Le congrès 2019 de La Riposte socialiste discute de la lutte autochtone : révolution, et non réconciliation!

Plus de 160 révolutionnaires se sont réunis à Toronto les 18, 19 et 20 mai derniers pour le 19e Congrès de La Riposte socialiste/Fightback, la section de la Tendance marxiste internationale au Canada et au Québec. Des participants sont venus de Toronto, Montréal, Edmonton, Victoria, Waterloo, Hamilton, Ottawa et Oshawa, en plus des invités internationaux […]

  • jeu. 23 mai 2019
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Plus de 160 révolutionnaires se sont réunis à Toronto les 18, 19 et 20 mai derniers pour le 19e Congrès de La Riposte socialiste/Fightback, la section de la Tendance marxiste internationale au Canada et au Québec. Des participants sont venus de Toronto, Montréal, Edmonton, Victoria, Waterloo, Hamilton, Ottawa et Oshawa, en plus des invités internationaux venus du Royaume-Uni, de la Suède et des États-Unis. L’enthousiasme était palpable tout au long de cette fin de semaine qui était l’occasion de souligner les avancées impressionnantes du mouvement marxiste au Canada et au Québec. En ce centenaire de la fondation de la Troisième Internationale communiste, les forces du marxisme avancent et remettent à l’ordre du jour le socialisme révolutionnaire.

En plus d’une participation accrue par rapport à l’an dernier, tout le monde a pu constater la grande qualité des discussions politiques. De nouvelles aires de travail se sont développées, notamment en Alberta, où nous préparons notre première École marxiste d’Edmonton à la fin juin. Des clubs de La Riposte socialiste étudiante se forment sur un nombre grandissant de campus. Plus encore, La Riposte syndicale a fait de sérieuses percées chez la classe ouvrière, ce qui contredit ceux qui affirment que le marxisme n’intéresse que les étudiants.

La première séance, présentée par Fred Weston, membre de la rédaction de In Defence of Marxism, portait sur la situation politique et économique mondiale. Il a souligné le pessimisme de la classe dirigeante exprimé notamment par les dirigeants du FMI et les principaux économistes bourgeois, qui ne cessent de sonner l’alarme à propos de l’arrivée d’une crise économique plus profonde et prolongée que celle de 2008. Weston a expliqué que les niveaux d’endettement historiques et la montée du protectionnisme sont les conséquences logiques d’un marché mondial qui se contracte. Avec les pays européens qui entrent l’un après l’autre dans une crise sociale et économique et la montée de l’indignation des travailleurs aux États-Unis, il n’est plus possible de compter sur les piliers traditionnels du capitalisme occidental pour sauver le système. La Chine ne pourra plus amortir la crise comme elle l’avait fait, étant donné qu’elle connaît elle-même un ralentissement de sa croissance et une montée de sa dette. Tous les moyens traditionnellement utilisés pour relancer le système ont été épuisés, de l’assouplissement quantitatif au financement par le déficit.

Weston a expliqué comment la polarisation sociale s’est propagée notamment en France, en Espagne, au Brésil, en Afrique du Sud, aux États-Unis et même au « vieux et paisible Royaume-Uni », avec la montée en popularité rapide d’organisations de masses de plus en plus polarisées à droite et à gauche. Il a souligné que beaucoup des partis traditionnels de l’establishment, y compris les partis sociaux-démocrates, ont perdu leur poids politique alors que leurs dirigeants cherchent désespérément à s’accrocher à un « centre » politique qui n’existe plus. Il s’agit de l’expression de la haine croissante de milliards de personnes envers le statu quo. Les révolutions récentes au Soudan et en Algérie, auxquelles ont participé des millions de personnes, nous donnent espoir en l’avenir, tout comme le virage à gauche massif dans le Labour Party sous la direction de Jeremy Corbyn, au Royaume-Uni.

