du 29 janvier une journée nationale contre l’islamophobie, et les libéraux les ont suivi une semaine plus tard. Également, les libéraux doivent expliquer les « lignes directrices » entourant les accommodements raisonnables pour leur projet de loi 62 d’ici le mois de juin, ce qui sera une autre occasion d’enflammer le « débat » sur les signes religieux. De plus, le PQ a promis une loi plus musclée que celle du PLQ s’il était élu en 2018, tandis que la CAQ a promis d’abroger le projet de loi 62 une fois au pouvoir. Cette question sera probablement encore un « enjeu » lors de la campagne électorale menant aux élections d’octobre 2018.

Il y a fort à parier que les grands partis vont tout faire pour faire rouler ces ridicules « débats » encore et encore, avec la complicité des médias traditionnels. Et pourquoi arrêteraient-ils? Ce sont des distractions très utiles permettant aux libéraux de faire oublier les années d’austérité qu’ils nous ont fait subir, et permettant à la CAQ et au PQ de faire oublier que leur programme économique ne se distingue à peu près pas de celui des libéraux.

Luttons par nos propres moyens!

On doit aussi s’attendre à ce que l’extrême droite continue à montrer son visage hideux. En effet, les groupes d’extrême droite n’ont pas simplement fait leur apparition dans le vide. Depuis dix ans, les « débats » en tout genre à propos des « accommodements raisonnables » et des signes religieux dans la fonction publique, des débats mettant presque systématiquement la minorité musulmane au banc des accusés, sont utilisés abondamment par les grands partis. Cette année n’a pas fait exception, notamment avec le projet de loi 62 des libéraux. Ces distractions ne servent qu’à diviser les travailleurs et travailleuses en entretenant l’idée que l’ennemi est « l’Islam », et alimentent par le fait même les groupes d’extrême droite dans leur rhétorique raciste et islamophobe.

Il n’est donc pas surprenant de constater la place grandissante que tentent d’occuper les groupes d’extrême droite dans ce contexte. Le discours islamophobe normalisé est un terrain fertile pour ceux-ci. Sans pour autant nier le danger qu’ils représentent ni la nécessité de lutter contre eux, il ne faut cependant pas céder à la panique ou exagérer la taille et l’influence de ces groupes. Leurs manifestations ont attiré quelques centaines de personnes tout au plus, et l’année s’est aussi terminée avec la scission du groupe La Meute, deux des trois principaux leaders ayant quitté le navire. Il s’agit d’un symptôme de la faiblesse de ce genre de groupe.

Cela dit, nous ne resterons pas sur les lignes de côté pendant que nos frères et soeurs se font attaquer ouvertement par les groupes d’extrême droite et par les grands partis de manière à peine voilée. Il faut riposter à toutes les tentatives de diviser la classe ouvrière sur des lignes raciales, ethniques, religieuses ou autres. Nous avons répété à plusieurs reprises au cours des derniers mois que la seule façon de vaincre le racisme et les groupes qui en font la promotion est par l’action de masse de la classe ouvrière et des opprimés. Nous en avons eu plusieurs démonstrations cet été à la suite des événements de Charlottesville, où des manifestations de masse ont fait taire l’extrême droite.

En effet, la classe ouvrière ne peut compter que sur ses propres moyens. Une des grandes leçons de 2017, c’est que nous ne pouvons avoir aucune confiance dans les grands partis et les institutions qu’ils défendent pour lutter contre le racisme et l’extrême droite. Nous l’avons vu lorsque les libéraux ont proposé de manière opportuniste une consultation sur le racisme systémique, avant de la laisser tomber de manière tout aussi opportuniste dans l’espoir de gagner des appuis supplémentaires. Nous l’avons vu aussi avec la collaboration ouverte de la police de Québec avec La Meute et Storm Alliance, à la manifestation du 25 novembre dernier. Enfin, nous en avons eu une autre preuve en octobre dernier, lorsqu’il a été dévoilé qu’Alexandre Bissonnette, l’auteur présumé de l’attentat de Québec, ne serait pas accusé de terrorisme. Le système de justice n’est lui non plus pas à l’abri des préjugés racistes de la société capitaliste. Une attaque mettant en scène un tueur étranger ou dont le nom semble étranger est systématiquement étiquetée de terroriste, parfois même avant que les détails de l’affaire ne soient divulgués. Mais lorsqu’un des « nôtres » s’attaque aux musulmans, pas de terrorisme là! Ce deux poids deux mesures suffit pour montrer qu’on ne peut rien attendre des institutions comme le système de justice.

