Photo : Alex Proimos/Flickr

Cet article a été publié à l’origine le 2 novembre.

Confronté à un blocus du carburant par le gang le plus puissant du pays et à un mouvement de masse exigeant des solutions à la crise économique croissante, le régime Henry en Haïti ne tient qu’à un fil. Dirigés par les États-Unis, les impérialistes discutent ouvertement d’une intervention militaire pour défendre le régime Henry et rétablir l’ordre. Une intervention et une occupation par les troupes impérialistes serait un désastre pour les travailleurs et les pauvres d’Haïti et doit être combattue.


En novembre de l’année dernière, nous avons publié un article sur la situation en Haïti. Il est remarquable de constater à quel point la situation actuelle est similaire à celle d’il y a presque un an.

Le président Jovenel Moïse a été assassiné en juillet 2021 et Ariel Henry a pris le pouvoir avec le soutien de l’impérialisme américain. Avec l’escalade des troubles politiques et économiques, et subissant l’impact de la pandémie, Haïti était dans sa troisième année de récession. La croissance du PIB du pays était de -1,7% en 2019, de -3,3% en 2020 et de -1,8% en 2021. L’inflation était en hausse depuis près de 10 ans, atteignant un sommet de 22,9% en 2020, avant de diminuer légèrement à 15,9% en 2021. Cette détérioration de la situation économique a augmenté massivement la misère de la population, dans un pays où près de 60% de la population vit dans la pauvreté, près de la moitié (4,4 millions) a besoin d’une aide alimentaire immédiate et 1,2 million de personnes souffrent de famine extrême.

La violence des gangs est devenue incontrôlable, avec des enlèvements, des meurtres et des assassinats éhontés. Les gangs se sont engagés dans une guerre ouverte pour le contrôle de territoire, terrorisant des quartiers entiers et s’adonnant à l’assassinat de militants et de journalistes. Avec l’effondrement du capitalisme haïtien, les gangs se sont développés et se sont répandus comme un cancer.

Le plus puissant d’entre eux, le gang G9 dirigé par Jimmy « Barbecue » Chérizier, était considéré comme étroitement allié à l’ancien président Jovenel Moïse. Il avait publiquement soutenu la prise de pouvoir de Henry, mais lorsque celui-ci a été impliqué dans l’assassinat de Moïse, Chérizier s’est retourné contre lui et a bloqué le principal port pétrolier d’Haïti, le terminal de Varreux à l’extérieur de Port-au-Prince, exigeant la démission de Henry.

Le blocus de 2021 a éventuellement pris fin. Le manque de carburant, de nourriture et d’eau avait créé une crise sociale aiguë, menant à une explosion politique potentielle de la part des masses. La situation était intenable et le G9 a fait marche arrière. Le régime pourri d’Henry s’est maintenu, incapable de faire quoi que ce soit pour résoudre les problèmes auxquels Haïti est confronté. Il n’y a jamais eu de résolution aux problèmes auxquels les masses sont confrontées. La situation économique et politique a continué à se détériorer, ce qui a conduit à la situation actuelle.

Plus ça change…

La situation d’aujourd’hui semble très similaire, seulement dans une forme beaucoup plus aiguë. Bien qu’il ait promis des élections (qui avaient déjà été reportées à plusieurs reprises), Henry a dissous le Conseil électoral provisoire. Les élections ont été reportées indéfiniment, Henry lui-même n’a jamais été élu, et le Sénat et la Chambre des députés ne se réunissent plus. Comme Moïse avant lui, Henry gouverne par décret et préside une dictature de facto.

Haïti est maintenant dans sa quatrième année de récession. La croissance du PIB cette année est de -1,2%. L’inflation a presque doublé, atteignant 26,8%, rendant la vie presque impossible pour la classe ouvrière et les pauvres. La violence des gangs n’a fait qu’empirer. On estime que les gangs contrôlent maintenant 60% de la capitale de Port-au-Prince.

Le régime Henry a supprimé la subvention au carburant en Haïti début septembre. Haïti subit depuis des années des pressions impérialistes pour réduire ces subventions. Des tentatives avaient déjà été faites pour réduire la subvention au carburant, mais le régime haïtien a toujours été contraint de faire marche arrière face aux manifestations de masse.

