Le meurtre du jeune Nahel, 17 ans, par un policier à Nanterre, mardi matin, suscite une puissante vague d’indignation et de colère à travers la France. La vidéo est claire et nette : le policier a délibérément assassiné le jeune homme, qui ne menaçait personne. Ignorant qu’il avait été filmé, le policier a déclaré que Nahel menaçait de le tuer. C’est ce que font, sans cesse, des policiers qui se livrent à des « bavures » de toutes sortes : ils mentent, confiants dans la complicité des institutions policière et judiciaire.

Mais la vidéo, elle, ne ment pas. Elle est le grain de sable qui grippe la machine étatique, le morceau de vérité brute qui ridiculise la « présomption d’innocence » et autres arguties dont les journalistes réactionnaires arrosent le pays, depuis deux jours. Chacun comprend que, sans cette vidéo, le policier n’aurait probablement pas été inquiété – et que faute de vidéos, de nombreux meurtres perpétrés par des policiers, dans des circonstances similaires, ont été enterrés sous un tas de mensonges et de silences complices.

Redoutant une réédition des émeutes de 2005, le gouvernement s’est dit « choqué » par la vidéo, a promis que la justice serait rendue et a appelé au « calme ». En vain. Dans la nuit de mardi à mercredi, des affrontements entre des centaines de jeunes et la police éclataient à Nanterre et dans d’autres villes de la banlieue parisienne. Mercredi soir, les affrontements ont gagné de nombreuses villes, non seulement en banlieue parisienne, mais à l’échelle nationale.

Les émeutes pourraient se développer au cours des prochains jours. Le meurtre de Nahel est loin d’en être la seule cause. Il en est le catalyseur, l’étincelle tombée sur d’énormes réserves de matériaux explosifs qui se sont constituées, au fil des années, à coup d’humiliations, de discriminations, de stigmatisations, de racisme d’État, de violences policières, de chômage et de misère en tout genre.

Comme en 2005, le gouvernement et ses relais médiatiques versent des larmes de crocodile sur les voitures et les bus incendiés. Ils y voient une occasion de mobiliser l’opinion publique contre les jeunes émeutiers, qui sont et seront soumis à une intense répression policière. Les jeunes interpelés subiront probablement des peines « exemplaires ». La droite et l’extrême droite s’efforceront de tirer un profit politique de la situation – au nom de « l’ordre », de la « sécurité » et même, naturellement, de « la République » (bourgeoise).

Dans ce contexte, la gauche et le mouvement syndical ne doivent pas se cantonner au rôle d’observateurs et de commentateurs. Il faut donner aux événements un contenu de classe clair. Les organisations du mouvement ouvrier doivent tout faire pour mobiliser l’ensemble des jeunes et des travailleurs dans une lutte massive contre l’État bourgeois, contre le gouvernement, contre la répression policière et judiciaire de la jeunesse. Des manifestations et des rassemblements massifs doivent être organisés, dans les quartiers populaires, pour donner à la révolte de la jeunesse l’expression la plus organisée, la plus consciente et la plus efficace possible. Ceci permettrait à l’ensemble des populations de ces quartiers – et non seulement les plus jeunes – de participer au mouvement. Dans le même temps, cela couperait l’herbe sous les pieds des politiciens réactionnaires qui stigmatisent la « violence » des émeutiers et s’efforcent de tourner l’opinion publique contre ces derniers.

Le lien doit être établi, expliqué, martelé, entre le harcèlement policier que subit la jeunesse des quartiers les plus pauvres, d’une part, et d’autre part la politique anti-sociale du gouvernement contre laquelle des millions de personnes se sont mobilisées depuis le mois de janvier. Ce sont deux aspects du même problème, du même système d’exploitation et d’oppression, de la même domination d’une classe de parasites richissimes sur l’écrasante majorité de la population. C’est cette classe capitaliste qui sème la misère, le chômage et le chaos. C’est cette même classe qui contrôle l’appareil d’État, sa police, ses institutions judiciaires. C’est encore elle qui possède et contrôle les grands médias dont l’une des missions centrales est d’alimenter sans cesse la propagande raciste, sous n’importe quel prétexte. C’est donc contre cette classe et son système – le système capitaliste – que le mouvement ouvrier doit s’efforcer d’orienter la colère qui explose, une fois de plus, dans la jeunesse la plus opprimée du pays. Nul doute que si le mouvement ouvrier parle un langage révolutionnaire à cette jeunesse, elle y répondra avec enthousiasme et énergie.