Au début du mois de mars dernier, sept migrants détenus au Centre de surveillance de l’immigration (CSI) de Laval ont mené une grève de la faim. Dans leur déclaration, les grévistes ont expliqué qu’ils protestent contre le grave manque de mesures sanitaires pour les protéger de la COVID-19 et contre le traitement inhumain qu’ils subissent en temps de pandémie. Cette affaire lève le voile sur la nature tout à fait cruelle des politiques migratoires du Canada.
Mesures sanitaires inadéquates
Depuis le 15 février dernier, quatre détenus du CSI ont reçu un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19. Cette prison pour migrants est un terrain propice à la propagation du virus : les espaces sont étroits, la ventilation est défaillante et les consignes sanitaires ne sont pas respectées, comme l’a déclaré le détenu Marlon, qui avait été le premier à entamer une grève de la faim dès le 15 février.
En réaction à l’éclosion, la direction du CSI a placé les détenus en isolement forcé, sans leur offrir aucune aide psychologique, ni de soins adéquats. Mettre en isolement ces personnes sans qu’elles n’aient aucun contrôle sur les conditions de leur quarantaine est cruel. En plus, cette mesure ne protège aucunement la santé des prisonniers. Marlon affirme : « La ventilation n’est pas adaptée, l’hygiène est inadéquate dans les salles, qui sont mal entretenues, et puisque nous sommes en isolement nous ne pouvons même pas laver nos vêtements. » En fait, lorsque des détenus se plaignaient de douleurs s’apparentant à la COVID-19, on leur donnait simplement de l’acétaminophène.
L’isolement et les grèves de la faim sont depuis terminés, mais les détenus craignent toujours pour leur santé. L’organisme de défense des droits des personnes migrantes Solidarité sans frontières (SSF) appelle à la libération immédiate des détenus et à des actions de solidarité. Une manifestation s’est aussi récemment tenue devant la prison pour demander la fin de toute forme de détention des migrants.
Problèmes récurrents
Ce n’est pas la première fois qu’il y a une grève de la faim à la prison de Laval. Au printemps 2020, 10 détenus avaient mené une grève de la faim de huit jours pour protester contre le manque de mesures sanitaires. La direction avait cédé et libéré deux grévistes. SSF affirme qu’il y a eu, au total, quatre grèves de la faim en un an à la prison.
Et même avant la pandémie, l’incarcération des personnes migrantes était déjà une pratique abjecte, tout à fait inhumaine. Le CSI n’est ni plus ni moins qu’une prison pour personnes migrantes au statut irrégulier et les détenus y sont traités comme des criminels : des gardes de sécurité surveillent leur moindre faits et gestes, on leur met des menottes aux pieds lorsqu’ils sortent à l’extérieur, et ils peinent à voir leur famille. En 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui gère le centre de Laval, s’était engagée à « moderniser » le centre de détention. L’agence voulait éviter de « faire ressembler le centre à une institution correctionnelle ». Mais aux dernières nouvelles, il était toujours entouré de barbelés.
Au pays, au moins 20% des migrants détenus au pays sont carrément envoyés dans des prisons provinciales. Et pourtant, la plupart des personnes détenues le sont simplement parce qu’elles n’ont pas les papiers nécessaires au traitement de leur dossier. Elles n’ont absolument rien de dangereux! Toutes les personnes détenues pour des raisons d’immigration doivent être libérées immédiatement!
Politiques migratoires : le « gentil » Canada
Dans les dernières années, les politiques migratoires cruelles des États-Unis ont soulevé la colère de toute personne ayant un minimum de compassion. Les images révoltantes d’enfants séparés de leurs parents et enfermés dans des cages pour le crime d’avoir fui la violence et la misère ont fait le tour du monde. Si certains ont naïvement cru que Joe « Nothing will fundamentally change » Biden allait régler la situation, l’État américain détient encore actuellement 8100 mineurs non accompagnés. Mais l’horreur chez nos voisins du sud ne devrait pas nous donner l’impression que la situation est beaucoup mieux au Canada.
Au « plus meilleur pays du monde », les services frontaliers emprisonnent aussi des enfants. Comme le révèle un document de relations publiques de l’ASFC : « En 2018-2019, 118 mineurs ont été détenus ou hébergés avec leurs parents ou tuteurs. De ces mineurs, 61% accompagnaient un parent ou un tuteur détenu pour motif d’identité. D’avril à décembre 2019, un mineur non accompagné a été détenu. » Cela continue aujourd’hui, comme le prouve l’existence d’une aile réservée aux familles et mineurs non-accompagnés à la prison de Laval. Pourtant, l’agence s’était engagée en 2017 à éventuellement cesser cette pratique.
Cette année, l’ASFC a aussi réussi l’accomplissement d’avoir déporté encore plus de migrants que les années dernières, et ce malgré le risque que les gens déportés contractent la COVID-19.
