Pourquoi nous avons besoin d’une internationale communiste

Le moment est venu de faire un pas décisif : le lancement de l’Internationale communiste révolutionnaire. Le communisme est internationaliste, ou il n’est rien.

  • Alan Woods
  • mer. 17 avr. 2024
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En juin, la Tendance marxiste internationale lancera une nouvelle Internationale communiste révolutionnaire, qui portera hardiment la bannière propre du communisme sur tous les continents. Dans cet article, Alan Woods explique l’importance historique de cette étape, en retraçant l’ascension et la chute des précédentes Internationales et en montrant l’importance de l’ICR dans la lutte pour le communisme aujourd’hui. Inscris-toi dès maintenant à notre conférence fondatrice!


Le communisme est internationaliste, ou il n’est rien. Déjà, à l’aube de notre mouvement, dans les pages du Manifeste du parti communiste, Marx et Engels expliquaient que les travailleurs n’ont pas de patrie.

Les fondateurs du socialisme scientifique ne cherchaient pas à créer un parti allemand, mais une internationale. Lénine, Trotsky, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ont consacré leur vie au même objectif.

Leur internationalisme n’était pas un caprice, ni le résultat de considérations sentimentales. Il découle du fait que le capitalisme se développe en tant que système mondial. Les différentes économies et les différents marchés nationaux forment un tout unique, indivisible et interdépendant : le marché mondial.

Aujourd’hui, cette prédiction des fondateurs du marxisme a été brillamment démontrée, presque comme en laboratoire. La domination écrasante du marché mondial est le fait le plus décisif de notre époque.

Il n’y a pas de livre plus moderne que le Manifeste de Marx et Engels. Il explique la division de la société en classes, le phénomène de la mondialisation, les crises de surproduction, la nature de l’État et les forces motrices fondamentales du développement historique.

Cependant, même les idées les plus justes ne peuvent aboutir à rien si elles ne trouvent pas une expression organisationnelle et pratique. C’est pourquoi les fondateurs du socialisme scientifique ont toujours travaillé sans relâche à la création d’une organisation internationale de la classe ouvrière.

Marx et Engels ont joué un rôle clé dans la formation de l’Association internationale des travailleurs (AIT), connue aujourd’hui sous le nom de Première Internationale. Au début, cette organisation avait une composition très hétérogène. Marx et Engels ont dû se battre pour établir une clarté idéologique.

La bataille des idées était menée sur deux fronts : d’une part, il fallait combattre les idées réformistes des dirigeants syndicaux opportunistes.

D’autre part, ils ont dû mener une lutte constante contre les tendances anarchistes, ultra-gauchistes et sectaires. Les choses n’ont guère changé aujourd’hui. Les communistes sont confrontés exactement aux mêmes problèmes et doivent lutter contre les mêmes ennemis. Les noms ont peut-être changé, mais le contenu est le même.

Mais Marx et Engels n’ont pas limité leur travail à la lutte théorique. L’Internationale n’est pas restée à l’écart des problèmes quotidiens de la classe ouvrière. Elle s’est constamment engagée dans le travail pratique au sein du mouvement ouvrier.

Contrairement aux prétentions mensongères des ennemis bourgeois du communisme, il n’y avait absolument rien d’autoritaire dans les méthodes de Karl Marx. Au contraire, il faisait preuve d’un grand tact et d’une grande patience avec les travailleurs réformistes. Dans une lettre à Engels, il écrit :

« Il était donc très difficile d’arriver à présenter notre point de vue sous une forme qui le rendit acceptable dans la phase où se trouve actuellement le mouvement ouvrier. […] Il faudra du temps avant que le réveil du mouvement permette l’ancienne franchise de langage. Pour le moment il faut agir fortiter in re, suaviter in modo [souple dans la manière et audacieux dans le contenu]. »

C’est un très bon conseil pour les communistes d’aujourd’hui qui souhaitent mener un travail sérieux dans les organisations de masse de la classe ouvrière.

La fin de la Première Internationale

L’Internationale a fait de grandes avancées. Mais la défaite de la Commune de Paris en 1871 a porté un coup fatal à l’organisation. Elle ne pouvait plus fonctionner en France en raison de l’orgie réactionnaire qui s’en est suivie, et elle était persécutée partout.

Mais la véritable raison de ses difficultés se trouvait dans l’essor du capitalisme à l’échelle mondiale qui a suivi la défaite de la Commune. Dans ces conditions, les pressions exercées par le capitalisme sur le mouvement ouvrier ont donné lieu à des querelles internes et à des fractions.