D’une part, le régime haïtien ne peut pas se permettre d’acheter du carburant au prix du marché mondial et de subventionner la consommation nationale. C’est particulièrement le cas avec le prix élevé du pétrole actuellement. D’autre part, étant donné les bas salaires et la pauvreté écrasante, le peuple haïtien ne peut pas se permettre de payer le carburant au prix du marché mondial. Une fois la subvention supprimée, le prix d’un gallon d’essence (3,8 litres) est passé de 2 dollars à près de 5 dollars.

Haïti ne dispose pas d’un réseau électrique opérationnel, de sorte que la plupart des gens et des institutions dépendent de générateurs au diesel. Les travailleurs haïtiens et les pauvres ont besoin d’essence, de diesel et de kérosène pour s’éclairer et cuisiner à la maison, pour se rendre au travail, etc. L’augmentation du coût du carburant fait également grimper le coût du transport, ce qui affecte le prix d’autres biens tels que la nourriture et l’eau. Le prix des denrées alimentaires a ainsi augmenté de 52%. Le retrait de la subvention au carburant a été un désastre pour le peuple haïtien. Les masses ne peuvent tout simplement plus se permettre le coût de la vie en Haïti. La pauvreté croissante a rendu la vie encore plus impossible pour l’écrasante majorité des gens. Des manifestations de masse ont éclaté dans tout le pays, les gens manifestant contre la suppression des subventions pour le carburant, l’augmentation et l’aggravation de la pauvreté, ainsi que l’augmentation constante de la pauvreté.

Blocus du G9

Le gang G9 est bien armé et considéré comme l’alliance de gangs la plus puissante d’Haïti. Il a été impliqué dans de nombreux massacres, notamment le massacre de La Saline en 2018, des attaques et des tueries en 2020 à travers Port-au-Prince, et une attaque dans le quartier de Bel Air en 2021.

Chérizier, le chef du gang G9, s’est présenté comme une sorte d’homme fort « révolutionnaire » qui peut sauver le pays de la crise. Pour protester contre la réduction des subventions aux carburants, la bande du G9 a bloqué le terminal de carburant de Varreux et a exigé la démission d’Henry le lendemain de l’annonce de la suppression.

Le principal terminal de carburant du pays étant bloqué, il y a maintenant une pénurie de carburant. Les gens n’ont pas de carburant pour leur maison ou pour le transport. Les stations-service sont fermées, les générateurs des hôpitaux sont à court de carburant, ce qui oblige à réduire et à annuler les services et les procédures médicales, les banques et les épiceries ont des horaires restreints ou sont carrément fermées.

Des entreprises et des usines ferment leurs portes en raison du manque de carburant, comme le parc industriel de Caracol, où travaillent quelque 15 000 personnes. La presse haïtienne rapporte que la plupart des entreprises sont fermées et que des centaines de milliers de travailleurs ont été mis à pied ou licenciés, ce qui ne fait qu’aggraver la situation déjà difficile de ces travailleurs et de leurs familles.

Le manque de carburant a paralysé le transport de nourriture et d’eau. Haïti est maintenant confronté à la famine, et le manque d’eau potable a provoqué une épidémie de choléra. La société haïtienne est en fait au bord de l’effondrement.

Il ne semble pas y avoir de fin en vue du blocus du carburant. L’État haïtien est dépassé par les gangs (en armes et en effectifs) et ne peut en réalité pas faire grand-chose. Le pouvoir politique sort de la bouche du canon, comme le dit le proverbe. S’appuyant sur son gang puissant et bien armé, Chérizier a récemment proposé son propre plan de stabilité. Il a exigé des sièges dans le cabinet de Henry et demande que le régime accorde l’amnistie et annule les mandats d’arrêt contre les membres du G9. En dernière analyse, l’État est composé de corps spéciaux d’hommes armés – et en Haïti, les gangs ont plus d’hommes, avec des armes plus nombreuses et de meilleure qualité, que l’État haïtien.