La deuxième séance portait sur les perspectives politiques au Canada. Alex Grant, membre de la rédaction de Fightback, a lancé la discussion en expliquant qu’avec des prix du pétrole à un niveau historiquement bas, un ratio d’endettement des ménages autour de 170% du revenu et une bulle immobilière en croissance, les contradictions de l’économie canadienne s’approfondissent. Bien que le Canada ait été moins affecté que les autres après l’effondrement de 2008, les assises économiques fragiles du pays le rendent plus vulnérable à la récession mondiale qui vient.

Le processus international de polarisation a frappé le Canada avec les victoires électorales de figures populistes de droite comme François Legault au Québec, Doug Ford en Ontario et Jason Kenney en Alberta. Mais ces réactionnaires ont une très faible base et déclenchent déjà un retour de flamme à gauche. Doug Ford, notamment, n’a aucun mandat pour ses mesures d’austérité et celles-ci ont entraîné des manifestations et une opposition de masse. Certaines personnes à gauche disaient que l’appel de Fightback à « faire la grève pour renverser Ford » était irréaliste, mais nous voyons maintenant des milliers de gens appeler à une grève générale en Ontario. Cela montre la supériorité des perspectives marxistes, qui s’appuient sur la confiance dans le potentiel de la classe ouvrière à lutter.

Malheureusement, la direction syndicale fait tout en son pouvoir pour freiner cette lutte. Par exemple, la direction d’Unifor a mis un terme à la lutte pour sauver GM Oshawa en échange d’un maigre 300 emplois sauvés. Sur le front politique, le NPD fédéral de Jagmeet Singh ne cesse de décevoir, étant incapable de choisir son camp dans des conflits importants comme celui autour de l’oléoduc LNG en Colombie-Britannique, ce qui a fait qu’il s’est aliéné les gens des deux camps. La colère grandit dans la société et cherche à s’exprimer. Le rôle des marxistes est d’intervenir dans les mouvements des travailleurs, des jeunes et des opprimés, et de montrer la voie vers la révolution socialiste.

Le dimanche matin, une discussion importante a eu lieu au sujet de la lutte des Autochtones au Canada. La présentation a été donnée par Rob Lyon, militant de La Riposte socialiste/Fightback. Il a commencé en expliquant l’origine des peuples autochtones en Amérique du Nord, qui y sont présents depuis plus de 18 000 ans. Lyon a esquissé les cultures, les formes d’organisation économiques et les modes de vie riches développés par les peuples autochtones avant que leur développement soit brusquement interrompu par l’interférence brutale et génocidaire des colonisateurs européens. Le traitement brutal des peuples autochtones a continué sous l’État canadien capitaliste, prenant de nouvelles formes sans jamais disparaître.

Les conditions de vie horribles des peuples autochtones aujourd’hui sont exprimées par les statistiques épouvantables sur le taux de suicide, le taux d’incarcération et la brutalité policière, qui atteignent tous des niveaux alarmants chez les Autochtones. Les discours de Trudeau sur la « réconciliation » entre les peuples autochtones et l’État canadien se sont révélés n’être qu’une mascarade. Malgré ses gestes symboliques, Trudeau a récemment envoyé la GRC aux trousses des Autochtones qui défendaient leurs terres dans le nord de la Colombie-Britannique, au nom des intérêts des grandes entreprises gazières. La réponse du NPD a été faible. Lorsqu’il s’est fait demandé ce qu’il pensait de la répression de la GRC contre la nation Wet’suwet’en, Jagmeet Singh a été incapable d’offrir une réponse claire.

L’oppression cruelle des peuples autochtones est l’un des traits caractéristiques du capitalisme canadien. Cette question est donc d’une grande importance pour les marxistes au Canada. Il est absurde de proposer, comme le fait Trudeau, une quelconque « réconciliation » entre les peuples autochtones et l’État capitaliste qui les réprime depuis des siècles. Pour beaucoup de gens dans les milieux universitaires de gauche, la solution est la « décolonisation », non pas entendue comme le renversement de l’État, mais au sens de « décoloniser » notre langage et nos comportements et de poser des gestes symboliques. De nombreux militants, y compris des camarades autochtones de La Riposte socialiste/Fightback, ont parlé de ces « solutions » en indiquant les similitudes avec l’approche de Trudeau, en plus de la déconnexion entre la gauche universitaire et les revendications concrètes des communautés autochtones.

