Lock-out à l’ABI : il est temps de nationaliser!

Le 11 janvier marquait le sombre anniversaire d’un an du lock-out de l’aluminerie de Bécancour (ABI). Ceux qui parlaient encore d’une possibilité de négociation raisonnable avec les copropriétaires, Alcoa (75%) et RioTinto (25%), peuvent pratiquement sceller leurs cercueils. Certains syndiqués avaient encore récemment l’espoir que le premier ministre François Legault interviendrait en leur faveur. Mais […]

  • Marx Twain et Benoît Tanguay
  • ven. 5 avr. 2019
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Le 11 janvier marquait le sombre anniversaire d’un an du lock-out de l’aluminerie de Bécancour (ABI). Ceux qui parlaient encore d’une possibilité de négociation raisonnable avec les copropriétaires, Alcoa (75%) et RioTinto (25%), peuvent pratiquement sceller leurs cercueils. Certains syndiqués avaient encore récemment l’espoir que le premier ministre François Legault interviendrait en leur faveur. Mais après quelques rencontres de celui-ci avec les dirigeants syndicaux et patronaux, leurs espoirs ont dû être éteints à grands coups de boyau d’arrosage. Celui qui se dit nationaliste a ouvertement choisi le camp de ces multinationales américaine et anglo-australienne et abandonné les travailleurs québécois en lock-out.

Au grand mépris des travailleurs, en lock-out depuis déjà 15 mois au moment d’écrire ces lignes, Legault a affirmé que le syndicat « en demande trop », sous prétexte qu’à 92 000 dollars par année, les travailleurs gagneraient trop. Pourtant, Legault ne cesse de répéter qu’il veut des emplois à 25, 30 et 40 dollars l’heure. Pas cette fois-ci! Cette hypocrisie saute au visage. Mais il révèle également son ignorance et son mépris complet pour la lutte des lock-outés, étant donné que le salaire n’est même pas en jeu dans ce conflit. Si 92 000 dollars est trop élevé, qu’en est-il des 13 millions de dollars US gagnés en 2018 par le PDG d’Alcoa?

Pour rappel, le 22 novembre 2017, les syndiqués ont rejeté l’offre patronale avec un mandat ferme de 97% et se sont munis d’un mandat de grève. Cinquante jours plus tard, ils ont considéré inacceptable la deuxième offre, et un lock-out a été déclaré immédiatement. Pendant tout ce temps, l’employeur a refusé de négocier une entente raisonnable et a multiplié les coups bas.

Il a notamment utilisé illégalement des briseurs de grève, s’est muni d’une injonction afin de limiter le nombre de piqueteurs à 15, envoie des agences de sécurité pour faire son sale boulot (au point ou un agent de la firme Gardium est accusé de menaces de mort et voies de fait sur un piqueteur) et ne prend ni les négociations ni les travailleurs au sérieux. Chaque offre des patrons depuis le début du mandat de grève est de pire en pire. Il est maintenant évident qu’Alcoa et Rio Tinto n’ont pas honnêtement l’intention de négocier une entente à la satisfaction des parties.

Un tel comportement peut sembler irrationnel, considérant qu’Alcoa enregistrait un revenu net de 227 millions en 2018 comparativement à 217 millions en 2017, et que le conflit coûte au moins 16 millions de dollars US à l’usine chaque mois, sans compter les 100 millions de dollars de coûts liés à l’arrêt et au redémarrage des cuves. Pour un conflit qui porte sur un nouveau régime de retraite et le respect de l’ancienneté dans les mouvements de main-d’œuvre, l’employeur semble avoir complètement perdu la tête. Toutefois, il est plutôt à soupçonner que l’objectif des patrons dépasse le cadre de ce simple conflit.

En effet, les coûts de l’énergie pour l’usine d’ABI sont plus élevés que pour les autres alumineries du Québec. Là se trouve le vrai noeud du conflit, comme l’explique le président de la section locale 9700 du syndicat des Métallos, Clément Masse :  « Ce ne sont pas les coûts de main-d’oeuvre qui posent problème, c’est le coût de l’électricité. Alcoa a eu de la difficulté à négocier son énergie. ABI fait passer sur le dos des travailleurs et de la communauté sa propre incompétence à négocier des bons d’énergie avec le gouvernement. » Une clause spéciale de son contrat avec Hydro-Québec fait que le lock-out est considéré comme un cas de force majeure, ce qui dégage ABI de son obligation de payer pour le bloc complet d’électricité qu’il doit lui acheter. Ainsi, Hydro-Québec a perdu 277 millions de dollars à ce jour en raison de la fermeture de l’usine. Selon le syndicat, les patrons se servent de cela pour exercer une pression pour rouvrir la négociation avec Hydro-Québec, afin d’obtenir de meilleurs tarifs d’électricité. Comme l’a souligné un travailleur interrogé par La Riposte socialiste : « On sert de monnaie dans la négociation d’un éventuel rabais d’électricité. »

Mais l’attitude intransigeante des patrons de l’ABI dans le conflit indique un autre motif caché. Ils cherchent à casser le syndicat et mettre les lock-outés à genoux afin d’envoyer un message à tous les travailleurs du Québec : voilà ce qui arrive à ceux qui osent défier les multinationales. Si les patrons peuvent vaincre ces Métallos, symboles de la résistance face au patronat, ils pourront lancer les mêmes attaques sur tout le reste de la classe ouvrière québécoise.

C’est ainsi aussi qu’il faut comprendre l’intervention de François Legault dans ce conflit. Il n’y a rien d’étonnant ni de surprenant à ce que cet ancien PDG d’Air Transat prenne le parti d’une multinationale américaine contre des travailleurs québécois lock-outés, parce que ce millionnaire travaille pour les millionnaires, quelle que soit leur origine. Les travailleurs de l’ABI, comme tous les autres travailleurs québécois, ne peuvent s’attendre à aucun appui de ce gouvernement des patrons. Le seul appui sur lequel ils devraient compter est celui de la classe ouvrière, comme le démontre l’impressionnante solidarité syndicale qu’on a pu constater depuis le début du conflit.

Les patrons d’ABI ont définitivement montré qu’ils se foutent du sort des travailleurs et qu’ils sont prêts à sacrifier des centaines de bons emplois et toute la communauté qui en dépend pour s’en mettre un peu plus dans les poches. Cela fait maintenant 15 mois que ça dure. Si les patrons refusent de rouvrir l’usine, alors nous pouvons le faire sans eux. L’aluminerie de Bécancour doit être nationalisée le plus tôt possible, sous contrôle démocratique des travailleurs. Ceux-ci n’ont pas besoin que des millionnaires dans leurs bureaux à Pittsburgh leur disent quoi faire : ils savent déjà très bien comment faire rouler la production. 

Solidarité avec les lock-outés de l’ABI!

Dehors les millionnaires américains!

Nationalisons l’aluminerie de Bécancour sous le contrôle des travailleurs!