La situation actuelle soulève même la perspective d’un coup d’État mené par les gangs. Chérizier et le G9 ont effectivement plus de pouvoir que l’État et contrôlent la situation avec leur blocus. L’État est paralysé et ne peut même pas assurer ses fonctions de base. Le régime Henry n’a pas les moyens de faire face aux gangs. Il existe également des éléments corrompus dans la police qui ont des liens étroits avec les gangs, ce qui complique toute opération policière sérieuse. Chérizier lui-même, par exemple, est un ancien policier.

Le régime Henry appelle à l’aide militaire internationale

Pendant le blocus du carburant de l’année dernière, le gouvernement haïtien a demandé l’aide de l’ONU pour faire face aux gangs. Ces appels sont largement tombés dans l’oreille d’un sourd. Il n’y a pas d’engouement pour une nouvelle intervention militaire en Haïti chez les pays impérialistes. Les impérialistes américains et leurs alliés espéraient qu’avec l’élimination de Moïse et l’arrivée au pouvoir de Henry, la situation se stabiliserait. Bien sûr, le régime Henry n’a jamais pu stabiliser la situation. Dépassé par les gangs, il était incapable de faire face aux enlèvements et à la violence de la guerre des gangs. L’État haïtien, qui reflète les intérêts de l’élite dirigeante, ne peut rien faire contre la pauvreté écrasante et la situation économique désastreuse. Le régime Henry a toujours été condamné à présider sur une crise qui ne cesse de s’aggraver.

La situation économique et politique en Haïti s’est maintenant détériorée à un tel point que les impérialistes craignent sérieusement un effondrement total de l’État haïtien. C’est pourquoi ils envisagent maintenant d’accepter la demande d’aide militaire internationale formulée par Henry. Les impérialistes craignent que la guerre des gangs ne dégénère en une situation s’apparentant à une guerre civile entraînant l’effondrement du gouvernement. Une plus grande inquiétude est que les manifestations de masse se transforment en un mouvement insurrectionnel et renversent le régime de Henry. Dans tous les cas, le régime est suspendu par un fil extrêmement délicat.

Les impérialistes craignent également que l’instabilité politique en Haïti ne se propage dans toute la région. D’une part, les révolutions se répandent comme une traînée de poudre et toute la région pourrait être engloutie par une vague révolutionnaire émanant d’Haïti. D’autre part, l’augmentation du chaos politique et de la violence des gangs, l’effondrement du régime haïtien, un coup d’État quelconque, etc., pourraient également entraîner un exode massif de réfugiés, ce qui inquiète particulièrement les impérialistes américains et le gouvernement mexicain.

Une intervention étrangère en Haïti s’accompagne d’un certain nombre de risques financiers et politiques pour les pays concernés. Les interventions militaires sont coûteuses, et les impérialistes recevraient très peu en retour de leurs aventures militaires en Haïti. Il y a peu à gagner sur le plan financier et le mieux qu’ils puissent espérer est une stabilisation temporaire grâce à la présence de troupes étrangères.

Avec la crise mondiale du capitalisme qui s’aggrave à tous les niveaux, l’envoi de troupes en Haïti pourrait causer de graves problèmes politiques dans le pays. Une intervention militaire visant à consolider le régime Henry et à s’attaquer aux gangs pourrait entraîner les troupes étrangères dans un conflit long et pénible. L’impérialisme américain craint particulièrement de s’enliser dans une occupation à long terme en Haïti. Les gangs sont bien armés et bien implantés dans les villes d’Haïti, en particulier dans la capitale. Briser les gangs signifie une guerre urbaine, qui pourrait facilement s’intensifier et entraîner une opposition à l’intérieur des États-Unis. Une guerre ouverte avec les gangs dans les rues des villes haïtiennes pourrait également déclencher une opposition de masse en Haïti. Le soutien militaire étranger au régime Henry signifierait également des conflits avec le mouvement de masse. Des scènes de troupes impérialistes réprimant des manifestations de masse risqueraient de déclencher un soulèvement en Haïti et des manifestations de masse dans le pays.

