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Le gouvernement Legault vient de déposer un projet de loi qui donne suite à sa promesse de mettre fin à l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Ces mesures s’accompagnent de 100 millions de dollars de compensation pour l’industrie pétrolière et gazière, qui doit fermer ses puits. Ces parasites destructeurs de l’environnement ne méritent rien.

Le puits sans fond

La loi aura pour effet de révoquer les 182 permis pétroliers et gaziers qui existent actuellement au Québec. François Legault entend verser 99 millions de dollars aux entreprises maintenant forcées de fermer leurs puits. Cela représente 66 millions de dollars pour rembourser les dépenses des sept dernières années à cinq de ces entreprises. Les 33 restants couvriront 75% des coûts relatifs à la fermeture de 60 puits. Ce montant ne tient pas compte des millions de dollars que le gouvernement du Québec doit déjà débourser pour nettoyer des dizaines de puits abandonnés et qui laissent fuire du méthane.

Il faut comprendre que la CAQ ne s’est pas simplement découvert une conscience environnementale. Dans les dernières années, l’opinion publique est passée très majoritairement dans le camp vert, comme l’a démontré la marée humaine du 27 septembre 2019, où 500 000 personnes ont participé à la marche pour le climat à Montréal. L’environnement est maintenant un enjeu électoral incontournable. Les partis bourgeois comme la CAQ n’ont plus le choix de prétendre s’intéresser à la lutte aux changements climatiques pour demeurer populaires.

Reste que le gouvernement de la CAQ est loin d’être un modèle en termes d’action environnementale. On n’a qu’à rappeler que c’est ce parti qui dépensera 10 milliards de dollars dans les prochaines années pour la construction du plus gros tunnel autoroutier du monde et que c’est son ministre des transports qui a déclaré que ce projet pourrait être « carboneutre ». Jusqu’en 2020, François Legault était favorable à l’exploration de plusieurs gisements potentiels dont le projet « Galt » en Gaspésie. 

Non contents de se faire donner des millions de dollars de fonds publics, les capitalistes de l’industrie des hydrocarbures sont en train de monter aux barricades contre le projet de loi. Le président de l’association de l’énergie du Québec, Éric Tetrault, ne cache pas sa colère et a déclaré la semaine dernière qu’il « espère que le gouvernement du Québec a de solides assises juridiques », en sous-entendant qu’il est prêt à poursuivre le gouvernement. Il réclame au moins 500 millions de dollars, soit cinq fois plus que le montant offert par la CAQ. Ce montant couvrirait les dépenses en exploration de ces entreprises depuis les quinze dernières années. 

La compagnie Ressources Utica a d’ailleurs déjà affirmé qu’elle contesterait cette loi. Cette entreprise est forte d’une victoire en cour contre le gouvernement du Québec en 2021, justement sur la question de l’exploitation des hydrocarbures. Mario Lévesque, PDG d’Utica, a fait entamer l’évaluation de la facture qu’il soumettra au gouvernement. 

La loi veut que les indemnisations aux entreprises « expropriées » s’élèvent à la valeur du bien exproprié et le préjudice causé par la démarche. C’est ce que propose le gouvernement. Mais ces compagnies souhaitent plus que doubler la période visée par le remboursement des dépenses. Leurs exigences seront peut-être même plus grandes. M. Tétrault parle de « profits perdus » de « 3 à 5 milliards de dollars ».

Après avoir ruiné l’environnement et poussé la planète au bord de la catastrophe climatique, ces requins demandent maintenant d’être payés pour cesser leur activité destructrice. Les capitalistes justifient constamment leur droit aux profits en disant qu’ils prennent des risques en investissant. Mais lorsque ces risques se concrétisent et que leurs investissements s’avèrent mauvais, ils courent se réfugier sous les jupons de l’État et demandent aux contribuables de régler la facture.  

Le fond du baril

L’avidité de ces capitalistes est d’autant plus flagrante que les entreprises pétrolières ont bénéficié de profits monstres et de lourdes subventions depuis des décennies. Les subventions et crédits d’impôts octroyés aux compagnies pétrolières sont faramineuses. À titre d’exemple, le Canada versait une cinquantaine de milliards de dollars à l’industrie dans la seule année 2017. 

Le précédent gouvernement provincial, de Philippe Couillard, avait pour sa part donné 100 millions de dollars aux entreprises après avoir interdit l’exploration sur l’île d’Anticosti, malgré la sortie d’études montrant la faible présence ou même l’absence de pétrole exploitable sur l’île. Depuis 2012, 120 millions de dollars sont d’ailleurs sortis du portefeuille québécois pour financer des projets d’exploration qui n’ont abouti à aucune découverte.

Jamais les travailleurs n’ont profité de ces subventions qui ont toujours abouti dans les poches des patrons.

Les indemnisations offertes par le gouvernement Legault sont un véritable pied de nez aux travailleurs qui doivent maintenant payer le départ d’une industrie qui les a déjà financièrement et matériellement appauvris. Le système montre bien sa nature, il n’y a que les profits qui sont privés. Les capitalistes prennent des risques sur notre environnement et socialisent les pertes dues à leur mauvaise gestion. 

Québec solidaire s’oppose à ces 100 millions de dollars d’indemnisation et presse le gouvernement de ne pas accorder un sou aux pétrolières et gazières. Manon Massé réclame aussi qu’elles ouvrent leurs livres pour savoir combien le Québec a donné à ces parasites au cours des dernières décennies. Elle a bien raison. 

Mais il ne suffit pas de leur refuser un chèque. Comme on l’a vu, même avec 100 millions de dollars pour aider à leur faire avaler la pilule, les capitalistes du pétrole sont comme un (très gros) chien à qui on vient de voler son os. Ils ne lâcheront pas le morceau. 

De plus, la fin de l’exploration des hydrocarbures au Québec ne signifie pas la fin de la consommation d’hydrocarbures. Avec cette mesure, le Québec consommera tout autant d’hydrocarbures, mais ils seront entièrement produits à l’étranger. 

Pour réellement amorcer la transition écologique, il faudrait exproprier sans condition ces entreprises et les nationaliser sous le contrôle démocratique des travailleurs. De cette manière, leurs ressources, équipement et travailleurs pourraient être réorientés vers les énergies renouvelables. À la place de dépenser des millions pour satisfaire les capitalistes pollueurs, cet argent devrait être investi dans la création d’un vaste réseau de transport en commun de qualité, pour réduire la dépendance à la voiture. 

Une telle gestion démocratique des entreprises est le seul moyen de conduire des politiques vraiment rationnelles quant à l’utilisation de nos ressources. La propriété privée est un frein à la gestion respectueuse de l’environnement. L’exploitation des hydrocarbures est extrêmement payante. Cela signifie que sous le capitalisme, où la logique du profit domine, les dirigeants ont tout intérêt à sacrifier des grandes parties de notre territoire dans le seul but d’obtenir du profit. Nous pensons que ce que la Terre produit appartient à tout le monde, pas seulement à une classe de parasites qui ne s’intéresse qu’à ses gains privés. Un gouvernement socialiste aurait comme objectif de démocratiser le secteur de l’énergie et de le mettre sous le contrôle direct des travailleurs en favorisant l’utilisation d’énergies renouvelables. Pour sauver la planète, il est impératif de riposter à la destruction de l’environnement par l’expropriation des grands pollueurs!