Refus du serment au roi : La relique monarchique réactionnaire exposée

Le 19 et 21 octobre, les 14 élus de Québec solidaire et du Parti québécois ont refusé de prêter serment au nouveau roi d’Angleterre Charles III. Mais le président de l’Assemblée nationale a ordonné depuis que les dissidents soient expulsés du Salon bleu, dès l’ouverture de ses portes le 29 novembre, s’ils maintiennent leur refus. Considérant que deux tiers des Québécois pensent que les députés dissidents devraient pouvoir siéger, la monarchie vient une fois de plus de s’exposer comme l’institution antidémocratique qu’elle est. Cette crise est une occasion de mobiliser un mouvement de masse anti-monarchie. Le refus de prêter serment d’allégeance au roi devrait être reproduit dans tout le Canada.

  • Vincent R. Beaudoin
  • mer. 2 nov. 2022
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Le 19 et 21 octobre, les 14 élus de Québec solidaire et du Parti québécois ont refusé de prêter serment au nouveau roi d’Angleterre Charles III. Mais le président de l’Assemblée nationale a ordonné depuis que les dissidents soient expulsés du Salon bleu, dès l’ouverture de ses portes le 29 novembre, s’ils maintiennent leur refus. Considérant que deux tiers des Québécois pensent que les députés dissidents devraient pouvoir siéger, la monarchie vient une fois de plus de s’exposer comme l’institution antidémocratique qu’elle est. Cette crise est une occasion de mobiliser un mouvement de masse anti-monarchie. Le refus de prêter serment d’allégeance au roi devrait être reproduit dans tout le Canada.

Relique réactionnaire

Alors que la reine Elizabeth II vient de rendre l’âme, des débats ont lieu dans plusieurs pays du Commonwealth sur l’avenir de la monarchie. Pour les marxistes, le débat est déjà tranché : il faut abolir la monarchie. C’est une institution archaïque, coûteuse et antidémocratique. 

Mais elle n’est pas que symbolique, elle constitue une arme de dernier recours de la bourgeoisie lorsque le peuple va « trop loin » dans l’exercice de la démocratie et vient menacer le pouvoir de la classe dirigeante. On l’a vu en Australie en 1975 quand la monarchie a délogé du pouvoir le gouvernement du Labor Party pour bloquer ses réformes progressistes, ainsi qu’au Canada en 2008 avec la gouverneure générale Michaëlle Jean qui a maintenu au pouvoir le gouvernement minoritaire de Stephen Harper malgré l’imminent vote de non-confiance des autres partis qui l’aurait fait tomber.

Si on ajoute tous les scandales de la monarchie liés au racisme, aux agressions sexuelles, aux détournements de fonds et au maltraitement des employés, ce n’est pas une surprise que 53% des Canadiens croient que la monarchie britannique est dépassée et n’a plus sa place au 21e siècle, et que 74% des Québécois souhaitent l’abolition de la monarchie.

Les partis dissidents

Pendant la campagne électorale de septembre dernier, Paul St-Pierre Plamondon, le chef du PQ, a promis de trouver une façon de « contourner » le serment à la couronne britannique, et a tenu sa parole une fois élu en annonçant qu’il ne le ferait tout simplement pas. Les députés de QS ont alors emboîté le pas. Convoqués à prêter serment le 19 octobre, avant le PQ, les députés de QS n’ont prêté serment qu’au peuple québécois, suite à une entente entre QS et l’Assemblée nationale. Deux jours plus tard, les trois députés du PQ ont été à leur tour convoqués et ont refusé de prêter serment au roi. 

Jamais le serment à la Couronne n’a été remis en question de cette façon. Et encore une fois, Québec solidaire se retrouve à la traîne du PQ sur ce qui devrait être une question de base pour les démocrates et la gauche.

GND affirme que c’était l’intention du parti de ne pas prêter serment depuis longtemps. En 2018, les députés de QS avaient en effet demandé à l’Assemblée nationale de ne pas le faire. Mais après y avoir été contraints pour pouvoir siéger, ils ont simplement prêté serment à la reine à l’abri des caméras. Cette fois-ci, après avoir été forcés par le PQ à rassembler leur courage pour défier la monarchie, les députés de QS ont appelé les autres partis à tenir une réunion pour trouver un moyen de sortir de « l’impasse ». Ils ne veulent même pas utiliser cela d’une manière combative pour défier l’establishment, mais veulent simplement que chaque parti trouve un accord avec les autres partis, en essayant d’être le plus inoffensif possible.

Quant au PQ, bien qu’on puisse dire qu’il s’agit d’un geste audacieux de la part de PSPP, on peut se demander pourquoi le parti a attendu aussi longtemps. Cela a probablement beaucoup à voir avec le fait que jamais auparavant le parti n’a été aussi loin de prendre le pouvoir. Avec trois députés et au lendemain du pire score de l’histoire du parti, ils n’ont littéralement rien à perdre et tout à gagner à tenir tête au roi. Bien que le PQ ait parfois fait des gestes et déclarations de gauche par le passé, l’histoire a montré que plus ils se rapprochent du pouvoir, plus ils se plient à l’establishment et laissent leur image de gauche à la porte.

