Le dimanche 6 juin, Nathaniel Veltman a délibérément sauté le trottoir et a foncé avec son véhicule sur une famille musulmane de cinq personnes à London, en Ontario. Tragiquement, quatre membres de la famille sont morts tandis que le fils de 9 ans est toujours à l’hôpital. Il s’agit du pire cas de violence raciste au Canada depuis la fusillade à la mosquée de Québec en 2017. Un tel acte barbare a choqué les gens à travers le pays et a déclenché des appels à mettre fin à la haine raciale. Cependant, pour ce faire, nous devons comprendre les racines du racisme et ses liens organiques avec le capitalisme.

Montée de la haine et de la violence

Cet événement n’est que le dernier d’un nombre croissant d’attaques et de violences racistes à l’encontre des musulmans. En septembre dernier, Mohamed-Aslim Zafis, 58 ans, soignant volontaire, a été poignardé à mort devant une mosquée de Rexdale, à Toronto. Son meurtrier a également assassiné un sans-abri, Rampreet « Peter » Singh, sous un pont non loin de là. De multiples cas d’agressions contre des femmes musulmanes ont été recensés, notamment une attaque contre deux femmes portant un hidjab à Edmonton à l’hiver dernier. En 2017, le tireur de la mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, a tué six personnes et en a blessé huit, proclamant que les réfugiés allaient « tuer ma famille ». Depuis, des dizaines de mosquées à travers le Canada ont reçu des menaces et ont été la cible d’attaques. 

Ce n’est d’ailleurs pas le premier crime islamophobe violent à London. En 2016, il y a eu l’agression physique brutale d’un étudiant iranien à la Western University, laissant l’étudiant avec une commotion cérébrale. À l’époque, le maire de London a déclaré que l’attaque était un « signal d’alarme » et pourtant, la violence contre les musulmans n’a fait que s’intensifier depuis. Il est clair que des mesures urgentes doivent être prises, mais la question demeure : sur qui la communauté musulmane peut-elle compter pour obtenir justice et sécurité?

Hypocrisie des libéraux et conservateurs

À la suite de l’attaque, les dirigeants de tous les partis politiques ont exprimé leur choc. Le premier ministre Justin Trudeau a qualifié cet acte de « maléfique » et a déclaré : « L’islamophobie est réelle. Le racisme est réel. Vous ne devriez pas avoir à faire face à la haine dans vos communautés, dans votre pays. Nous pouvons agir et nous le ferons. Nous pouvons et nous allons choisir une meilleure voie ». De même, le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a déclaré que l’attaque était « ignoble et que la haine extrême doit être condamnée. » Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, s’est joint au chœur en déclarant que « ce type de racisme et de terrorisme ne peut être et ne sera pas toléré. »

Aussi émouvantes que puissent être leurs paroles en ce moment, les actions des conservateurs et des libéraux parlent d’elles-mêmes. Il y a deux semaines à peine, en réponse à un rassemblement massif et pacifique en solidarité avec la Palestine, Doug Ford a répété les mensonges d’un groupe haineux islamophobe selon lesquels les participants au rassemblement incitaient à la violence contre la communauté juive. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité, car le Mouvement de la jeunesse palestinienne qui a organisé le rassemblement a explicitement déclaré ne pas tolérer l’antisémitisme et a adressé sa condamnation à l’État sioniste israélien. Cela n’a pas empêché les médias de déformer l’histoire et, avec le soutien de politiciens comme Ford, le Toronto Sun s’est senti assez confiant pour publier un article en première page sur le rassemblement affirmant qu’il « aidait les causes terroristes ». L’été dernier, lors de la vague croissante de manifestations après le meurtre de George Floyd, la réponse de Ford a été de dire que le Canada n’avait pas de problème de racisme. Même après avoir été forcé de faire marche arrière et d’admettre que « bien sûr, il y a un racisme systémique en Ontario », il a rejeté les appels à réduire le budget de la police et a continué à augmenter son budget pendant la pandémie.

Le Parti libéral n’est pas moins coupable d’hypocrisie. Ces deux partis ont voté ensemble pour l’adoption du projet de loi C-51 qui a élargi les pouvoirs de la police et des agences de renseignement canadiennes sous le couvert de la « lutte contre le terrorisme ». Le véritable objectif du SCRS a été de harceler les musulmans et les militants écologistes. Ce sont les libéraux qui ont lancé l’invasion de l’Afghanistan et collaboré avec George W. Bush pour mener la « guerre contre le terrorisme » qui a déclenché une campagne massive d’hystérie raciste contre les musulmans. Comment les libéraux peuvent-ils être les défenseurs des musulmans chez eux alors qu’ils financent des guerres d’occupation sanglantes au Moyen-Orient ?  

