Québec solidaire se transforme en une pâle copie du PQ

Il y a quelques années, Québec solidaire était le principal parti d’opposition et se « préparait à gouverner », alors que le Parti québécois se trouvait à l’article de la mort. Aujourd’hui, après avoir opéré un « recentrage », QS stagne dans les sondages autour d’un éternel 16%, et le PQ renaît de ses cendres et trône en tête des sondages.

  • Benoît Tanguay
  • lun. 8 avr. 2024
Partager

Il y a quelques années, Québec solidaire était le principal parti d’opposition et se « préparait à gouverner », alors que le Parti québécois se trouvait à l’article de la mort. Aujourd’hui, après avoir opéré un « recentrage », QS stagne dans les sondages autour d’un éternel 16%, et le PQ renaît de ses cendres et trône en tête des sondages.

Cette transformation est entièrement de la faute des dirigeants de QS, qui ont manqué une occasion en or.

La lune de miel avec la Coalition avenir Québec est définitivement terminée, alors que les scandales et décisions révélant son mépris complet des travailleurs québécois s’accumulent. 

Alors qu’une colère sourde gronde contre le statu quo pourri, un parti de gauche offrant aux travailleurs des solutions radicales aux problèmes du capitalisme en crise pourrait susciter un énorme enthousiasme. 

À la place, QS s’entête à jouer dans les plates-bandes du PQ. À la recherche d’un insaisissable électorat « souverainiste de centre gauche », Québec solidaire se fait constamment le relais des discours nationalistes les plus bornés. 

Dans le « débat » sur l’immigration, QS accepte la prémisse réactionnaire du débat selon laquelle il y a un « problème » avec l’immigration, plutôt que de dénoncer cette distraction. Le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard a même fait écho à la rhétorique de la droite nationaliste selon laquelle le Québec « a fait sa part ». Il propose d’envoyer par autobus dans les autres provinces les immigrants arrivant au Québec, mais rassurez-vous, il dit vouloir le faire avec « compassion ».

QS a aussi pathétiquement répété les plaintes de la CAQ et du PQ contre le refus de Justin Trudeau de donner le plein contrôle de l’immigration au Québec. Comme si QS ne comprenait pas que la CAQ et le PQ en font tout un plat pour susciter des divisions nationales et gagner quelques votes. 

Parlant des guerres de clocher fédérales-provinciales, les députés solidaires ont repris le discours péquiste et se sont insurgés contre « l’empiètement » du fédéral sur les compétences provinciales avec le nouveau (et très maigre) programme dentaire et de médicaments du NPD. Les travailleurs se réjouiront de savoir que QS les défend contre les méchants médicaments et soins dentaires fédéraux.

Alors que les travailleurs souffrent de la faim dans des appartements miteux, le parti met de plus en plus l’accent sur l’indépendance. Il a par exemple lancé la campagne « Nouveau Québec » pour en faire la promotion. La conséquence sera de pousser QS toujours plus à s’associer au « mouvement souverainiste »… c’est-à-dire au Parti québécois. 

Le député Sol Zanetti a même fait une publication Instagram dans laquelle il se réjouissait que la prochaine élection soit une « élection préréférendaire » et que son « rêve le plus cher se concrétise de plus en plus ». Est-il député péquiste? Car la seule chose à laquelle il pouvait faire référence est la perspective que le Parti québécois prenne le pouvoir aux prochaines élections.

Pas étonnant alors que les jeunes et les travailleurs radicalisés délaissent le parti – ce qui accélère d’autant plus sa transformation en un autre parti parlementaire de politiciens carriéristes. Un récent courriel de l’Association régionale de QS aux membres montréalais donne une image assez frappante de l’état moribond de la vie interne du parti : il portait le titre « AGA Québec solidaire Montréal 2024 – Aidez-nous à atteindre le quorum »…! 

Pendant ce temps, le PQ est bien en avance dans les sondages, confortablement à plus de 10 points d’avance sur la CAQ dans les intentions de vote. Il est probable que les anciens supporters du PQ, allés vers la CAQ en 2018, reviennent simplement à leur ancienne maison. C’est depuis la position de principe prise par le PQ contre le serment au roi que le vent a tourné – pendant que QS tergiversait mollement.

Tout ceci était loin d’être inévitable.

On dirait que les dirigeants de Québec solidaire ont étudié à l’école Mulcair de stratégie politique : copier les politiques de ton adversaire d’une façon insuffisante pour plaire à sa base électorale, mais assez pour aliéner ta propre base. Avec cette brillante stratégie, Thomas Mulcair, à la tête du NPD pendant la campagne électorale fédérale de 2015, avait réussi l’exploit de transformer l’énorme enthousiasme que suscitait le NPD et sa première place dans les sondages en une défaite cuisante et une troisième place.

Mais qui veut la contrefaçon quand la version authentique est disponible? 

Lorsque Québec solidaire a été fondé en 2006 par une coalition de groupes et partis anti-capitalistes, il pouvait susciter l’espoir de se transformer en un véritable parti socialiste représentant les travailleurs québécois. 

Depuis, il s’est « modéré » sous la pression de l’establishment capitaliste, abandonnant progressivement ses racines anti-capitalistes. 

Maintenant qu’il n’est plus capable de susciter le même enthousiasme, le parti cherche des panacées, et s’imagine qu’un virage nationaliste sera sa salvation. Ce faisant, il est en train de se transformer en une copie « cheap » du PQ. Sur ce chemin, Québec solidaire ne trouvera que la défaite.