Pas touche à Haïti

Le Conseil de sécurité des Nations unies a déjà approuvé les sanctions contre Chérizier proposées par les États-Unis et le Mexique. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a publiquement appelé à la création d’une « force d’action rapide » spéciale internationale pour aider la police haïtienne à lutter contre les gangs. Comme le rapporte Reuters, « Guterres ne suggère pas que cette force soit déployée par les Nations unies. Il a déclaré que les 15 membres du Conseil de sécurité devraient simplement accepter une telle force et note qu’il pourrait renforcer la capacité de l’ONU à soutenir un cessez-le-feu ou des arrangements humanitaires et assurer la coordination des efforts avec une force internationale. »

Mais depuis la « Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti » (MINUSTAH) de 2004 à 2017, les impérialistes ne peuvent plus se fier aux Nations unies pour une occupation militaire en Haïti. Les Nations unies n’ont aucune légitimité en Haïti. La précédente mission de l’ONU est considérée à juste titre comme une occupation étrangère par les Haïtiens. La mission MINUSTAH a été conçue pour protéger les intérêts des impérialistes américains en Haïti. Après le coup d’État organisé par les États-Unis et le Canada pour renverser le président Aristide, les forces d’occupation de l’ONU l’ont empêché de rentrer au pays et ont empêché son parti (Lavalas) de se présenter aux élections. La mission de l’ONU était spécifiquement conçue pour contrer « la résurgence des forces politiques populistes et hostiles à l’économie de marché ». Les troupes de la mission MINUSTAH ont laissé dans leur sillage un scandale d’agressions sexuelles et une épidémie de choléra. Ainsi, une mission de l’ONU en Haïti ne serait pas bien accueillie et ne constitue pas une option viable pour les impérialistes.

Les États-Unis et le Canada ont déjà livré des véhicules blindés au régime Henry, apportant ainsi un soutien militaire à la dictature de facto. Officiellement, les véhicules blindés sont destinés à aider la police haïtienne à lutter contre les gangs, mais ils peuvent bien sûr être également utilisés contre les manifestations de masse.

Le gouvernement Trudeau au Canada a parlé de la nécessité de lever les barrages des gangs. Mais, fidèle à lui-même, Trudeau est resté vague sur les détails. Les États-Unis ont proposé le déploiement rapide d’une force militaire internationale en Haïti. Mais l’avenir de cette proposition est incertain. Le gouvernement Biden ne veut pas envoyer de forces américaines et souhaite qu’un autre pays dirige la mission. Les forces militaires impérialistes américaines seraient à peu près aussi bien accueillies en Haïti qu’une force de l’ONU et, comme Biden doit bientôt affronter des élections de mi-mandat, une intervention militaire en Haïti comporte trop de risques.

La profondeur de la crise mondiale du capitalisme signifie que presque tous les pays sont confrontés à l’instabilité économique et politique. Dans ce contexte, l’envoi de troupes en Haïti représente de nombreux risques pour tous les pays impliqués. Dans l’espoir de contrecarrer les intérêts des États-Unis dans la région, la Russie et la Chine ont exprimé au Conseil de sécurité leurs préoccupations quant à l’envoi de troupes étrangères en Haïti. La France a refusé l’idée de fournir des troupes et le gouvernement canadien est également réticent. Le Brésil, où des élections auront également lieu prochainement, a exprimé son scepticisme et ne s’engagera pas non plus à envoyer des troupes. Jusqu’à présent, seules les Bahamas ont confirmé qu’elles seraient prêtes à envoyer des policiers ou des troupes si on le leur demandait.

Malgré ces revers pour la proposition américaine, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré que le régime Biden reste confiant dans sa capacité à mettre en place la force militaire internationale proposée, même s’il reste à savoir qui la dirigera et quand elle sera organisée.

La menace d’une intervention militaire impérialiste en Haïti ne doit pas être minimisée. Le régime de Biden a peut-être actuellement quelques difficultés à organiser une telle force, mais le fait est que les impérialistes seront de plus en plus motivés pour intervenir à mesure que la situation continuera à se détériorer. Sur le plan de la protection de leurs intérêts, les impérialistes en viennent à penser que les risques de ne pas intervenir commencent à devenir prépondérants. Toute menace sérieuse d’effondrement ou de renversement du régime Henry serait une motivation supplémentaire.

Les masses haïtiennes doivent s’opposer à toute intervention étrangère. Il y a eu plusieurs interventions et occupations militaires depuis les années 1990, qui n’ont jamais rien résolu et ont toujours empiré la situation. Les troupes impérialistes viennent en Haïti pour soutenir et préserver le statu quo, et défendront le régime actuel. Dans ce contexte, les troupes étrangères arriveraient pour soutenir la dictature d’Henry. Cela pourrait signifier un conflit avec les gangs, mais aussi la défense du régime contre les manifestations de masse.