Non seulement ces politiciens capitalistes tolèrent le racisme et la violence, mais ils en attisent les flammes. Pendant qu’ils mènent des politiques et une hystérie anti-musulmans « respectables », l’extrême droite pousse ces politiques jusqu’à leur conclusion violente naturelle. La responsabilité du bain de sang de London ne repose pas seulement sur les épaules du tueur lui-même, mais également sur celles des politiciens et des commentateurs qui ont attisé la haine et l’islamophobie. 

Le chef du NPD fédéral, Jagmeet Singh, a déclaré en ligne que « c’est notre Canada, le racisme systémique existe et doit être combattu. » Tout cela est vrai, mais il n’a rien offert de nouveau par rapport aux libéraux et aux conservateurs. Le NPD ne sera jamais en mesure d’offrir une solution pour mettre fin à la violence raciste s’il ne peut pas expliquer ce qui cause cette violence en premier lieu.

Diviser pour mieux régner

Ce n’est pas une coïncidence si, à l’échelle mondiale, on assiste à une montée générale du racisme, de la xénophobie et de l’islamophobie alors que nous vivons la pire crise de l’histoire du capitalisme. En 2020, les milliardaires canadiens se sont enrichis de 40 milliards de dollars et le montant de l’argent dormant dans les comptes bancaires des entreprises a atteint 1 600 milliards de dollars. Pendant ce temps, des millions de travailleurs canadiens ont été licenciés, ont perdu leur revenu ou luttent pour travailler dans des conditions sanitaires adéquates. La COVID-19 a révélé à quel point notre système de santé est malade après des décennies de coupes. Le gouvernement s’est empressé de faire des cadeaux massifs aux riches tout en offrant de maigres demi-mesures aux pauvres. C’est une recette pour l’agitation sociale.

Dans ce contexte, les conservateurs et les libéraux s’appuient sur les préjugés raciaux pour faire de la population immigrée un bouc émissaire responsable de la pénurie d’emplois et de services. Le racisme pousse les membres de la classe ouvrière blâmer les uns les autres et les divisent dans la lutte contre l’ennemi commun, la classe capitaliste qui les exploite et les opprime tous. Ce ne sont pas les musulmans qui sont responsables de la destruction de notre système de santé, de la stagnation de nos salaires et de la réponse totalement incompétente du gouvernement à la pandémie. Nous devons dénoncer la discrimination et le racisme et désigner les véritables responsables des problèmes de la société : les capitalistes et leur système. C’est la meilleure façon de dépasser les divisions entretenues par les partis capitalistes et leurs médias.

La solidarité peut mettre fin à la violence raciste

Alors que les capitalistes au gouvernement n’offrent rien d’autre que des paroles vides et des attaques déguisées, il existe une force sociale puissante qui peut offrir une issue à ce système pourri et mettre fin à la violence raciste une fois pour toutes. Le 8 juin, des milliers de personnes de tous horizons ont rempli Oxford Street à London en signe de solidarité. Nous avons régulièrement vu des communautés ouvrières organiser des manifestations spontanées pour noyer les manifestations d’extrême droite. Rien que la semaine dernière, nous avons vu des millions de personnes à travers le Canada demander que justice soit rendue pour le génocide des enfants autochtones. La crise du capitalisme a polarisé la société et même si certaines personnes se sont déplacées vers l’extrême droite, la grande majorité de la classe ouvrière s’est radicalisée vers la gauche.

Cependant, cette majorité n’est pas organisée par les dirigeants du mouvement ouvrier. Une action de masse doit être coordonnée par le NPD et les syndicats pour remettre les racistes à leur place. Lorsque l’extrême droite a tenté d’organiser un rassemblement « Unite the Right » à Boston en 2017, 40 000 personnes sont sorties en signe de protestation et ont complètement stoppé le minuscule rassemblement des racistes. Voilà le pouvoir de la classe ouvrière multiraciale.

Une lutte unie contre le racisme serait intrinsèquement liée à la lutte contre le chômage, l’austérité et le capitalisme. Grâce à une telle lutte, les divisions artificielles entre les différents travailleurs seraient surmontées et nous pourrions commencer à extirper les racines matérielles du racisme. Tant que le capitalisme ne sera pas vaincu par la lutte de masse, des attaques barbares comme le meurtre de London continueront à se produire. La vérité est que le capitalisme a besoin du racisme et de l’oppression pour exister. Pour mettre véritablement fin à la violence raciste, nous devons lutter pour un nouveau système, lutter pour le socialisme. Ainsi, nous pourrons utiliser les richesses de la société pour satisfaire nos besoins plutôt que la soif de profits, et mettre fin à la pénurie artificielle qui alimente le racisme.