Face aux critiques, l’ASFC n’a rien de mieux à dire que de répéter des messages préfabriqués par ses spécialistes en relations publiques. En novembre dernier et à deux reprises en mars, l’agence a fait exactement la même déclaration, mot pour mot, aux journalistes. Elle affirme notamment que « la détention des immigrants a toujours été une mesure de dernier recours, utilisée uniquement dans des circonstances limitées, et seulement après que des alternatives à la détention aient été considérées en premier lieu ». Clairement, il s’agit d’un mensonge, puisque la pandémie a soudainement poussé l’agence à chercher des alternatives pour libérer plus de gens qu’auparavant. Pourquoi n’ont-ils pas été libérés plus tôt? Et pour ceux qui sont toujours détenus, il serait tout à fait possible pour ces gens d’attendre les délais de traitement de leur dossier à domicile, comme c’est le cas de ceux qui ont été libérés suite aux grèves de la faim. Mais l’État canadien préfère la répression.
Pour certains, il est dur de croire que le gouvernement canadien est coupable de ce genre d’actes dans le cadre de ses politiques d’immigration régulières. C’est très mal connaître le Canada. Ses politiques migratoires ne sont que le reflet à la maison de ses politiques à l’étranger.
Le rôle de l’impérialisme canadien
Comme nous l’avons expliqué dans d’autres articles, le Canada lui-même a une part de responsabilité dans les situations de pauvreté et de violence qui poussent tant de migrants à vouloir quitter leur pays de naissance pour s’installer ici.
Voilà une situation qui est balayée sous le tapis médiatique. En effet, les médias présentent fréquemment le rôle du Canada à l’étranger comme étant altruiste et désintéressé, par exemple à travers des programmes d’aide humanitaire et des missions de paix. En réalité, ce récit cache les actes véritables de l’impérialisme canadien et de ses alliés.
Pensons notamment aux réfugiés et immigrants haïtiens, qui sont nombreux au pays : le Canada a une grosse part de responsabilité dans la situation terrible dans laquelle se trouve Haïti. Ottawa a joué un rôle dirigeant dans le coup d’État de 2004 et soutient actuellement le président Jovenel Moïse, qui crée un régime de terreur en s’appuyant sur des gangs armés.
En Afrique, comme l’a révélé le livre Noir Canada, les minières canadiennes sont coupables de massacres et de l’exploitation la plus abjecte, ayant notamment enterré vivants des mineurs résistants en Tanzanie et profité directement des guerres civiles meurtrières qui mettent le Congo à feu et à sang depuis des décennies. En Amérique latine aussi, les actions meurtrières des minières canadiennes lèvent le cœur.
Ces grandes entreprises canadiennes sont toutes directement soutenues par Ottawa à travers ses politiques juridiques, commerciales et militaires. En fait, toute cette barbarie qu’elles répandent sert essentiellement à leur assurer le plus gros magot possible. Et comme si ce n’était pas assez, après que l’impérialisme canadien ait semé la misère et la terreur à l’étranger, quand les populations forcées de fuir se réfugient ici, il les emprisonne dans des centres comme à Laval.
À bas les contrôles migratoires!
Ce qui se passe à la prison de Laval est un véritable scandale. Des gens venus au Canada à la recherche d’un avenir meilleur sont enfermés et exposés à un virus dangereux. Le fait qu’ils aient décidé de mener une grève de la faim montre à quel point ils sont sans recours.
Absolument rien ne justifie l’enfermement des migrants. Nous exigeons leur libération immédiate et la fermeture des prisons pour migrants, et en appelons au mouvement syndical québécois à faire de même. Cela dit, il ne suffit pas de demander des politiques migratoires plus humaines. Comme nous l’avons déjà souligné, les politiques migratoires répressives représentent la face intérieure des politiques impérialistes à l’étranger.
Les capitalistes des pays riches comme le Canada exploitent à outrance les ressources et la main d’œuvre des pays pauvres du « tiers monde ». Lorsque cette main-d’œuvre tente de se révolter contre son exploitation, le Canada achète les politiciens et militaires locaux pour qu’ils répriment violemment la contestation. Par conséquent, le Canada ne peut donc pas permettre à la main-d’œuvre des pays sous sa domination d’aller et venir à son gré, puisqu’elle fuierait massivement les conditions de misère que lui imposent les impérialistes. Voilà pourquoi, de manière générale, les pays impérialistes imposent toutes sortes d’obstacles aux immigrants.
Cela signifie que la question de l’immigration et des frontières est une question de classe. Il n’y a de contrôles migratoires que pour les travailleurs et les pauvres. Les riches et les capitaux, eux, ne connaissent pas de frontière.
La droite affirme souvent que « On ne pourrait pas accueillir tout le monde quand même! », qu’il faut prendre soin des « nôtres » avant d’accueillir des « étrangers ». En réalité, il ne manque pas de ressources pour accueillir les immigrants, ni pour que les travailleurs de tous les pays du globe aient des conditions de vie décentes. Nos sociétés sont riches. Seulement, ces richesses se trouvent entre les mains des capitalistes – les impérialistes qui asservissent le tiers monde et exploitent les travailleurs ici aussi. Pour mettre fin à notre propre exploitation, comme aux politiques migratoires horribles, ces capitalistes doivent être renversés.