Le vendredi 15 mars dernier, des centaines de milliers de personnes ont pris la rue dans plus de 2000 villes dans 123 pays dans le cadre de la grève mondiale pour le climat. Elles exigeaient que des actions concrètes et immédiates soient prises par les gouvernements pour s’attaquer aux changements climatiques. Au Québec, des manifestations ont eu lieu dans toutes les grandes villes alors que 148 500 étudiants et élèves étaient en grève ce jour-là, et des dizaines de milliers de personnes, en grande partie des élèves du secondaires, ont pris part à la marche organisée à Montréal. Cette grève était la plus grande mobilisation étudiante au Québec depuis la grève générale contre la hausse des frais de scolarité en 2012. Tout le monde pouvait ressentir l’enthousiasme chez les milliers de jeunes mobilisés pour transformer la société. Ce mouvement inspirant marque l’éveil politique d’une nouvelle génération, et porte en lui un potentiel révolutionnaire.

Le mouvement des grèves étudiantes pour la lutte contre les changements climatiques a commencé en Suède en août dernier après l’appel d’une élève du secondaire, Greta Thunberg. Elle avait commencé à organiser des grèves de façon hebdomadaire dans son école, et le mouvement a rapidement pris une ampleur mondiale. Au Québec, des élèves de l’école secondaire Robert-Gravel à Montréal ont répondu à l’appel de Greta et se sont mis à faire la grève chaque vendredi depuis le 15 février et ce, malgré le fait qu’ils s’exposaient à des retenues. Le 15 mars, plusieurs écoles secondaires à Montréal ont été fermées de force par les élèves, qui ont formé des chaînes humaines pour empêcher le début des cours. Le fait que ces adolescents soient prêts à faire la grève et manifester quitte à en subir les conséquences disciplinaires montre un haut niveau de maturité politique. Beaucoup de dirigeants syndicaux auraient des choses à apprendre de ces jeunes!

La jeunesse, au Québec comme ailleurs dans le monde, réalise que la planète est en danger et qu’il est urgent de passer à l’action. Toutefois, le mouvement est extrêmement hétérogène, ce qui se reflète dans des perspectives vagues sur l’action nécessaire. C’est quelque chose qu’on a aussi pu constater dans les mobilisations de la récente période.

Le mouvement « La planète s’invite dans la campagne », devenu « La planète s’invite au Parlement » après la campagne électorale, a organisé une série de manifestations hebdomadaires, avec 50 000 personnes présentes dans la rue le 8 décembre dernier à Montréal. Ironiquement, trois ministres caquistes ont participé à la marche du 10 novembre, qui demandait aux gouvernements, dont le leur, d’agir pour l’environnement. L’automne dernier a aussi vu le lancement par quelques centaines de personnalités publiques, artistes, comédiens, scientifiques et autres du « Pacte pour la transition ». Celui-ci « engage, immédiatement et pour les deux prochaines années » ses signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre par des gestes individuels, tout en appelant le gouvernement de la CAQ à agir pour l’environnement. 

Ainsi, les deux revendications concrètes les plus présentes dans le mouvement sont des changements de comportements individuels et des mesures gouvernementales. Mais, en même temps, nombre de jeunes avancent l’idée d’un « changement de système ». Le mouvement général pour le climat demeure donc très contradictoire. Il serait facile alors pour des révolutionnaires de rejeter ce mouvement du revers de la main comme « pas assez radical ». Toutefois, ce serait une erreur. Il est tout à fait normal de voir des perspectives très différentes se côtoyer dans un mouvement qui en est à ses débuts. Par exemple, le 15 mars dernier, des pancartes invitant François Legault à « aimer le climat comme sa soeur » pouvaient être vues à côté d’autres dénonçant la cupidité des entreprises, qui font passer le profit avant le climat. C’est justement le rôle des socialistes de fournir les slogans et les mots d’ordre pour insuffler un caractère radical au mouvement.

