Pourquoi nous sommes léninistes

Cette année marque le 100e anniversaire de la mort de Lénine. Une connaissance des idées authentiques de Lénine est essentielles pour quiconque souhaite mener à bien une révolution réussie aujourd’hui.

  • Julien Arseneau
  • dim. 21 janv. 2024
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Trotsky, Lénine et Kamenev en 1919. Domaine public

Cet article a été publié dans le numéro 1 de Révolution communiste. Vous pouvez vous abonner à Révolution communiste ici.


Il est difficile de trouver une figure plus calomniée dans l’histoire humaine que celle de Vladimir Ilitch Lénine. Dictateur, meurtrier, cynique, immoral : tout y passe. Ce concert est l’affaire d’à peu près toutes les tendances politiques, de la droite conservatrice au libéralisme, en passant par les réformistes et les anarchistes. Malheureusement, des décennies de dictature stalinienne en URSS ont contribué à forger cette caricature.

Mais rien de tout cela ne correspond à ce qu’était Lénine. Fondateur du parti le plus révolutionnaire de l’histoire, théoricien marxiste qui fait époque, dirigeant de la première révolution ouvrière victorieuse au monde, la contribution de Lénine au mouvement communiste est sans commune mesure. Et c’est précisément pourquoi il est si détesté de la classe dominante aujourd’hui.

Une connaissance des idées authentiques de Lénine est essentielle pour quiconque souhaite voir une révolution communiste victorieuse aujourd’hui. En cette année 2024, centenaire de la mort du grand révolutionnaire, nous donnerons dans les pages de Révolution communiste une place de choix à ses textes, faisant découvrir à nos lecteurs les idées qui peuvent changer le monde. Malgré les calomnies, les mensonges et les caricatures, le léninisme a résisté à l’épreuve du temps.

Un parti révolutionnaire de lutte

La plus grande contribution de Lénine au mouvement communiste est son insistance sur la nécessité d’un parti révolutionnaire pour réussir à renverser le capitalisme. C’est ce que nous, Révolution communiste, visons à bâtir aujourd’hui.

En 1900, Lénine fonde le journal Iskra, autour duquel bâtir le parti révolutionnaire. Il affirme dans la déclaration de lancement qu’il faut « nous unir étroitement et d’orienter tous nos efforts vers la formation d’un parti solide, combattant sous le drapeau commun de la social-démocratie révolutionnaire ». La « social-démocratie révolutionnaire » est un terme de l’époque pour le marxisme.

Une telle organisation marxiste ne peut être improvisée au moment d’une révolution; elle doit être bâtie à l’avance. Dans Par où commencer?, Lénine explique : 

« [L]a constitution d’une organisation de combat et l’agitation politique sont obligatoires dans n’importe quelles circonstances “ternes, pacifiques”, dans n’importe quelle période de “déclin de l’esprit révolutionnaire”. Bien plus, c’est précisément dans ces circonstances et dans ces périodes qu’un pareil effort est nécessaire, car au moment de l’explosion, de la conflagration, il est trop tard pour créer une organisation; elle doit être déjà prête, afin de déployer immédiatement son activité. »

Cette idée de Lénine a été confirmée par plus de cent ans de révolutions. 

La classe ouvrière est créée par le capitalisme. C’est celle qui, par la force du nombre et sa place dans la production, a le potentiel de renverser le système capitaliste, et d’établir une société libérée de l’exploitation, une société communiste. Il est arrivé d’innombrables fois dans l’histoire qu’elle se soulève dans un pays après l’autre. Cependant, l’histoire démontre qu’une révolution ne peut arriver à renverser le capitalisme spontanément. Un parti révolutionnaire est nécessaire pour y arriver, et il ne peut pas être créé dans le feu de la lutte. 

