Le 17 juin, Alain Therrien, leader parlementaire du Bloc québécois, a bloqué l’adoption unanime d’une motion du NPD présentée par son chef Jagmeet Singh visant à reconnaître le racisme systémique au sein de la GRC.

Ainsi, le Bloc, ce grand défenseur du Québec à Ottawa, va jusqu’à défendre la GRC, le bras armé de l’État fédéral canadian. Et ceci alors même que la commissaire de la GRC a admis l’existence du racisme systémique dans ses forces! Cela ne s’invente pas. 

Le bloquiste aurait ensuite fait un geste méprisant à l’endroit de Singh, ce qui l’a rendu furieux et l’a fait traiter Therrien de raciste.

Mais les nationalistes québécois sont furieux à leur tour. Le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, va jusqu’à dire qu’il veut éviter un « lynchage ». « La société québécoise se retrouve ainsi dans le camp des racistes », dit l’irremplaçable Denise Bombardier dans le Journal de Montréal. « Une attaque contre tout le Québec », dit Frédéric Bastien, candidat à la chefferie du Parti québécois, qui a d’ailleurs tenté de partir un mouvement de solidarité « Je suis Alain Therrien ». Oui oui, il associe le fait de traiter Therrien de racisme au terrorisme.

Le tour est joué! La victime est donc Therrien. Et tout le Québec aussi, à part de ça. 

Depuis des semaines, les nationalistes purs et durs sont malaisés. L’inspirant mouvement de masse contre le racisme aux États-Unis s’est étendu au Québec, et est vu comme une attaque. Comment les Québécois, victimes de l’oppression anglo-chauvine depuis des siècles, pourraient-ils être racistes? 

Ce sont les chroniqueurs du Journal de Montréal qui mènent la riposte : il faut « tenir tête à ceux qui crachent sur le Québec », selon Mathieu Bock-Côté. Le premier ministre François Legault nous dit qu’il n’y a pas de racisme systémique au Québec.

Oublions le fait que les Noirs gagnent 30% moins que le reste à Montréal. Oublions que le taux de chômage des Autochtones et des Noirs est près du double de celui du reste. Oublions l’incessant profilage racial par le SPVM. Il ne faudrait quand même pas faire « le procès des Québécois »!

Le nationalisme est amené jusqu’à sa conclusion logique : en prenant position pour une nation, on en vient inévitablement à voir tout comme une attaque contre « sa » nation, à opprimer d’autres groupes et à se rendre ridiculement loin pour le justifier. Les agissements du Bloc ne font que pousser cette logique jusqu’à l’absurde.

Hypocrisie

L’argument du Bloc pour bloquer la motion est qu’un comité fédéral doit se pencher sur la question du racisme dans les forces de police et qu’on ne devrait pas anticiper sur ses résultats. Le Bloc est soudainement le fervent défenseur des procédures parlementaires fédérales! Mais cette réponse digne d’un avocat apparaît dans toute son hypocrisie dans le fait que le chef, Yves-François Blanchet, a refusé de répondre à une question bien simple d’une journaliste qui lui demandait s’il accepterait les conclusions du comité, si celui-ci reconnaît l’existence du racisme systémique au sein de la GRC!

Pourquoi le Bloc et les nationalistes de droite sont-ils si inconfortables avec le concept de racisme systémique?

Parce qu’ils se voient forcés de se regarder dans le miroir.

Le Bloc lui-même suscite le racisme à des fins politiques depuis plusieurs années, comme en témoigne leur publicité ci-bas. Quel autre qualificatif que « raciste » utiliser pour décrire cette image? « Xénophobe » fait l’affaire, aussi.

Alain Therrien lui-même, d’ailleurs, avait notamment refusé de reconnaître l’existence de l’islamophobie au lendemain de la tuerie de la mosquée de Québec en 2017, alors qu’il était député péquiste.

Le racisme n’est bien sûr pas propre au Bloc. Les conservateurs de Harper ont eux-aussi mené une croisade contre le niqab en 2015, et les libéraux de « blackface » Trudeau envoient sans hésiter la GRC aux trousses des Autochtones. Quiconque laisse entendre que les Québécois ou les francophones en particulier sont plus racistes que les autres ne fait que démontrer son anglo-chauvinisme.

Mais nous devons dénoncer sans hésiter les « nationaleux » qui osent utiliser l’oppression historique des Québécois pour justifier d’attaquer les minorités et nier le racisme systémique envers elles. Lorsque les travailleurs francophones de Montréal gagnaient 50% du salaire des anglophones dans les années 60, c’était du racisme systémique. Quand les travailleurs noirs gagnent 70% de la moyenne aujourd’hui, c’est aussi du racisme systémique.

Comment combattre le racisme

Comment contrer ce poison? Les marxistes défendent une position négative sur la question nationale. Nous sommes contre l’oppression nationale (et l’oppression en général), et non pour une nation ou une autre. C’est avec cette approche qu’on peut unir les travailleurs de tous origines dans une lutte commune contre toutes les formes d’oppression.

Le nationalisme, quant à lui, est très souvent une pente glissante qui mène à des positions réactionnaires comme être contre d’autres nations ou minorités. C’est ce qu’on voit au Québec.

Depuis des années, le PQ et la CAQ tentent de faire des signes religieux un « problème » à régler, agitent l’épouvantail du niqab, parlent de réduire l’immigration. Même les libéraux ont joué ce jeu en mettant de l’avant le PL62 en 2017 (qui interdisait le visage couvert pour les services publics), tout en niant le racisme systémique. La CAQ a couronné le tout avec la loi 21. Chaque fois, la minorité musulmane, en particulier, en souffre par des insultes et du harcèlement. 

Malcolm X disait : « Le racisme est profitable. S’il n’était pas profitable, il n’existerait pas. » Les attaques racistes ont constitué une diversion de choix des partis capitalistes pour détourner l’attention des travailleurs de mesures d’austérité et pour monter une partie des travailleurs contre une autre. Les partis des patrons ont besoin de ces divisions pour régner. Et le système capitaliste s’appuie sur tout ce qui peut diviser les travailleurs.

La classe ouvrière québécoise, elle, n’a aucun intérêt à nier le racisme systémique. Elle a tout intérêt à s’engager à le combattre sous toutes ses formes. Aucun travailleur ne bénéficie de lois discriminatoires comme la loi 21. Aucun travailleur ne bénéficie que les Noirs ou les Autochtones soient moins bien payés – cela ne fait qu’exercer une pression à la baisse sur les salaires de tous. 

Et non, nous ne voulons pas faire le « procès des Québécois ». Il est plutôt temps de faire le procès du capitalisme, et de ceux qui le défendent.