De nombreux Haïtiens sont déjà opposés à une intervention menée par l’ONU ou les États-Unis et considèrent à juste titre une telle opération comme une occupation par l’impérialisme étranger. Nous avons rapporté dans notre article précédent que de nombreux slogans et pancartes anti-impérialistes étaient visibles lors de la manifestation du 17 octobre, le jour de la commémoration de l’assassinat de Dessalines. On a vu des manifestants porter un cercueil sur lequel figurait une photo d’Henry et drapé de drapeaux américains, canadiens et français, par exemple. Les manifestations contre une intervention impérialiste doivent se poursuivre et s’étendre dans tout le pays afin de démontrer clairement que le peuple est opposé à une telle occupation.

Dans certains cas, des pancartes et des signes pro-Russie ou pro-Poutine sont également visibles lors des manifestations. Cela reflète en partie le rejet de l’impérialisme américain et canadien par le peuple haïtien, mais dans d’autres cas, cela peut également révéler une croyance erronée qu’une intervention russe ou même chinoise pourrait conduire à un résultat différent de celui d’une intervention menée par les États-Unis. Étant donné qu’Haïti est considéré comme étant dans « l’arrière-cour » des États-Unis, une mission menée par la Russie ou la Chine est peu probable. L’invasion russe de l’Ukraine étant toujours en cours, il n’y a aucune chance que la Russie puisse intervenir, et une telle intervention serait sérieusement combattue par les États-Unis et leurs alliés. Dans tous les cas, une mission russe ou chinoise aurait la même intention et le même résultat qu’une mission dirigée par les États-Unis – la défense du statu quo et du régime Henry.

Il n’y a pas de solution au problème des gangs sous le capitalisme. La maladie générale du capitalisme en Haïti a permis aux gangs de se développer et de se métastaser comme un cancer. Les politiciens et la bourgeoisie ont financé et employé les gangs pour servir leurs propres intérêts. La corruption est si profonde que l’ensemble du système capitaliste, y compris la superstructure politique, est devenu criminalisé et gangstérisé.

Les troupes impérialistes pourraient être en mesure de vaincre militairement les gangs, à grands frais pour les masses haïtiennes, mais même cela n’apporterait aucune solution à long terme au problème. Une occupation par les troupes impérialistes ne ferait rien pour résoudre les causes profondes qui ont donné naissance aux gangs. Les troupes impérialistes ne fourniraient pas d’emplois, de salaires décents, de logements, d’éducation ou de soins de santé. Des améliorations significatives et importantes des conditions de vie sont la seule façon de traiter le problème des gangs à long terme.

Même si une intervention militaire impérialiste conduit au démantèlement du blocus du G9 et à la défaite des gangs, sans changement fondamental dans la situation économique et politique et avec les mêmes conditions de pauvreté et de misère, les gangs surgiraient à nouveau et les masses haïtiennes se retrouveraient rapidement dans la même situation. Cela signifierait une occupation potentiellement longue et brutale par les forces impérialistes pour garder les gangs sous contrôle.

Organisation révolutionnaire

Malgré la pauvreté écrasante et les conditions difficiles, malgré la violence des gangs, la terreur, les meurtres, les enlèvements et les assassinats, le mouvement de masse continue en Haïti. Il s’agit d’une réussite remarquable en soi, compte tenu de l’intensité de la lutte quotidienne pour survivre. De manière significative, ce mouvement de masse n’a pas non plus subi de défaites majeures, malgré tout.

Les manifestations de masse sont un phénomène quasi constant en Haïti depuis des années. Des manifestations n’ont cessé d’éclater : contre le régime de Martelly et la fraude électorale, contre les coupes dans la subvention au carburant, contre la corruption et le scandale Petrocaribe. Sous le régime de Moïse, ces manifestations ont même parfois pris un caractère insurrectionnel. Le peuple est descendu dans la rue pour protester contre ses contre-réformes et ses mesures autoritaires à chaque instant. Les masses ont clairement démontré leur volonté de se battre et de choisir leur propre destin.

