Québec solidaire et la laïcité : une révolte des membres contre la direction

 Dans un concert d’applaudissements, les membres de Québec solidaire réunis en Conseil national cette fin de semaine ont voté contre l’interdiction du port de signes religieux pour les employés de l’État par une écrasante majorité. C’est une victoire importante des membres de la base qui militent depuis des mois pour changer la position de compromis de la […]

  • La rédaction
  • mar. 2 avr. 2019
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 Dans un concert d’applaudissements, les membres de Québec solidaire réunis en Conseil national cette fin de semaine ont voté contre l’interdiction du port de signes religieux pour les employés de l’État par une écrasante majorité. C’est une victoire importante des membres de la base qui militent depuis des mois pour changer la position de compromis de la direction. Quelques jours après le dépôt de l’odieux projet de loi 21 sur la laïcité de la CAQ, les membres de QS ont exprimé leur soutien aux minorités religieuses opprimées et leur refus catégorique des politiques racistes du gouvernement de François Legault.

 Cette victoire est le résultat du travail acharné des militants de la base organisés autour du groupe « Solidaires pour un Québec inclusif » qui ont milité pendant plusieurs mois pour que le débat ait lieu dans le parti. La Riposte socialiste a été active dans cette campagne. Vous pouvez écouter ici notre une conférence-discussion sur le sujet.

Depuis 2013, la direction de QS a plaidé pour une position de compromis basée sur le rapport Bouchard-Taylor, et proposait l’interdiction des signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité (policiers, juges, gardiens de prison). En effet, dans la foulée du débat sur la Charte des valeurs proposée par le PQ, qui prévoyait une interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour tous les employés de l’État, cette position avait été mise de l’avant. Plutôt que de dénoncer les politiques discriminatoires du PQ, la direction de QS avait alors choisi la voie de conciliation en proposant une simple version édulcorée, mais elle aussi discriminatoire, de la Charte du PQ. Plutôt que de prendre une position de principe contre la discrimination, la direction du parti s’est comportée de manière opportuniste en laissant tomber ses principes pour tenter de gagner des votes.

Pour justifier de défendre l’interdiction des signes religieux pour les employés de l’État en position d’autorité, la direction du parti s’appuyait sur la notion de « devoir de réserve », prévue au programme du parti et qui interdit aux employés de l’État de faire de la propagande quelconque (politique ou religieuse). Le Conseil national cette fin de semaine est venu mettre fin à cette interprétation. Le port de signes religieux n’est pas en soi une forme de propagande religieuse. C’est l’État qui doit être laïc, et non les travailleurs et travailleuses de l’État.

Lors de la discussion samedi matin au CN, de nombreux membres sont intervenus pour inscrire ce débat dans le contexte général de lutte contre les politiques de la CAQ et contre le racisme et l’islamophobie. Les militants de La Riposte socialiste et délégués pour la fin de semaine, Hélène Bissonnette et Fehr Marouf, ont également pris la parole. Hélène a défendue une position de classe, expliquant que la classe ouvrière ne profite aucunement de la discrimination des minorités religieuses, tandis que la CAQ se sert de cet enjeu pour diviser le mouvement ouvrier sur des lignes religieuses. Fehr, quant à lui, a expliqué que la nécessité de lutter contre l’islamisme en général ne devraient pas nous amener à revendiquer des mesures qui discriminent les minorités religieuses ici. Leurs interventions ont reçu un accueil extrêmement favorable.

Le gain qui a été fait au CN a une importante signification. Les membres ont rejeté par une large majorité l’opportunisme de la direction. Cela dit, il semble que Gabriel Nadeau-Dubois n’a pas bien entendu le message des membres. Dans le débat sur la laïcité, le CN a aussi voté contre l’interdiction du visage couvert pour les employés de l’État, à moins que cela nuise à l’exercice de la profession, à une norme de sécurité ou au devoir de réserve ou que cela constitue du prosélytisme. Peu de temps après le vote samedi, le co-porte-parole est déjà allé commettre un impair devant les médias en affirmant : « Personnellement, je n’ai pas idée d’une profession où ce serait possible [d’avoir le visage couvert], je ne suis pas capable de donner un exemple de situation où ce serait compatible avec l’exercice de la profession. » Plutôt que refuser d’entrer dans un débat complètement abstrait qui joue le jeu de la CAQ et qui ne fait que perpétuer un climat de racisme, il a répondu aux journalistes en donnant une interprétation très précise de la position prise par le CN. Andrès Fontecilla a fait sensiblement la même chose. Pourquoi alors avoir voté contre l’interdiction du visage couvert par un symbole religieux si l’aile parlementaire du parti vient ensuite affirmer publiquement que cela serait interdit?

Ce conflit au sein du parti est une lutte entre la base qui souhaite que le parti prenne une position de principe et l’opportunisme défendu notamment au sein de l’aile parlementaire. L’un des arguments souvent utilisés en défense du compromis Bouchard-Taylor est que la majorité des Québécois sont en faveur d’une interdiction du port de signes religieux pour certains emplois du secteur public selon plusieurs sondages. Cet argument illustre à merveille l’approche générale de la direction de QS qui, au fil des années, a souvent sacrifié les principes afin d’avoir l’air plus modéré et raisonnable et supposément gagner des voix. Nous l’avons vu lors du débat sur les alliances avec le PQ, une proposition qui a finalement été catégoriquement rejetée au congrès de 2017 par les membres.

Maintenant qu’un gain important a été fait, nous devons continuer à mobiliser les membres du parti pour lutter contre les compromis et le penchant à la modération. Dans la lutte contre le projet de loi sur la « laïcité » de la CAQ, nous devons démasquer la tentative de diviser la classe ouvrière et pointer vers le vrai coupable des problèmes de notre société, soit le système capitaliste lui-même. Comme l’a dit Catherine Dorion récemment : « Ce n’est pas (sic) les musulmans qui sont partout dans les couloirs à mettre du gros cash pour influencer nos gouvernements, c’est le capitalisme qui couche dans le lit de nos gouvernements ! »

Des millions de gens ont voté pour la CAQ car ils en ont assez des partis de l’establishment et voulaient du changement. Mais le gouvernement ne tardera pas à montrer ses vraies couleurs. Tôt ou tard, ce gouvernement de patrons va montrer les dents et attaquer les travailleurs et les jeunes avec des mesures d’austérité. Bien que Legault soit populaire dans les sondages actuellement, cet appui pourrait facilement s’évaporer au moment où son masque de « changement » tombera. Dans ce contexte, de nombreux travailleurs et jeunes seront en colère et chercheront une solution radicale aux politiques de Legault. La direction de QS doit abandonner son approche opportuniste et lutter pour des principes audacieux, des principes socialistes, qui peuvent inspirer et enthousiasmer des millions de travailleurs et de jeunes dans la lutte contre la CAQ.