En tant que marxistes, nous luttons pour le droit des Autochtones de décider de leur destinée, y compris le droit de décider d’où vivre et de comment se gouverner eux-mêmes. Nous luttons aussi pour un programme économique qui puisse fournir aux collectivités autochtones de l’eau potable, de bons emplois et une protection adéquate de leurs terres. Toutefois, cela ne peut être accompli que par le renversement de l’État canadien, grâce à une alliance entre Autochtones et travailleurs non autochtones. Tout en reconnaissant que les Autochtones vivent une oppression beaucoup plus lourde que les autres groupes au Canada, les marxistes s’opposent à cette idée, rencontrée souvent dans le milieu universitaire, qui veut que les travailleurs non autochtones profitent d’une quelconque façon de cette oppression. Les Autochtones et les travailleurs non autochtones ont le même ennemi, l’État capitaliste, et ce n’est que par un mouvement révolutionnaire unifié que cet ennemi puissant pourra être renversé.

Une ébauche du document sur la lutte contre l’oppression des Autochtones a été approuvée. C’est une étape dans la production d’un livret ou un petit livre sur la question, en collaboration avec des révolutionnaires autochtones. En partant de ce point de départ historique, la mobilisation d’un nombre grandissant de militants autochtones au sein de La Riposte socialiste/Fightback nous aidera d’autant plus à peaufiner notre approche. Nous espérons publier cet ouvrage vers la fin de 2019, si ce n’est pas plus tôt, et nous pensons qu’il s’agira d’une contribution importante au bagage théorique marxiste.

Le dimanche après-midi, Joel Bergman, du comité de rédaction de La Riposte socialiste/Fightback, a donné une présentation sur le thème de la construction d’une organisation révolutionnaire. Avec des luttes ouvrières qui éclatent à travers le pays, comme celle à l’usine de GM à Oshawa et celle des postiers l’an dernier, le contrat social d’après-guerre est sur son lit de mort. Il devient de plus en plus clair qu’il faut s’organiser pour une grève générale contre les dirigeants conservateurs comme Doug Ford et Jason Kenney. Alors que les dirigeants syndicaux ne font présentement rien pour mener sérieusement la lutte, des méthodes combatives et révolutionnaires deviennent de plus en plus nécessaires. Joel a présenté le rôle crucial que Fightback a joué dans la lutte contre la loi anti-manifestation de Doug Ford ainsi que le rôle des étudiants révolutionnaires dans le déclenchement des débrayages sur les campus contre les coupes en éducation. Les militants étudiants et travailleurs de La Riposte socialiste/Fightback ont participé aux piquetages à l’usine de GM à Oshawa et lors de la grève du STTP en novembre dernier, en aidant lors des blocages et autres actions. Les travailleurs de GM à Oshawa ont récemment voté pour une résolution proposée par les activistes de Fightback pour la nationalisation de GM sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ceci montre que les méthodes marxistes deviennent plus populaires et concrètes pour de nombreux travailleurs qui font face à l’austérité. Cela donne tort aux sceptiques dans le mouvement ouvrier qui ont perdu espoir dans la classe ouvrière.

Le lundi matin, la militante de Fightback Marissa Olanick a donné une présentation sur les finances et la presse révolutionnaires. Elle a parlé de l’importance de l’autonomie financière pour maintenir une indépendance politique face aux organisations réformistes et aux partis socio-démocrates. Elle a souligné les avancées importantes récemment accomplies par La Riposte socialiste/Fightback, qui a embauché de nouveaux organisateurs, a loué un bureau à Montréal et a fait passer son journal La Riposte socialiste à un mensuel. Tout cela au cours de la dernière année!