Le sentiment anti-establishment grandit

Ce qu’il faut toutefois comprendre, c’est qu’il y a un autre côté à cette médaille. Si certaines personnes voient dans la démagogie d’extrême droite une solution à leurs problèmes, des millions de travailleurs et de jeunes cherchent une solution à gauche, et cherchent à combattre le racisme intrinsèque au système capitaliste. Pendant que La Meute et ses amis n’attirent que quelques centaines de personnes, des milliers de personnes ont manifesté le 12 novembre dernier à Montréal contre le racisme, malgré le peu de mobilisation par les syndicats. En fait, ce à quoi nous assistons, c’est à une polarisation de la société, à gauche comme à droite, et à un rejet grandissant de l’establishment en entier et à un effondrement du « centre » politique.

Cette polarisation de la société québécoise, que nous voyons également ailleurs dans le monde, est le reflet de la crise profonde dans laquelle se trouve le système capitaliste. Dans tous les pays, les politiciens de l’establishment et les partis traditionnels ont été incapables d’améliorer le niveau de vie des gens depuis la grande crise de 2008. Bien au contraire : les mesures d’austérité se sont abattues sur la classe ouvrière et les jeunes sans que rien ne soit réglé. Conséquemment, la population rejette les partis et les politiciens ayant mis en oeuvre ces mesures, ce qui est bien mérité.

Le rejet de l’establishment est palpable au Québec également : les deux grands partis, les libéraux et le PQ, n’ont jamais été aussi bas dans les sondages que présentement. Selon un récent sondage Léger-L’État du Québec-L’actualité, 69 % des Québécois affirment que « le Québec va mal et qu’il faut faire des changements importants ». Aussi, un énorme 78 % des Québécois affirment que « les choses sont pareilles ou pires qu’il y a 10 ans »!

C’est pourquoi de plus en plus de gens rejettent le fameux soi-disant « centre » politique, au profit de solutions plus à gauche et plus à droite. Pour demeurer dans la course, les partis comme le PQ et le PLQ n’ont d’autre choix que de tenter de canaliser la colère des masses d’une manière ou d’une autre, et le moyen qu’ils ont trouvé est de la rediriger vers la minorité d’immigrants et de musulmans.

Le socialisme vaincra le racisme

Tandis que les grands partis tentent d’orienter la colère grandissante des travailleurs et des jeunes du Québec vers une minorité de la population à des fins électoralistes et de division des travailleurs, le mouvement ouvrier doit se poser sérieusement une question, à savoir quelle solution de rechange proposer à ces distractions de l’establishment. Résister par l’action de masse à l’extrême droite et aux tentatives de nous diviser est un pas en avant, mais cela ne peut être qu’un premier pas. Une majorité de Québécois critique le statu quo et veut du changement. Mais de quel type de changement a-t-on besoin?

La droite et l’extrême droite comprennent qu’il y a une crise et font porter le blâme de manière démagogique sur les groupes minoritaires. Ils ne pourront pas être vaincus par des politiques modérées, c’est-à-dire en proposant de maintenir le statu quo. Nous devons répliquer en faisant porter le blâme sur les vrais responsables de la misère des gens, soit les capitalistes. Ultimement, tant que le capitalisme existera, la nécessité de diviser les travailleurs par le racisme et la création de boucs émissaires existera également. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un programme qui rompt radicalement avec le capitalisme et les politiques racistes qui l’accompagnent, c’est-à-dire d’un programme socialiste.

Tout autour du monde, les idées du socialisme sont de retour. Il n’y a aucune raison de penser que le Québec est à l’abri de la radicalisation à gauche que l’on voit grandir partout. Selon le magazine l’Actualité qui a publié le sondage mentionné précédemment, « [l]a marmite politique bout. […] L’insatisfaction gronde autant chez les hommes que chez les femmes, dans toutes les régions du Québec et tous les groupes d’âge. » La tâche qui nous incombe est de canaliser cette colère, et de l’orienter vers une solution socialiste!