Se nourrissant de l’atmosphère générale de désillusion et de désespoir, les intrigues de Bakounine et de ses partisans s’intensifièrent. Pour ces raisons, Marx et Engels ont d’abord proposé de transférer le siège de l’Internationale à New York, puis ont finalement décidé qu’il valait mieux dissoudre l’Internationale, du moins pour l’instant. L’AIT a été officiellement dissoute en 1876. Pendant un certain temps, il n’y avait pas d’Internationale.

La Deuxième Internationale

L’AIT a réussi à poser les bases théoriques d’une véritable Internationale révolutionnaire. Mais elle n’a jamais été une véritable Internationale ouvrière de masse. Il s’agissait en fait d’une anticipation de l’avenir.

L’Internationale socialiste (Deuxième Internationale) a été lancée en 1889 et a commencé là où la Première Internationale s’était arrêtée. Contrairement à la Première Internationale, elle disposait d’une base de masse. Dans ses rangs se trouvaient les partis de masse et les syndicats d’Allemagne, de France, de Grande-Bretagne, de Belgique et d’autres pays.

La période 1871-1914 a été la période classique de la social-démocratie. Au moins en paroles, elle s’appuyait sur le marxisme révolutionnaire. Cependant, la nouvelle Internationale a eu la malchance de naître au cours d’une période de formidable essor du capitalisme.

Sur la base d’une longue période de croissance économique, le capitalisme a pu faire des concessions à la classe ouvrière ou, plus exactement, à sa couche supérieure. Peu à peu, une aristocratie ouvrière privilégiée s’est constituée.

Les dirigeants sociaux-démocrates étaient convaincus qu’il était possible d’atteindre leurs objectifs sans révolution. Ils en sont venus à croire que les problèmes de la classe ouvrière pouvaient être résolus lentement, pacifiquement, progressivement, par le biais de réformes.

Ils opposaient cette politique « pratique » à ce qu’ils considéraient comme les théories dépassées du marxisme – même si, en théorie, ils continuaient à faire écho au langage de la guerre des classes dans les discours du 1er Mai.

Des hommes comme l’ancien disciple de Marx, Eduard Bernstein, ont tenté de fournir une base théorique à ce recul en tentant de réviser marxisme.

Mais la base matérielle de la dégénérescence national-réformiste de la Deuxième Internationale (socialiste) était enracinée dans les conditions objectives du capitalisme, qui semblaient prouver que les révisionnistes avaient raison.

Cependant, tout l’édifice du réformisme a volé en éclats en 1914, lorsque les dirigeants de l’Internationale ont voté pour les crédits de guerre et ont soutenu « leur » bourgeoisie dans la boucherie impérialiste de la Première Guerre mondiale.

La guerre et la révolution russe qui en a découlé ont marqué le début d’une nouvelle période houleuse de révolutions et de contre-révolutions. C’est sur cette base matérielle que naquit une nouvelle internationale ouvrière.

L’Internationale communiste

Dès 1914, Lénine tire la conclusion que la Deuxième Internationale est morte en tant qu’organe de transformation de la société. Il proclame la nouvelle Troisième Internationale, bien qu’à l’époque, les internationalistes révolutionnaires se comptaient en nombres pitoyablement faibles.

La tendance internationaliste était isolée des masses, qui étaient sous l’influence des dirigeants social-chauvins et intoxiquées par les effluves du patriotisme. De grands événements étaient nécessaires pour changer la situation. C’est ce qui s’est produit en 1917 avec l’éclatement de la révolution en Russie.

Lénine et Trotsky ont conduit la classe ouvrière russe à la conquête du pouvoir et, en 1919, ils ont pu proclamer la création de la Troisième Internationale (communiste).

Le Comintern, comme on l’a appelé, se situait à un niveau qualitativement supérieur par rapport à ses deux prédécesseurs. Comme l’AIT, il défendait un programme révolutionnaire et internationaliste clair. Comme la Deuxième Internationale, il disposait d’une base de masse de plusieurs millions de personnes.

Sous la direction de Lénine et de Trotsky, l’Internationale communiste a maintenu une ligne révolutionnaire juste. Il semblait que le destin de la révolution mondiale était entre de bonnes mains.

Cependant, l’isolement de la révolution russe dans des conditions d’effroyable retard matériel et culturel s’est traduit par la dégénérescence bureaucratique de la révolution.

La faction bureaucratique dirigée par Staline a pris le dessus, surtout après la mort de Lénine en 1924. La montée du stalinisme en Russie a étouffé le formidable potentiel de la Troisième Internationale.

La dégénérescence stalinienne de l’Union soviétique a fait des ravages auprès des dirigeants inexpérimentés et immatures des partis communistes à l’étranger.

« Le socialisme dans un seul pays »

En 1928, Trotsky prédisait que la « théorie » du socialisme dans un seul pays conduirait inévitablement à la dégénérescence nationaliste des partis communistes. L’histoire a démontré toute la justesse de cette prédiction.