Dix ans avant la révolution russe de 1917, Lénine soulignait l’importance des premières années d’efforts : 

« L’Iskra s’est battue pour la création d’une organisation de révolutionnaires professionnels, […] elle l’a préservée, malgré la scission qui devait se produire par la suit entre partisans de l’Iskra, malgré tous les remous de la tempête, et cela pendant la durée entière de la révolution russe [la révolution vaincue de 1905], de 1901-1902 jusqu’en 1907. » 

Seule la création d’un tel parti révolutionnaire a permis la victoire de 1917. Les bolcheviks, forts d’une expérience de 20 ans à bâtir le parti, élaborer des perspectives et des tactiques pour gagner les travailleurs à leur cause, ont réussi à amener la classe ouvrière au pouvoir. 

Notre tâche est la même aujourd’hui. Tôt ou tard, des soulèvements révolutionnaires auront lieu au Canada. Il faudra qu’il existe à l’avance un parti communiste révolutionnaire si nous voulons gagner.

Cadres marxistes

La tâche de construction du parti ne peut pas être laissée au hasard. Elle ne se fera pas de manière spontanée, sans un souci de professionnalisme, du sérieux et des sacrifices. Lénine insistait pour la création d’une organisation combative de « révolutionnaires professionnels », trempés dans la théorie marxiste, prêts à se consacrer entièrement à la lutte, ce que nous appelons aujourd’hui des cadres marxistes.

Dans les premières années du mouvement marxiste russe, une polémique fait rage entre Lénine et ceux qu’on appelle les « économistes ». Ceux-ci croient que le rôle des militants communistes est simplement d’accompagner les travailleurs dans leurs luttes quotidiennes immédiates. Ils fétichisent la lutte « spontanée », économique des travailleurs, et minimisent l’importance de « la politique ». Ils méprisent la lutte théorique.

Ces tendances sont encore bien présentes aujourd’hui. De nombreux groupes socialistes ou communistes vouent un souverain mépris pour l’étude de la théorie marxiste. Ils affirment que ce n’est pas « notre » travail « d’éduquer » les travailleurs, que les questions théoriques ne les intéressent pas vraiment de toute façon. Ils ne réalisent pas qu’ils font preuve ici d’une incroyable condescendance envers les travailleurs. Le léninisme, c’est l’antithèse de ces préjugés répugnants.

Dans son ouvrage Que faire?, Lénine met de l’avant la nécessité pour les communistes, non pas de simplement soutenir les travailleurs dans leurs luttes, mais de travailler à élargir leurs horizons, de lier les luttes immédiates à un combat plus large contre le capitalisme. 

Pour ce faire, une étude de la théorie marxiste et de son application dans la lutte de classe est essentielle. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

Le programme communiste est le résultat des généralisations tirées de l’histoire de la lutte des travailleurs. Nos perspectives s’élaborent grâce à une compréhension des dynamiques de l’économie capitaliste, des conflits inter-impérialistes, de l’histoire de la lutte des classes en général. Sans le socle de la théorie marxiste et son étude rigoureuse, nous ne sommes rien. 

Il est du devoir de chaque communiste individuel de s’adonner à une étude sérieuse de ces idées. C’est ainsi que nous créerons un parti de cadres communistes capable de coordonner les efforts de la classe ouvrière en vue de la prise du pouvoir. 

Contre cette insistance sur la théorie marxiste, nous entendons souvent cette idée : pourquoi « la gauche » ne peut-elle pas simplement s’unir? Ne pouvons-nous pas laisser nos « petites » différences de côté? La réalité est que des groupes ou organisations qui « s’unissent » en mettant de côté les différences, soit le font basé sur le plus petit commun dénominateur, ou soit que les désaccords fondamentaux ressurgissent à chaque pas et paralysent l’action. Lénine répondait ainsi à cette objection :

« Avant de nous unir, et pour nous unir, nous devons commencer par nous démarquer nettement et résolument. Sinon, notre unité ne serait qu’une fiction couvrant le désordre existant et empêchant d’y mettre radicalement fin. »

Bien que les léninistes soient toujours prêts à travailler avec d’autres tendances dans le mouvement, nous tenons à préserver notre identité et nos idées communistes distinctes, persuadés de pouvoir gagner les travailleurs et les jeunes.