Les partis lèche-bottes

Le passe-droit temporaire accordé à QS et au PQ concernant leur serment au roi demeurait cependant symbolique et ne leur permettait pas de siéger au Salon bleu lors de la reprise des travaux parlementaires le 29 novembre, et ce, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. St-Pierre Plamondon voulait une motion pour permettre aux députés dissidents de siéger, ce qui avait été rejeté jusqu’à présent par la CAQ et les libéraux. 

La CAQ pense maintenant avoir dit son dernier mot en mobilisant le président sortant de l’Assemblée nationale, François Paradis, qui a déclaré le 1er novembre que même une motion ne suffirait pas pour passer outre l’obligation du serment. Il a même été jusqu’à dire : « Dans le cas où une personne refuserait de se plier à cette interdiction, la sergente d’armes sera légitimée de l’expulser »! Le député péquiste Pascal Bérubé maintient que lui et ses collègues ne céderont pas et se tiendront debout. 

Ainsi, même si la CAQ dit que « ça ne nous fait pas plus plaisir que personne de prêter serment à Charles III » et a pris l’habitude de se positionner comme les grands défenseurs du peuple québécois, elle n’a aucun problème à s’agenouiller devant nos oppresseurs historiques.

Blanchet contre les fous du roi

L’histoire a également éclaboussé la scène fédérale. Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a présenté une motion pour mettre fin à la relation entre le Canada et la monarchie britannique. Lui qui, quelques semaines plus tôt, avait déclaré que la reine Elizabeth II avait eu « le désir d’être une force positive », « au cœur d’un siècle trouble », a maintenant sauté dans le train en marche. 

Malheureusement, mais sans surprise, la motion a été rejetée le 26 octobre à une écrasante majorité. La veille, Blanchet avait mentionné qu’il n’était « pas sincère » lorsqu’il a prêté le serment d’allégeance obligatoire à la couronne. Sa déclaration a suscité un tollé auprès des petits chiens de poche de la monarchie : les libéraux réclament sa démission! Le chef du Bloc a expliqué que voter contre sa motion implique de « cautionner l’Empire britannique du 18e siècle, qui est à peu près l’institution la plus raciste qu’on ait connue dans le monde. » (Souligné par nous). Bien que le Bloc n’ait certainement que très peu d’autorité pour donner des leçons sur le racisme, ces paroles sont justes. 

Scandaleusement, Jagmeet Singh, le chef du NPD, s’est abstenu sur la motion du Bloc Québécois. Organiquement incapable de prendre une position audacieuse, Singh dit fonctionnellement qu’il n’est pas prêt à se battre pour la démocratie de base. Au moins, des députés comme Niki Ashton et Alexandre Boulerice ont voté avec le Bloc. Mais avec Singh comme chef, le NPD se maintiendra dans sa position mitoyenne de soumission à la classe dirigeante et à ses institutions tout en prétendant se battre pour les travailleurs et les pauvres.

Pour un mouvement de masse visant l’abolition de la monarchie!

Quoiqu’il arrive, il est de plus en plus clair pour de plus en plus de personnes que nous ne vivons pas dans une démocratie. Le serment au roi est un symbole derrière lequel se cache une foule d’institutions réactionnaires : le Sénat, la sanction royale des lois, la gouverneure générale possédant des pouvoirs antidémocratiques, et plus encore. La classe dirigeante et ses partis craignent qu’une crise constitutionnelle au sujet de la monarchie mène à remettre en question l’ensemble de la fédération canadienne et le système capitaliste qu’elle défend – et qui sait où un tel mouvement pourrait mener.

C’est pourquoi la CAQ, malgré ses prétentions de défense des Québécois, n’a aucune intention de défier la monarchie. Ajoutons que le PQ lui aussi défend le statu quo capitaliste et qu’il n’irait donc pas non plus jusqu’au bout de sa rhétorique anti-monarchie en raison de ses conséquences révolutionnaires.

QS se retrouve avec une opportunité en or de pouvoir défier les reliques féodales de nos institutions supposément démocratiques et de pouvoir exposer la CAQ. QS s’est toujours décrit comme le parti des urnes et de la rue; ils bloquent le parlement, prenons la rue! Le serment ne sera vraisemblablement pas vaincu par de simples manœuvres parlementaires. QS devrait appeler à la mobilisation, par exemple en commençant par organiser une large manifestation anti-monarchie. Les députés devraient refuser de siéger tant que l’Assemblée nationale maintient son refus.

Tout député le moindrement démocrate devrait refuser de prêter serment au roi partout au Canada. Ce serment est un symbole qui doit être aboli. Mais ultimement, c’est la monarchie elle-même qui doit disparaître. Et pour s’attaquer à cet outil précieux de la classe dirigeante, il faudra s’attaquer à la classe dirigeante elle-même, et lutter pour une nouvelle société véritablement démocratique, une société socialiste.