Les capitalistes envisagent les finances selon la perspective du profit, alors que les marxistes ont une approche politique des finances, c’est-à-dire selon l’objectif de renverser le capitalisme. Les travailleurs et la jeunesse sont prêts à contribuer et à faire des sacrifices pour toute lutte qui en vaut la peine. Ceux qui ne sont pas prêts à s’engager dans la tâche difficile de financer l’organisation révolutionnaire ne seront jamais capables de renverser les patrons et leur État.

Des soirées socialistes bien réussies ont eu lieu les samedi et dimanche soirs. La collecte de fonds organisée le samedi soir a permis de dépasser les cibles financières fixées et de récolter 50% de fonds de plus qu’en 2018. Nos militants ont ainsi démontré leur détermination à faire le nécessaire pour construire l’organisation révolutionnaire dont la classe ouvrière a besoin pour renverser le capitalisme. Un tel optimisme et une telle détermination ne peuvent être créés artificiellement. Ils proviennent d’une compréhension politique du besoin de construire une nouvelle société.

Le dimanche soir, un spectacle amateur a été organisé et de nombreux camarades ont diverti la foule avec des chants et de la poésie révolutionnaires ainsi que des sketchs humoristiques. Des chants en français, en anglais, en espagnol, en persan et en d’autres langues ont permis de voir la diversité des origines des camarades. Tous se sont bien amusés, en partageant leurs expériences et les leçons acquises dans les différents domaines de la lutte.

Lors de la dernière séance du congrès, les camarades ont eu droit à un rapport des activités de la Tendance marxiste internationale, laquelle est présente à travers 41 pays dans le monde. La présentation a été donnée par Fred Weston, qui voyage constamment à travers le monde pour soutenir nos organisations soeurs. Il nous a parlé des activités des marxistes sur le globe, du Pakistan à l’Afrique du Sud en passant par le Brésil, la France, l’Australie ou encore les États-Unis. La présentation nous a permis de voir le lien étroit entre nos luttes au Canada et la lutte pour renverser le capitalisme à travers le monde.

Les camarades ont marqué la fin du congrès avec le chant de L’Internationale entonnée en commun par les camarades francophones et anglophones, suivi de Bandiera Rossa, le chant révolutionnaire italien. Les participants sont sortis du congrès avec une énergie renouvelée et une confiance dans les possibilités qui s’ouvrent pour le mouvement marxiste en 2019 et au-delà. À une époque où la gauche au Canada et dans le monde est confuse et en déclin, la TMI grandit et franchit de nouvelles étapes historiques. En plus d’être l’organisation révolutionnaire la plus grande et la mieux organisée au pays, nous faisons aussi des avancées en posant les bases théoriques d’une meilleure compréhension de l’oppression des peuples autochtones et de la lutte au sein du mouvement ouvrier.

Comme le défunt marxiste Ted Grant avait l’habitude de dire : les révolutionnaires doivent avoir un sens des proportions et un sens de l’humour. Nous comprenons que le mouvement est encore dans ses balbutiements et que nos forces sont encore limitées. La lutte de classe commence à resurgir au Canada. Une récession mondiale est imminente, ce qui exacerbera encore plus les contradictions de l’économie canadienne. Mais nous avons construit une organisation jeune, forte et énergique avec les idées les plus efficaces pour mettre fin à l’oppression et émanciper l’humanité, c’est-à-dire les idées marxistes. La tâche de tous ceux qui ont participé au congrès est d’apporter les idées, les méthodes et les traditions du marxisme sur les piquets de grève, les mouvements de protestation et les campus. Notre but dans les années à venir est de faire du marxisme révolutionnaire le point de référence déterminant dans chaque lutte de masse de la classe ouvrière et de la jeunesse au Canada. Ce congrès montre le chemin à suivre pour y parvenir.