Les communistes ne se font pas d’illusions. En temps normal, nous sommes la minorité. Les idées dominantes sont les idées de la classe dominante. Être communiste, c’est se préparer à être une minorité pour une bonne partie de sa vie. 

Mais le capitalisme crée constamment les conditions de crise qui amènent les travailleurs à rejeter le système et à chercher une solution de rechange. Nous vivons une telle époque à l’heure actuelle. Après une période historique d’isolement, les communistes nagent maintenant avec le courant. Des millions de jeunes dans tous les pays s’ouvrent au communisme. 

Les conditions se créent sous nos yeux où les idées de Marx et Lénine trouveront un énorme écho. Si chacun de nous se bâtit en tant que cadre marxiste, et si nous nous unissons dans une même organisation, l’avenir nous appartient.

Internationalisme

Le socialisme est international ou il n’est rien. Sans la victoire des travailleurs dans au moins quelques pays, il est impossible de bâtir le socialisme. C’est ce que l’expérience de l’URSS a bien montré. Même sur un territoire recouvrant le ⅙ de la planète, le « socialisme dans un seul pays », cette idée de Staline, s’est révélé une utopie.

Toute sa vie, Lénine se voyait non pas comme un militant russe, mais comme un soldat du mouvement ouvrier mondial. Cet esprit traverse l’ensemble de ses écrits. Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie qu’il travaillait à bâtir était la section russe de l’Internationale socialiste fondée par Engels en 1889.

Se concentrant sur la Russie, jamais Lénine n’a détourné ses yeux du fait que la lutte en Russie était liée à la lutte des ouvriers du monde entier. Lénine entrevoyait la possibilité que la révolution commence en Russie, mais que pour gagner, elle devait absolument s’étendre aux travailleurs de l’Europe. 

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, en tant qu’internationaliste, Lénine se retrouve isolé.

Tandis que les bolcheviks étaient éprouvés par leur lutte contre l’État tsariste et la classe dirigeante de Russie, les autres partis « socialistes » d’Europe s’étaient habitués à la bonne entente et aux compromis avec la leur.

La collaboration de classe en temps de paix s’étend au temps de guerre. En peu de temps, la majorité des militants socialistes dans le monde capitulent devant le chauvinisme national. À l’exception de la Russie et de la Serbie, toutes les sections nationales de l’Internationale socialiste appuient leur bourgeoisie dans la guerre. C’est l’effondrement ignominieux de l’Internationale.

Lénine est parmi la petite minorité qui résiste au chauvinisme, et qui appelle à lancer une nouvelle internationale. En septembre 1915, ce petit groupe se réunit à Zimmerwald, en Suisse, pour une conférence des militants internationalistes d’Europe. En préparation pour la conférence, Lénine écrit : 

« On conçoit parfaitement que, pour fonder une organisation marxiste internationale, il faut que la volonté de créer des partis marxistes indépendants existe dans les différents pays. […] Nous ne savons pas ni ne pouvons savoir comment les choses évolueront dans les prochaines années sur le plan international. Mais ce que nous savons à coup sûr, ce dont nous sommes fermement convaincus, c’est que notre Parti, dans notre pays, travaillera inlassablement dans cette direction et, par toute son activité quotidienne, créera une section russe de l’Internationale marxiste. »

Bien qu’à ce moment, « l’Internationale marxiste » n’existait pas, Lénine se voyait comme un militant d’une telle organisation! L’esprit internationaliste traverse l’ensemble de la vie et des écrits de Lénine.

Deux ans après Zimmerwald, en 1917, les bolcheviks prennent le pouvoir, et affirment tout haut que la révolution socialiste mondiale commence. En mars 1919, l’Internationale communiste est fondée, et des partis communistes voient le jour dans tous les pays. Cette internationale faisait trembler la bourgeoisie partout dans le monde.

