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Une « culture toxique règne dans la GRC », révèle un rapport publié le 19 novembre. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) encourage « les attitudes misogynes, racistes et homophobes ». Des milliers de cas d’agressions sexuelles, attouchements, harcèlement, dégradation, menaces, ont été rapportés contre des agents de la GRC. On ne parle pas de deux ou trois pommes pourries. L’ex-juge de la Cour suprême du Canada Michel Bastarache, qui chapeautait le rapport, l’explique lui-même : « le problème est de nature systémique et ne pourra être corrigé uniquement en sanctionnant quelques « brebis galeuses » ». 

On retrouve la même culture toxique dans les autres forces policières, dans les Forces armées canadiennes, dans le bureau de la Gouverneure générale. Ce ne sont pas quelques réformes institutionnelles ou quelques campagnes de sensibilisation des employés qui changeront fondamentalement le problème. Ces institutions étatiques sont pourries jusqu’à la moelle par le racisme systémique, l’homophobie et le sexisme, pour une raison bien simple : elles sont les armes d’un système toxique, le système capitaliste.

3086 réclamations de femmes pour discrimination et harcèlement basés sur leur genre et leur orientation sexuelle ont été examinées, incluant plus de 130 femmes qui ont subi une agression sexuelle avec pénétration par des hommes de la GRC. Le total des dédommagements s’élève à plus de 125 millions de dollars. Ces femmes « ont fait part aux évaluateurs du traitement brutal qu’elles ont subi, qui les a terrassées, a brisé leur confiance et a détruit celle qu’elles avaient en leurs collègues. » Quant aux femmes qui se sont identifiées comme LGBTQ2S+, elles « ont également été victimes d’ostracisme, de commentaires péjoratifs, d’agressions sexuelles et de révélation de leur orientation sans leur consentement ». 

Une police systématiquement raciste 

Les victimes ont heureusement pu se consoler avec les larmes de crocodile versées par Justin Trudeau, qui n’a pas hésité une seconde à dénoncer « la discrimination systémique qui existe au Canada et dans nos institutions, dont la GRC ». La commissaire de la GRC, Brenda Lucki, est également consternée. Elle qui avait déjà reconnu avoir été personnellement victime de harcèlement dans la GRC prend cependant la peine de nous rassurer : « nous avons fait des progrès depuis », la culture au sein de la GRC a selon elle changé depuis son entrée en poste il y a environ deux ans et demi. 

Elle avait d’ailleurs confirmé la présence du racisme systémique au sein de la police fédérale en juin dernier. « Le racisme systémique fait partie de toutes les institutions, la GRC y comprise. Au cours de notre histoire, nous n’avons pas toujours traité les personnes racisées et les Autochtones de façon équitable, et c’est toujours le cas aujourd’hui ».

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Pourtant, si nous nous rappelons correctement les récents événements, c’est en février dernier que la même commissaire envoyait la GRC mater violemment les Wet’suwet’en résistant au pipeline imposé par Trudeau sur leurs terres non-cédées. Et c’est sous la gouverne de Lucki et Trudeau que la GRC s’est abstenue lâchement de défendre les pêcheurs mi’kmaq contre la violence de pêcheurs racistes en Nouvelle-Écosse en octobre dernier. Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, ainsi que Jagmeet Singh, le chef du NPD, avaient d’ailleurs appelé à ce moment-là au premier ministre à renvoyer la commissaire Lucki, ce que Trudeau a refusé de faire.

Et évidemment, nous n’avons pas encore mentionné les actes racistes de la GRC qui ont contribué à enflammer le mouvement anti-raciste Black Lives Matter cet été : les vidéos montrant la violence policière contre les autochtones et les personnes Noires, notamment  un agent de la GRC frappant un Inuk à Kinngait avec la portière d’un véhicule de police, et le chef Allan Adam être violemment attaqué et arrêté par des agents de la GRC à Fort McMurray. Sans parler des actions des autres forces policières du pays, qui sont responsables du meurtre de D’Andre Campbell, de la mort de Regis Korchinski-Paquet, du meurtre de Chantel Moore, et bien d’autres.

Heureusement, nous pouvons compter sur Trudeau et Lucki pour combattre le racisme systémique, tout en réprimant systématiquement les Autochtones pour le profit des entreprises capitalistes. « Nous nous sommes engagés à réformer la GRC et nous travaillons actuellement là-dessus », nous rassurait Trudeau. 

La GRC ne peut pas être réformée

M. Bastarache recommande au gouvernement fédéral de procéder à un vaste examen externe et indépendant sur la GRC, puisque selon lui le changement ne peut venir de l’intérieur de la GRC, « mais doit plutôt être amorcé par des sources externes ».

Curieusement, Trudeau et Lucki, nos grands défenseurs de la lutte contre la misogynie et le racisme systémique, n’acceptent pas cette recommandation et privilégient des réformes de l’intérieur, comme celles déjà mises en branle dans la GRC, notamment un nouveau système plus indépendant de traitement des plaintes de harcèlement. Les victimes sont désormais rassurées : elles pourront se plaindre plus efficacement. Si seulement le plan était de s’attaquer à la racine de leurs plaintes…

Il faut cependant relever l’incohérence des recommandations de M. Bastarache. Il recommande qu’une instance externe à la GRC enquête sur celle-ci, mais cette instance relèverait tout de même du gouvernement fédéral. Pourtant, c’est le même gouvernement fédéral qui a utilisé la GRC pour enfoncer un pipeline dans la gorge des Wet’suwet’en. C’est le même gouvernement qui a nommé et protège encore la gouverneure générale, la véritable cheffe de l’État, elle qui a instauré un régime de terreur dans son bureau, surnommé la « maison des horreurs », une demeure de harcèlement, de violence verbale et d’humiliation. C’est le même gouvernement qui commande aux Forces armées canadiennes, dans lesquelles il fut reconnu que l’inconduite sexuelle était un problème grave.

On ne peut pas avoir confiance dans l’État canadien pour mettre fin au sexisme et au racisme systémique. Loin d’être la solution, il fait entièrement partie du problème. La GRC n’est que le bras armé, au niveau fédéral, des capitalistes, industriels et banquiers, qui dominent les travailleurs canadiens, polluent nos écosystèmes et s’acharnent à briser la résistance des peuples autochtones, pour garnir toujours davantage leur portefeuille déjà rempli à craquer. Comme le disait Marx, la police est un corps spécial d’hommes armés à la défense de la propriété privée. Le capitalisme a besoin de la police; elle ne peut pas être réformée.

Tant que cette classe de parasites restera au pouvoir, elle aura intérêt à perpétuer le sexisme, le racisme et l’homophobie, dans ses institutions étatiques et dans la société en général, pour diviser les travailleurs et les opprimés et nous monter les uns contre les autres.

La police, toutes les polices, incluant la GRC, ne sont que la matraque du patron pour réduire le travailleur et l’opprimé au silence, lorsque les mécanismes de consentement idéologique font défaut. Ce faisant, la seule manière d’éliminer la police est de mettre un terme à la société de classe, qui requiert une police pour maintenir en place les inégalités et écraser les exploités et les opprimés qui défient le statu quo.

Le récent rapport sur la GRC n’a surpris personne. Il n’a fait que révéler la pointe de l’iceberg de la toxicité des institutions capitalistes. La justice pour les victimes du sexisme, de l’homophobie et du racisme de la GRC ne pourra être rendue que lorsqu’on mettra à terre le système capitaliste toxique qu’elle protège et sert.