Cette soi-disant théorie a marqué une rupture décisive avec l’internationalisme léniniste. Elle représentait une expression de l’étroitesse nationale de la perspective de la bureaucratie, qui considérait l’Internationale communiste comme un simple instrument de la politique étrangère de Moscou. Après avoir utilisé le Comintern à ses propres fins cyniques, Staline le dissout en 1943 sans même un semblant de congrès.

Trotsky et l’Opposition de gauche ont tenté de défendre les traditions immaculées d’Octobre contre la réaction stalinienne. Ils ont défendu les traditions léninistes de la démocratie ouvrière et de l’internationalisme prolétarien. Mais ils menaient une bataille perdue d’avance contre la puissante marée de l’histoire.

En 1938, Trotsky proclame la Quatrième Internationale, offrant une bannière révolutionnaire propre à la nouvelle génération. Mais elle a été détruite par les erreurs de ses dirigeants après l’assassinat de Trotsky.

Sans les conseils de Trotsky, la Quatrième Internationale a fini par avorter. Des décennies plus tard, tout ce qu’il reste de cette organisation est une myriade de scissions et de groupes sectaires, tous plus bizarres les uns que les autres.

Ils n’ont rien fait d’autre que de semer une confusion sans fin et de discréditer l’idée même du trotskisme aux yeux de nombreux militants ouvriers.

Aujourd’hui, ce qu’il reste de la Quatrième Internationale, ce sont les idées de son fondateur, Léon Trotsky, qui conservent toute leur pertinence et leur importance. Ces idées ont été maintenues en vie par le travail inlassable du défunt camarade Ted Grant et sont représentées aujourd’hui par la Tendance marxiste internationale.

La dégénérescence des partis communistes

Nous sommes fiers de notre héritage idéologique. Il faut cependant se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, 150 ans après la fondation de la Première Internationale, par un concours de circonstances tant objectives que subjectives, le mouvement révolutionnaire a été refoulé et les forces du marxisme authentique ont été réduites à une petite minorité.

L’explication se trouve principalement dans la situation objective. Des décennies de croissance économique dans les pays capitalistes avancés ont donné lieu à une dégénérescence sans précédent des organisations de masse de la classe ouvrière. Cela a isolé le courant révolutionnaire qui, partout, a été réduit à une minorité d’une minorité.

L’effondrement de l’Union soviétique a scellé définitivement la dégénérescence des anciens dirigeants staliniens, dont la plupart ont capitulé devant les pressions du capitalisme et sont passés ouvertement dans le camp du réformisme.

Mais il y a un autre aspect à la question. La crise actuelle met en évidence le rôle réactionnaire du capitalisme et met à l’ordre du jour la renaissance du communisme international.

Le cours de l’histoire

Pendant des décennies, nous avons été obligés de nager à contre-courant. Mais aujourd’hui, le cours de l’histoire a commencé à tourner.

Partout, sous le vernis superficiel du calme et de la tranquillité, on sent poindre la rage, l’indignation, le mécontentement et surtout la frustration face à l’état actuel de la société et de la politique.

Même aux États-Unis, on observe un mécontentement généralisé et une remise en question de la situation actuelle, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Toutes les tentatives de la bourgeoisie pour rétablir l’équilibre économique ne font que détruire l’équilibre social et politique. La bourgeoisie se retrouve piégée dans une crise pour laquelle elle n’a pas de solution. Telle est la clé pour comprendre la situation actuelle.

La crise se traduit par une instabilité dans tous les domaines : économique, financier, social, politique, diplomatique et militaire.

L’avenir que ce système offre ne peut être qu’un avenir de misère, de souffrance, de maladie, de guerre et de mort sans fin pour la race humaine. Comme l’a dit Lénine, le capitalisme est une horreur sans fin.

La seule solution

C’est une ironie de l’histoire que de voir les dirigeants des partis ouvriers de masse s’accrocher au capitalisme décrépit et au marché alors même qu’ils s’effondrent sous nos yeux.

Le problème central peut être énoncé simplement. Il s’agit d’un problème de direction. En 1938, Trotsky déclarait que la crise de l’humanité pouvait être réduite à la crise de la direction du prolétariat. Cela résume parfaitement la situation actuelle.

Faute d’une base solide dans la théorie marxiste, la soi-disant gauche a capitulé et abandonné la lutte pour le socialisme. À sa place, il y a un vide gigantesque. Mais la science nous apprend que la nature a horreur du vide. Cela nous place devant un défi très concret.

Les travailleurs et les jeunes souhaitent ardemment changer la société. Mais ils ne trouvent pas d’expression organisée pour leurs efforts. À chaque étape, ils se voient barrer la route par les vieilles organisations et directions bureaucratiques qui ont depuis longtemps abandonné toute prétention à lutter pour le socialisme.