S’il y a bien une chose que le stalinisme a souillée, c’est cette fière tradition d’internationalisme. Staline lui-même a dissous l’Internationale communiste en 1943 en guise de geste d’amitié avec les impérialistes occidentaux. Les partis communistes restants aujourd’hui ont absorbé les préjugés nationalistes de leur bourgeoisie. Un exemple typique de cette tendance est le Parti communiste britannique, qui défend le « patriotisme progressiste ». Ces partis ne sont pas réunis dans une internationale commune – sans parler du fait que nombreux sont ceux qui ne parlent de lutte contre le capitalisme que sporadiquement.

Les militants réunis autour de Révolution communiste ne sont pas dans une organisation nationale. Nous sommes tout simplement les militants de la Tendance marxiste internationale au Canada. Alors que partout, la gauche ne voit pas plus loin que le bout de son nez, nous appartenons fièrement à une authentique organisation internationale. 

Rejoindre les rangs de Révolution communiste, c’est avant tout rejoindre les rangs d’une organisation communiste internationale de milliers de membres. Nous luttons dans nos pays respectifs avec un programme et des idées communes à nos camarades de lutte partout dans le monde, issus de décennies d’expérience accumulée. Et c’est ce qui nous donne l’entière confiance que nous réussirons.

Surmonter tous les obstacles

Il est impossible de rendre pleinement justice au léninisme dans ce court article. Il n’y a pas de meilleure façon d’en apprendre sur Lénine qu’en lisant les innombrables textes qu’il a laissés sur tous les sujets imaginables. Ils constituent un legs précieux. Cette année, nous comptons rééditer des textes de Lénine, qui, nous l’espérons, contribueront à former des centaines de communistes partout au Canada.

Mais s’il y a bien une chose qui caractérise le léninisme, c’est une volonté de fer de surmonter tous les obstacles devant nous, ainsi qu’une confiance inébranlable dans la classe ouvrière et la jeunesse.

Toute sa vie, Lénine était la voix qui secouait ses camarades, et les incitait à redoubler d’énergie pour construire le parti révolutionnaire. Au milieu de la révolution de 1905, il s’indignait de la passivité des bolcheviks devant la radicalisation des masses. Dans une lettre à un camarade, il écrit : 

« Il y a des hommes en Russie, tant qu’on veut. Il faut seulement recruter des jeunes plus largement et plus hardiment, encore plus hardiment et plus largement, toujours plus hardiment et plus largement, sans craindre la jeunesse. Nous sommes en temps de guerre. La jeunesse décidera de l’issue de la lutte, la jeunesse étudiante et plus encore la jeunesse ouvrière. Secouez toutes les vieilles habitudes d’immobilité, de respect hiérarchique, etc.! Formez des centaines de cercles de jeu­nes sympathisants de Vpériod et encouragez-les à travailler sans arrêt. […] Il faut grouper et mettre en mouvement avec la promptitude la plus grande tous ceux qui ont de l’initiative révolutionnaire. »

Ces lignes respirent le sentiment d’urgence d’organiser la jeunesse et les travailleurs. Aujourd’hui comme à l’époque, nous devons être habités de ce sentiment, et travailler d’arrache-pied à bâtir une organisation communiste. Personne ne le fera à notre place.

Le système capitaliste nous entraîne dans l’abîme. Jamais depuis des générations n’a-t-on vu un tel malaise social, une telle montée de la pauvreté, de la misère et des inégalités. Mais la crise du capitalisme prépare une période révolutionnaire – même ici au Québec et au Canada.

La victoire dépendra de notre capacité à créer à temps un parti communiste révolutionnaire comme Lénine et les bolcheviks l’ont fait par le passé. Si vous êtes interpellés par cette lutte, n’attendez pas et rejoignez Révolution communiste!