Voilà pourquoi les militants de La Riposte socialiste avaient organisé un contingent socialiste, auquel se sont joints une trentaine de personnes. Nos slogans « Le Capital détruit la Terre, guerre au Capital! » et « Le Capital détruit la Terre, révolution! » ont été particulièrement populaires, et ont permis d’apporter une perspective révolutionnaire à la manifestation. Notre camarade Julien Arseneau, du comité de rédaction de La Riposte socialiste, a aussi pu expliquer le point de vue marxiste sur les changements climatiques lors d’un discours au début du rassemblement.

Lors des discours clôturant la manifestation, quelques élèves du secondaire ont justement parlé de la nécessité d’un changement de système. Nous sommes tout à fait d’accord avec cette idée, et pensons que c’est la voie à suivre. Pour les marxistes, la crise climatique est un des symptômes les plus flagrants de la crise du système. Ce système a un nom : le capitalisme. Dans ce système, les grandes entreprises, comme les banques, les pétrolières, les fabricants, les producteurs agroalimentaires, etc. appartiennent de façon privée à des individus qui disposent ainsi d’un pouvoir immense sur la société. Ce système capitaliste se nourrit de l’exploitation sauvage et aveugle à la fois des humains et de la nature, avec comme unique but d’enrichir une infime minorité de la société. En effet, dans leur quête insatiable de profits, les capitalistes sont poussés à couper les coins ronds, à contourner la réglementation environnementale, et à encourager la consommation à tout crin, sans égard pour les répercussions sur la santé de la planète.

Les coupables des changements climatiques sont là. Selon un récent rapport, 100 entreprises sont responsables de près de 71% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais sous le système capitaliste, les travailleurs et les étudiants n’ont pas un mot à dire sur le fonctionnement des entreprises, puisque ce sont les patrons qui les possèdent. On ne peut pas contrôler ce qu’on ne possède pas. Cela pousse beaucoup de gens, sincèrement préoccupés par l’avenir de la planète, à vouloir faire ce qu’ils peuvent dans leur vie quotidienne pour améliorer le sort de notre planète. C’est ce sentiment altruiste qui a poussé 265 000 Québécois à signer le Pacte pour la transition. Malheureusement, une somme de « petits gestes » individuels, aussi nombreux serions-nous, aurait un effet minime, alors que ce sont en vérité ces grandes entreprises qui sont largement responsables de la destruction de notre environnement.

Il est malheureusement aussi illusoire de penser que la seule chose qu’il manque aux gouvernements est la « volonté politique ». En vérité, les gouvernements ont plein de volonté politique : celle de se plier aux moindres désirs des capitalistes. Notre système politique est complètement dominé par les représentants des capitalistes, et il sert avant tout leurs intérêts.  Les rares fois où les politiciens disent agir pour la planète, ce sont soit des mesures ridicules aux effets minimes, comme l’interdiction des pailles de plastique, soit une façon de refiler la facture des changements climatiques aux travailleurs, comme avec la taxe sur le carbone ou les taxes sur l’essence.

La solution des socialistes est simple. La classe capitaliste et ses représentants se sont révélés incapables de régler la crise climatique. Il appartient maintenant aux travailleurs de le faire. Les capitalistes ne peuvent gérer les grandes entreprises sans détruire la planète, alors il faut tout bonnement les leur enlever des mains.

D’autres journées de mobilisation sont déjà prévues et le mouvement ne semble pas prêt de s’éteindre. Il est maintenant nécessaire que le mouvement contre les changements climatiques aille chercher l’appui des syndicats. Les changements climatiques sont un enjeu de classe, qui concerne avant tout les travailleurs et les pauvres.

Les travailleurs, qui constituent la grande majorité de la population, auraient tout intérêt à gérer l’économie dans l’intérêt de la majorité, de façon à protéger l’environnement. Une économie socialiste, c’est-à-dire contrôlée démocratiquement par les travailleurs mettrait les énormes ressources disponibles pour développer les énergies vertes, établir de vastes réseaux de transports publics efficaces, produire une nourriture de qualité sans détruire les sols, et mettre fin à l’énorme gaspillage engendré par la production de marchandises peu durables. Nous pourrions ainsi instaurer une véritable harmonie entre les êtres humains et notre environnement.