Partout dans le monde, une nouvelle génération de combattants ouvriers prend rapidement forme en raison de la crise du capitalisme. Cela entraîne une profonde transformation dans les consciences, en particulier chez les jeunes.

Les derniers sondages réalisés en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie et dans d’autres pays nous indiquent très clairement que l’idée du communisme se répand rapidement.

Ces jeunes n’ont pas besoin d’être convaincus. Ils sont déjà communistes. Mais ils ne voient aucune solution de rechange dans les organisations existantes. Au contraire, elles les rebutent.

Ils sont à la recherche d’une bannière propre, d’une organisation qui a rompu radicalement avec le réformisme de droite perfide et l’opportunisme de « gauche » lâche.

Le potentiel du communisme est énorme. Notre tâche est de faire de ce potentiel une réalité. Mais comment y parvenir?

Nous sommes face à une contradiction flagrante. Aujourd’hui, les idées de Marx sont plus que jamais justes et nécessaires. Mais les idées, en elles-mêmes, sont insuffisantes.

Nous devons prendre les mesures pratiques nécessaires pour trouver cette nouvelle génération de communistes et les recruter sous notre bannière. Cela signifie nécessairement que nous devons donner aux idées une expression concrète et organisationnelle.

La nécessité d’une nouvelle Internationale n’est pas une décision arbitraire. Elle n’est pas non plus l’expression d’un désir subjectif ou d’une précipitation irréfléchie. C’est quelque chose qui est clairement exigé par l’ensemble de la situation.

Est-ce vraiment le bon moment pour une initiative aussi audacieuse? Pour certaines personnes, bien entendu, le bon moment n’arrivera jamais. Elles trouveront toujours mille raisons de retarder la prise de décision. Mais nous ne pouvons pas fonder un programme et une politique sur l’hésitation et le doute.

On objectera peut-être que nous sommes trop peu nombreux pour faire une telle avancée. Mais tous les mouvements révolutionnaires de l’histoire ont toujours commencé par une petite minorité insignifiante en apparence.

En 1914, les forces dont disposait Lénine étaient dérisoires. Mais cela ne l’a pas empêché de proclamer la nécessité d’une nouvelle internationale communiste. Les doutes étaient nombreux, même parmi ses propres partisans, mais l’histoire a prouvé qu’il avait raison.

Il est vrai que nos forces sont très petites par rapport à l’énorme tâche qui nous attend et nous ne nous faisons pas d’illusions à ce sujet. Mais cette situation commence déjà à changer de manière significative.

Nous avons un travail important à faire, et ce travail, qui atteint une étape décisive, porte déjà des fruits importants. C’est ce que montre clairement le succès remarquable de la campagne « Es-tu communiste? »

Nous connaissons une croissance rapide partout. Ce n’est pas un hasard. Nous nageons désormais dans le sens du courant de l’histoire. Par-dessus tout, nous avons les bonnes idées. C’est en fin de compte la seule garantie de succès.

Ce qu’il faut, c’est un véritable Parti communiste, qui s’appuie sur les idées de Lénine et des autres grands penseurs marxistes, et une Internationale sur le modèle de l’Internationale communiste pendant ses cinq premières années d’existence.

Telle est la tâche qui nous incombe. Il s’agit d’une tâche absolument nécessaire et urgente qui ne saurait souffrir d’aucun retard.

Après des débuts modestes, dans les conditions les plus difficiles que l’on puisse imaginer, la Tendance marxiste internationale a déjà construit une organisation regroupant des milliers de travailleurs et de jeunes parmi les meilleurs dans de nombreux pays.

C’est une grande réussite. Mais ce n’est qu’un début. Le moment est venu de faire un pas décisif : le lancement de l’Internationale communiste révolutionnaire.

Nous appelons tous les travailleurs et tous les jeunes qui adhèrent à cet objectif à nous aider à atteindre notre but final : la victoire du socialisme international.

Contre le capitalisme et l’impérialisme!
Pour la transformation socialiste de la société!
Rejoignez-nous dans la lutte pour la révolution mondiale!
Travailleurs de tous les pays, unissez-vous!

Londres, 11 mars 2024


Cet article se trouve dans le numéro 45 du magazine Défense du marxisme, qui a pour thème la fière histoire des luttes révolutionnaires sur le continent africain. Ce numéro contient des articles sur l’histoire du Cameroun et de l’Éthiopie, une critique marxiste de Franz Fanon, ainsi que des écrits de Lénine et de Trotsky sur la lutte révolutionnaire dans les pays coloniaux. Il s’agit d’une lecture indispensable pour les communistes qui veulent comprendre l’histoire révolutionnaire de l’Afrique et lutter pour le communisme à l’échelle internationale aujourd’hui. Abonnez-vous dès maintenant!