En raison des difficultés de la vie en Haïti et de la terreur des gangs, de nombreuses personnalités et leaders du mouvement de masse ont été tués ou ont disparu. Les militants connus et les leaders communautaires sont une cible fréquente des gangs. Le régime Henry (comme le régime Moïse avant lui), avec l’aide des gangs, a essayé de décapiter le mouvement pour l’empêcher de se développer et de réussir. Cela pose certains défis au mouvement. Aucune direction révolutionnaire n’a émergé qui puisse unir le mouvement autour d’un programme commun.

Aucune solution ne sera trouvée parmi les différents partis bourgeois et réformistes qui, un par un, ont capitulé devant le régime Henry ou devant les intérêts de l’impérialisme. La fondation d’une organisation révolutionnaire de masse, unie autour d’un programme socialiste, est une nécessité urgente.

Le régime Henry ne sera pas en mesure de s’occuper des gangs. Les troupes étrangères ne sont pas non plus une solution. Le peuple, le mouvement de masse, devra s’occuper lui-même des gangs. C’est une tâche ardue, c’est certain, mais elle est possible sur la base d’un mouvement de masse uni autour d’un programme révolutionnaire. Les gangs, comme le régime Henry lui-même, seraient impuissants face à un mouvement révolutionnaire de masse authentique.

Une tâche essentielle du mouvement de masse pour faire face aux gangs sera la création de comités d’action révolutionnaires pour défendre les quartiers et les lieux de travail. Les travailleurs et les pauvres doivent être en mesure de se défendre contre les enlèvements et les assassinats. Il faut empêcher les gangs de se battre pour le contrôle des quartiers et du territoire, ce qui signifie toujours la mort de civils  innocents.

Le capitalisme a complètement échoué en Haïti. Ce qu’il faut, c’est un balayage révolutionnaire total de toute la corruption et de la pourriture du capitalisme haïtien. À cette fin, la bourgeoisie haïtienne doit être expropriée et son régime défaillant renversé. L’expropriation de l’élite dirigeante sera une étape clé pour surmonter les puissantes connexions des gangs.

Un mouvement de masse insurrectionnel en Haïti doit élaborer un programme économique, politique et social capable d’éradiquer la pauvreté et la misère qui poussent de nombreuses personnes à rejoindre les gangs. De bons emplois, des logements décents, une alimentation adéquate, de l’eau et des soins de santé sont les armes politiques qui peuvent être utilisées pour combattre les gangs.

Compte tenu du manque de carburant, d’eau et de nourriture dû au blocus du G9, le mouvement de masse en Haïti doit élaborer un plan de collecte et de distribution des produits de base, ainsi que l’organisation et la défense des transports, de l’éducation et des soins de santé. L’État haïtien s’est montré incapable de fournir ces services de base, mais les masses pourraient le faire sur la base d’une planification démocratique des ressources.

Un soulèvement révolutionnaire des travailleurs et des pauvres en Haïti serait une inspiration pour les travailleurs et les jeunes du monde entier. Cela fournirait la base d’un appel internationaliste des travailleurs et des pauvres haïtiens à la solidarité et au soutien. Cela galvaniserait la solidarité de classe pour les masses haïtiennes dans les Caraïbes, en Amérique latine, en Amérique du Nord et dans le monde. La solidarité de classe dans toute la région et dans le monde est le moyen d’arrêter une intervention militaire des forces impérialistes.

Il n’y a pas d’issue sous le capitalisme. Aucune solution ne sera trouvée sous une occupation impérialiste. Les troupes impérialistes défendront le statu quo, le régime Henry et le pouvoir des élites. La crise économique et sociale se poursuivra et s’aggravera. Cela signifie condamner les masses à une pauvreté et une misère continues, sans fin en vue.

Renverser le régime pourri d’Henry et l’ensemble du système capitaliste en Haïti est la tâche des travailleurs et des pauvres haïtiens eux-mêmes. Le temps est venu de construire une organisation révolutionnaire unie et d’élaborer un programme de révolution socialiste. C’est la seule façon pour les masses haïtiennes de sortir de la crise.

Pas touche à Haïti!
Non à l’occupation impérialiste!
À bas le régime Henry!
Pour une révolution!